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blues

  • On ne meurt pas deux fois

    Qui a dit que le rock était mort, enterré par le rap, l’électro et la pop ? Le groupe Blue Deal entend bien montrer le contraire avec un album au titre éloquent à la James Bond, Can’t Kill Me Twice.

    Dès le premier extrait, "Short Time Runner", nous voilà en terre bien connue, le groupe allemand, dont il s’agit du deuxième opus, nous invitant à une plongée dans l’essence même du rock – batterie, guitares, sans oublier la voix rocailleuse de Joe Fischer.

    Le rock des quatre garçons dans le vent laisse largement la place au blues, savamment dosé dans le morceau "Hard Times", lorsqu’il n’est pas revendiqué, à l’instar du single "Got 2 Go". On retrouve dans ce morceau l’essence musicale du grand sud américain : les paysages désertiques et fascinants, la vie harassante, l’appel du grand large et un parfum de désillusion ("I need to make good money / I hope the eagles won’t fly too high").

    Le groupe européen venu de la Forêt Noire connaît ses classiques et entend bien non seulement revisiter le rock mais prouver que ce genre reste vivant et même promis à un grand avenir. Tout cela sonne vrai, avec ce qu’il faut de rugosité, y compris dans la jolie déclaration d’amour "Favorite Mistake".  

    Le blues devient caresse et le rock promesse

    "Can’t Kill Me Twice", qui donne son titre à l’album, séduit particulièrement par son rythme langoureux. Le blues devient caresse et le rock promesse.

    Avec "Bluecata", nous voilà dans un court titre pop-rock instrumental. Cette interlude musicale ouvre la seconde partie de l’album avec "1942" au blues assumé, avec cette touche seventies et ces riffs de guitares psychédéliques au service d’un morceau de plus de cinq minutes. L’ambition artistique du groupe Blue Deal est là, évidente et servie par une production impeccable.

    "Gilded Age" prend le contre-pied de "1942" avec un morceau très blues-rock à la ZZ Top, et plus dense (moins de trois minutes). L’auditeur se laissera également porter par la jolie balade "Seen To Be Believed", sans doute l’un des plus séduisants morceaux de l’opus.

    Can’t Kill Me Twice s’écoute comme une vraie déclaration d’amour pour un genre essentiel de la musique d’aujourd’hui. L’essence pure du rock est intacte dans l’énergique "Stand By" alors que le bien nommé "Over" vient clore avec élégance – et une facture là aussi seventies – un album prouvant, s’il en est besoin, que l’Europe est encore l’un des meilleurs ambassadeurs de la musique pop-rock... américaine. 

    Blue Deal, Can’t Kill Me Twice, Dixiefrog, 2024
    https://blue-deal.com/fr/home-fr
    https://www.facebook.com/BlueDealMusic
    https://www.instagram.com/bluedealmusic
    https://www.diggersfactory.com/fr/vinyl/318318/blue-deal-cant-kill-me-twice

    Voir aussi : "Qui êtes-vous, Nicolas Réal ?"

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  • Rui Lopes, le basson peut lui dire merci

    Le basson. Voilà un instrument rare, peu mis en valeur dans le répertoire classique, si ce n’est dans les grands orchestres, mais noyé dans la masse... Voilà qui rend la démarche du bassoniste Rui Lopes passionnante. Grâce à son album Close Encounters, il nous fait découvrir son instrument à travers un choix d’œuvres d’Édouard du Puy, Wynton Marsalis (et oui!), mais aussi Camille Saint-Saëns et Astor Piazzolla. À noter aussi la présence d'artistes moins connus, la compositrice Helena Winkelman et Marcelo Nisinman.

    Le son rond, grave, picaresque, pour ne pas dire pittoresque, du basson se déploie avec fraîcheur dans le "Quintette pour basson, violons, alto et violoncelle" d’Édouard Du Puy. L’auditeur découvrira sans doute ce compositeur suisse de la fin du XVIIIe siècle, à la facture très classique, pour ne pas dire mozartienne, mais qui nous ouvre une jolie œuvre mettant en relief et en valeur le basson.  

    L’auditeur sera certainement intrigué par l’apparition de Wynton Marsalis dans ce programme classique et contemporain. Le jazzman figure dans une pièce à la contemporanéité déconcertante, "Meeelaaan, pour basson et quartette à cordes". Une composition à la fois austère, rigoureuse et où le jazzman se joue paradoxalement du rythme. Les cordes se triturent ans tous les sens et tous les espaces pour ce morceau en trois mouvements à l’étonnante modernité mais où le jazz n’est pas absent, pas plus que ses revisites de styles et de danses populaires, "Blues", "Tango" et "Bebop". Marsalis propose ainsi une rencontre inédite entre des musiques et des rythmes que tout opposait a priori

    Après cette légende de la musique, place à des nouveautés, avec d’abord la compositrice Helena Winkelman et sa création pour Rui Lopes, "Gott-Fa", sous-titrée "Deux scènes pour basson et orchestre à cordes". Les deux mouvements, ou "scènes", "Gott – In nomine" et "Fan – Respect the machine", sont à découvrir avec attention. La première scène, "Gott – In nomine", est un lancinant chant de plus de 12 minutes, tour à tour méditatif, plaintif et inquiétant. Dans la deuxième scène, "Fan – Respect the machine", plus courte (moins de 6 minutes), c’est le rythme et le mouvement qui est au centre. Comme une machine infernale, le basson de Rui Lopes prend les choses en main, avec un appétit insatiable et une audace, à l’égal de celle de la compositrice. 

    Rui Lopes serait-il raide dingue du tango ?

    Autre création contemporaine et création, "Rui’s Tango" est, comme son nom l’indique, une autre création autour de la célèbre danse argentine, cette fois par Marcelo Nisinman, qui nous vient – est-ce un hasard ? – d’Argentine. En trois mouvements, son tango prend des allures de revisite audacieuse – moins sans doute que celle de Winton Marsalis toutefois – sans pour autant trahir l’essence du tango : rythme, passion, sensualité, mais avec cette folie amoureuse que l’on trouve dans le deuxième mouvement "Andante, Vielas de Alfama", sans oublier ce sens de l’expérimental ("Allegro"). 

    Il est heureux qu’après ces découvertes et ces créations, Rui Lopes revienne aux grands classiques, à commencer par la "Sonate pour basson et piano op. 168" de Camille Saint-Saëns. L’auditeur sera agréablement chatouillé par cette œuvre à la fois modeste (moins de 13 minutes pour les trois mouvements), délicate et d’une belle construction mélodique et harmonique, à l’instar du troisième mouvement "Adagio – Allegro moderato". 

    Rui Lopes serait-il raide dingue du tango ? Car ce genre fait de nouveau l’objet d’un titre, le dernier de l’album. Le bassoniste reprend la célèbre "Etude n°3" d’Astor Piazzolla. Superbe, passionnant et un très bon exemple d’adaptation réussite, pour un instrument que le musicien défend admirablement bien : "J’ai toujours été fasciné par la façon dont le son du basson se mêlait à celui du quatuor à cordes. Pour cet album, j’ai choisi des œuvres que j’aime jouer, certaines originales, d’autres « ré-arrangées ». J’ai ensuite demandé à des compositeurs que j’admire d’écrire pour cette formation. Deux des pièces ont été enrichies d’une contrebasse".

    Exemplaire et remarquable, à plus d'un titre.

    Rui Lopes, Close Encounters, Prospero, 2023
    https://www.facebook.com/ruilopesmusic/?locale=fr_FR
    https://www.rui-lopes.com

    Voir aussi "Majeur !"

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  • Comme un grand océan de rock

    MASSTØ, c’est trois garçons : Thomas Orlent au chant et à la guitare, Timothée Poncelet aux percussions et Matthias Colombel à la basse. Une formation resserrée donc pour un premier EP en forme d’appel d’air. À vrai dire il souffle sur leur premier opus, Āpi, un grand vent de large. Celui du rock précisément, que ce soit "Misery", "Black Snake" ou "I’m Not Your Man Anymore".

    Les trois musiciens français revendiquent leurs influences de l’autre côté de l’Atlantique : rock, blues et jazz. Prenez par exemple "Ocean". Ce titre pop et rock à la coolitude indéniable n’est pas sans renvoyer aux sons propres des années 80 que le Sting de Police n’aurait pas renié.

    Guitares, batterie et voix sont utilisées avec une belle sincérité, sans l’utilisation de machines, d’ordinateurs ou de boites à rythme. "Nous sommes au carrefour du blues, de la soul, du rock et de la folk, sans trop savoir à qui vendre notre âme…", ont-ils expliqué en interview.

    La voix de Thomas Orlent s’impose avec audace dans un EP aux couleurs yankees

    "Woman" a même cette facture plus blues que pop-rock, avec un accent de gospel prononcé. Le trio commente ainsi ce chant amoureux :  "Quand l'amour rend aveugle jusqu'au plus profond des entrailles. Quand le cœur a ses raisons que la raison ne connaît pas. S'échapper reste une solution. Mais lorsque les pensées dansent avec les démons, l’âme reste cadenassée dans une prison".

    La voix de Thomas Orlent s’impose avec audace dans un EP aux couleurs yankees, à l’instar du blues "I’m Not Your Man Anymore". On trouve même du son et du rythme rockabilly dans "Misery". C’est ça, Āpi : de la belle mécanique, huilée et musclée à souhait, mais non sans noirceur, à l’instar du bien nommé "Black Snake".

    L’album propose pour conclure un live : le rock et soul "Baby’s Gone", sombre et déchiré, prouvant que nos trois amis sont aussi bons en studio qu’en public.      

    MASSTØ, Āpi, Take It Easy Agency, 2021
    https://www.facebook.com/MasstoProject
    https://www.instagram.com/officiel_massto
    https://massto.bandcamp.com/releases

    Voir aussi : "Pauline Croze a la solution"

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  • Le grand blond avec une guitare

    Revoilà le norvégien Bjørn Berge dans ses nouvelles aventures blues, avec son dernier album, Heavy Gauge. Une jolie surprise pour cet un opus de neuf titres relativement court (45 mn environ).

    Bjørn Berge, au micro et à la guitare, a fait le choix d’une orchestration brute, ramassée et efficace. Le grand blond norvégien est accompagné de Kjetil Ulland à la basse et Kim Christer Hylland au clavier et aux percussions. "The Wrangler Man" est un blues porté par la voix rocailleuse et inimitable du chanteur venu du nord et adulé bien au-delà de son pays. 

    C’est à Haugesund, ville de la côte ouest de la Norvège dont il est originaire qu’il a commencé à jouer de la guitare vers l'âge de 13 ans. Après avoir joué du bluegrass pendant plusieurs années, la révélation a lieu lorsqu'il découvre Robert Johnson, Elmore James, Leo Kottke et John Hammond Jr. qui seront ses influences majeures.

    Comme dans les plus belles heures du blues

    De sa voix caverneuse et sensuelle, Bjørn Berge propose du pop-blues de bon aloi avec des titres languides et à la profonde mélancolie, à l’exemple du titre "A Matter Of Time" ou de "Bottle Floats.

    Comme dans les plus belles heures du blues, l’artiste alterne moments menés tambour battant ("Alone Again"), titres plus apaisés sentant la route poussiéreuse de la ceinture dorée ("Coliseum") et morceaux sombres et mélancoliques : "Bound Of Ramble" ou le superbe "Stray Dog".

    Pour "I Got It Made", le Norvégien se fait plus rock and blues. Un rock dont Bjørn Berge ne se refuse pas d’arpenter les pentes les plus abruptes et sombres, à l’instar du survitaminé "Rip Off" ou de "Alone Again", plus pop-rock. Rien d’étonnant pour un guitariste avouant son admiration pour des artistes venus d’autres horizons, à l’exemple de Beck ou des Red Hot Chili Peppers.

    Et puis, il y a toujours ce timbre viril qui ne peut pas laisser indifférent. Le chanteur s’en sert comme d’un vrai instrument dans l’étonnante dernière piste, "Bottle Float". Le bues se fait alors déchirant de sincérité et d’une indéniable modernité. 

    Bjørn Berge, Heavy Gauge, Blue Mood Records/Pias, 2021
    https://www.facebook.com/stringmachine68
    http://mkartist.no/index.php/bjorn-berge-electric-band
    https://www.instagram.com/bjorn_berge_stringmachine

    Voir aussi : "La Norvège, l’autre pays du blues"

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  • Joplin's families

    Il était question il y a peu du biopic en BD consacré à Jimi Hendrix, publié par Graph Zeppelin. L’éditeur poursuit sa série musicale avec une autre figure de la pop : Janis Joplin (Janis Joplin, Piece of my heart, éd. Graph Zeppelin).

    Pour ce deuxième volume de la collection Rock Odyssée, c’est Giulia Argnani qui s’empare de cette légende musicale, morte à 27 ans – elle aussi, à l’instar de Jim Morrison, Kurt Cobain, ou Jimi Hendrix.

    La scénariste et dessinatrice italienne a choisi de coller au parcours à la fois personnel, familial et artistique, depuis son enfance à Port-Arthur dans le Texas jusqu’à Los Angeles en 1970, dans un hôtel où Janis Joplin est morte d’une overdose, seule et désespérée. Un paradoxe pour cette musicienne saluée et admirée, et que Giulia Argnani explique en s’arrêtant sur ses fêlures qu’elle date de ses primes années.

    Dès le début des années 60, Janis Joplin se démarque avec son look androgyne et son refus d’être une fille "convenable" et traditionnelle, qui ne s’habille pas comme les autres : "J’aime être à l’aise ! On ne peut rien faire avec une robe !", lui fait dire la dessinatrice italienne. Dans un État conservateur, les revendications féministes – nous pourrions ajouter "inclusives", même si le terme est anachronique – ne pouvaient que se solder par une rupture avec son milieu et sa famille, à l’exception de sa sœur Julie.

    Blessure originelle

    Très tôt, l’adolescente se trouve une passion et un talent pour la musique, le chant, et en particulier le blues, qu’elle interprète comme personne. "Je ne connais aucune blanche capable de chanter comme ça !" commente un de ses amis.

    La rupture avec sa famille entraîne pour Janis Joplin la construction de son autre famille, musicienne, via ses groupes, Big Brother and The Holding Company, les Kozmic Blues puis le Full Tilt Boogie Band. Des noms qui restent inconnus pour beaucoup de lecteurs, mais qui ont une importance capitale pour la blues woman, dans la mesure où c’est avec eux que l’artiste s’est libérée, dans tous les sens du terme.

    Drogues, dragues, vie communautaire hippie et surtout rock and roll : Janis Joplin, Piece of my heart est une plongée dans les sixties, jusqu’au décès de l’artiste, un an après Woodstock. Janis Joplin apparaît, y compris dans ses excès, comme une artiste très en avance sur son époque, et qui a été capable de révolutionner le blues comme sans doute jamais personne avant elle – si on excepte toutefois les Rolling Stones.

    Giulia Argnani a choisi de ne pas suivre un scénario stricto sensu chronologique, grâce à des va-et-vient entre ses dernières années et les années 60, comme si Janis Joplin en revenait toujours à sa famille naturelle. Sa blessure originelle. De là aussi viennent aussi sans doute ses blessures qu’elle a su si admirablement transcender en musique.

    Giulia Argnani, Janis Joplin, Piece of my heart, éd. Graph Zeppelin, 2020, 160 p.
    https://graphzeppelin.com
    https://www.facebook.com/GraphZeppelin
    https://janisjoplin.com

    Voir aussi : "L’expérience Jimi Hendrix en concept album"

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  • Mâle assurance

    Mystic Señor est le troisième album d’un cycle de cinq, proposé par Sam Franck Blunier. Une pentalogie que l’artiste a fort justement nommée The Five Album Concept. Cette démarche artistique ambitieuse est à saluer pour un artiste qui manie avec justesse chanson française, pop et rock. Après les deux premiers volets, Il fait beau (2015) et Des Filles (2016), voici donc, cette année, Mystic Señor, un album qui frappe autant par son spleen pop-rock, sa masculinité fragile que par sa poésie.

    L’auditeur y trouvera la marque de brillantes références, à commencer par Alain Bashung dans le premier titre, Évidemment : "Et rien ne s’oppose à l’amour / Plus rien ne s’oppose à l’amour."

    Le titre Le verbe, plus enlevé, délaisse l'hommage appuyé pour l'auteur de Résident de la République au profit d’une démarche plus originale surfant du côté de la pop à la fois rugueuse et insolente d'un Patrick Coutin : "On m’a dit moche / J’ai dit tant mieux / On m’a dit croche / J’ai dit fuck off."

    Électro-poèmes

    "Le verbe est plus important que nous / Le verbe est plus important que tout", chante Sam Franck Blunier dans un troisième opus où le désabusement affleure à chaque note et chaque mot : l’aliénation de l’amour (Poings liés), l’anticonformisme (Le verbe), l’absurdité de l’existence (Des questions). Mais il y aussi ces éclairs d’espoir, d’amour et de spiritualité (d'où, bien sûr, le titre de l'album), à l’exemple du Verbe et de ses Électro-poèmes : La prière des mots, Le Beau et Les mains des hommes.

    Les mots du chanteur sont portés par une voix à la mâle assurance, sombre et faussement détachée. Mystic Señor est l’album d’un noctambule, et à certains égards gothique. Avec Salut beauté, nous voilà dans un pop-rock XIXe et baudelairien à la sèche beauté : "Salut Beauté inouïe, est-ce toi qui nous porte ? / Beauté si fragile / Je sais bien que tu m’attends, au-delà des vallées et des cimes, / Par delà les lacs et les toits de tuile."

    Quand on pensait le chanteur perdu dans des volutes de fumée de nuits au Palace le voilà pris dans une ballade, Fragile, qu'une chanteuse comme Françoise Hardy pourrait interpréter avec la même fragilité, justement.

    Sam Franck Blunier, Mystic Señor, 33 Novembre – Évasion Music, 2020
    https://www.samfrank-blunier.com

    Voir aussi : "L’âme de fond"

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  • Clatpton, toujours debout

    Il y a très certainement un mystère Eric Clapton, mystère que le documentaire exemplaire de Lili Fini Zanuck, Eric Clapton : Life in 12 Bars, entend dévoiler. Grâce à des archives riches, inédites et étonnantes (que l’on pense à ces images volées de défonces et de plongées dans l’enfer de la dépression pendant les seventies), ce film propose la découverte passionnante d’un des plus grands musiciens de ces 60 dernières années. Eric Clapton, bluesman et rockeur de légende, et sans doute le plus grand guitariste que la terre ait porté, apporte largement la pierre à cet édifice en revenant sur sa carrière mais aussi sur une enfance et une vie privée qui ont contribué à la légende de l’artiste anglais.

    Les jeunes années de Clapton commencent par un secret de famille qu’il n’a cessé de porter comme un fardeau, et qui peut expliquer sa relation compliquée avec les femmes : fils d’une adolescente trop jeune pour s’occuper de lui, ce sont ses grands-parents qui l’élèvent. Il n’apprendra qu’à l’âge de neuf ans que celle qu’il pensait être sa mère était en réalité sa grand-mère et que celle qu’il prenait pour sa sœur n'était rien d'autre que sa génitrice…

    Sans appuyer sur cette période importante, Lili Fini Zanuck en fait le point de départ d’une carrière à la fois incroyable et chaotique, qui passera par le groupe Cream – le premier et sans doute le plus grand supergroupe de l’histoire du rock. Remarqué par ses dons de guitariste, Clapton est adulé par des artistes majeurs comme BB King, Jimi Hendrix (dont le décès l’affectera durement) et George Harrison.

    "Je ne me suis pas suicidé pour la seule raison qu’un mort ne boit pas"

    L’ex-Beatles va suivre Clapton, l’encourager à travailler sur l’Album Blanc et connaître une vraie amitié, amitié qui va être cependant entachée par une autre relation : celle que Clapton va entretenir avec la propre femme de Harrison, Pattie Boyd. Cette histoire d’un amour interdit va se finir, comme souvent, en chanson : ce sera Layla, une des plus beaux titres sans doute de l’histoire de la pop ("What will you do when you get lonely? / No one waiting by your side / You've been running, hiding much too long / You know it's just your foolish pride"). Lili Fini Zanuck en fait le point de bascule d’une période cruciale et tourmentée, à grands coups de rushs, de vidéos en Super 8 inédites et de sessions d’enregistrements. Eric Clapton traverse des années noires : dépression, liaison difficile avec Pattie Boyd, drogues et alcool. "Je ne me suis pas suicidé pour la seule raison qu’un mort ne boit pas" avoue le musicien.

    Au début des années 90 l'artiste connaît une tragédie personnelle qui va impacter durablement son existence et sa carrière : la mort de Connor, son jeune fils de quatre ans, qu’il a eu avec l’Italienne Lory Del Santo. Son enfant se défenestre accidentellement en mars 1991 du 53e étage d’un immeuble à New York. Eric Clapton, plus robuste qu’on ne le croyait, se raccroche à la musique (le spectateur ne peut être que bouleverser par l’ultime lettre que lui a laissé son fils). La suite ? Le mythique album Unplegged et ce bijou pop-folk qu’est Tears in Heaven, dédié à la mémoire de son fils.

    Eric Clapton, survivant parmi les survivants de cette période passionnante que sont les années 70, poursuit un chemin artistique d’une richesse prodigieuse, alliant à cela un sens aigu de l’altruisme, comme le remarque fustement BB King. Un grand bonhomme que fait revivre le documentaire de Lili Fini Zanuck, Eric Clapton : Life in 12 Bars. À découvrir en ce moment sur Canal+.

    Eric Clapton : Life in 12 Bars, documentaire de Lili Fini Zanuck
    Royaume-Uni, 2017, 135 mn

    En ce moment sur Canal+

    Voir aussi : "Bowie is Outside"

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  • La Norvège, l’autre pays du blues

    La Norvège tient là une réputation assez inédite : celle de nourrir un des plus dignes représentants du blues. Qui ça ? Bjørn Berge, qui vient de sortir son dernier album, Who Else?

    Mine de rien, le musicien venu des fjords a la bouteille de ces hommes à qui rien ne fait peur : une guitare sauvage, une voix sortie d’outre-tombe, un physique de géant tout droit sorti de Game of Thrones. Hourra, l’Europe tient là un bluesman capable de faire la nique aux Américains, pourtant certains d’être l’alpha et l’oméga de cette musique essentielle dans l’histoire du rock !

    Avec Lost Pearl, on vagabonde sur les routes terreuses du Tennessee ou de l’Alabama, sans oublier une bonne rasade de bourbon (Ginger Brandy Wine), idéal pour se délecter de ce voyage proposé par Bjørn Berge.

    Sa guitare sous amphétamines (The sun’s going down) atteint des sommets dans un album porté par ce Norvégien qui a été capable de mettre les États-Unis à ses pieds, grâce à son jeu à la fois virtuose et profond.

    Un physique de géant tout droit sorti de Game of Thrones

    L’histoire retiendra que le projet Who else? a commencé en 2014, interrompu par une parenthèse musicale avec le groupe Vamp, un pilier et une référence en Norvège.

    Outre des reprises de standard (Ace of spades de Motörhead ou Give it away des Red Hot Chilli Peppers, mais qui ne figurent pas dans l’album), Bjørn Berge endosse à merveille le costume de bluesman rockeur américain (The Calling), et ne jurerait pas en face de légendes américaines telles que ZZ Top (Mr Bones).

    Avec cet Européen venu du froid, le blues sort de ses retranchements en se teintant de pop et de country (It just ain’t so) ou rock (Speed of light, The sun’s going down).

    Mais Bjørn Berge sait aussi se faire guimauve avec la ballade Bitter sweet. Un peu de douceur portée par une voix musclée, ronde et rassurante. Du très grand art, mes petits amours.

    Bjørn Berge, Who Else?, Blue Mood Records /[PIAS], 2019
    Page Facebook de Bjørn Berge

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