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bd - Page 8

  • Des filles atomiques

    Le grand intérêt de Radium Girls de Cy (éd. Glénat), Prix BD 2021 du site Lecteurs.com, est de raconter une histoire éloquente : celle d’ouvrières américaines contaminées par le radium au cours de la première moitié du XXe siècle.

    Le récit commence en 1918 lorsqu’Edna Bolz est recrutée comme ouvrière dans une usine d’horlogerie. Elle est chargée de peindre minutieusement les aiguilles de cadrans de montres, grâce à une technique de "marquage aux lèvres" (le "lip" et "dip"). Le hic d’importance, et dont personne n’est conscient des conséquences est que la peinture utilisée, permettant de lire l’heure dans le noir, est bourrée de radium. Bientôt, les premières ouvrières tombent malades puis meurent dans d’atroces souffrances.

    Une histoire vraie de lanceuses d’alertes 

    Pour raconter cette histoire vraie de lanceuses d’alertes – l’expression n’existait pas à l’époque – qu’étaient Edna Bolz, Grace Fryers, Katherine Schaub, Albina Maggia, Mollie Maggia et sa sœur Quinta Maggia, Cy choisit de faire un récit raconté à hauteur de femme, sans misérabilisme ni effets  appuyés. Au noir et blanc qui aurait pu être de circonstance, la dessinatrice choisit des couleurs pastel : le violet et le vert… radium.

    Ce qui intéresse Cy est le combat de ces ouvrières modestes, en guerre contre leur employeur et contre la société pour faire reconnaître leur maladie professionnelle. "On observe l’injustice, la machinerie de la Société de l’époque", dit Cy dans l’interview en fin de volume. Il s’agit aussi et surtout d’un combat féministe, ce que l’auteure commente ainsi : "Mon travail fait écho à ce bouillonnement, de même que la lutte des femmes des années passées fait écho aux luttes des femmes d’aujourd’hui".

    En sortant, Edna, Grace, Katherine, Albina, Mollie et Quinta de l'oubli, Cy a fait plus que réhabiliter des victimes du radium : elle redonne vie à des combattantes et des figures du féminisme.   

    Cy, Radium Girls, éd. Glénat, 2020, 136 p.
    https://maistaistoidonc.blogspot.com
    https://www.glenat.com/karma/radium-girls-9782344033449

    Voir aussi : "Faites un vœu"

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  • Le plus moderne des Astérix

    Certes, toute aventure d’Astérix est surveillée mais pa 39e du petit Gaulois, Astérix et le Griffon (éd. Albert René), était d’autant plus attendue qu’elle était la première depuis la mort d’Uderzo, survenue l’an dernier. C’est dire comme cet opus de Jean-Yves Ferri et Didier Conrad apparaît comme un jalon important dans l’histoire de cette saga.

    Pour ce nouvel épisode, Astérix et Obélix, accompagnés du druide Panoramix et du fidèle Idéfix, partent au Barbaricum, cette vaste zone située au-delà de l’Empire, effrayante, étrange mais aussi fascinante. Le druide gaulois a été appelé à l’aide par le chaman Cékankondine. Dans le même temps, César décide d’y envoyer une armée pour y chercher le griffon, un animal fantastique qui serait du plus bel effet à Rome. Pour cela, ils ont une otage qui doivent, selon eux, les conduire vers le précieux griffon – si encore il existe. Le géographe, au nom prédestiné de Terrinconus, est chargé de mener la légion vers cet objectif. La rencontre entre Romains et Gaulois sur les terres barbares promet d’être explosive.

    On sait que les aventures d’Astérix alternent entre histoires au sein du village et excursions dans le vaste Empire romain. Pour Astérix et le Griffon, le voyage des valeureux résistants gaulois se passe dans une contrée exotique, à la limite du fantastique. Il y est question d’un monstre légendaire, du confins du monde (occasion de parler malicieusement de la théorie de la terre plate) mais aussi d’amazones.

    La révolution féministe de #MeeToo est évidemment passée par là

    Ces Amazones sont d’ailleurs l’une des créations les plus intéressantes de l’album : ces femmes guerrières – que ce soit Maminovna, Kalashnikovna ou Krakatnova – dominent une petite société où ce sont les hommes qui sont chargés des tâches ménagères. La révolution féministe de #MeeToo est évidemment passée par là.

    Moderne, l’album l’est aussi dans ses clins d’œil : dans la grande tradition de la saga imaginée par Goscinny et Uderzo, Terrinconus a les traits d’une célébrité, en l’occurrence Michel Houellebecq. Et toujours dans la modernité, les deux auteurs font un sort aux théories du complots et aux fake news.

    L’album se termine avec un banquet final, mais aussi une fin non sans un mystère autour de l’impressionnante, muette et sémillante Kalashnikovna.

    Un très bon album, moderne et graphiquement réussi grâce à des paysages dessinés avec soin. 

    Jean-Yves Ferri et Didier Conrad, Astérix et le Griffon, éd. Albert René, 2021, 48 p,
    https://www.asterix.com

    Voir aussi : "Astérix dans la gueule du griffon"

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  • Faites un vœu

    Salvatore Callerami au texte et au dessin et Antonio Fassio à la couleur signent le premier volume de la bande dessinée Dandelion (éd. Shockdom).

    Ce n’est pas une mais trois histoires qui sont proposées, en plus d’un prologue. La magie est le dénominateur commun de ces contes, destinés autant aux adultes qu’aux enfants.  

    Wéma est la charmante petite héroïne du volume. Il s’agit d’une dandelion, un esprit invisible née à partir d’un pissenlit sur lequel on souffle – le dandelion étant en botanique l’autre nom de cette fleur commune.

    Wéma ("Bienveillance") est une créature protégée par son guide, le lion Jua. La mission du dandelion ? Contribuer à rendre le monde et les hommes meilleurs en réalisant des vœux ("Le mal est partout. Il peut surgir au coin de la rue… la plupart du temps il se manifeste… comme une vocation naturelle de l’être humain"). Une petite fille lui donne l’occasion d’exercer son pouvoir le jour où elle souffle sur un pissenlit : Wéma doit répondre au vœu de rendre le chat de cet enfant éternel. Sur les conseils d’Yvonne, une déesse de retour d’exil, le dandelion part à la recherche de Kadish, une magicienne et protectrice des chats. Wéma s’embarque dans une aventure délicate et dangereuse. 

    Un chant d’amour pour les chats

    Le premier volume de Dandelion se lit comme un ensemble de contes à la fois fantastiques et philosophiques. Dans ce récit initiatique, Il y est question de l’enfance, de la cruauté de la vie et de la consolation que peuvent-être les souvenirs et la mémoire : "Apprendre à connaître le souvenir est important. Mais aussi savoir maintenir l’équilibre entre les plus tristes et les plus heureux".

    Le récit de Wéma ("Les lunes des chats") est suivi par deux autres histoires. L’une est consacrée à la genèse de Kadish, l’esprit des chats ("Kadish, la Dame des Chats") tandis que l’autre, plus moderne, raconte l’histoire de "Liubov, la petite fille à la robe de soie", dans une mise en page pastel, aux traits esquissés et au graphisme s’approchant de celui de certains mangas.

    La bande dessinée de Callerami et Fansion est aussi un chant d’amour pour les chats : "Égocentriques et toujours à la recherche d’attentions. [Les chats] ont l’habitude d’enchanter ceux qui les aiment par des miaulements langoureux, pour que l’homme préserve leur mémoire, seul moyen que leur esprit ne se dissipe pas complètement… Des souvenirs qui peuvent apporter du plaisir, mais aussi nous faire regretter ce que nous avons perdu."

    Salvatore Callerami et Antonio Fassio, Dandelion, vol. 1, Faites un vœu,
    éd. Shockdom, 2021, 96 p.

    https://shockdom.com
    https://www.facebook.com/salvo.callerami
    https://www.facebook.com/fassioantonio

    Voir aussi : "Frohe Weihnachten, Giulia"

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  • Chers yōkai, où êtes-vous?

    Nous avions parlé il y a quelques semaines du duo d’Atelier Sentô et de leur très bel album Rêves de Japon. Il paraissait indispensable de revenir sur le très bel album qui a fait connaître les plus nippons de nos auteurs français, Cécile Brun et Olivier Pichard. Si le terme de mangaka peut aller à merveille à des auteurs de BD, c’est bien eux. Avec Onibi, sorti en 2016 aux éditions Issekinicho.

    L’amour du Japon est à chaque page de cette bande dessinée racontant les pérégrinations de Cécile et Olivier – les deux auteur, donc – au Pays du Soleil Levant dans la région de Niigata. Les deux globe-trotteurs ont posé leur valise dans le village de Saruwada où se déroule un festival. Au cours de leur pérégrination, ils entrent dans une échoppe où un vieil homme leur vend un appareil photo sans âge. Il s’agit d’un bi-objectif très particulier puisqu’il a la faculté de pouvoir photographier des yōkai, ces esprits légendaires hantant le Japon. Muni de l’appareil, le voyage continue, avec un objectif supplémentaire pour les deux Français : capter ces fantômes. 

    Un joli conte sous forme de manga à la facture occidentale

    Faux-récit de voyage, Onibi (du nom d’une des nombreuses créatures artificielles) est un joli conte sous forme de manga à la facture occidentale. Cécile et Olivier partent autant à la recherche de yōkai, renards magiques et autres fantômes qu’à la rencontre des habitants des Japonais qui les côtoie. C’est souvent autour d’un bento, d’un bol de soupe ou d’une tasse de thé que se font les conversations : la rencontre d’une vieille femme avec un animal fabuleux lorsqu’elle était enfant, la découverte d’un "monde flottant", une montagne magique ou une ville construite entre deux mondes.

    L’appareil-photo est au cœur de ce voyage et les auteurs ont astucieusement choisi de ponctuer les chapitres par les clichés pris par l’héroïne, mais qu’elle ne verra finalement pas, au contraire du lecteur. Cela donne à l’album une impression supplémentaire de mystère, bien plus que si le duo de l’Atelier Sentô s’était contenté d’une BD classique. Onibi se termine avec un carnet de bord, qui n’est pas sans renvoyer à leur album plus récent, Rêves du Japon.

    Atelier Sentô, Onibi, Carnets du Japon invisible, éd. Issekinicho, 2016, 128 p.
    http://ateliersento.com
    https://www.facebook.com/AtSento
    https://www.issekinicho.fr

    Voir aussi : "Géants de papier et autres yōkai"

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  • Frohe Weihnachten, Giulia

    Avec Bonjour, Offenbach !, paru aux éditions Shockdom, Luigi Formola et Antonio Caputo proposent une bande dessinée particulièrement sensible, racontée et dessinée à hauteur d’homme et de femme, sur un sujet a priori aride : l’immigration.

    Le récit se déroule en Allemagne au cours des années 70. Il faut tout de même préciser que le choix de cette période n’est pas le plus important. Ce qui l’est plus est le choix de faire de cette histoire ordinaire un conte de Noël.

    Le personnage suivi par les auteurs transalpins est précisément une Italienne, Giulia. Elle s’est installée avec sa famille en Allemagne, à Offenbach-sur-le-Main, non loin de Francfort. Mariée et mère de deux enfants, elle travaille dans un hôtel-restaurant, ne comptant pas plus ses heures et ses week-ends que Paolo, son mari, un ouvrier des chantiers. Les deux enfants, Nicola et Teresa ont commencé leur scolarité au milieu de nouveaux camarades de classes, pas souvent très drôles pour ces petits Italiens et même carrément racistes pour le dire franchement ("Ton père creuse la terre comme un homme des cavernes ? et ta mère est une domestique qui vide nos poubelles"). 

    Un conte de Noël

    C’est donc en Allemagne que la famille italienne s’apprête à passer son premier Noël, loin de sa terre natale, et pour Giulia cette acculturation est cruelle : "Je ne peux pas me permettre que l'âme de ma famille s’assombrisse, recouverte par une couche de neige… Je ne peux pas m'enfermer dans une cage où il n'y aurait que le travail." Cette fêtes de fin d’année ont un goût cruel pour cette immigrée italienne, pourtant a priori parfaitement intégrée mais pour qui il manque sans doute l'essentiel : "Rêver d'un peu d'amour,  de romantisme, n'est plus la priorité. Cela a cessé de l'être au moment où nous avons passé la frontière italienne…"

    Bonjour, Offenbach ! propose une histoire simple et touchante : celle d’immigrés catholiques italiens devant se faire à une nouvelle vie, un nouveau pays, une nouvelle langue et une nouvelle culture.

    En dépit du choix pertinent de placer ce récit dans le passé, les questions posées par Giulia restent toujours valables : comment refaire sa vie ailleurs ? Que faire de ses origines ? Comment vivre le racisme ? L’une des réponses à ces questions existentielles, c’est Giulia elle-même qui la propose, avec justesse : "Souvent la vie nous oblige à être un passager à la merci de ses choix… Ce qui compte, ce n'est pas la chaleur de l'endroit où l'on vit… mais la chaleur qui touche l'âme".

    Luigi Formola et Antonio Caputo, Bonjour, Offenbach !, éd. Shockdom, 2021, 128 p.
    https://shockdom.com
    https://www.instagram.com/luigi_formola

    Voir aussi : "Ce que l’on fait et ce que l’on est"

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  • Ce que l’on fait et ce que l’on est

    L’explication du titre du manga Chiisakobé de Minetarô Mochizuki (éd. Le Lézard noir) est expliqué au début du second tome. Shigeji, le narrateur et personnage principal, raconte à un de ses employés un récit mythologique autour d’un empereur et d’un de ses serviteurs, surnommé  Chiisakobé-Sugaru. Une note de l’éditeur explique que "Chiisakobé n’est pas un terme répertorié dans les dictionnaires mais sa consonance évoque l’idée de « petit enfant »".

    Sans doute la clé de ce formidable manga en quatre volumes est-elle dans cette idée d’enfance et d’élévation. Le récit commence avec la mort accidentelle des parents de Shigeji au cours d’un incendie. Voilà cet étrange personnage, jeune homme décalé mais discret, orgueilleux et droit, contraint de prendre la succession de l’entreprise familiale.

    La tâche est compliquée : Daitomé est une société artisanale spécialisée dans la construction. Pour ce jeune homme au look de hipster, avec une barbe qui lui mange le visage, être catapulté entrepreneur est un défi qu’il entend bien relever, sans renier ses obligations ni son éthique. La situation se complique lorsque Shigeji apprend que Ritsu, une jeune femme revenu dans son quartier et qu’il a embauché comme femme de ménage, souhaite continuer à s’occuper des enfants d’un orphelinat qui a brûlé dans l’incendie. Shigeji accepte d’héberger ces cinq gamins cabossés dans la vie, laissant à Ritsu la charge de les élever. Bientôt, l’ancienne hôtesse se voit seconder par la douce Yûko. Entre cette fille de banquier et le jeune entrepreneur et orphelin, une relation de confiance s’installe. Ritsu observe cela à distance, alors que les déconvenues pleuvent autour de l’entreprise bien mal en point.

    Chiisakobé c’est ça : une leçon de vie, de courage et de lutte contre la peur

    Chiisakobé est l’adaptation en bande dessinée d’un roman de Shūgorō Yamamoto (1903-1967). Le mangaka Minetarô Mochizuki l’a adapté à notre époque, donnant à ce récit sur le deuil, l’enfance, l’amour et la construction de soi l’aspect d’un conte moderne. La barbe drue de Shigeji est une formidable invention en ce qu’elle rend son visage illisible et mystérieux. C’est par ces paroles que le personnage héroïque finit par se dévoiler face à sa femme de ménage, la bouleversante Ritsu : "Je pensais que les choses importantes se trouvaient quelque part dans le monde extérieur… Et je m'enorgueillais de vivre seul. Mais ces derniers temps, j’ai compris toutes sortes de choses. En fait, j’avais peur de devenir quelqu’un… Je veux devenir un homme accompli."  

    Chiisakobé c’est ça : une leçon de vie, de courage, d’abnégations, de respects de règles et de lutte contre la peur. Pour Shigeji, ce combat intérieur passe par des actions généreuses qui peuvent être incomprises dans ce Japon encore façonné par des traditions multimillénaires.

    La bande dessinée de Minetarô Mochizuki est dominée par des personnages inoubliables :  Shigeji, bien sûr, mais aussi Ritsu et la lumineuse et attachante Yûko, les deux femmes naviguant autour du jeune chef d’entreprise, fascinant par sa manière d’affronter petits et grands malheurs avec un mélange de calme et de pugnacité.

    Pour construire ce récit plein de tact, Minetarô Mochizuki a privilégié des cadrages vivants et des gros plans sur des parties du corps (pieds, mains croisés, regards) et les petits objets du quotidien (bentō, plateaux repas, outils de charpentiers) donnant à ce remarquable manga en quatre tome un récit se déroulant lentement, avec précision et poésie. Une petite merveille. 

    Minetarô Mochizuki, Chiisakobé, 4 tomes, éd. Le Lézard noir, 2013-2015
    http://lezardnoir.com

    Voir aussi : "Aimez-vous les livres pour enfants ?"

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  • Aimez-vous les livres pour enfants ?

    Cette question, à vrai dire le narrateur personnage principal de la saga Le Maître des Lives de Umiharu Shinohara (éd. Komikku), ne se l’ai jamais posée. Du moins jusqu’à un certain soir de beuverie. En pleine nuit, après une fête bien arrosée, Miyamoto entre par hasard dans une bibliothèque privée destinée à la jeunesse et joliment nommée La Rose Trémière. L’homme désœuvré, qui ne désire pas rentrer chez lui tout de suite, découvre un univers qui lui est inconnu. L’endroit est tenu par un certain Mikoshiba, un bibliothécaire aussi doué que détestable. Colérique, jaloux de ses compétences et souvent fermé, il fait une très désagréable première impression au visiteur impromptu.

    Pourtant, ce dernier décide d’y revenir. La bibliothèque pour enfants et ses livres lui deviennent familiers et il fit par se lier d’amitié avec ceux qui y travaillent ou ceux qui y viennent. Il y a d’abord les deux employées, Mizuho, la blonde et Itaya, la brune. Il y a aussi Shôta, un jeune garçon insolent qui finit lui aussi par se sentir comme chez lui dans cette bibliothèque. La propriétaire, la mystérieuse et magnétique Kotegawa apparaît à la fin du premier volume. Sans oublier bien entendu Mikoshiba, le véritable maître des lieux.

    Avec sa facture classique de manga venu tout droit du Pays du Soleil Levant, Le Maître des Livres est une saga relativement modeste dans son genre : "seulement" 15 volumes parus de 2011 à 2017. Le tour de force de cette série de BD créée par Umiharu Shinohara est de proposer une histoire simple, attachante et non sans qualités pédagogiques.

    Une histoire passionnante et non sans qualités pédagogiques

    Aux lecteurs que ce dernier terme pourrait faire fuir, précisons que suivre les pas de Miyamoto, ce Tokyoïte découvrant une bibliothèque inconnue et des ouvrages dont il n’avait souvent qu’entendu parlé, donne envie de lire à son tour les classiques de la littérature japonaise ou mondiale évoqués : les contes de Nankichi Niimi, Robinson Crusoé de Daniel Defoe, Le prince heureux d’Oscar Wilde, L’Île au Trésor de Robert-Louis Stevenson ou Le Merveilleux Voyage de Nils Holgersson à travers la Suède de Selma Lagerlöf. Ces histoires, connus ou moins connus de ce côté-ci du monde, viennent en écho au récit des protagonistes qui n’auraient jamais dû se rencontrer.  

    Là est vraiment le grand atout du Maître des Livres : les aventures de Miyamoto et ses amis de la bibliothèque La Rose Trémière comptent finalement autant que la mise en image de contes pour enfants, trouvant pleinement leur sens dans l’histoire de cette petite société littéraire dominée par Mikoshiba, le personnage sans doute le plus romanesque parce que le plus mystérieux. Le premier tome se termine par un marché proposé à Miyamoto par Kotegawa, la véritable maîtresse des livres. On peut s’attendre à des rebondissements pour la suite.    

    La saga de Umiharu Shinohara s’étale sur 15 volumes – une bagatelle pour un manga – et qui a l’avantage de pouvoir capter un large lectorat sans pour autant le lasser. 

    Umiharu Shinohara, Le Maître des Livres, tome 1, éd. Komikku, 2011, 
    https://www.facebook.com/komikku
    https://shukanmanga.jp

    Voir aussi : "Géants de papier et autres yōkai"
    "Marcher pas à pas au gré du vent"

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  • Géants de papier et autres yōkai

    Derrière l’Atelier Sentô, se cachent Cécile Brun et Olivier Pichard, les auteurs français du très bel album, Rêves de Japon (éd. Omaké Books). On les avait découverts grâce à leur manga Onibi (éd. Issekinicho), un manga à mi-chemin entre Occident et Orient. On y suivait les pérégrinations de Cécile et Olivier – évidemment les alter-egos de la dessinatrice et du scénariste – au pays du Soleil Levant et des yōkai, ces esprits qui abondent dans la tradition nipponne. Plusieurs pages sont consacrées à ce sujet (cases, crayonnés, études). Pour leur livre Rêves de Japon, le voyage se fait hommage dépaysant, grâce à des illustrations nombreuses et un texte français traduit en anglais et en japonais.

    Les deux acolytes de l’Atelier Sentô parlent de leur fascination pour un pays attachant, riche, complexe et infiniment séduisant. Ce qui intéresse Cécile Brun et Olivier Pichard est ce Japon multimillénaire qui a su conserver et jalousement défendre ses traditions et son folklore en dépit des son attachement à la modernité et aux technologies où il excelle.

    "Ces paysages éphémères, désormais lointains, se glissent dans nos rêves. Les yeux fermés, nous nous préparons à un nouveau voyage" disent les auteurs. La couverture de l’ouvrage ne pouvait pas être mieux trouvée : une jeune femme en kimono, allongée au milieu d’un paysage oriental, regarde un papillon se poser délicatement au bout de ses doigts. Le lecteur a entre les mains un authentique livre poétique qui est aussi un chant d’amour pour le pays de Miyazaki. Le cinéaste, "un monument" fait d’ailleurs l’objet de plusieurs pages. 

    La couverture de l’ouvrage ne pouvait pas être mieux trouvée

    Rêves de Japon se veut aussi une déambulation dans un pays infiniment riche : les ruelles si typiques qu’elles semblent hantées, les jardins zen, les dagashiya, ces boutiques adorés par les enfants, les villages subtropicaux du sud du Japon ou les temples, identifiés par les torii, les emblématiques portails rouges.

    À côté des nombreuses pages consacrés aux yōkai ("Terreurs nocturnes"), ces fameux esprits semblant hanter jusqu’aux cités les plus modernes, les auteurs consacrent de nombreuses pages aux habitants et en particulier et aux enfants croisés au cours de leur pérégrinations, croqués non sans fantaisie – et fantastique : le lecteur s’arrêtera avec plaisir sur les délicates aquarelles, que ce soit la femme aux deux bouches, la renarde ou la lectrice au grand cou.

    Pour compléter sur cet album, le lecteur y trouvera quelques secrets de création de leurs auteurs ainsi que des planches de manga inédites ("Minicomic", "Komura", "Natsuko").

    Sur ce livre personnel à plus d’un égard, ce sont leurs auteurs qui en parlent le mieux : "Entre ombre et lumière, le Japon nous murmure des histoires".

    Atelier Sentô, Rêves de Japon, éd. Omaké Books, 2019, 217 p.
    http://ateliersento.com

    Voir aussi : "Complètement baba de bulles"
    "Aubusson tisse Miyazaki"

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