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chanteur - Page 6

  • Le retour de Zeitoun

    Sorti au début de l’été, le dernier album de Frédéric Zeitoun, J’aimerais, est une occasion en or de découvrir un artiste complet et à la carrière incroyable : auteur, parolier, chroniqueur à la radio et à la télé, comédien mais aussi chanteur bien dans son époque, sachant aussi bien manier sa plume dans l’encre bleue délicate que dans le vitriol.

    Au vu du pedigree du personnage, l’auditeur ne sera pas surpris de découvrir un album s’inscrivant dans le registre d’une chanson française classique alliant écriture soignée des textes et orchestration traditionnelle. Frédéric Zeitoun propose une production attrayante et élégante : piano, accordéon, cordes ou guitares et non sans accents orientaux ("Vivre vivre").

    De quoi est-il question dans cet album dont la sincérité est indéniable ? "J’aime tout le monde" proclame par exemple Frédéric Zeitoun sur un air de jazz manouche, dans ce qui apparaît comme l’aveu d’un vrai gentil : "J'ai envie d'embrasser / À bouche que veux tu / Mes ennemis d'hier / Et même des inconnus / Rancunier de nature / Je deviens écolo / Et la terre est si belle".

    À ce morceau altruiste autant qu'amoureux vient en écho cet autre titre, "J’aimerais", que l’on pourrait qualifier comme une prière pour soi, chacun et autrui : "J’aimerais que les points sur les i ne soient plus jamais dans la gueule. J’aimerais qu’on respecte la vie pas seulement dans un linceul…. Au conditionnel improbable, j’aimerais tant et tant de choses, magnifiques et invraisemblables, comme une terre jonchée de roses".

    L’aveu d’un vrai gentil 

    Vrai album humaniste, J’aimerais parle de vie ("Les pires mensonges") d’épanouissement mais aussi d’amour ("Tant que tu es là").  C’est aussi "Apprends à désobéir", une adresse destinée au fils du chanteur ("Apprends à désobéir / Ne ploie jamais sans réfléchir / C’est ton onzième commandement / Comme les dix premiers / Souviens-t-en."). C’est encore "Vivre vivre", un morceau sur "l’urgence" de vivre et de "dire aux gens qu’on les aime tant". Frédéric Zeitoun entend parler de son expérience : "Est-ce le privilège de l’âge ? / Les années nous rendent plus sage / Je sais le bonheur bien fragile / Je sais tout ne tient qu’à un fil". "Parenthèse" parle, lui, de lâcher prise : "Prendre un pari sur l’inconnu" pour "imposer" son histoire et "préférer le risque aux regrets" pour se laisser diriger par son cœur seul.

    Homme de son époque, Frédéric Zeitoun règle également ses comptes avec notre époque corsetée et un peu trop sérieuse. C’est le sujet de "Rire de tout" : "Les temps se font dures… régime sans sucre et sans sel, régime sans sexe et sans gluten". Contre "la pensée unique" et le prêt à penser, l’artiste propose une chanson contre les censures de tout poil et pour l’impertinence.

    En parlant de chanson, celle "sans chanteur" propose, sur un thème assez classique, de faire s’exprimer une chanson attendant son interprète ("Facile à habiller un piano seul me suffirait."), son public et le succès ("Pourquoi elle et pas moi ?"). "La chanson sans chanteur" a du sens pour un parolier qui a signé pour une pléthore d’artistes.

    Citons aussi cet autre titre, "La vie sur son visage" qui est le portrait d’un vieil homme à Lisbonne, durant l’été 2019. Il s’agit du portrait d’un bel homme aux cheveux blanc portant fièrement "la vie sur son visage", chante Frédéric Zeitoun qui dédie cet extrait à Gérard Davoust.

    Le musicien ne pouvait pas terminer mieux son album que par le morceau "En mieux", une chanson autobiographique merveilleuse qui résume l’état d’esprit d’un artiste hors-pair : "À l’éternelle question / Si c’était à refaire... / Je réponds sans ambages en regardant les cieux / Je ferais tout pareil mais en mieux".

    Frédéric Zeitoun, J’aimerais, Roy Music, 2021
    https://fredericzeitoun.fr
    https://www.facebook.com/fred.zeitoun

    Voir aussi : "Souvenirs de Piednoir"

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  • Vaudou en musique

    Étrange album : avec Pelerinaj, Érol Josué transporte l’auditeur du côté des Caraïbes dans une musique mêlant avec bonheur world , électro, pop, chanson, jazz… et vaudou haïtien.

    Oui, vaudou. Car Érol Josué, chanteur, danseur, conteur, chorégraphe, anthropologue mais aussi prêtre vaudou ("houngan"), fait de son opus aux 18 titres un vrai pèlerinage (d’où le titre de l’album) dans un pays riche, coloré, bruyant, complexe mais aussi blessé. C’est ainsi que l’on doit comprendre le titre créole "Je suis grand nèg" qui est aussi le chant d’un haïtien portant la voix de son peuple et des cinq piliers de ses souffrances :  division, colonisation, division, évangélisation et corruption.

    À l’image de ce pays, c’est le syncrétisme musical qui domine dans cet album riche, solide et cohérent. Syncrétisme car la place du religieux est bien présent, que ce soit dans les chœurs de "Mitolo", dans l’harmonium de "Pèlerinaj fla vodou" ou encore dans cette reprise folk et créole de l’"Ave Maria" de Gounod ("Palave Maria").

    Chanteur, danseur, conteur, chorégraphe mais aussi prêtre vaudou

    Érol Josué a pris son temps pour cet album personnel a plus d’un égard. La voix du chanteur s’envole avec grâce ("Badji") tout en se jouant de tous les registres :  douleur ("Je suis grand nèg"), retenue ("Tchèbè tchèbè"), tendresse ("Avelekete"), sans jamais renier les traditions musicales haïtiennes ("Kafou", "Kase tonèl").

    Le travail sur les sons est remarquable dans cet opus balançant sans cesse entre traditions et modernité. Pour "Gede Nibo" c’est du côté du jazz que s’aventure Erol Josué dans une musique métissée qui ne fait pas l’impasse sur les sons caribéens. "Sim goute w" est sans doute aussi le meilleur exemple de cette pop-folk teintée de musique traditionnelle… à moins que ce ne soit l’inverse.  Quant à "Ati sole", on est dans cette musique vaudou mâtinée de sons rock, au service de l’identité haïtienne. L’électro n’est pas en reste ("Rèn sobo","Ati sole"), pas plus que ces recherches de sons inattendus, que ce soit des riffs de guitares ou des claquements de fouets ("Erzulie").

    L’auditeur s’arrêtera assurément sur le morceau "Kwi a". Tout est là : l’efficacité de l’orchestration, le texte en créole et les percussions irrésistibles de justesse et de subtilité. Envoûtant, Pelerinaj l’est jusqu’aux dernières notes de "Kase tonèl", aux rythmiques envoûtantes. Sans oublier ces chœurs qui font toute la richesse d’un album bigarré, dense et ambitieux. 

    Pour aller plus loin, rendez-vous également sur cette critique de l'album d'Erol Josué par Patrick Dallongeville.

    Erol Josué, Pelerinaj, Geomuse, 2021
    https://www.facebook.com/OfficialErolJosue
    https://www.instagram.com/erol_josue
    https://geomuse.ffm.to/pelerinaj.oyd

    Voir aussi : "Éloge de la folie"

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  • La grande famille de Kira Skov 

    C’est une merveille que je vous invite à découvrir : Spirit Tree de Kia Skov est un album brillant de mille feux. Chaque écoute fait surgir de nouveaux pans de cet opus à la sombre et sensuelle beauté. Et c’est là le propre des très grands albums que vous devez absolument avoir avec vous, et si possible au format CD ou vinyle. Je vous expliquerai en fin de chronique pourquoi.

    Pour l’extraordinaire album de Kira Skov, le moins que l’on puisse dire est que la musicienne danoise s’est offert de magnifiques featurings : Bonnie "Prince" Billy (Will Oldham), Bill Callahan, Mark Lanegan, Lenny Kaye, John Parish, Jenny Wilson ou encore Lionel Limiñana. Excusez du peu. 

    Une vraie famille comme le suggère Kira Skov lorsqu’elle présente ses collaborations dans un arbre "généalogique". Il est vrai que cet album de duos porte le titre de Spirit Tree, ce qui est logique et assumé. Elle dit ceci au sujet de cet opus conçu en pleine crise sanitaire : "Je suis tellement heureuse que tout le monde ait bien voulu participer au projet. L'album est né d'un véritable échange musical : Les bandes son ont toutes été enregistrées en direct à Copenhague, j'ai adressé les chansons aux uns et aux autres sous forme de fichiers audio et chacun y a ajouté sa voix au fur et à mesure."

    Spirit Tree est une œuvre incroyable aux sons folk et aérien, portés par une voix sensuelle, soyeuse et aérienne ("We Won’t Go Quietly", "Pick Me Up", "Tidal Heart"). Il se dégage de l’album une indéniable mélancolie. Lorsque, à l’instar du morceau "In The End" (en duo avec Bonnie "Prince" Billy, à la voix de crooner irrésistible), le désespoir affleure, la musique et les voix se révèlent aussi sensuelles et belles que le légendaire "Where The Wild Roses Grow" de Nick Cave et Kylie Minogue : "Lover anoint me / find me, destroy me / I am the daughter, sister, lover child / show me no mercy / spare me not the detail / I want to suffer for my sins."

    Une élégance désarçonnante dans cette pop-folk faussement désinvolte 

    C’est encore en duo avec Bonnie "Prince" Billy qu’elle se lance dans une magnifique déclaration d’amour, "Some Kinds Of Lovers" ("I wanna walk with you through the forests / Like some kind of lovers / Like many have before us / Hovering above us is a sky of distant stars and memories").

    Il y a une élégance désarçonnante dans cette pop-folk faussement désinvolte, à l’instar de "Horses", un morceau qui commence a capela avant de s’envoler dans une pop rutilante aux voix fragiles. Citons aussi "Burn Down The House" ou la formidable ode aux poètes, "Ode To The Poets", née d’un dialogue imaginaire entre Jack Kerouac et Dylan Thomas et qu’interprètent Kira Skov et Mette Lindberg.

    Il faut aussi parler du lent et lancinant "Love Is a Force", aussi menaçant qu’une plainte sourde, ou encore le sombre, mystérieux et onirique "Deep Poetry", soutenu par les mots en français de Lionel Limiñana : "Ma reine d’Ecosse / Féroce / Je t’ai tellement aimé / Je rêvais… / Anesthésié / De me faire la malle / Un de ces quatre / Avec mon couteau / À cran d’arrêt".

    On s’arrêtera tout autant sur "Dusty Kate" un titre pop qu’elle chante en duo avec Mette Lindberg et qui est un hommage à Kate Bush.  Quant à "Lenny’s Theme", Kira Skov propose un dialogue parlé-chanté avec Lenny Kays : "So, Lenny, tell me / What is it to duet ? / Tell me of the sacred dance / And the mystery of It" .

    Pour être complet sur Spirit Tree, il faut enfin absolument citer Mette Geisler, l’auteure des dessins réalisés pour un album qui est absolument à acquérir dans sa version physique. Une merveille musicale et vocale en même temps que graphique et éditoriale.  Un chef d’œuvre : j’ose dire le mot. 

    Kira Skov, Spirit Tree, Stunt Records / Unavolta Music, 2021
    https://www.facebook.com/kiraskovofficial
    https://www.instagram.com/kiraskov
    https://orcd.co/dustykate

    Voir aussi : "Transformations de Laughing Seabird"

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  • Tendre et séduisant J. Frey

    Ne vous fiez pas à la facture pop d’Immersion, le premier EP de J. Frey. La voix, la puissance et la sensibilité du chanteur peut facilement le caractériser comme un bluesman à suivre absolument. Immersion est un mini-album mixant des sons urbains et une rythmique navigant entre pop-rock, urbain, reggae et blues, donc ("Tender Love"). Voilà qui dénote une belle audace et une forte personnalité de la part d’un artiste généreux.

    Le musicien français va sur des terres mystérieuses, avec un mélange d’aplomb et de fraîcheur. Sans renier ses influences, il utilise l’électro à bon escient, à l’instar de "Sunrise", avec ces vagues lumineuses, apaisantes et mystiques. Oui, J. Frey sait être mystique dans cette manière de concevoir l’amour, omniprésent dans son séduisant opus.

    Immersion se révèle tour à tour pop-folk ("She’s Gone", avec ses percussions reproduisant les battements de cœur), eighties ("We Don’t Have The Time") ou carrément rock à l’instar de "Get Up", un titre brut presque animal en forme d’appel au combat à la Bob Marley.

    "Immersion", le titre éponyme, vient clore cet EP joliment produit. Ce premier opus se veut une promesse, tant le travail de J. Frey s’impose à chaque mesure. Rendez-vous est donc pris pour l’avenir.

    J. Frey, Immersion, Artpills Records, EP, 2021
    https://www.jfreymusic.com
    https://www.facebook.com/jfreymusic
    https://www.instagram.com/jfrey_music

    Voir aussi : "Que le rituel commence"

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  • Souvenirs de Piednoir

    Piednoir vient de sortir son premier EP,  Souvenirs de la houle. La houle en question est celle de sa Normandie natale. Et il est vrai qu’il souffle sur cet album un vent frais et la sensation que le musicien dessine des paysages qui lui sont familiers.

    Pour autant, Souvenirs de la houle est bien un pérégrination intérieure qui est un  appel à la vie, aux rencontres et à l’amour, y compris s’il peut décevoir ("Dis-moi que tout va bien / Mens moi juste une dernière fois" ,"Dis-moi" ).  "La tête haute", son premier titre, entend délivrer une série de messages bienvenus : avancer, assumer, affronter et, surtout, garder "la tête haute". 

    Les chansons de Piednoir sont plus complexes qu’il n’y parait. Les instruments acoustiques ("À nous deux") sont enrichis de sons électros mais aussi de rythmes urbains ("22H23").

    Comment ne pas conclure cette chronique par les mots de Piednoir lui-même ? Et d’abord, au sujet de son nom, justement : "Piednoir, c'est mon nom. Et parce que j'ai dû le porter, à présent je veux qu'il me porte. Je veux qu'il agisse comme un prisme pour dévoiler la poésie et le positif qu'il y a dans chaque sentiment qui me trouble, me perd, qui me rend vivant."

    Piednoir, Souvenirs de la houle, EP, 2021
    https://www.facebook.com/PiednoirMusic

    Voir aussi : "Je me fous de la chanson qui passe"

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  • Immense Andrea Laszlo de Simone

    C’est avec un peu moins de trois ans de retard que la France découvre Andra Laszlo de Simone, musicien italien reconnaissable à son look à la Franck Zappa. Mais mieux vaut tard que jamais, n’est-ce pas ? Top 3 des Inrocks en 2020 pour son album Uomo donna, le chanteur turinois avait déjà marqué les esprits avec son EP incroyable,  Immensità, sorti en France en plein Grand Confinement.

    Uomo donna s’avère une entrée en matière passionnante pour un musicien jouant du contrepied permanent. Andra Laszlo de Simone navigue entre pop seventies, sons électros, mélodies incroyables et passages lyriques ("Uomo donna"). Impossible non plus de ne pas parler de la voix inimitable du chanteur italien, sombre et mystérieuse ("Sogno l’amore").  

    "Solo un uomo", un titre pop à la construction harmonieuse définit parfaitement ce qu’est l’opus : un concept album intelligent aux constructions sonores ambitieuses revisitant l’utilisation de l’électro dans la pop ("Eterno riposo"). Qui dit concept-album dit morceaux aux durées inhabituelles, bien loin des standards classiques : plus de 11 minutes pour "Gli uomini hanno fame", un ébouriffant chant de révolte contre les soumissions, que le chanteur exprime ainsi : "Ne vous laissez pas séduire par les fléaux ou l'esclavage / Qu'est-ce qui peut encore vous effrayer ?… / La vie est brève / Dégustez la grande gorgées" ("Non vi fate sedurre da piaghe o schiavitù / Che cosa ancora vi sa spaventare?… / Ben poco la vita / Bevetela a gran sorsi"). On ne saurait mieux dire.

    "Vieni a salvarmi" est un morceau pop semblant sorti tout droit des années 70. Il faut dire qu’Andrea Laszlo de Simone sait surprendre et brouiller les pistes, comme il l’a fait récemment avec le lyrique "Immensità". Pour "Vieni a salvarmi", à la composition savante, se mêlent pop, rock progressif et électronique. Le tout se fond dans des constructions harmoniques labyrinthiques, à grand renfort de sons concrets, de riffs de guitare, d’envolées vocables et d’un superbe solo de violon venant conclure un titre d’une rare intensité.

    L’apport dingue de constructions sonores intelligentes et sans esbroufes

    Nous parlions de brouiller les pistes. L’artiste péninsulaire prouve avec "Meglio" qu’il est capable de proposer du minimalisme à la Dominique A, avec ce je ne sais quoi de moments de grâce.

    Captations de bruits de poulaillers, extraits grésillant d’émissions de radio,  musiques des sphères : Andrea Laszlo de Simone ne s’interdit rien, dans la mesure où la mélodie doit avoir le dernier mot comme aux plus belles heures de la variété des années 60 à 80 ("Questo non è amore", "La guera dei baci").

    Cela ne veut pas dire que le musicien prenne de haut la pop. Dans "Che cosa?", une balade à la guitare, voix et flûte, ne manquent ni cette patte folle, ni cet art de prendre l’auditeur à contre-pied. Si l'on voulait s’en convaincre, l’auditeur n’a qu’à s’arrêter sur "Fiore moi", un morceau au look délicieusement régressif mais dans lequel le musicien italien intègre des sonorités bien actuelles.

    9 minute 23, c’est la durée de "Sparite tutti", le dernier titre de l’opus Uomo donna, minimaliste à souhait, mais non sans l’apport dingue de constructions musicales intelligentes et sans esbroufes.  

    Parlons maintenant de ce fameux EP Immensità. Dans le titre éponyme, un degré de plus est franchi dans l’excellence. L'impressionnant morceau lyrique est appelé à rester dans les annales de la pop. Tout est immense, dit en substance le chanteur : "Toute réalité est immensité / Alors que le rêve se dissoudra alors / Ça va commencer demain / une nouvelle immensité" ("Tutta la realtà è immensità / Come il sogno poi si dissolverà / Da domani inizierà / una nuova immensità").

    À côté de ce titre incroyable, il y a la place pour "La nostra fine", à la  facture pop a priori plus "traditionnelle" mais tout aussi métaphysique, plus sombre aussi : "On peut en parler si tu veux, oui mais / La nuit est venue pour nous / C'est notre fin" ("Possiam parlarne se vuoi, sì ma / La notte è giunta per noi / È la nostra fine.").

    "Mistero", tout aussi lyrique, s’appuie sur un texte à la concision poétique rare : "Mystère / Rallume la lumière / Qui était là / Là dans ta voix? / Lueur / Produire un souffle / C'est comme / Un piège dans le cœur / Pendant ce temps / Fondre dans le corps / Douceur / Refusé / Mystère." ("Mistero / Riaccendi la luce / Chi c'era / Lì nella tua voce? / Bagliore / Produci un respiro / È come / Una trappola al cuore / E intanto / Scioglievi nel corpo / Dolcezza / Negata / Mistero").

    Andrea Laszlo de Simone prend le parti de la trinité musicale mélodie-textes et sons, à l’instar de "Conchiglie" qui vient conclure son dernier EP qui marque la révélation d'un artiste exceptionnel. Juste immense !

    Andrea Laszlo de Simone, Uomo donna, 42 Records, 2017
    Andrea Laszlo de Simone, Immensità, 42 Records, 2020
    https://andrealaszlodesimoneofficial.bandcamp.com/album/uomo-donna
    https://www.facebook.com/andrealaszlomusica
    https://www.instagram.com/andrea_laszlo_de_simone

    Voir aussi : "Fanelly dans le Metro"

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  • Herenger, bourlingueur

    Dreamers faux rêveurs, c’est d’abord l’album d’un musicien, Herenger, qui s’est enrichi de mille voyages et rencontres (Eeels, Maurice Jarre ou Beck). Le premier titre, "La nostalgie", peut du reste se comprendre comme le message d’un artiste sans cesse en mouvement : "Bourlingueur du temps passé / Souvenirs au fond des poches / Amour en papier délavé / Au creux d’un Jeans / De la musique dans les passions / De la musique en lingerie fine / Amour en papier délavé / Au creux d’un Jeans." Nostalgie aussi jusque dans la facture musicale renvoyant à une pop-rock aux accents à la Bashung.

    Je vous fais un aveu : j’ai ouvert un dictionnaire pour comprendre le sens du deuxième titre de l’album de Herenger, "Paréidolie ordinaire". Une paréidolie est un phénomène visuel identifiant une forme à une autre (par exemple un nuage apparaîtra sous la forme d’un mouton et une tâche d’encre ressemblera à un papillon. Sur cette idée, Herenger a écrit un joli morceau convoquant avec délicatesse des rêveries et des souvenirs d’enfance : "Paréidolie dans les yeux de mon père / Regarde, tu vois, là-haut, un corps de lion."

    Avec "Le gardien du phare", dans une folk cabrélienne, l’auteur-compositeur-interprète propose le portrait d’un rugueux, taiseux mais sensible homme de la côte en train de faire sa "dernière ronde" : "Ça peut paraître dérisoire / Mais dans mes rêves de gardien de phare / J’avais des voiles et des dérives / J’ai même été un bateau ivre / Aujourd’hui un peu rouillé / Je me réveille du mauvais pied / A terre, saurais-je encore aimer ?"

    Herenger sait cacher derrière des titres légers, joueurs et romantiques ("Fais-moi") des morceaux aux accents plus sombres, à l’instar de "Vole" ("Vivre au bout du fil / Vivre comme un chien / A toutes fins utiles / Lui manger dans la main… Tu t’envoles enfin."), du très pop "Limoncello Moon", la seule chanson anglaise de l’opus qui parle de perte d’un être cher ("Bathe us in your beauty / Bathe us in your gold / Bathe us till the blues wears off our souls") ou encore de "Je ne sais pas", un morceau pop-folk au talk-over sensible sur une séparation indigérable ("Rester là si tu me quittes / Et vivre si tu t’en vas / Oui vivre si tu t’en vas / Je ne sais pas").

    Herenger se pique également d’engagement avec son titre plus électro-world "Aux étoiles du nord", en featuring avec Kyekyeku. Il s’agit d’un hommage et un message à destination des migrants fuyant leur pays en guerre ("Fuir la ville / Ou mourir au combat / Perdre racine")

    Les "Affreux de la création"

    Outre ce titre mêlant chanson français et world music, Herenger teinte "Les muses sauvages"  de sons jazzy, pour cette interprétation mythologique sur les "affreux de la création" comme le disait Serge Gainsbourg : "Il n’est plus de nuit ni de jour / Que des hordes de mots qui rendent fou / Et courent dans ma tête comme des chevaux sauvages".

    Nous parlions d’engagement. Il en est aussi question dans "La banquise". Évidemment, la lutte pour l’environnement est une source intarissable d’inspiration, parfois de manière plus ou moins adroite (les bons sentiments n’ont jamais forcément faits les meilleures créations, n’est-ce pas ?). Herenger, lucide et "faux-rêveur", préfère parler de ce sujet avec minimalisme, finesse et poésie, au plus près de l’être humain que nous sommes : "Dans mon verre tournent les ombres / Monochromes… Hémisphères / A deux doigts menacés / Mais je bois pour oublier le nombre de deux doigts et deux mains / Nos demains menacés."

    L’auditeur écoutera avec un plaisir communicatif le morceau qui a inspiré le titre de l’album. "Dreamers faux rêveurs" est un formidable titre folk sur l’enfance et les rêves que Herenger interprète avec Daguerre ("On a connu les doutes, on a connu les peurs / Et la rouille solitaire quand se fanent les fleurs / Dans des verres de partage on a noyé l’ennui / et peut-être pris de l’âge mais n’avons pas grandi / N’avons jamais grandi"). Ce duo pop-rock enlevé parle de rêves, de liberté mais aussi de voyages. De bourlingues, de nouveau. On ne se refait pas. 

    Herenger, Dreamer faux rêveur, Label Ancre Production / Inouïe Distribution, 2021
    https://www.facebook.com/Herenger
    https://lebureaudelilith.com/playlist/dreamer-faux-reveur

    Voir aussi : "Bande d’Idiots"

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  • Pop rohmérienne

    Derrière Rayon vert, un titre hommage à Eric Rohmer (et/ou à Jules Verne), se cache le dernier EP du Britannique Lewis Evans.

    L’ex-chanteur du groupe normand des Lanskies revient pour un mini-album pop-rock d’une jolie facture. Ce disque a été réalisé entre la Normandie et la Californie en collaboration avec David Ivar du groupe Herman Dune qui arrangé tous les titres.

    Lewis Evans prend le parti de la sobriété, de la justesse ("Rock in the sea") mais aussi de la mélancolie ("Hold On").

    Le Rayon Vert c’est l’album d’un artiste à la fois tendu et soufflant je ne sais quoi de dolce vita – normande, bien entendu. On peut penser au titre "Cocaine", singulièrement apaisé et d’une simplicité confondante, en dépit du thème abordé, celui des addictions.

    "King Of The Jungle" séduit par son sens de la folk plus légère qu’il n’y paraît. Le titre parle avec ironie et humour des difficultés d’un musicien qui peine à rencontrer le succès. Le clip a été réalisé par Jonathan Perrut, au cours d'une vaste tournée des bars : 3 villes, 13 bars, 250 km ont été nécessaire à la fabrication de cette vidéo, que Bla Bla Blog propose bien entendu ici.

    Lewis Evans, Le Rayon Vert, EP, ZRP, 2021
    https://www.facebook.com/LewisEvansOfficial

    Voir aussi : "Je me fous de la chanson qui passe"

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