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Laura Anglade : "Je trouve ces chansons intemporelles"
La découverte du dernier album de la jazzwoman Laura Anglade, Venez donc chez moi, que nous avions chroniqué sur Bla Bla Blog, nous a donné envie d’interviewer la chanteuse, un pied en France et l’autre de l’autre côté de l’Atlantique. Rencontre avec une artiste qui voue un amour immodéré pour la chanson française, y compris le répertoire moins connu des années 30.
Bla Bla Blog – Bonjour Laura. Le public français vous découvre cette année avec votre reprise de standards de la chanson française, l’album Venez donc chez moi. Au Canada, vous êtes une des voix montantes de la scène jazz. Franco-américaine, quels sont vos rapports avec le Canada et la France ?
Laura Anglade – Merci. J’ai quitté le Connecticut à l’âge de 18 ans, à la fin du lycée. Je suis partie à Montréal, à l’université Concordia, pour suivre des études de Traduction. J’ai toujours été fascinée par les langues, depuis toute petite. Je n’avais pas du tout envisagé de suivre une carrière en musique à ce moment-là. Cette ville me tentait bien, et le programme surtout…et depuis je n’ai pas quitté le Canada !
BBB – Pour cet album de reprises, vous avez choisi des titres qui ne sont pas forcément les plus connus : "Venez donc chez moi", qui donne le titre à l’opus, mais aussi "Vous qui passez sans me voir" ou "Jamais je ne t’ai dit que je t’aimerai toujours". Pourquoi ces choix ?
LA – Venez Donc Chez Moi, tout d’abord met en avant mon identité française, mon “chez moi”, mais aussi, à un autre niveau, un album est une œuvre qui représente un moment précis, un peu comme la photographie. Nous avons enregistré cet album en pleine période de pandémie, bloqués chez nous. Avec Sam, le guitariste, on voulait inviter le public à passer un beau moment intime d’écoute, chez eux, en attendant de venir nous voir en concert peut-être un jour.
En ce qui concerne les autres titres, Charles Trenet est le chanteur préféré de mon grand-père, il me chantait souvent ses chansons quand j’étais petite. Je connais pratiquement toutes ses chansons par cœur. Je voulais rendre hommage à ma famille, en leur faisant ce cadeau, pour qu’ils puissent chanter avec moi en écoutant mon disque. Ils sont loin, donc au moins cela nous permet de nous rapprocher un peu, comme si une partie de moi était là, avec eux.
D’après moi, “Jamais je ne t’ai dit que je t’aimerai toujours” est une belle leçon. Quand on se lance dans une histoire avec quelqu’un en tout début de relation, il y a toujours un moment d’hésitation. On essaye de se protéger, sûrement pour ne pas s’emballer trop vite. On ne veut pas trop se projeter, par peur d’être rejeté, mais quand ça doit marcher, les choses se mettent en place petit à petit, naturellement. On a pas besoin de se faire des promesses ni des plans, on peut simplement vivre jour après jour, sans attente. Je trouve ce message magnifique.
BBB – On sent chez vous un attachement au répertoire des années 30 et aussi au compositeur Paul Misraki, peu connu, et qui a écrit deux de vos reprises ("Venez donc chez moi" et "Vous qui passez sans me voir"). Est-ce une invitation à redécouvrir le patrimoine musical français oublié et les chansons de Lucienne Boyer, Ray Ventura, voire Charles Trénet ?
LA – Effectivement. Je trouve que ces chansons sont intemporelles. On arrive à plonger dans ces histoires et ces mélodies, comme un bon livre. Ce sont des thèmes nostalgiques, mais en même temps encore courants. On s’y retrouve.
BBB – On est peu surpris de voir apparaître Michel Legrand ; on l’est plus par le choix de vos reprises : au lieu des "Moulins de mon cœur" ou de la "Recette du cake d’amour", vous avez choisi la magnifique "Chanson de Maxence" et de la "Valse des lilas". Pourquoi le choix de ces morceaux ?
LA – "La Chanson de Maxence", de la comédie musicale Les Demoiselles de Rochefort par Michel Legrand est l’une de ses plus belles chansons. Elle a été adaptée en anglais, et raconte une histoire complètement différente de l’originale. En général, je choisis de chanter une chanson si je trouve les paroles captivantes. Dans ce cas, je me laisse emporter par la mélodie, complexe et à la fois mémorable et nostalgique, des thèmes que l’on reconnaît facilement à travers toutes les œuvres de Michel Legrand. "La Valse des Lilas" a aussi été adaptée en anglais, c’est une chanson pleine d’espoir, comme les premières fleurs au printemps.
"Mon rêve serait de lui chanter « Chez Laurette » un jour dans son ancien café, et peut-être même d’aller y boire un verre ensemble !"
BBB – Deux femmes ont les honneurs de votre opus : Jeanne Moreau, l’interprète de "Jamais je ne t’ai dit que je t’aimerai toujours et surtout "Barbara ("Précy Jardin" et "Ce matin-là"). J’imagine que c’est tout sauf un hasard de voir Barbara figurer sur cet album.
LA – Barbara a toujours été une grande source d’inspiration. "Precy Jardin" est la chanson de Barbara ou je me reconnais le plus. Chaque été depuis mon enfance, ma famille retournait dans notre petit village dans le sud de la France. En 1973, Barbara a quitté Paris pour aller vivre à Précy sur Marne, à la campagne, et c’est là ou elle a passé ses dernières années. Dans ce lieu paisible, loin de tout, près de la nature, Barbara est au paradis. Je reconnais mon petit village, Brousse le Château, à travers les paroles, “juste le clocher qui sonne minuit”.
BBB – L’auditeur français sera heureux de trouver une reprise de "Chez Laurette". À ma connaissance, c’est l’une des première fois que Michel Delpech côtoie Charles Trénet, Charles Aznavour ou Barbara. "Chez Laurette" se devait de figurer dans votre album ? Et spécialement cette chanson, la plus célèbre sans doute de son répertoire ?
LA – "Chez Laurette", de Michel Delpech, est une de mes chansons préférées de tout l’album. J’ai appris que le chanteur a écrit la chanson en une traite durant un court trajet en train. Chez Laurette raconte l’amitié entre un jeune garçon et la dame qui tient le café au coin de la rue. Laurette devient vite la confidente de lui et de tous ses amis. Chaque chagrin d’amour, chaque fou rire, elle les voit grandir au fur et à mesure des années qui passent. C’est une belle confiance qui se construit, surtout pendant les années les plus importantes, elle les aident à naviguer l’adolescence.
Quand j’écoute cette chanson, pour moi c’est la culture française dans toute sa splendeur. Ça me rappelle de beaux souvenirs avec ma mère, quand on allait faire les boutiques en ville chaque été et qu’on retrouvait toujours les mêmes vendeuses, qui me disaient avec leur sourire familier, “alors ça pousse !” ou quand on allait chercher la viande chez le boucher de ma grand-mère, qui a vu ma mère grandir, et maintenant voyait ses enfants grandir aussi. La vie passe tellement vite. Ce sont ces personnes, ces liens qu’on crée de génération en génération qui forment nos valeurs et ce que l’on devient. J’ai aussi choisi la chanson parce que c’est une des chansons préférées de mon grand-père. Même si Michel Delpech n’est plus parmi nous, j’ai appris que cette “Laurette” est inspirée d’une vraie personne, qui existe toujours, et que ce fameux café aussi ! Mon rêve serait de lui chanter cette chanson un jour dans son ancien café, et peut-être même d’aller y boire un verre ensemble !
BBB – Après cet album, quels sont vos futurs projets ? Une tournée est-elle prévue en France ? Ou un album en préparation ?
LA – Je viens de faire une mini tournée à Paris dernièrement en juin 2022. J’espère y revenir le plus vite possible, j’adore cette ville, surtout au printemps. Je pars en tournée avec Melody Gardot en septembre, j’ai vraiment hâte. En ce moment, oui, je pense à un futur album aussi. Plein de belles choses ! Merci beaucoup.
BBB – Merci, Laura.
Interview : Bruno Chiron, septembre 2022
Laura Anglade & Sam Kirmayer, Venez donc chez moi, Justin Time Records, 2022
https://lauraanglade.com
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https://www.instagram.com/laura__anglade
Voir aussi : "Rendez-vous chez Laura Anglade"
Photo: Maggie Keogh
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