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Que trouve-ton chez Amazone Lili, qui a sorti il y a quelques semaines son single La traversée ?
À vrai que des choses simples, à l’image du titre : des amoureux qui se quittent, des "histoires interdites" mais surtout des souvenirs plein les bagages. "Je suis allé faire un break du côté de nos souvenirs", chante-t-elle avec spleen mais aussi infinie délicatesse.
Amazone Lili fait le choix d’une pop sans chichi, grâce à une voix veloutée et impeccable. Faussement bucolique ("Les champs de marguerite ne rendent plus les gens heureux") mais vraiment nostalgique, la musicienne parle de ces voyages au long cours – qu’ils soient intérieurs ou non – et de ces retours en arrière souvent douloureux : "La traversée des longues années… / La traversée des solitudes / Des solides habitudes."
Je voudrais commencer cette chronique par un détail qui vient de me sauter aux yeux : la pochette de 24, l’EP de Barange. Le chanteur, en sweat jaune – tout ce qu’il y a de plus urbain –, est photographié sur un fond blanc. Pas tout à fait blanc cependant, car l’artiste a choisi d’intégrer à l’extrême droite une coulure de paysage que l’on dirait méditerranéen. Cela pourrait être un détail d’un cliché de Montpellier, sa ville d’origine.
Ce détail visuel n’est pas si anodin que cela : avec 24 (24, comme son âge ?), Barange entend proposer un opus tout ce qu’il y a de plus urbain, sans pour autant tourner le dos au pays qui l’a vu grandir. Ce Parisien d’adoption, ayant toujours baigné dans le hip-hop, a travaillé tour à tour avec Jeff Panacloc (pour la musique de son spectacle "Jeff Panacloc perd le contrôle"), JokaFace du groupe TheCity ou du DJ Little -A-, qui a participé d’ailleurs au "game" de son album.
Le son urbain que propose Barange est un vrai hymne à la vie et à la réconciliation : arrêter de faire de nos vies des courses perpétuelles (J’ai couru), se hâter de jouer et de s’amuser "avant qu’ils nous coupent le réseau" (Le game), aimer ("C’est pas complique", De l’amour) mais aussi chanter pour ses proches, ses parents et sa famille (Maman).
Dans ce dernier titre, ce fan d’Oxmo Puccino, de Youssoupha ou de Gorillaz démontre qu’il n’oublie rien de ses origines et propose un touchant titre commençant par ces mots : "Chaque été je descend dans le sud faire un bisou aux parents."Nostalgique et mélancolique ? Sans doute un peu, oui, tant il est visible que le jeune adulte biberonné au hip hop se revoit enfant à la recherche du temps perdu ("J'aimerais tant revenir").
Barange reste cependant ce musicien hyper doué capable de surprendre et d’électriser l’auditeur, avec notamment le titre Canterbury : de l’électro rap au rythme enlevé et construit avec élégance et précision.
Confinement ou non, Benjamin Biolay continue son parcours artistique (presque) comme si de rien n'était.
En juin prochain, il sortira son nouvel album Grand Prix, il propose un premier titre, forcément rare, délicat et sophistiqué, Comment est ta peine ?, avec en featuring Anaïs Demoustier. Le clip, dans un noir et blanc somptueux, est réalisé par Marta Bevacqua, et la comédienne Nadia Tereszkiewicz est de la partie.
Le Grand confinement a trouvé son hymne : La tendresse, une superbe reprise du classique qui avait été immortalisé par Bourvil, Marie Laforêt et, plus récemment, par le duo Philippe Katerine et Clara Luciani.
Valentin Vander est à l’initiative de ce véritable tour de force : enregistrer et réaliser un clip avec 45 musicien.nes et chanteur.ses pour offrir un moment musical qui devrait marquer les esprits. Quoi de mieux que cette Tendresse pour rendre redonner du baume au cœur en cette période de confinement : "Mais vivre sans tendresse. Le temps vous paraît long. Long, long, long, long. Le temps vous parait long…" ?
Les enregistrements ont été effectués avec les moyens du bord, et le montage, réalise par Julia Vander, a duré une semaine entière. L’intégralité de ce travail a été réalisé bénévolement.
Il convient bien entendu de nommer les artistes qui, des quatre coins de la France, depuis chez eux, ont créer avec Valentin Vander cette Symphonie confinée et généreuse : Gauvain Sers, Leïla Huissoud, Aurélien Merle, Clémence Monnier, Marjolaine Piémont, Louis Huissoud, Deny Lefrançois, Paul Vanderhaegen, Garance, Julii Sharp, Chouf, Lise Martin, Julia Vander, Sylvain Rabourdin, Nicolas Thevenin, Jonathan Mathis, Brice Perda, Louise O’sman, Renan Richard-Kobel, Pierre Pichard, Laura Wild, Leonor Bolcatto, Anaïs Bertrand, Viviane Hélary, Robin Pharo, Fanch, Timothée Chabot, Riccardo Peruffo, Philippe Géhanne, Nour, Jeanne Chevalier, Lily Luca, Sophie Le Cam, Bastien Lucas, Vanessa Pichard, Lucie Malet, Eric Gombart, Daniel Mizrahi, Gildas Thomas, Margot, Camille Feist, Mathieu Gabard, Côme Huveline et Isabelle Balcells.
Cette chanson a déjà fait plus de 70 000 vues en moins de 24 heures sur Facebook.
Symphonie confinée - La tendresse 45 artistes de la chanson française enregistrent une vidéo de confinement Page Facebook
Elle&Lui c’est surtout elle, et elle, c’est Lana. Après deux premiers singles, Nuit Chaude et Mon Bain, elle revient avec Fleur de sel. Un titre acidulé à souhait qui fait du bien en cette période morose.
Épicurienne, Elle&Lui propose avec un plaisir communicatif de chanter les joies simples, l’amour et la sensualité, dans une pop nineties : "Comme un désir / Soufflé des nuages/ dans le dos."
L’internaute pourra trouver Lana dans un clip fait maison, tourné et monté sur portable. À l’écoute et au visionnage de son dernier titre, il reste un petit goût à la fois savoureux et revivifiant. Celui d’une fleur de sel bien sûr.
Jean-Baptiste Soulard propose avec Le silence et l'eau un de ces bijoux qui capte l'intérêt dès les premières notes. Sois le dernier, qui ouvre cet opus tout en acoustique et voix, est un hymne au voyage et à la solitude apaisante mais aussi aux récits lointains : "Sois le premier à me raconter ces histoires /Sois la première à m'en parler / Soi-disant qu'il nous console/ Terre d'asile mystérieuse/ Soir-disant ivre d'alcool/ Loin de l'enfer loin de nos doutes." L'ailleurs de Jean-Baptiste Soulard est au cœur de ce magnifique premier album, véritable consolation pour nous, sédentaires : un authentique voyage du départ vers le Grand Baïkal dans sa "station Baïkonour."
Qu'on se le dise : Sylvain Tesson a son pendant musical : Jean-Baptiste Soulard s’est inspiré de Dans les Forêts de Sibérie pour imaginer un opus folk nomade et aventurier. À l'instar de l'auteur de La Panthère des neiges (éd. Gallimard), il parle de la nature brute, des voyages à la rencontre de soi-même et de la fuite de l'hypermoderne solitude. Mais aussi chantre de la Russie des terres, "refuges de cœur." Pour l'accompagner, Jean-Baptiste Soulard a invité des artistes comme J.-P. Nataf, Luciole, Blick Bassy, Raphaël Personnaz qui a joué dans le film Dans Les Forêts de Sibérie... et Bessa que l'on retrouve sur le premier extrait Grand Baïkal.
En écho aux mots de Sylvain Tesson
L’ex fondateur du groupe Palatine fait de son opus le carnet de voyage d’un aventurier et artiste à la recherche d’un silence salvateur et d’une nature fondamentale : "Isba, isba / Cabane d'asile / Isba m'en tombent les bras / Calme-moi d'avril" (Isba).
Derrière l'âpreté de cet album un magnifique album, faisant écho aux mots de Sylvain Tesson : "Si on me demande pourquoi je me suis enfermé ici je répondrais que j'avais de la lecture en retard..." (Dans Les Forêts de Sibérie). Le Silence et l'Eau de Jean-Baptiste Soulard est à la fois un opus à la facture pop-folk drakienne et un authentique champ expérimental pour "une vie ralentie" (Asile). Autrement dit, une forme d’utopie pour l’abandon de la vie moderne au profit d'une nature brute.
Comble chevalier est un titre pop plus sophistiqué sur le thème d'un serment à l'exil : la fuite vers le silence et la nature, comme un "emblème" (Cerbère), devient un acte noble et un combat. Le voyage dans les grandes plaines sibériennes ne sont pas pour autant des parties de plaisir : "Brûler brûler au fer rouge / brûler brûler au fer bleu / Il nous faut un seau d'eau pour éteindre l'incendie…" les piqûres d'insectes, la souffrance, les aléa climatiques : la beauté de la nature sait se faire payer chère, mais lorsqu'elle s'offre, elle sait être généreuse et lumineuse (Débâcle) et peut aussi proposer des rencontres humaines incroyables (Leur peau).
Au fur et à mesure que l'album se déroule, l'album devient souriant et moins grave, comme si l'auditeur se trouvait en terrain familier (Les vents contraires, Respirer) : "Parvenir à respirer sans forcer le combat / Partir / Parvenir à décoller sans écarter les bras / Réussir."
Louis Arlette, il en avait été question sur Bla Bla Blog il y a moins de deux ans, à l’occasion de sa sortie de son premier album, Sourire Carnivore. Le voilà de retour dans son nouvel opus Des ruines et des poèmes. "Avoir fait mon premier album m’a permis, pour le second, de creuser plus profondément, de progresser. Je ne partais pas du même point de départ : c’est un trajet, un chemin, on ne peut pas directement arriver à destination. Il faut percer les couches, une à une," explique-t-il. Un an seulement sépare ces deux opus, prouvant l’inspiration d’un musicien au lyrisme sombre et poétique. Lorgnant du côté de la pop eighties, à grand renfort de synthés (La Discorde), Louis Arlette assume son visage d’écorché vif. Un poète saturnien tombé dans un XXIe siècle apocalyptique (Tokyo), mais où pointe cependant un amour du monde et de ses "mystères" (Khéops).
Sur des rythmes syncopés, véritables pulsars humains, Louis Arlette parle de solitude (Le refuge), de séparations, de mal-être (La discorde) et d’incompréhensions (Semence) : "Un loup devenu chien" refusant de se laisser dompter par des diktats, comme il le chante dans Semence. Comme dans la plus pure tradition fin de siècle (L’Ange), l’amour et le sexe sont mystérieux et vénéneux ("Dans ton bulbe vicieux / Je dépose les armes / Je vais pondre mes œufs / Qu’y éclosent mes larves", Semence) et se jouant d’un mystère morbide ("À ton amour glacial/ Tes lèvres de requin / Ton sourire de squale / À ta peau de chagrin", La Sirène), avec des accents baudelairiens ("Assez de la Sainte-Nitouche / Je veux profaner la déesse / Je veux tes yeux, je veux ta bouche / À toi la princesse allégresse," Petite mort). En vraie victime de l’amour ("Qui sait / ce que je sème"), il parle de cette maladie délicieuse dans laquelle on aime se perdre : "J’ai besoin de chaleur / D’endorphines divines / Je meurs de rancœur / Ma croix ma médecine" (Médecine). Un titre qui propose singulièrement une pop lumineuse et délicate.
Poète contemporain du noir et de la chute
Remarqué par le groupe Air, Louis Arlette est le poète contemporain du noir et de la chute (Hécatombe), mais aussi celui des "illusions perdues" : "On vit dans une ambiance de Rome d’avant le déclin, de Babylone d’avant la chute : une ambiance de fin de civilisation," dit-il. Un "esprit tordu" ? Plutôt un "mystique" qui fait des instincts les plus bas et des immondices de l’humanité un terreau pour des chansons dans lesquelles la lumière vient du son et de compositions minérales (La Carence), tel un moteur impeccable et ronflant qui s’est nourri d’influences pop rock des sixties aux nineties : Depeche Mode, Radiohead, Daniel Darc, The Cure, Étienne Daho, les Beatles ou Nine Inch Nails. Une lumière blême éclaire cet album dont la lecture personnelle est évidente. Louis Arlette propose aussi une reprise électro-pop d’un titre peu connu de Jacques Brel : Je suis un soir d’été. Une reprise très cohérente dans cet album où le lyrisme sombre est omniprésent : "Tu vas me traîner sur le sable / Et bientôt froid comme un lézard / Je vais devenir une fable."
Louis Arlette se fait loup, oui ; mais le jeune homme sait aussi manier un humour sarcastique, à l’exemple de Jamais, un morceau d’insultes bien senties : "Je ne supporte plus tes yeux porcins / Et les accents de ta voix qui grésille / M’ont évoqué le glas et le tocsin / Comme tes airs royaux de pacotille." De qui parle le chanteur ? D’un proche, d’une célébrité, d’un chef d’état ? À vous de voir et d’écouter.
Kino Music, le troisième album de Pierre Daven-Keller, est une vraie boîte à musique : l’ouvrir c’est plonger dans une univers cinématographiques d’une autre époque : celle du cinémascope des Trente Glorieuses, des classiques de d’après-guerre, des comédies françaises acidulées, des romances sixties ou des western spaghettis.
Du beau monde accompagne Pierre Daven Keller pour sa nouvelle aventure musicale, après une belle carrière d’accompagnateur et d’arrangeur auprès de Philippe Katerine, Miossec, Dominic A ou Françoiz Breut. Helena Noguerra, Arielle Dombasle, et Mareva Galenter ont prêté main-forte à Kino Music, un album so frenchy, so glam, so easy-listening (Jerk), que le Philipe Katerine des premières années n’aurait pas renié.
Pierre Daven Keller débarque comme un extraterrestre avec Champ magnétique, mélange de son SF et de piano austère : un son sixties pour une vraie BO – mais sans images. Corniche Kennedy, avec son clavecin brillant et ses cuivres, pourrait avoir sa place dans un film de Claude Sautet. Quant à Intermezzo retro, que les créateurs d’OSS 117 n’auraient pas renié, il a le goût de ces sucreries acidulées et régressives, à l’instar de Daiquiri,Easy tempo ou Tatoo Totem.
Le sens de la mélodie et du son, Pierre Daven-Keller l’a, sans nul doute, comme l’atteste Farfisa, au gimmick immédiatement familier, avec un orgue farfisa qui donne son titre au morceau.
Voyage spatio-temporel garanti
Après la bossanova aux cordes nerveuses qu’est Melancholia, le titre La fiancée de l’atome, portée par une Helena Noguerra, aux envolées sensuelles, s’impose comme la pierre angulaire de Kino Music. un opus essentiellement instrumental. Pour Tatoo Totem, la voix de Helena Noguera revient pour une déambulation musicale naïve à la Claude Lelouch.
Il y a du Gainsbourg et du Jean-Jacques Vannier dans Dakota Jim : voyage spatio-temporel garanti avec ce vrai morceau cinématographique, et preuve des premières armes de Pierre Daven-Keller dans la bande originale de films (Je suis un no man’s land, en 2011). Avec Sirocco, nous voilà d’ailleurs dans un western à la Sergio Leone, l’une des nombreuses influences du musicien français.
Même si Arielle Dombasle peut agacer, on ne peut que se réjouir de l’entendre dans Salvaje Corazon, jouant à fond la carte latino, sur un rythme joyeux digne de figurer dans une bande son de Manix.
L’album se termine avec Cuore Selvaggio, une reprise en italien de Salvaje Corazon, interprétée par Mareva Galanter : un dernier titre qui sent bon la dolce vita, avec une chanteuse inattendue, invitée pour l’aventure musicale de Kino Music : ardente, délicieuse, juvénile et amoureuse.