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chanson - Page 30

  • Brol d’elle

    "Bordel" ou "Bazar" : c’est la signification flamand du terme "Brol", le titre du premier album d’Angèle. Le brol, explique l’artiste belge dans une récente interview pour Elle, est ce qu’il y a dans son sac : " des clés, un livre, un paquet de chewing-gums, vide, une clé USB… Des choses pas forcément utiles, mais dont je n’arrive pas à me séparer, parce qu’elles rassurent..."

    Grâce à ce premier album aussi personnel et dérangé qu’un sac à main, le moins que l’on puisse dire est qu’Angèle est entrée avec fracas sur la scène musicale française. Quelques mauvaises langues ont parlé d’une pop facile et assez peu révolutionnaire. Mais c’est justement cette simplicité et cet esprit cash qui a permis à Angèle de trouver son public, et même un très large public. N’en déplaise à certaines critiques, la jeune artiste s’impose avec audace grâce à sa voix sans fioriture, son sens de l’autodérision, son franglais bien de son époque mais surtout sa qualité d’écriture.

    Prenez le titre qui l’a fait connaître, La Loi de Murphy. Sur cette chronique talk-over d’une journée de merde, il est à parier que quelques millions de jeunes filles reconnaîtront des situations qu’elles ont elles-mêmes vécues. Angèle se confie d’une voix exaspérée comme si elle s’adressait à de bons potes : "Puis là, c'est trop parti en couilles. Il y a d'abord eu la pluie : la loi de Murphy a décidé d'enterrer mon brushing. Un mec me demande son chemin : gentiment je le dépanne. En fait, c'était qu'un plan drague : ce con m'a fait rater mon tram J'en profite, je passe à la banque, je laisse passer mémé. Si seulement j'avais su qu'elle relèverait tous ses extraits de l'année, je l'aurais poussée et coincée dans la porte automatique." Que du vécu, à l’instar de Flemme, une autre tranche de vie bien ordinaire sur ces journées grises et maussades ("Laissez-moi tranquille / Ce soir, la flemme d'éviter les mauvais regards / Team jogging dans l'appart sans perdre mon portable, ma dignité, mes clés / J'suis dans un mauvais mood, je répondrai plus tard").

    Joli bazar

    Au-delà de ces confessions, Angèle est de notre époque et croque notre société du haut de son insolente jeunesse : la misère des réseaux sociaux (La Thune), le star-system (Flou), l’homosexualité (le délicat Ta Reine) ou le machisme avec Balance ton Quoi.

    On s’arrêtera d’ailleurs plus longuement sur ce titre. Balance ton Quoi s’écoute comme la contribution d’une artiste au mouvement #metoo. Il est aussi une pierre lancée contre le climat étouffant de misogynie jusque dans le milieu de la musique : "Ils parlent tous comme des animaux / De toutes les chattes ça parle mal / 2018 je sais pas ce qu’il te faut / Mais je suis plus qu'un animal / J'ai vu que le rap est à la mode / Et qu'il marche mieux quand il est sale / Bah faudrait peut-être casser les codes / Une fille qui l'ouvre ce serait normal." Quelques amateurs de rap apprécieront.

    Dans ce joli bazar qu’est Brol, Angèle s’impose comme une artiste parvenant, mine de rien, à se démarquer de ses consœurs de la pop. De sa voix fragile et tout en retenue, la chanteuse belge touche l’auditeur au plus près. Usant du "je" et du "tu" dans un souci de proximité et de connivence, Angèle décliné quelques jolis titres sur l’amour : amour inconditionnel (Nombreux), amour virtuel (Tes yeux), amour mort (Les Matins), amour empoisonné par la jalousie (Jalousie) ou amour impossible (Ta Reine).

    Brol serait-il un album au "bazar" rassurant mais pas forcément utile ? Ce serait oublier le résultat soigné qu’offre Angèle. Et puis, peut-on réellement dénigrer une artiste qui ose chanter avec autant de justesse et sans mièvrerie, en duo avec Roméo Elvis, la recherche du bonheur, du vrai : "Le spleen n’est plus à la mode, c’est pas compliqué d’être heureux" ?

    Angèle, Brol, Angèle VL Records, 2018
    https://www.facebook.com/angeleouenpoudre

    Voir aussi : "Jade Bird, Huh la la !"

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  • Cali, métamec

    2018 aura été marqué par de grandes légendes de la chanson française : il y a eu la découverte il y a un an de Lily Passion de Barbara dans sa version studio inédite, le décès de Charles Aznavour il y a deux semaines et, il y a quelques jours, la célébration des quarante ans de la mort de Jacques Brel. Mais il fait aussi compter sur Léo Ferré, dans l’actualité en ce moment avec la sortie de plusieurs reprises par Cali.

    Sur la pochette de l’album, celui-ci pose avec un chimpanzé, l’alter-ego de Pépée, le célèbre singe de Ferré disparu en 1968 et qui inspira un titre éponyme – mais qui n’est singulièrement pas présent dans cette série d’adaptations.

    C’est extra, Vingt ans, Ni dieu ni maître, Les anarchistes, Joli môme ou Avec le temps font partie des classiques que reprend Cali, dans un souci de dépoussiérer, de moderniser, voire de révolutionner des chansons de Ferré : c’est "une sorte de laboratoire musical" comme il le dit lui-même. Pour l’occasion, il s’est entouré de Steve Nieve au piano et de François Pioggio à la guitare.

    Cali se met au service des textes de Ferré avec le souci de proposer des arrangements parfois désarçonnants mais souvent très convaincants. Le choix de l’acoustique et de la simplicité guident un chanteur qui entend mettre en valeur, plutôt que d’étouffer, les textes de Ferré, que ce soit ceux de La Mélancolie ou de Paris je ne t’aime plus.

    Dans C’est extra, l’orchestration minimaliste est soutenue par des explosions de lumières et des averses de pianos, permettent de voir sous un autre jour un standard archiconnu.

    Cali s’approprie si bien les œuvres de son aîné que l’on penserait que certains titres, à l’exemple d’Ils ont voté, ont été écrits pour lui en 2018 : "A porter ma vie sur mon dos / J'ai déjà mis cinquante berges / Sans être un saint ni un salaud / Je ne vaux pas le moindre cierge /Marie maman voilà ton fils / Qu'on crucifie sur des affiches / Un doigt de scotch et un gin fizz /Et tout le reste je m'en fiche / Ils ont voté... et puis, après ?"

    Pour ce chef d’œuvre qu'est Les étrangers, Cali en fait une adaptation sèche, rythmée et presque ludique. On pourra préférer la version originale mais on n’enlèvera pas la prise de risques de l’interprète. Autre prise de risques : celle avec Vingt ans, cet impertinent, tendre et cruel hymne à la jeunesse : "Pour tout bagage on a vingt ans / On a des réserves de printemps / Qu'on jetterait comme des miettes de pain / A des oiseaux sur le chemin." Là, Cali choisit opportunément la modernité et l’électro. Pour Ni dieu ni maître, c’est le rock qui est préféré dans cette chanson sur l’anarchie et qui renvoie à cet autre titre emblématique, Les Anarchistes, aussi sombre et mélancolique que la version de Ferré pouvait être combative et engagée : "La plupart fils de rien ou bien fils de si peu / Qu'on ne les voit jamais que lorsqu'on a peur d'eux / Les anarchistes / Ils sont morts cent dix fois / Pour que dalle et pourquoi ?"

    Les guitares fument sur un rythme espagnol étouffant

    Outre le joyeux et mutin Joli Môme, un titre qui avait été écrit au départ pour Annie Butor, la belle-fille de Ferré, Cali propose une interprétation de La mémoire et la mer assez proche, dans les gènes, à l’original studio, mais avec une facture lo-fi et des percussions sombres qui lui confèrent une indéniable puissance nostalgique et une singulière patine du temps : "Je me souviens des soirs là-bas / Et des sprints gagnés sur l'écume / Cette bave des chevaux ras / Au ras des rocs qui se consument / Ô l'ange des plaisirs perdus / Ô rumeurs d'une autre habitude / Mes désirs dès lors ne sont plus / Qu'un chagrin de ma solitude."

    Impossible de ne pas parler de l’un des classiques le plus célèbres de Ferré. Avec le Temps renaît grâce un enregistrement audacieux par l’utilisation d’une guitare nue et un admirable jeu d’échos. L’auditeur peut féliciter Cali pour son interprétation sans fioriture, lui permettant de laisser les mots du poète dominer le sujet : "Avec le temps, va, tout s'en va et l'on se sent blanchi / Comme un cheval fourbu et l'on se sent glacé / Dans un lit de hasard et l'on se sent tout seul / Peut-être, mais peinard / Et l'on se sent floué par les années perdues."

    Cali, le "métamec", pour reprendre le titre de l’album posthume de 2000, se fait carrément aventurier pour Le flamenco de Paris qui devient, grâce à lui, une authentique création musicale. Les guitares fument sur un rythme espagnol étouffant, faisant de ce flamenco un vrai chant de mort.

    On s’arrêtera aussi longtemps et plusieurs fois sur ce joyau qu’est Thank You Satan : lumineux, majestueux et d’une belle épaisseur instrumentale et rythmique. Les mots de Ferré renaissent avec lyrisme dans une chanson qui n’est pas forcément la plus connue dans la discographie de Ferré : "Pour la solitude des rois / Le rire des têtes de morts / Le moyen de tourner la loi / Et qu'on ne me fasse point taire / Et que je chante pour ton bien / Dans ce monde où les muselières / Ne sont pas faites pour les chiens."

    L’album se termine avec un titre rare de Ferré, L'amour est dans l'escalier. Ce poème de Léo Ferré, mis en musique par Steve Nieve et François Poggio, est interprété par le Mathieu Ferré, son fils, au timbre de voix si familier. Cali semble quitter cet album d’adaptations réussies sur la pointe des pieds, en laissant le dernier mot à Léo Ferré lui-même. Il aurait eu 102 ans cette année, déjà.

    Cali chante Léo Ferré, BMG, sorti le 5 octobre 2018
    En concert à Paris, le 16 novembre 2018 au Théâtre Dejazet
    https://www.calimusic.fr

    Voir aussi : "Le retour de la femme mimosa"
    "Aznavour, le mal-aimé"

  • Jain, paroles et musique

    Nous parlions il y a quelques jours de Jain et de son album phénomène, Souldier.

    Il y a une autre manière d’écouter et de s’immerger dans l’univers de la chanteuse pop : Delphine Dussoubs, alias Dalkhafine, est la créatrice de ces petits bijoux, produits par Spookland.

    Ces vidéos hypnotisantes dans lesquelles les mots de Jain viennent danser et nous trotter dans la tête sont à découvrir sur Internet. Une vraie curiosité.

    Jain, Souldier, Columbia, 2018
    Chaîne Youtube de Jain 
    https://www.jain-music.com/fr

    Voir aussi : "En-Jain it"

  • Aznavour, le mal-aimé

    Il paraît que le grand regret de Charles Aznanour était que ses textes n'étaient pas mis au niveau de ses contemporains, Léo Ferré Jacques Brel ou Georges Brassens. Une considération injuste pour ce fils d'immigrés arméniens nourri à la culture française et affamé de mots. Dans une interview au Figaro, Robert Belleret (Vies et Légendes de Charles Aznavour, éd. Archipel) rappelle que Charles Aznavour disait : "Mon pays c'est la langue française." Il est singulier de penser qu’à l’instar de Jacques Brel, longtemps traumatisé par l’école, c’est plus à la curiosité et à la pugnacité ("assoiffé, obstiné" confie-t-il dans Les Emmerdes) qu’à son cursus scolaire que l’on doit un trésor musical exceptionnel.

    Dans les années à venir, des spécialistes français se pencheront sur les quelques 1200 chansons d’Aznavour. Tel n’est pas l’objet de ce blabla qui préfère parler d’une forme de désamour d’un artiste, de son propre aveu plus apprécié à l’étranger qu’en France.

    Dans sa discographie, le thème de l’amour a été décliné sous tous les angles – coups de foudre, rencontres éphémères, complicité à deux, étreintes torrides, rêves romantiques, homosexualité ou séparations cruelles. Dans ce domaine, l’auteur d’Il faut savoir a montré une créativité sans faille tout au long de sa carrière, maniant les mots avec élégance et subtilité. Dans Comme des étrangers, le déchirant bilan d’un couple finissant, le texte se déploie dans une prose recherchée  : "Nous tuons le temps. Le temps qui sûrement nous dévore et ravage ce rien de pureté contenu dans nos cœurs. Et nous sommes deux fous qui, croyant être sages, se gorgent d’un passé qui lentement se meure." Dans Qui, c’est la sobriété qui guide une chanson tout en retenue et en maîtrise sur le thème de la jalousie : "Qui / Frôlera tes lèvres / Et vibrant de fièvres / Surprenant ton corps / Deviendra ton maître / En y faisant naître / Un nouveau bien-être / Un nouveau bonheur."

    Aznavour, auteur littéraire et classique ? Cela mérite d’être nuancé. S’il est indéniable que de nombreux standards sont entrés dans les programmes scolaires (La Bohême, Comme ils disent ou Les Comédiens), ce fils de migrants arméniens montre qu’il a d’abord été bercé dans le parler populaire et l’argot parisien. Robert Belleret rappelle, dans son interview au Figaro, qu’il n’a pas ouvert de livres avant l’âge de 35 ans. Il faut aussi ajouter que la critique du milieu du XXe siècle a toisé cet artiste : trop petit, mauvais chanteur et doté en plus d’un gros nez ! Ce qui a conduit Charles Aznavour à se mettre à l’écart de cette élite et à puiser son inspiration dans des sources étonnantes.

    Trop petit, mauvais chanteur et doté en plus d’un gros nez

    Que l’on pense à cet usage du franglais dans le titre décalé et très crooner For Me For Me, Formidable : "You are the one for me, for me, for me formidable / You are my love very very very véritable / Et je voudrais pouvoir un jour enfin te le dire / te l’écrire / Dans la langue de Shakespeare." Tout aussi américain, mais aussi naturaliste, le nerveux Poker nous fait entrer dans une salle de jeu sordide au fond d’un tripot : "On prend les cartes / On brasse les cartes / On coupe les cartes / On donne les cartes / C’est merveilleux on va jouer au poker / On r’prend ses cartes / On r’garde ses gardes / On s’écrit cartes / Et puis on écarte / J’en jette trois / Car j’ai déjà une paire." Dans Je Bois, c’est dans la peau d’un alcoolique déprimé qu’il se glisse : "Je bois pour me donner l’illusion que j’existe puisque trop égoïste pour me péter la gueule."

    Auteur populaire, Aznavour parlait particulièrement à son public lorsqu’il osait utiliser un vocabulaire trivial et peu usé dans la musique : "Mes amis mes amours mes emmerdes", clame-t-il avec acidité dans un retour sur lui-même, sur sa carrière au "sommet" et sur sa "course contre le temps." Shocking ! Voilà qui fait sans doute la singularité d’un artiste sans doute plus en marge dans la chanson française que sont Brel, Brassens ou Ferré – des génies ayant cultivé leur indépendance, sans s'écarter pour autant d’une forme de classicisme. Mais Aznavour, auteur insatiable de ces "émouvants amours," a su, à l’instar de Gainsbourg – singulièrement un autre fils d’immigré de l’Europe de l'est ! –, nourrir ses textes dans le parler de la rue ou un franglais décomplexé.

    Un véritable tour de force pour un artiste qui a su imprégner la culture française de quelques textes tombés dans le langage courant, lorsqu’ils ne sont pas fredonnés. Sans aucun doute, les phrases "La misère sera moins triste au soleil" (Emmenez-moi), "J'ai un numéro très spécial qui finit en numéro intégral" (Comme ils disent) ou "Ils sont venus ils sont tous là" (La Mamma) sont devenus en eux-mêmes quelques morceaux d’anthologie.

    Au terme de cette chronique, l’on ne peut que sourire à l’écoute de son premier grand succès, J’m voyais déjà. Ce chant d’un artiste du show-business mal-aimé sonne comme un grand pied de nez aux critiques de son époque : "On ne m’a jamais accordé ma chance. D’autres ont réussi avec peu de voix et beaucoup d’argent. Moi j’étais trop pur ou trop en avance, mais un jour viendra où je leur montrerai que j’ai du talent."

    Charles Aznavour, Platinum Collection, 3 CD, Parlophone, 2004
    "Le pays de Charles Aznavour était la langue française" in Le Figaro, 2 octobre 2018

    Voir aussi : "Gainsbourg, un enfant de la chance"

     

  • En-Jain it

    Jain : enjoy it! Voilà qui illustrerait au mieux cette chronique sur le deuxième album de la jeune Toulousaine, en passe de devenir une superstar de l’électro-pop, au même titre que Christine and the Queens. Soudier et Chris : en cette rentrée 2018, l’actualité musicale est marquée par deux albums phares de la musique française. Deux albums, mais aussi deux chanteuses d’une vingtaine d’années, deux personnalités attachantes et deux phénomènes hyper douées : Jain et Chris cumulent les points communs et les singularités.

    Singulière, la native de Toulouse l’est sans aucun doute. Souldier était aussi attendu que craint : après le succès de Zanaka en 2015, la pression était sur elle. Son deuxième opus a fait pousser des oufs de soulagement autant que de ravissement à ses fans de plus en plus nombreux.

    En dépit d’un matraquage médiatique tous azimut, Jain ne choisit ni la facilité ni les sentiers battus. Souldier est même du jamais entendu. L’expression "electro world" n’a jamais aussi bien porté son nom dans un album où le son vient piocher dans des sonorités internationales : pop des années 80 (Feel it), arabe (On my way), soul américaine (Flash (Pointe noire)), funk (Oh man), folk (le magnifique Dream), reggae (Souldier, un hommage reggae au Buffalo Soldier de Bob Marley) ou le hip hop avec le fameux Inspecta, remixant le générique du dessin animé Inspecteur Gadget – un vrai hymne à la pop culture !

    Remixant le générique du dessin animé Inspecteur Gadget

    Soudier, sous tes airs d’opus mainstream, sait aussi se singulariser par des titres plus personnels qu’ils paraissent a priori. C’est par exemple le titre qui donne son nom à l’album, et qui est un hommage à la tuerie d’Orlando en juin 2016 (50 morts dans une boîte de nuit de la communauté LGBT) : "He's a soldier / I saw him with my eyes / Bearing roses in his arms / Yeah I saw him with my eyes / Spreading his love all around." La chanteuse offre également un vrai chant d’amour à la ville d’Abu Dhabi : "Pushing the limits of music from the inside / Your arabic sound is driving my mind / The first time I walked down into your town / A new kind of music had blessed my soul" (Souldier). 

    Jain s’amuse dans un album à la fois rythmé, généreux, dansant, coloré, avec ce je ne sais quoi d’irrévérencieux. Les boîtes à rythme sont survitaminées, les mélodies pleines de subtilités (On my Way, Dream ou le archi diffusé Alright) et la voix incandescente de la chanteuse fait tomber toutes les réticences. Sans oublier, dans un opus entièrement en anglais, cet accent français qui devrait faire chavirer le public international.

    Jain est entrée dans la cour des très grands artistes dont les futurs opus – soyons-en sûrs – seront attendus avec enthousiasme : "En-Jain it !"

    Jain, Souldier, Columbia, 2018
    https://www.jain-music.com/fr

    Voir aussi : "La reine Christine"

  • Ce trimestre, dans Hexagone

    Le bloggeur chronique sur Hexagone, le magazine trimestriel de la chanson.

    Dans le numéro de cet automne, vous retrouverez une chronique sur le dernier EP de Fabian Tharin, Fosbury, et une critique de l'album de Dick Annegarn, 12 Villes 12 Chansons.

  • Le bleu piscine va bien à Nicolas Vidal

    Revoilà Nicolas Vidal. L’ex-fan des eighties avait fait l’objet d’une chronique sur Bla Bla Blog. Il est revenu cet été avec Bleu piscine.

    Sans surprise, ce troisième album est un retour aux années 80, devenues particulièrement hype ces derniers temps. Cette décennie, longtemps malmenée, pour ne pas dire ringardisée, a été depuis réhabilitée grâce notamment à la nouvelle scène electro-pop. Ce mois ci le magazine Magic fait même de 1988 la plus grande année du rock. Ni plus ni moins.

    Mais là n'est pas le sujet. Les années 80 font depuis longtemps parti de l'univers de Nicolas Vidal à l’exemple de Bleu Piscine, dont le titre renvoie au Pull Marine, le tube emblématique d’Isabelle Adjaini. Le moins que l'on puisse dire est que cette couleur va bien à Nicolas Vidal. Le musicien alterne rythmes, variations et sonorités renvoyant aux eighties, à l’exemple de ces titres pop acidulés que sont Ar (Mon Amour) et Roche. Ils côtoient d’autres titres plus électros (L’Amour qui penche), et toujours avec des textes finement écrits : "Jouir de la vie sans entrave / avec un pardessus moiré / Jurer à la saison des braves / De ne jamais s’ennuyer / Déclarer à la littérature / Son unique fidélité / Puis inspirer des murmures / À la faune électrisée / Voilà un été dandy / À digérer tes frasques / Nous à l’été dandy / Immaculés fantasques / Surprenant été dandy / Élégant iconoclaste" (Été dandy).

    Balades noctambules à Londres ou dans le Paris du Palace

    La new wave tient une bonne place dans cet album chaleureux (Transe) qui, si il est écrit en français, n’en reste pas moins marqué par l’influence de la pop anglaise post-Beatles, à l’exemple du très réussi John, en featuring avec Une Femme Mariée. Impossible également de ne pas citer Alain Chamfort (Été dandy) et bien entendu le Gainsbourg dernière époque (Bleu Piscine).

    Non sans mélancolie (Balboa, Pop Boy à Paris ou John), Nicolas Vidal semble déambuler dans ces "hauts quartiers de peine" comme le chantait Dominique A : ses balades noctambules à Londres ou dans le Paris du Palace est aussi la peinture baroque d’une époque passée dans la postérité pour son mauvais goût devenu légendaire. Nicolas Vidal en fait une oraison électro gothique dans Été Dandy et une balades romantique (Sous ton ombrelle).

    Certaines et certains pourront s'agacer d'un album à la nostalgie assumée (La Vie D'avant) ; beaucoup pourront par contre se laisser prendre au piège par un opus qui semble faire un grand retour vers le futur.

    Nicolas Vidal, Bleu Piscine, n(ouvelle)v(ersion), 2018
    https://www.difymusic.com/nicolasvidal
    https://www.faceszine.com
    Pierre Evil, "1988", in Magic, septembre-octobre 2018

    Voir aussi : "Ex fan des eighties"

  • Rencontre avec Odrylane, les plus celtes des Alsaciens

    Il y a quelques mois de cela, Bla Bla Blog avait consacré une chronique sur Odrylane, un groupe strasbourgeois parti s’aventurer sur les chemins d’une world music où se mêlent le rock, la pop, le hip hop mais aussi la musique traditionnelle celte.

    Voilà qui ne pouvait qu’aiguiser notre curiosité. Bla Bla Blog a interrogé Quentin Bangert, Guillaume Levy et Valentin Descourvières, trois des quatre membres d’Odrylane (leur quatrième comparse est Piel Benoît). Nous les avons interrogés à l’occasion de la sortie de leur premier album.

    Bla Bla Blog – Voulez-vous vous présenter et parler de votre rencontre ? De quand date-t-elle d’ailleurs ?

    Odrylane (Quentin Bangert) – Je suis Quentin et je joue la guitare classique. Nous étions à la fac de musique avec Guillaume dans la même promo. Un jour je lui ai proposé de venir chez moi pour jammer ensemble car je savais qu'il faisait du bouzouki. On a composé et enregistré des morceaux pour s'amuser et dans le cadre des cours et comme ça marchait très bien on a décidé de créer un groupe. La création du groupe a eu lieu en 2015 et avec Guillaume nous nous sommes rencontrés en 2012.

    (Guillaume Levy) – Comme l’a dit Quentin on s’est rencontré et on est devenu amis en 2012. Dans les projets musicaux de la fac on galérait un peu à jouer ensemble par moment (rire). Mais bizarrement quand on a jammé ensemble en 2015 ça a fait un déclic. C’était trop cool de jouer ensemble, jouer avec Quentin m’a beaucoup appris sur la musique.

    (Valentin Descourvières) – Alors, moi, c’est Valentin, le violoniste du groupe. En fait, on vient tous de la faculté de musicologie à Strasbourg et c’est de là qu’on s’est connus. Je me rappelle avoir fait irruption dans le studio de répétition où se trouvaient Guillaume et Quentin, parce que le son du bouzouki m’intriguait. À l’époque, ils avaient déjà fait quelques concerts sous le nom d’"Odyssée", mais cherchaient encore des musiciens pour améliorer la qualité de leurs compositions. Je suis resté pour écouter, et, au fil de la discussion, on est partis sur une petite improvisation et j’ai été adopté. Quelques mois plus tard, on a changé de nom pour Odrylane, et on a dû trouver un nouveau percussionniste pour remplacer l’ancien. C’est comme ça que Piel a rejoint l’aventure.

    BBB – Racontez-nous votre manière de travailler ? Qui compose ? Comment sont partagés les rôles ?

    Odrylane (Quentin Bangert) – Nous composons tous les deux, Guillaume et moi. Lors de la création de composition on cherche toujours un équilibre entre mélodie et accompagnement et cet équilibre se fait naturellement. Parfois Guillaume ramène une idée ou alors c'est moi. Parfois, on cherche une atmosphère ou un caractère particulier. Ça dépend vraiment de notre humeur, du lieu et de ce que l'on écoute.

    (Guillaume Levy) – Quand on joue ensemble on se complète et on arrive à embellir le jeu de l’autre. Nos visions sont a priori complémentaires. C’est toujours génial quand l’un de nous ramène une mélodie et que l’autre plaque les accords et que ça créer quelques chose ou on se dit : "Woow !" Après, on le joue un petit moment en boucle et c’est parti. On l’amène à Valentin et Piel afin qu’ils mettent en valeur les morceaux avec leurs idées.

    BBB – On ne peut parler de votre travail sans évoquer vos influences.

    Odrylane (Quentin Bangert) – Il n'y a aucune frontière dans ce que j'écoute et dans mes influences. J'essaye d'écouter et de découvrir la musique de tous les horizons. Mais à la base, j'écoutais du rock, du métal principalement.

    (Guillaume Levy) – Comme Quentin mes goûts sont éclectiques on peut trouver de l’intérêt dans tous les genres. Ça dépend des moments et de ce que l’on recherche. Cependant mes préférences restent le pagan folk/celtique et le métal.

    (Valentin Descourvières) – Piel, lui, vient du hard rock et touche beaucoup à la musique progressive. Quant à moi, je suis issu du conservatoire et ai donc à la base une formation classique de laquelle j’ai quelque peu… dévié.

    BBB – Il y a aussi la Bretagne. Si je vous dis que le rock celtique est dans vos gènes, est-ce que j’exagère ?

    Odrylane (Quentin Bangert) – Dans les gènes je ne sais pas, mais dans les musiques traditionnelles de cette région, les danses, les légendes, il y a quelque chose d'attirant.

    (Guillaume Levy) – Grave ! Les sonorités et les légendes sont fascinantes… En live, quand on arrive à faire danser les gens c’est génial, un de ces jours faudra quand même qu’on apprenne la jig, l’Hanter dro …

    (Valentin Descourvières) – Dès qu’on parle de rock celtique, on pense immédiatement à la Bretagne où cette part du folklore est vraiment marquée. Alors oui, évidement, c’est une musique qui nous parle et qui nous influence énormément, au même titre que la musique irlandaise par exemple. Maintenant, de là à dire que c’est dans nos gènes… J’imagine qu’on aimerait bien !

    BBB – Et pourtant, vous venez d’Alsace...

    Odrylane (Quentin Bangert) – Ja, Prima.

    (Guillaume Levy) – Ah yo, mais il faut avouer que nos paysages sont inspirants (la vue du haut du Château du Hohenbourg est magnifique) et il y a des légendes sympa en Alsace.

    (Valentin Descourvières) – Oui en effet ! On y est même un peu disséminer (50% Bas-Rhin, 50% Haut-Rhin…). Mais nous nous basons à Strasbourg pour répéter, pour des raisons pratiques.

    BBB – Odrylane pourrait-il d’ailleurs un jour s’intéresser au répertoire alsacien traditionnel (Bloosmusik, Guggenmusik ou le Cabaret alsacien), pour le revisiter à la mode pop-rock ?

    Odrylane (Quentin Bangert) – Pourquoi pas un jour.

    (Guillaume Levy) – Qui sait, si quelque chose attire notre attention un de ces jours. Mon grand-père était accordéoniste dans un groupe de musique alsacienne. Il tournait bien, en plus.

    (Valentin Descourvières) – Je ne pense pas que ce soit au programme. À vrai dire, on n’en est pas très friand, et personnellement, ce n’est vraiment pas ma tasse de thé…

    BBB – Parlez-nous de ce nouvel album, mais aussi des instruments que vous utilisez.

    Odrylane (Quentin Bangert) – Nous avons réalisé l'enregistrement avec nos propres moyens. Il y a juste le mix et le mastering qui ont été réalisés par Maxime Kolb du Krnoyz Studio. Dans cet album, j'ai joué de la guitare, du banjo et du piano. Valentin a joué du violon et Piel de la batterie.

    (Guillaume Levy) – De mon côté j’ai joué du bouzouki, de la flûte irlandaise, de la basse… C’était vraiment chouette de tester nos morceaux avec les possibilités qu’offre le studio. Doubler les grattes à Quentin pour la puissance, faire des harmonies de violons, inverser des roulements de batterie ... Maxime à fait un super travail.

    "On nous compare souvent à Manau, évidemment"

    (Valentin Descourvières) – On a eu énormément de chance pour la réalisation de cet album. Ça faisait deux ans qu’on faisait des concerts dans tous les coins de l’Alsace et que tout l’argent qu’on gagnait partait dans une caisse commune. On hésitait à investir dans un disque. On a eu besoin de mettre notre musique sur un disque, donc on s’est lancés dans ce projet et on a commencé à enregistrer de notre côté en sachant que les fonds qu’on avait accumulés ne suffiraient pas à préparer une sortie d’album digne de ce nom. Un ami nous a alors suggéré de lancer un financement participatif pour monter le projet, conseil qu’on a très bien fait de suivre, puisque a obtenu la somme de 1000 € en un jour pour financer le pressage, les droits de diffusions et la promotion de l’album… On n’en revenait pas. Sans ce soutien on n’aurait jamais pu le sortir aussi vite…

    BBB – J’aimerais que vous nous parliez d’une chanson étonnante de cet album : Le Diable. J’imagine que cette chanson a son histoire. D’abord, où l’avez-vous écrite ?

    Odrylane (Quentin Bangert) – C'est Guillaume qui a écrit cette chanson lorsqu’il était en vacances dans le sud. D'autres chansons ont également leurs petites anecdotes très marrantes, mais qu'il nous faut garder secrètes…

    BBB – Impossible aussi de ne pas faire référence à Manau et à la Tribu de Dana, avec cet autre titre, Sous les Étoiles.

    Odrylane (Quentin Bangert) – Cette chanson a mis beaucoup de temps avant de prendre sa forme actuelle. Mais le fait que tu cites Manau ça nous fait bien plaisir car c'est une grande influence pour nous.

    (Valentin Descourvières) – On nous compare souvent à Manau, évidemment. Particulièrement avec ce titre. C’est vrai que c’est un peu eux qui ont réussi à faire revivre cette musique en France, toute en la modernisant. Finalement, on a un peu la même démarche, même si seul ce titre est autant marqué par l’influence hip-hop.

    BBB – Qu’écoutez-vous aujourd’hui ? Que trouve-t-on dans votre playlist à chacun ?

    Odrylane (Quentin Bangert) Irfan/ The Eternal Return et j'ai découvert un groupe de post rock coréen qui joue sur des instruments traditionnels asiatiques : c'est Jambinai.

    (Guillaume Levy) – Saltatio Mortis, We Drink Your Blood (Powerwolf cover), Hedningarna, Räven ou Heilung, Krigsgaldr

    (Valentin Descourvières) – Globalement, je dirais qu’on y trouve beaucoup de style différents, allant du métal à la musique du Moyen-Âge, en passant par la musique du monde, le jazz, l’électro ou encore le rap !

    BBB – Et y a-t-il un titre "honteux" que vous aimez écouter ?

    Odrylane (Quentin Bangert) – Oui, j'aime bien Pakito c'est de la techno, A night to remember.

    (Valentin Descourvières) – Récemment, pour une raison mystérieuse que je ne saurai expliquer, j’ai branché La danse des canards, mais ne le criez pas sur les toits par pitié !

    BBB – Quel est le dernier livre et le dernier film que vous avez lu et vu ?

    Odrylane (Quentin Bangert) – La nature dans ma vie de Sarah Marquis

    (Guillaume Levy) – Home de Yann Arthus Bertrand

    (Valentin Descourvières) – En ce moment, j’essaie d’avancer dans le Coran, parce que j’estime que ça fait partie de la culture générale, mais j’avoue avoir quelque peu abandonné … Quant au dernier film, c’est complètement hors contexte, mais il s’agit du Dîner de Con

    BBB – Quelle est votre prochaine actualité après la sortie de cet album ? Des concerts ? Des tournées?

    Odrylane (Quentin Bangert) – Nous allons refaire des photos pour mieux représenter l'univers du groupe, et il se peut que nous puissions jouer à Tours dans un festival. Et surtout la création de nouveaux morceaux…

    (Valentin Descourvières) – À l’heure actuelle, on est tous plus ou moins en vacances. On a quelques concerts de prévus, nous avons joué notamment au festival du Summerlied, le 19 août à Ohlungen. Mais même si on ne présente pas beaucoup d’actualité, je sens que le besoin de composer à nouveau va se faire sentir prochainement.

    BBB – Merci d’avoir répondu à nos questions.

    Odrylane (Quentin Bangert) – Merci et à bientôt.

    (Guillaume Levy) – Merci à la prochaine !

    Odrylane, Odrylane, 2018
    http://odrylane.fr

    Voir aussi : "Breizh'n roll"