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On ne compte plus les musiciens ayant réussi à se faire un nom grâce à Youtube et aux réseaux sociaux. En dévoilant, fin 2017, son premier single, Lose No Sleep, la chanteuse Abi Lomby a pour le moins suscité un rare intérêt.
La jeune artiste a été prise sous son aile par le parolier américain LaShawn Daniels, séduit par une voix puissante et d’une rare maturité.
Abi Lomby vit maintenant entre la France et les États-Unis et ambitionne déjà un premier album – et une carrière internationale. Un défi largement dans ses cordes.
Stéphane Grangier (Nórd) et Craig Walter, le chanteur anglais d’Archive, ont uni leur force et leur talent dans un album ample et ambitieux, Ce Siècle.
Pas moins de 14 titres mêlant textes denses à la Noir Désir ("Ce siècle a des allures d’enfer / Un point pour toi un point pour les autres / J’observe les sept têtes sortir de la mer / Un océan de gaz et de mazout", Ce siècle), rock aiguisé (Alors sans cesse) ou psychédélique (Ce siècle), pop anglaise des années 70 (Burning inside), violons lyriques (Foule étrange), chanson française (Les mots du monde) et une techno savamment dosée (Into the void).
Le duo franco-anglais fonctionne à merveille dans cet album début de siècle sombre, romantique et élégant qui nous parle de notre époque faite d’incommunicabilité, de désespoir, de guerres et d’une nature prête à reprendre sa vengeance ("Et la mer un jour recouvrira le tout et nous nagerons / Pour toujours", Foule étrange).
Il y a de l’épaisseur et de la grâce chez Nórd jusque dans ces chansons plus intimes, comme c’est le cas pour As-tu ("As-tu la pluie / Comme chaque automne / Qui te parle quand la fin est proche / As-tu la foi / Que je te donne") ou bien Je n’ai pas dormi ("Je n’ai pas dormi / je retenais la nuit / Je suspendais mes yeux à la lumière du jour / J’attendais qu’on me dise encore un jour un signe / Pour que j’existe"). Il y a du Noir Désir dans ces titres rock à la fois sombres et aux textes ciselés (Je m’égare). Mais il n’est pas non plus absurde de chercher chez Nórd l’influence de brillants aînés, que ce soit Alain Bashung (Ce siècle), Yann Tiersen (Un monde à part), Léo Ferré (Les mots du monde), Jacques Brel (Je ne voulais pas t’aimer), le Serge Gainsbourg des années 80 (Je fume) ou encore The Doors (Burning Inside). Le duo anglo-français cite volontiers d’autres figures musicales : Serge Reggiani, Hubert-Félix Thiéfaine, Janis Joplin ou encore The Velvet Undergound. Rien que ça.
On ne peut qu’être admiratif devant ce qui est un authentique concept album conçu avec un soin particulier, autant dans le son que dans le texte ("Et nos mains se soignent en se caressant le corps délétère / D’une statuette de marbre / Arrogant sûr de nous-même quand l’autre répond / Je suis moi"). Nórd fait preuve d’une belle présence vocale et un engagement sans faille (Je fume). Il est servi et accompagné par un orchestre de 40 musiciens, preuve que Ce siècle appartient déjà à la gamme des albums hauts de gamme. Du bel ouvrage.
Parallèlement à la sortir de cet album prévu début 2018, Stéphane Nórd sortira son roman Je suis célèbre (éd. Écrans) un récit initiatique explorant l’envers du monde de la musique, en résonance avec Ce siècle. Chaque chapitre du livre s’ouvrira par un texte de chanson de son dernier opus.
Nórd, Ce siècle, Sony Music / Sterne / Canitro & Co / High Valley, début 2018 Stéphane Nórd, Je suis célèbre, éd. Écrans, janvier 2018
Romain Pinsolle n’a pas oublié ses classiques, lui qui puise ses influences aussi bien dans le rock (Les Pales), le blues (La Pluie), le reggae (Encore) ou dans la pop des années 80 (Le Vin et L’Assassin) – décidément une source d’influence inépuisable en ce moment chez la jeune génération d’artistes compositeurs.
Après un passage dans le groupe Hangar, encouragé par l’écurie Universal, le guitariste et co-compositeur a décidé de se lancer en solitaire dans un premier album solo, sorti en cette fin d’année.
Pas de tergiversations ni de chichis pour Romain Pinsolle qui a travaillé à l’ancienne : instruments acoustiques (guitares, claviers, piano, saxophone), enregistrement live, compositions rugueuses et rageuses et plaisir de livrer un disque vivant et audacieux, comme le prouve l’ouverture du premier titre désenchanté et inspiré du poème éponyme de Charles Baudelaire : "Ma femme est morte / Je suis libre" (Le Vin et L’Assassin). En digne héritier de Gainsbourg, Romain Pinsolle s’y livre dans un parlé-chanté acide comme le rock : "Me voilà libre et solitaire ! / Je serai ce soir ivre mort / Alors, sans peur et sans remord, / Je me coucherai sur la terre, / Et je dormirai comme un chien."
Tout aussi gainsbourien est le titre Encore, mais cette fois ce serait du côté du mythique album reggae Aux armes et cætera (1979) qu’aurait cherché le jeune chanteur pour ses influences.
Dans la droite ligne d’artistes comme Alain Bashung Romain Pinsolle a soigné les textes de chansons au romantisme noir : "J’ai niqué mon encre éphémère / Coulé ma barque sur terre / T’es tombé sur moi comme une goutte de pluie / T’as glissé sur mes bras t’as fini dans mon lit" (La Pluie).
Chercher l’amour chez Romain Pinsolle c’est se fracasser contre une "aliénante, / Ravissante / Traînée." Incommunicabilités et incompréhensions mènent des danses amoureuses, fiévreuses et terribles : "Dis à quoi tu penses / Quand tu baises dans le noir ?"
Plus délicat, Romain Pinsolle propose le langoureux Léonita : "Des humeurs vagabondes / Étourdissent nos cœurs / Et dans le soir qui tombe / Il rachète leur bonheur" ou encore Gueule d’Ange, pour un "instant de volupté."
L’influence de Jean-Louis Murat est visible dans le titre Les Joues creuses, à l’élégante austérité : "Cette présence qui se perd, / Toutes ces joies si éphémères / Comme une absente entre ces murs / Tu fais saigner tes veines dures." Le parlé-chanté de Romain Pinsolle s’appuie sur une instrumentation minimaliste et en particulier un délicat saxophone.
Plus rock, En Arrière sent bon ces rocks aux riffs fiévreux, avant la lumineuse ballade amoureuse Pierre Bonnard : "Si j’étais peintre / Je te peindrais / Comme Matisse, Jean Renoir / Ou Pierre Bonnard." Romain Pinsolle s’y dévoile non plus en beau gosse impertinent du rock mais en artiste à fleur de peau, délivrant un premier album sincère, brut et au solide caractère.
On excusera tout à Adrienne Pauly, qui a attendu 9 ans avant de sortir son nouvel album (À vos amours, disponible le 19 Janvier 2018, Choï Music/Because), qui sera suivi d’un concert à la Maroquinerie le 19 mars prochain.
En attendant, la musicienne propose le premier clip de cet album, L’Excusemoihiste. Réalisé par Virginie Sauveur (réalisatrice d’Engrenage), Adrienne Pauly s’est offerte – excusez du peu – la participation de Jackie Berruyer et Catherine Laborde.
L’auteure de J’veux un mec (2006), marquait l’arrivée fracassante la patte d’une musicienne survoltée et à la pop acide. Adrienne Pauly revient avec un premier clip réjouissant à la hauteur des attentes. Rien que pour cela, il sera tout pardonné à Adrienne Pauly.
Disons-le tout de suite : Lo’jo est une véritable institution musicale : une quinzaine d’albums en trente ans d’existence, des centaines de concerts, des collaborations prestigieuses avec Robert Plant, Robert Wyatt ou Archie Shepp et l’image d’un groupe hors-norme qui a su imposer son regard généreux sur le monde, en dehors de toutes les modes.
Il y a une douzaine d’années, la troupe d’artistes a créé le Festival du Désert à Essakane, à deux heures de piste de la ville de Tombouctou. Un tel projet n’étonne pas chez ce groupe angevin qui va chercher ses inspirations musicales sur tous les coins de la planète.
Lo’jo nous revient cet automne avec un nouvel album, Fonetiq Flowers, aux mille et une sonorités et aux influences tous azimuts. C’est une invitation aux voyages que nous proposent Denis Péan, ses musiciens et ses choristes de Lo’jo. "Comment va le monde ?" s’interrogent ces artistes dans le titre qui inaugure l’album. La réponse pourrait être dans ce choix de s’ouvrir à des cultures, des langues et des musiques venues d’ici et d’ailleurs.
Dénis Péan et consorts proposent de nous jeter à corps perdu dans un "grand souk acoustique" : "Notre musique est un jardin anarchique qu’on essaie de cultiver pour le rendre à la fois beau et sauvage", revendique le chef de cette bande de globe-trotteurs musicaux. L’auditeur est invité à se perdre dans un voyage coloré où se mêlent fables de griots, aphorismes humanistes ou saynètes modernes (Petite Slameuse).
Au sobre et rimbaldien Tu neiges ("Tu neiges sur Paris / Et je te danse / Ce soir tu m’as laissé ma chance") répond le syncrétique Noisy Flowers à la chaleur africaine, Café des Immortels au souffle moyen-oriental ou les envolées lyriques, nippones et électroniques de Figurine, qui clôt l'album.
Lo’jo fait tomber toutes les frontières musicales, jetant aux passage des flopées de fleurs, de vers et d'élans musicaux (Nanji). Ça s’envole, ça cavalcade, ça se perd dans des arabesques à donner le tournis, que ce soit dans les souks de Marrakech (Stranjer than Stranjer), les rues de Montmartre (Chabalai), sous le ciel de Beyrouth (Les Innombrables) et dans tous ces "quartiers toujours plus magnétiques" (J’Allais).
Et toujours ces chœurs envoûtants (Fonatiq, Noisy Flowers ou La Libertad) : voilà qui constitue la vraie richesse d’un album qui vous faut chavirer et voyager comme pas permis.
Ça se passera à Penmarc’h dans le Finistère ce vendredi 20 octobre. Dans cette région du pays bigouden, plus habituée aux binious, bombardes et autres bagads, le Cap Caval accueillera la chanteuse d’électro Sônge.
On avait découvert l’an dernier la jeune artiste aux Vieilles Charrues. La Quimperoise avait auparavant bourlingué plusieurs années en Europe du Nord – Belgique, Pays-Bas et Allemagne – avant de sortir son premier EP éponyme, fruit de rencontres et de découvertes musicales comme de son passage par le Conservatoire de Paris.
Sônge c’est une électro mêlant pop, rap et Rn'B, à l’architecture impeccable et complexe (What Happened). La musicienne sait allier mélodies séduisantes et constructions rythmiques sophistiquées (Now). Sônge c’est aussi une voix venue d’ailleurs, dont les influences seraient à chercher du côté de Mia (Colorblind) ou de Björk (I Come From Pain).
L’artiste devrait signer pour un futur album en 2018. Avant que Sônge ne crève définitivement l’écran, il ne reste plus aux chanceux traînant du côté de Penmarc’h cette semaine qu’à venir l’écouter en première partie du concert d’Isaac Delusion. Dans quelques années, vous pourrez dire : j’y étais.
Sônge, en première partie du concert d’Isaac Delusion, salle Cap Caval, Penmarc'h, vendredi 20 octobre 2017 à 20h30 Sônge, Sônge, EP, Parlophone, 2017 http://www.songemusic.com
2017 est décidément l’année "Barbara" : les 20 ans de sa mort, un concert et album hommage de Gérard Depardieu en début d’année, un biopic avec Jeanne Balibar et, ce mois-ci, la sortie d’un enregistrement inédit de la longue dame brune, Lily Passion.
Inédit ? Lily Passion n’est pourtant pas inconnue. En 1986, Barbara jouait sur scène avec Gérard Depardieu un spectacle musical d’un autre genre que la chanteuse avait composé avec la collaboration de Luc Plamandon et de son fidèle accompagnateur Roland Romanelli. En 1985, elle avait enregistré une version studio qui disparut de la circulation et qu’elle rechercha jusqu’à sa mort, en vain. En 2013, soit cinq ans après son décès, dans le cadre d’un travail de remasterisation de ses archives, la firme Universal tomba sur de précieuses bandes mal étiquetées : le Lily Passion studio de 1985. Les pistes nécessitaient un important et minutieux travail de montage mais l’essentiel était là : la version studio du spectacle musical de Barbara, capital dans sa vie et dans sa carrière, pouvait voir le jour.
Lily Passion conte l’histoire d’une musicienne poursuivie par un assassin blond, tuant à chacun de ses concerts, avant de laisser un brin de mimosa en guise de signature. Lily Passion c’est aussi l’aventure d’un couple maudit et ténébreux, dans lequel amour et mort se cofondent dans une série de danses infernales : "Pourtant cet assassin m’obsède / J’ai peur / Cet assassin me suit / Qu’il me suive ou qu’il me précède / Il tue / Je chante, je chante / Il tue" (Cet Assassin).
Aux récitatifs et envolées lyriques de Gérard Depardieu dans le Lily Passion de 1986 vient répondre un album soigné qui n’a certes pas la fièvre de la captation publique de 1986, mais qui propose une série de chansons abouties. Exceptionnellement abouties.
Les connaisseurs et fans de la longue dame brune remarqueront l’absence de plusieurs titres par rapport à la version de 1986 : Berlin, David Song, Campadile, Mémoire, mémoire et, symptomatiquement, Ma plus belle Histoire d’Amour. Par ailleurs, le récitatif autobiographique Ô mes Théâtres a droit à une une version resserrée et à l’état d’ébauche – 0,51 contre 5:50 pour la captation publique.
On saluera la cohérence d’un album studio aux joyaux inoubliables et aux orchestrations soignées, avec Jannick Top à la basse, Richard Daguerre au piano mais aussi Richard Galliano à l’accordéon. La voix de Barbara est là, intacte et inspirée, pour "cette chanson plus longue que les autres."
L’auditeur pourra trouver dans plusieurs morceaux de cette version studio (Lily Passion, Emmène-moi) la touche musicale des années 80, lorsque la vague des synthétiseurs balayait tout sur son passage. Pour être juste, il convient de préciser que l’écriture de Lily Passion au début de cette décennie correspond à un virage dans la carrière de Barbara. La chanteuse se fond dans son époque et dans la modernité, en même temps qu’elle se consacre corps et âmes à son public au cours de concerts devenus de véritables messes autour d’une artiste vénérée par ses fans. La double de la chanteuse le dit ainsi dans le titre Lily Passion : "J'entends la foule qui crie mon nom / Lily Passion, Lily Passion / Et j'entre dans la fosse aux lions / Pour m'offrir en immolation."
Dans Lily Passion, d’autres titres ont une facture plus classique et plus acoustique : cordes, piano, ou bandonéon (Je viens, Bizarre, Tango indigo). Cet album studio, sorti vingt ans après sa mort, nous montre une Barbara fidèle à elle-même : sensible, mélodiste hors-pair, parolière inimitable et transportée par une histoire d’amour et de mort. Gérard Depardieu n’est pas de cet album studio, bien qu’il apparaisse en creux tout au long de Lily Passion : "P’tit voleur / Grand seigneur / Ils tireront / Ils t’auront / Ils diront qu’t’avait tort / C’est toi qu’a tiré d’abord" (Tire pas).
Barbara étonne et séduit particulièrement dans Bizarre. La chanteuse se fait jazzwoman dans un titre cinématographique et mélancolique : "Il fait bizarre / Sur la ville / Trottoirs-miroirs / Sur la ville. / Des ombres lézards / Se faufilent / Et se glissent, agiles / Dans le brouillard / Indélébile."
On sera moins étonné par le morceau le plus connu de Lily Passion, L’Île aux Mimosas, onirique, passionné et apaisé : "Et si tu m'avais cherchée, / De soir en soir, de bar en bar, / Imagine que tu m'aies trouvée, / Et qu'il ne soit pas trop tard, / Pour le temps qu'il me reste à vivre, / J'amarrerais mon piano ivre, / Pour pouvoir vivre avec toi, / Sur ton île aux mimosas."
L’auditeur est happé par un des trésors de cet album : Tango Indigo. Barbara prend à bras le corps un titre virevoltant où se mêlent la passion, le jeu, la danse, la mort et la fin du monde : "On est comme deux évadés / Qui ne croient pas ce qui est arrivé / Après, je ne sais plus les paroles / Mais je vais t'en dire de plus folles / C'est l'histoire d'un assassin blond / Qui rencontre Lily-Passion." Tango Indigo se révlèle comme le titre le plus envoûtant et irrésistible de la femme mimosa, se livrant à corps perdu dans un album déjà légendaire et sorti de l’oubli par miracle.
Sur la pochette de son premier album, L'Abri bus, Jarcamne déplie sa longue silhouette dégingandée dans un abribus, une rose à la main. Qui attend-il ? Sans doute son public, qui pourrait tomber sous le charme de cette nouvelle voix de la chanson : "Je suis heureux si ma chanson / Te plaît / Je voudrais plaire à tout le monde" comme avoue l’artiste dans J’veux pas grandir.
Jarcamne est un vrai artiste de notre époque, partageant avec Philippe Katerine le goût pour l’autodérision. Il pourrait aussi être notre voisin poli et discret, le bon pote, le collègue de bureau bienveillant ou ce lointain cousin mystérieux et sensible : "Imbibé par la chanson française, je m’efforce de parodier, la majesté, l’excès, la peur, la douleur, la fragilité de mes semblables", affirme-t-il.
Sensible, Jarcamne l’est dans sa manière de parler de sujets actuels et rarement traités : la polygamie (Le Polygame), l’environnement (Deux Mille Cent), le speed-dating (Speed dating), les élections de mini-miss (Mini-Miss), une marionnette obsessionnelle et plus vraie que nature (Plaie immobile) ou un jardin ouvrier (Le Jardin).
L’air de rien, Jarcamne impose sa voix et un discours faussement naïf. Dans Deux Mille Cent, le réchauffement climatique est poétisé avec un faux-angélisme ("Les écosystèmes s’harmonisent / L’hiver ici c’est la banquise / Les ours en méditerranée passent leurs hivers à Saint-Tropez"), jusqu’à une chute inattendue mais pourtant pleine de bon sens : "À moins qu’en l’an deux mille cent / On soit aussi con qu’à présent."
Il est également question d’engagement dans Mini-Miss. Jarcamne se fait cette fois l’observateur sévère, sur un air de samba, de ces défilés de "lolitas carnaval." Le musicien égratigne le miroir aux alouettes que sont les défilés d’enfants grimés en miss : "Maman rêve des affiches / Des shows télévisés / Papa en carriériste / Lolita en narcissique." Jarcamne a cette conclusion : "Miss est un truc pour les grands / Pas un jouet d’enfant / Pas besoin de carnaval / Pour t’aimer Lolita."
Jarcamne sait se léger dans l’excellent Speed Dating, joyeuse valse sur le thème de la séduction, de la drague et du mensonge : "Séduire et convaincre / la clochette retentit / Sept minutes pour vaincre."
Dans Le Polygame, son titre le plus provocateur, Jarcamne se glisse joyeusement dans la chambre à coucher d’un polygame. Les féministes hurleront à l’écoute des confidences d’un homme amoureux de plusieurs femmes et obligé de s’expliquer devant les autorités : "Messieurs, messieurs / Confusion, amalgame / Est-ce donc là un drame / D’héberger quelques âmes ?" Jarcamne construit une malicieuse chanson amorale, dans laquelle ce sympathique et "infâme" polygame nous parle autant de plaisir que d’hypocrisie : "Quand ils ont envoyé les képis à ma porte / J’ai compris qu’en voisin / J’avais fait des envieux."
Il est encore question d’hypocrisies – et même d’hypocrisie à double détente – dans L’Héritage. Jarcamne raconte sur un air de jazz l’histoire à la première personne d’un héritage controversé, avec pour héros un grand-père décédé qui "avait une favorite de cinquante piges sa benjamine." Le "vieux lubrique", autrefois connu pour "sa morale et ses bonnes manières", dévoile d'outre-tombe sa double vie, déshéritant du même coup ses enfants au profit de sa maîtresse. Et voilà une famille unie et "pique-assiette" s’empoignant pour un héritage qui leur file sous le nez : "Maman s’écrit : Ah la salope / Adieu chalet de Courchevel / Papa retrousse le fond de ses poches / Fini le coup de pouce mensuel."
Plus sombre est le titre Les Crayons, le plus engagé sans doute puisque Jarcamne traite dans une ballade acoustique et mélancolique de l’attentat contre Charlie Hebdo : "Marianne lève-toi, ils sont devenus fous / Marianne lève-toi on ne meure pas à genoux."
L’abribus, qui donne le titre de l’album, nous parle d’un lieu souvent ignoré, sans doute parce qu’il est omniprésent dans nos vies. Chez Jarcamne, l’abribus devient romanesque et poétique en ce qu’il condense et cristallise nos petites vies, nos espoirs, nos attentes ou nos amours : "Sous l’abribus le cœur serré / en attendant le 23 / Christophe rêve de la belle Aline / Mais de sa femme c’est la copine / Et le Christophe ne le sait pas / Sous l’abri pendant qu’il a froid / Sa femme en maîtresse saphique / Cajole l’Aline sur le sofa."
Jarcamne sait nous croquer comme peu d’artistes :"Depuis l’enfance mon oreille a toujours été captivée par ces histoires plus ou moins banales de la vie, celles de Mam’selle Clio de Charles Trénet, du Tord boyau de Pierre Perret, ou de Ta Katie ta quitté de Boby Lapointe." De belles références pour un musicien qui fait de notre monde son terrain de jeu.