Musique ••• Contemporain ••• Caroline Leisegang, Comes The Night, A reintroduction of Caroline Leisegang
Laurie Darmon enfourche le tigre
Laurie Darmon fait partie de ce ces artistes que l’on suit avec passion. Elle revient en ce début d’année avec un nouvel album, Femme studio, dans la continuité de son précédent EP, Dévêtue. Un enregistrement studio, donc, tout en féminité aussi.
Disons aussi que Femme Studio est l’album d’une femme affranchie de toute question et qui s’avance audacieuse dans un album dansant, sexy et plein de vie.
Après le formidable opus qu’avait été Février 91, maîtrisé de bout en bout, Laurie Darmon avait entrepris un virage plein de promesse avec le bien nommé Dévêtue, dont voici la continuité.
Femme studio est bien plus qu’un autoportrait décliné en 15 titres ; c’est aussi un opus déroulant tous les états amoureux d’une jeune femme qui ne sent pas l’âme d’une sirène ("J’aurais bien trop mal aux oreilles") et qui n’a surtout pas envie de faire semblant ni "de sourire à [des] blagues de merde" (Flemme).
Dans le titre qui donne son nom à l’opus, la chanteuse propose une singulière chanson autobiographique en donnant la parole à un jeune homme, "un puceau meurtri", qui aime secrètement son "double Laurie." Le problème de cet homme ? La timidité qui l’empêche de montrer le tigre qui est en lui : "Je regarde ses fesses / Bouger c’est beau / Oui mais je caresse juste le piano / L’emmener chez moi / Un soir / En faire ma superstar / Lâcher les clés / Les porter / La porter /L’embrasser," puis "arracher ses vêtements / L’embrasser violemment." "Femme studio" contre "homme studio," donc, dans un titre percutant et déroutant. L’une des belles réussites de l’album.
C’est dans l'univers amoureux que baigne Femme studio : désirs, fantasmes, séductions, étreintes, dans le quel le flow de Laurie Darmon sert la puissance libératrice d’une femme assoiffée d’amour : "Ce soir j’ai pas sommeil / J’ai pas envie de dormir / Je voudrais que tu te réveilles / Qu’on s’encanaille au Brésil" (Tellement faim).
Arrêtons nous deux secondes sur Laisse-moi t’aimer, qui n’est pas une reprise du sirupeux tube des années 70 mais un titre enlevé sur un rythme de samba : la fête célébrée dans cette chanson annonce une nuit interminable corps contre corps. Encore plus explicite, On Bai., déjà présent dans Dévêtue, invite au lâcher-prise total, avec tout ce qu’il faut pour se faire tourner la tête tout au bout de la nuit : "On danse danse danse danse / On se met bien bien bien / On se laisse aller comme ça / Je me laisse aller avec toi toi toi / On bouge on bouffe on boit on bai."
Avec Extase, "extase tout court avec un E majuscule," dit la musicienne, on est plus dans un rock aussi âpre qu’une nuit blanche, de nouveau, durant laquelle tout ou presque est permis. "Il y a des corps qui me rassurent / Je vois des formes et je devine quelques parties / Et de la confiture / Non non non." Dans ce titre fiévreux comme l’amour, on reconnaît le flow que l’on avait découvert dans La rupture, le premier succès de la chanteuse.
Le Serge Gainsbourg, auteur du mythique Love On The Beat, apprécierait
L'artiste se fait également slameuse avec Que tu te déhanches devant moi, qui est une danse sensuelle, sur fond de séduction saphique : "Mes mains ne quittent plus sa taille et je la vois qui s’encanaille et me renvoient l’image d’une demoiselle en cage."
Bien plus torride et osé, Rengaine SM est, comme son nom l’indique, un titre très explicite parlant d’une pratique amoureuse traité avec un incroyable mélange de sensibilité, d’audace et de lyrisme. Le Serge Gainsbourg, auteur du mythique Love On The Beat, apprécierait.
Mais l’amour a aussi son lot de désillusions, à l’exemple de Reste, un autre titre qui était présent sur le précédent EP : "Alors reste reste / Mais vas-y reste reste / Ça sert à rien de se barrer de se quitter / Viens on la traverse ensemble cette averse." Derrière l’insouciante jeune femme éprise de liberté, il y a aussi la recherche – douloureuse – du grand amour, évident : "Bah ouais je t’aime… C’est pas une honte, putain de merde… sinon on va finir par le regretter mon cœur." Oui, c’est bien d’âme sœur dont il est aussi question, avec ce message lancé par la chanteuse libre mais amoureuse : "Et si tu changes d’avis, surtout préviens-moi."
Les Îles grecques, également présent sur Dévêtue, traite d’une histoire sentimentale et amoureuse, que nous dirions compliquée, mais aussi d’une rupture... "J’avais envie que tu restes auprès de moi / Là-bas y a trop de filles trop de mecs trop de trucs / Et ce je ne sais quoi."
Mais trois titres retiendront particulièrement notre attention : d’abord, le formidable Stéphane et Stéphanie, chanson au flow irrésistible et d’un naturalisme désarmant sur "un couple noctambule" : "Tu m’as laissée toute seule / Et maintenant c’est moi qui reste / Là sur le bord de ta gueule / T’as pas débarrassé les miettes / J’avais pas l’habitude avant / J’étais la fille qui sait déjà / Que chaque soir à l’appartement / Même si c’est tard tu seras là."
Dans un album d’une sensualité exacerbée, Mon amant brille par sa lumineuse simplicité. Car là où Laurie Darmon traitait de l’amour avec audace et de provocation, elle choisit ici de parler d’inimité, d’interrogations sur le désir, de peurs, d’ennui, d’absences insupportables, d’attentes et de fragilité : "La saison est orageuse mais je ne suis pas couverte," chante-elle par exemple.
L’album se termine enfin avec Maître Corbeau, une série de déclinaisons sur la célèbre fable de La Fontaine : l’auditeur réécoutera avec malice ce vrai exercice de style, qui est aussi une curiosité – mais toujours avec l’esprit made in Laurie Darmon.
Laurie Darmon, Femme studio, WM FR Affiliated/Play Two, 2020
https://www.facebook.com/lauriedarmonoff
Voir aussi : "Laurie Darmon à nu"
"Vingt-sept ans à la limite"
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