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chanteuse - Page 25

  • Des tatoos plein la tête

    Je vous avais parlé il y a quelques semaines de Maya Kamaty et de maloya, cette musique créole venue de La Réunion. Dans Tatoo Toota, Marjolaine Karlin vient puiser elle aussi dans cette culture, mais d’abord en français, pour un album coloré. Délicieux, délicat et sensuel cet opus l’est, mais aussi riche de folies poétiques mais aussi de noirceurs : "Tombe tombe la pluie / (Tu t’en vas) / Tombe tombe sur l’incendie / (Tu t’en vas) / Qui consume ma chair / Qui consume mes nerfs . Et je vois se polliniser / Les petits bouts carbonisés / De mon âme perdue devant sa dispersion / Aux quatre vents" (Tatoo).

    Tatoo Toota se pare d’une facture légère, portée par une orchestration à la fois rythmée et colorée. Chez Marjolaine Karlin, la rupture est, par exemple, traitée avec un mélange de légèreté et de mélancolie : Comment rompre parle de séparation, des luttes conjugales, des silences cruels, des batailles autour des enfants, des incompréhensions et des propos inavouables sur un rythme lancinant : "Comment rompre un silence / Dur comme un lac gelé / Sans que cette ouverture / N’inonde le plancher."

    Avec Madame la chanson, la musicienne aborde un sujet classique dans le répertoire français : la chanson, justement, dans une conversation avec cet art "mineur" adoré : "Ma mère / Ma sœur / Ma déraison / Mon cœur / Ou bien juste mademoiselle." Marjolaine Karlin revient donc à ses premiers amours, après une parenthèse assumée pour, sans doute, l’une des meilleures raisons qui soit : "Madame la chanson si je t’ai laissée infidèle / C’est la faute au petit garçon que m’a donné la vie réelle."

    En duo avec Camélia Jordana

    Avec Boat Train, Jaipour et Jewish Cemetery, la co-fondatrice du groupe Wati Watia Zorèy Band (sélection FIP en 2016, après une carrière au sein de Moriarty) propose des titres anglo-saxons sombres et lancinantes. Elle se fait naturaliste avec Boat Train, voyage dépaysant dans des contrées indiennes, voyage qui fait sens pour une artiste bourlingueuse qui a choisi d’inscrire son opus sous le signe du maloya réunionnais. Avec Jewish Cementery, la musicienne puise par contre dans le yiddish pour proposer un titre où se mêlent mélancolie, joie contenue, douceur sensuelle et tristesse que l’on tente de déguiser, un titre auquel vient faire écho In Geto, un a capella court et à la voix sensuelle.

    Marjolaine Karlin se fait fiévreuse et terrorisée dans le récit d’un drame vécu par un enfant en proie à la violence, "au mauvais endroit, au mauvais moment" : "Au feu maman j’ai froid / Mon sang se glace et bouillonne à la fois/ Au fou maman je crois / Que tout s’écroule autour de moi." Ce récit de peur, de mort et de violence vient en contrepoint d’un album lumineux dans son ensemble.

    Avec La vérité, sans doute le meilleur titre de l’album, Marjolaine Karlin, en duo avec Camélia Jordana, propose une chanson tout en finesse et en images sur cette vérité bien cachée, adorée mais souvent tenue précautionneusement à l’écart : "Comme un vieux collier / Comme un vieux parfum / Le nom de famille / D’un aïeul lointain / Je n’ai jamais porté / La vérité / Ce n’est qu’un drap sale / Un mouchoir qui a vécu / Une veste râpée / Un sac qui ne ferme Plus / Tous ces trucs insortables / Que j’aime et que j’adore / Que je garde au grenier / Qui sont mon réconfort / Mais qui devant les gens /Même cachée m’incommode / Comme s’ils étaient honteux / Ou juste passés de mode." Aurions-nous peur de cette vérité, se demandent les deux chanteuses ? "Et si j’ai l’air de la vêtir un matin d’abandon / Ne m’en faites surtout pas compliment / Peut-être qu’elle est belle et peut-être que je mens."

    Tatoo Toota se termine par un voyage au cœur de l’océan indien, sur un rythme et des sonorités mêlant rockabilly, électro et maloya : un vrai voyage intérieur se terminant en musique, en danse, en couleurs et en flux marins.

    Marjolaine Karlin, Tatoo Toota, Les Psychophones Réunis/Modulor, 2019
    Page Facebook de Marjolaine Karlin

    Voir aussi : "Maya Kamaty, la diva du maloya"

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  • Maya Kamaty, la diva du maloya

    Ambitieux, dépaysant et délicat comme une brise un soir d’été, Pandiyé, le dernier album de Maya Kamaty fait partie de ces jolies découvertes musicales.

    Quatre ans après son précédent opus, Santié Papang, coup de cœur de l’Académie Charles Cros en 2014, la chanteuse réunionnaise revisite le maloya qui est un des genres musicaux de son île natale : "Cela aurait été trop facile de refaire Santié Papang, j’ai besoin de me mettre en danger, de prendre des risques" commente l’ancienne choriste du collectif réunionnais Ziskakan dans ce projet musical audacieux et très réussi.

    Le maloya, créé vraisemblablement par des esclaves venus d’Afrique de l’Est et de Madagascar, a été interdit un temps par l’administration française qui voyait mal cette expression d’une forme d’indépendantisme en pleine période de décolonisation. Une époque révolue, à telle enseigne que le maloya a est classé par l'UNESCO au patrimoine culturel immatériel de l'humanité depuis 2009.

    C’est en créole réunionnais (kréol réyoné) que Maya Kamaty chante. Pandiyé est une véritable revisite d’un maloya ultra moderne mais respectueux de l’ADN de cet art, et dans la langue, et dans le rythme (Varkala), et dans les danses (Diampar) et dans les instruments traditionnels tels que le roulèr, la takamba ou le kayamb (Lam an Doz).

    Une véritable revisite d’un maloya ultra moderne

    Cela n’empêche pas l’artiste d’insuffler à cette musique de l’électro (Pandiyé), des sons travaillés sur machines (Lodèr Kabaré) et des rythmiques contemporaines (Kaniki) dans un album à la fois sensuel et planant, à l’instar de Dark River, un titre en anglais et rappelant singulièrement l’audacieuse et islandaise Björk.

    Trakasé et Diya, en créole réunionnais, peuvent s’inscrire pleinement dans la tradition de la chanson : travail sur le texte, instrumentation plus occidentale (le piano de Diya), rythme pop et puissance de l’interprétation (Trakasé).

    Sur la trace de ces prédécesseurs qui avaient enrichi le maloya d’instruments et de styles occidentaux (maloya funk-rock, maloggae, maloyaz ou le maloya "kabosé") Maya Kamaty propose un maloya électro-pop séduisant et offrant d’incroyables instants de grâce, à l’exemple du titre Akoz.

    Pandiyé se révèle comme une vraie jolie découverte musicale par une artiste attachante. Une vraie diva du maloya réunionnais.

    Maya Kamaty, Pandiyé, Vlad Productions / L'autre Distribution, 2019
    En concert le 18 octobre 2019 au Makeda, Marseille (Maloya Banyan en première partie)
    https://www.facebook.com/MayaKamaty

    Voir aussi : "Odyssée musical pour Dowdelin"

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  • Retour et parenthèse italienne avec Sarah Lancman et Giovanni Mirabassi

    L’an dernier, Bla Bla Blog avait craqué sur Sarah Lancman, à l’occasion de la sortie de son album À Contretemps, dans lequel la jazzwoman marchait sur les pas de Michel Legrand.

    Elle est de retour cet été avec Intermezzo, un opus qu’elle signe avec Giovanni Mirabassi. On retrouve l’élégance de la chanteuse dans sept standards italiens que le public français pourra découvrir, si ce n’est redécouvrir.

    Senza Fine, Sabato Italiano, Il Poeta, Estate, Vedrai Vedrai ou Ah, Che Sarà, Che Sarà sont interprétés de la manière la plus pure qui soit : le piano de Giovanni Mirabassi et la voix de Sarah Lancman dans ces reprises intemporelles. Le saxophoniste Olivier Bogé vient apporter son concours au duo dans La Canzone Di Marinella et dans le romantique Parlami d'amore Mariù : "Parlami d'amore, Mariù! / Tutta la mia vita sei tu! / Gli occhi tuoi belle brillano / Fiamme di sogno scintillano."

    Nostalgie poignante (Il Poeta, Estate), regrets ou espoirs amoureux (Vedrai Vedrai), amants légendaires (La Canzone Di Marinella) et déclarations enflammées (Almeno tu nell'universo). Sarah Lancman fait de ces chansons du répertoire italien des morceaux de jazz frais et délicats comme un vent d’été sur l’Aventin.

    Le 24 août, Sarah Lancman sera en concert au Frontenay Jazz Festival.

    Sarah Lancman & Giovanni Mirabassi, Intermezzo, Jazz Eleven
    En concert le 24 août 2019 au Frontenay Jazz Festival (Jura)
    https://www.sarahlancman.com
    https://www.giovannimirabassi.com

    Voir aussi : "À contretemps avec Sarah Lancman"

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  • Le parfum oriental de Yara Lapidus

    Il ne pouvait en être autrement : la collaboration de Yara Lapidus avec le compositeur Gabriel Yared ne pouvait que donner un album à la fois riche en couleurs, musicalement dense et d’une justesse qui nous fait dire qu’Indéfiniment est absolument inratable.

    D’un côté, il y a la franco-libanaise Yara Lapidus à la carrière déjà riche dans le milieu de la mode et ayant sorti son premier album, Yara, il y a tout juste dix ans ; de l’autre, nous avons Gabriel Yared, libanais de naissance lui aussi, compositeur de musiques de film multi-primées et légendaire (37°2 Le Matin – nous y reviendrons –, L’Amant, mais aussi Le patient anglais, Cold Mountain ou, plus récemment, Juste la fin du monde). La rencontre – si l’on omet celle, plus étonnante encore, avec Iggy Pop – ne pouvait que donner naissance à un opus magique, enregistré aux studios d’Abbey Road.

    On entre dans l’univers d’Indéfiniment par des chemins méditerranéens. Depuis toi déploie langoureusement avec des accents métissés, avec instruments orientaux, grand orchestre et guitare électrique. Ce titre, repris du reste en fin d’album dans une version duo avec Adnan Joubran, dit tout d’un opus personnel : "Tout en moi / Me parle de toi / Dessous mes petits airs de femme qui rendent fous / Se cache un cœur en flamme et des remous."

    Indéfiniment, au romantisme chavirant, n’est pas sans renvoyer au dépaysement qu’avait proposé Gabriel Yared pour la BO de L’Amant, il y a plus de 25 ans. Un retour très excitant pour le compositeur aussi épris d’influences méditerranéennes et libanaises que son interprète : que ce soit la bossanova de Saidade de voce (reprise également en duo avec Chico Cesar) ou Illalabad, commençant comme un chant traditionnel du pays du cèdre, avant de se développer en ballade amoureuse somptueuse, servie par la voie sensuelle et veloutée de Yara Lapidus.

    La chanteuse n’est jamais aussi bien lorsqu’elle murmure ses chants d’amour, car c’est bien ce thème qui traverse tout l’opus, comme le reconnaît Gabriel Yared. Ça sert à rien cache derrière la fragilité et l’évanescence du sentiment amoureux le rêve d’un idéal à décocher : "S’il fallait un jour refaire le monde / Jure-moi mon amour que pas une seconde / Ne vaudrait la peine d’être perdue / Tous nos instants seraient suspendus."

    Une version en duo avec Iggy Pop

    La vie coule dans les veines de ce premier album, classique dans la facture mais cachant derrière les compositions mélodiques et maîtrisées de jolies surprises à chaque titre : que ce soit l’onirisme de Le plus doux de mes rêves, le pop-rock étonnamment rugueux et tout en relief de No no no no t’en fais pas, le son easy-listening d’Un matin sans toi ou encore la délicatesse toute romanesque de Ça sert à rien.

    Loin très loin constate, avec une mélancolie déchirante, la fin d’un amour. Pour cette chanson, Gabriel Yared a fait le choix d’une orchestration classique et voluptueuse  : "Il faut bien qu’on se prépare / à l’amour qui s’en va demain / Faut vouloir la fin tourner la page / Et s’en aller / ET s’en aller mourir / je me sens si loin."

    Il faut aller au bout de l’album pour trouver ce qui constitue les véritables joyaux d’Indéfiniment et Gabriel Yared. Si le compositeur doit être de nouveau cité c’est qu’il reprend et interprète en duo avec Yara Lapidus Encor encor. Les cinéphiles reconnaîtront une version chantée du thème de 37°2 Le Matin, sur des paroles de Yara Lapidus.

    Cette belle réussite en cache une autre : audacieuse, Yara Lapidus propose une seconde version en duo d’Encor Encor avec Iggy Pop. La voix grave et rocailleuse accompagne avec une délicatesse singulière Yara Lapidus dans ce chant d’amour intransigeant :"Dis-moi encore une fois / Pourquoi la terre est ronde / Moi du creux de tes bras / Je ne vois pas le bout du monde / Je veux te garder tout contre moi."

    Inratable, vous disais-je.

    Yara Lapidus, Indéfiniment, Yara  Music / L’autre Distribution, 2018

    Voir aussi : "Suprême Alka"

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  • Chants songs

    art press,chanson,chanteuse,chanteur,cantologieQu’Art Press ait choisi de consacrer un numéro spécial à la chanson française est à la fois une belle surprise et une mise en perspective passionnante de la part d’un magazine qui s’est toujours intéressé à l’avant-garde. Un terme qui va si peu avec cet art de la chanson que Serge Gainsbourg l’avait considéré lors d’un échange mémorable avec Guy Béart comme mineur.

    Mais d’ailleurs, qu’est-ce que la chanson, cette "distraction régressive", s’interroge Philippe Forrest ? Pour y répondre il donne la parole à Stéphane Hirschi, professeur de littérature à l’université de Valenciennes et professeur d’une discipline scientifique qu’il a lui-même créée : la cantologie. Il met en avant les spécificités de cette "song" typiquement française, ce chant populaire mêlant étroitement une mélodie simple à mémoriser, un texte à la fois intelligible et infusant dans l’imaginaire et un interprète y insufflant moins sa technique – au contraire du bel canto – que son vécu. Il y a aussi cette fugacité de la chanson, explique l’universitaire, et c’est cette fugacité qui rend la chanson paradoxalement entêtante, comme un éternel retour, "le temps d’une chanson." La chanson porte une fausse légèreté (Je chante de Trénet) quand ce n’est pas une double lecture (La javanaise), voire l’autofiction (Laura de Johnny Hallyday) et l’auto-référence, car la chanson peut aussi parler d’elle-même (En chantant de Michel Sardou, Chante ! De Michel Fugain ou Le temps de la rengaine de Serge Lama).

    Après un retour par Benoît Dutertre sur les origines de la chanson de Mayol à Jacqueline Boyer, en passant par Joséphine Baker et Mistinguett, le trimestriel trace les portraits de quelques artistes marquants, et de toutes époques : Juliette Greco, Juliette Armanet, mais aussi l’étonnant Chaton (ex Siméo), Daniel Darc ou encore Bertrand Burgalat, figure majeure de la chanson, respectée quoique peu connue du grand public.

    Art Press nostalgique ? Voire. Car si le magazine contemporain omet quelques brillantes figures incontournables (Brel, Piaf, Brassens ou Ferrat), il donne à voir une chanson française bien vivante : Bertrand Belin, Marc Lavoine, Michel Houellebecq, Brigitte Fontaine ou Benjamin Biolay, sans pour autant oublier un répertoire ancien incontournable : c’est Aznavour comme passerelle entre l’Orient et l’Occident, c’est Depardieu chantant et vivant Barbara, c’est Claude François comme "Prince du rythme", c’est l’étonnant, singulier et libre Christophe ou encore Serge Lama, bouleversant dans Les Ballons rouges. Des focus sont également proposés au sujet de ces titres ou albums devenus légendaires : Dimanche à Orly de Gilbert Bécaud, La nuit je mens d’Alain Bashung, Métronomie de Nino Ferrer ou l’apport musical incroyable de Jean-Jacques Vannier, cocréateur du mythique Mélody Nelson avec Serge Gainsbourg.

    La chanson française se fait remarquer aujourd’hui par son insolente créativité

    Au milieu de la crise musicale, atteinte par le raz-de-marée de l’Internet, du streaming et du déclin inexorable du support physique, la chanson française se fait remarquer aujourd’hui par son insolente créativité. Sans cesse en mouvement et se nourrissant des influences pop, jazz, rock, électro ou rap, un brillant ancien a laissé un héritage indéniable : Léo Ferré. La revue s’intéresse à ces artistes, souvent peu connus, qui revendiquent sont influence : PR2B, Gontran, Michel Cloup ou Bruit Noir.

    Fort logiquement, Art Press ne pouvait pas passer sous silence cette chanson underground, hyper créative, fonctionnant dans la débrouille et sans le support des bandes FM, de la télé et encore moins des majors. "La chanson française ne s’est jamais autant développée hors des sentiers battus" constate Julien Bécourt qui s’arrête sur quelques noms qui ne diront sans doute rien à beaucoup de lecteurs : l’organisation Chanson française dégénérée ou les artistes Noir Boy George, Arne Vinzon, Rouge Gorge, Marie Klock ou le groupe Rose Mercie.

    Art Press pose aussi une question particulièrement pertinente : celle du répertoire outremer ou issu de l’immigration. Stéphane Malfettes fait remarquer avec justesse que "contrairement aux Britanniques qui ont su valoriser les productions musicales venues notamment des Caraïbes, la France a (...) souvent négligé l’importance des artistes issus de l’immigration et des Outre-mer." Le zouk n’est-il pas relégué en France dans un courant "parallèle, alors qu’aux États-Unis Kassav’ est considéré simplement comme un grand groupe français ?

    Outre un focus sur ces étranges, oubliées et parfois géniales faces B de 45 tours, des analyses plus pointues sont consacrées aux discours amoureux dans la nouvelle scène française : Therapie Taxie, Angèle et La Femme. On cherchera en vain un amour heureux, constate Laurent Perez. Pas de là, cependant, à s’affoler : "A les entendre chanter l’amour parmi ses ruines, on se prend à rêver que l’un d’entre-eux, dans vingt ans, saura écrire une nouvelle Chanson des vieux amants."

    Art Press ne pouvait pas faire l’impasse sur l’art contemporain ayant durablement influencé cette chanson populaire. Ce sont les pochettes de disques bien sûr (Pierre et Gilles pour l’album La Notte, la notte d’Étienne Daho), mais aussi le travail d’artistes plasticiens se nourrissant maintenant largement dans cette culture (Arnaud Maguet, Sivan Rubinstein, Sophie Calle ou Nicolas Comment, interviewé par Étienne Hatt).

    Un dernier domaine, finalement peu étudié par la revue et pourtant essentiel, est celui du clip : Art Press choisit de l’aborder assez justement avec Mylène Farmer, aux vidéos musicales à la narration complexe et à la réalisation soignée.

    Une preuve supplémentaire que la chanson française n’a pas fini de se réinventer, tout en restant toujours cet art, sinon mineur du moins capable de parler à tous, soulevant l’émotion en quelques minutes : "Une petite cantate du bout des doigts / Obsédante et maladroite, monte vers toi / Une petite cantate que nous jouions autrefois."

    Art Press 2 est en kiosque jusqu’en juillet.

    Art Press 2, "La chanson française", trimestriel, mai-juillet 2019
    https://www.artpress.com/category/artpress2

    Voir aussi : "Aznavour, le mal-aimé"
    "Gainsbourg, un enfant de la chance"

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  • Jade Bird prend son envol

    Jade Bird, il en avait été question sur Bla Bla Blog au sujet de son premier EP, Uh Huh. Ce titre est d’ailleurs présent dans son album éponyme. Facture folk, choix de l’acoustique, voix claire et posée capable d’envolées rock à la Alanis Morissette : pas de doute, Jade Bird creuse son sillon sans se poser de questions.

    La toute jeune britannique impose des choix artistiques bien assumés grâce à des compositions solides qui ne transigent pas sur la mélodie (My Motto), les textes (Love Has All Been Done Before) et, singulièrement, la puissance vocale, à l’instar des prodigieux Lottery et I Get No Joy.

    Jade Bird plane sur ce premier album avec une assurance confondante, à faire pâlir de vieux routiers. Son premier album a été produit avec le même soin que son premier EP, qui était déjà si réussi que l’on espérait qu’elle allait transformer l’essai. Pari réussi.

    La chanteuse, également à la composition pour cet envol artistique, insuffle à ses titres pop mélodiques et complexes de bonnes injections de rock grunge, à coup de guitares qu’elle manie comme des armes et s’appuyant sur une voix qu’elle pousse jusqu’à ses derniers retranchements, à l’exemple du spectaculaire Uh Huh.

    De bonnes injections de rock grunge et des guitares qu’elle manie comme des armes

    À côté de ces morceaux de bravoure nerveux et plutôt culottés (Going Gone) et souvent d’une belle construction musicale (Love Has All Been Done Before), l’Anglaise propose des titres plus apaisé, sous forme de confessions intimes, à l’exemple de My Motto et du plus minimaliste Does Anybody Know. Il y est aussi question d’adolescence (17), de la difficulté d’aimer (Lottery) ou de la mort (If I Die).

    Un premier album très personnel donc, écrit avec les tripes autant qu’avec la tête : "Cet album contient tout ce que j’ai vécu. C’est mon expérience directe et non diluée de ces deux dernières années bien remplies. Chaque décision que j'ai prise a abouti à ce processus magique, de la même manière que chaque mot que j'ai écrit a fini dans ces chansons. L’album aborde différents styles, mais la cohérence vient que c'est moi - une jeune femme qui essaie vraiment de comprendre le monde actuel et d'y trouver sa place, qui a tout écrit" dit-elle.

    Une dernière preuve que la musicienne britannique est absolument à suivre ? Depuis l’annonce de la sortie de son album, Jade Bird figure, d’après le New York Times, parmi les 10 artistes à surveiller en 2019.

    Jade Bird, Jade Bird, Glassnote Records, 2019
    http://www.jade-bird.com

    Voir aussi : "Jade Bird, Huh la la !"

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  • Les grands espaces de June Milo

    Dans Avril, son dernier EP, June Milo, de sa voix sucrée, aborde des thèmes classiques : l’aliénation amoureuse, l’attente et la séparation. Ce qui l’est moins est la facture pop folk, voire country, à l’instar de Sous l’eau ("Sous l’eau / Arrête l’orage / Il pleut des cordes / À flot / des larmes / Sur ma peau").

    Pour tout dire, ses récits intimes sont autant de déambulations dans les grands espaces américains. Je t’attends brille grâce à l’éclat d’une trompette, donnant à ce joyau sur le thème de l’attente l’allure singulière d’une BO de western. L’aventure sentimentale fait ici figure de terre sauvage et impitoyable à conquérir : "Je t’attends / tu es lent / Tout ce temps que tu prends / Pour me prendre / Vraiment." Sauf qu’il n’y a pas d’issue à cette attente, ou, si issue il y a, elle est au fond de soi et au fond d’un verre. Au sombre et alcoolisé Question d’équilibre de Francis Cabrel, vient répondre l’attente et le "délicieux néant" de June Milo, résignée mais tout autant désespérée : "Quand je bois aux déboires / Je m’accroche au comptoir / Et me noie lentement."

    Si issue il y a, elle est au fond de soi et au fond d’un verre

    La pop enveloppante du titre Avril, qui donne son nom à l’album - et auquel a collaboré Frédéric Lo - parle également de solitude, d’attente mais aussi d’espoir : "S’envolent les saisons / Défilent les idylles /Le soleil j’attends / De juillet en avril."

    Dans la ballade mélancolique L’absent, June Milo chante les séparations ordinaires et déchirantes, mais cette fois à la troisième personne : "Danse avec l’absence / sans son souffle haletant / Dans ton cou brûlant / Ce n’est que le vent."

    Sous L’eau se clôt en douceur sur une dernière ballade plus épurée, De loin. Encore une histoire de d’aventure sentimentale, de voyage sans retour et de grands espaces : "Pour un seul baiser de nous / Je te donnerai ma vie / mais je ne sens que le vent."

    June Milo, Avril, Sixième Étage, 2019
    www.junemilo.com

    Voir aussi : "Chine Laroche, l’outsideuse"

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  • La grande Bleue

    Bleue marque le grand retour en français de Keren Ann : un vrai événement musical en soi, avec sa part d’incertitudes, pour ne pas dire de risques pour elle. Allions-nous y retrouver la sombre beauté et la richesse pop-folk de ce diamant pur qu’était La Disparition, sorti il y a plus de dix-huit ans ? Celle qui s’était fait connaître grâce au Jardin d’Hiver d’Henri Salvador avait ensuite choisi l’anglais pour la suite de sa production musicale – jusqu’à ce nouvel opus, donc.

    Bleue est, comme son nom l’indique, un album placé sous le signe de l’eau. Cette couleur imprègne les dix titres, dessinant comme autant de paysages aquatiques mais aussi personnels. Keren Ann chante "Le long fleuve ou on en voit les fous", le bleu de l’Île Prison ("Vu de l'extérieur / Sous mon soleil trompeur / Personne, hélas, ne pleure / Ton île prison"), les bains de minuit métaphysiques ("Nager la nuit / Dans une eau qui dort / S’étendre hors-circuit / Vers une vie off-shore", Nager la nuit), les abysses de la douleur dans Sous l’eau ("C'est beau / Sous l'eau / Quand le soleil splendide / Se jette dans le vide"), la quiétude marine des Jours heureux, sans oublier Bleu, qui donne le titre à l’album – à une lettre près.

    Un réel odyssée musical

    Bleue est un réel odyssée musical, pour reprendre un morceau de l’album (Odessa, Odyssée). Mais ce voyage est aussi et surtout intérieur et sentimental. Keren Ann porte, avec sa grâce délicate, sa voix fragile et des arrangements sonores d’une belle richesse harmonieuse, des mots où il est surtout question d’elle et de ses expériences : l’aliénation amoureuse (Le fleuve doux), la beauté (Bleu), les séparations inévitables (Le goût était acide, qui est une véritable confession parlée-chantée) ou impossibles (Nager la nuit), et finalement le bonheur des Jours heureux ("Ne vois-tu pas / Venir les jours heureux ? / Ils sont bien là / Et dire que l'on vivait sans eux / Jusque-là").

    Impossible de passer à côté du magnifique Ton Île prison qui, derrière le mélancolique rappel d’une séparation, choisit le règlement de compte cruel et acide : "Peut-être que cette terre / Dont tu te sens propriétaire / Est vraiment extraordinaire / Car elle est tellement populaire."

    Keren Ann propose également un étonnant duo mordant avec David Byrne, l’ex-Talking Heads. Reprenant un célèbre dialogue entre Winston Churchill et Lady Astor, le duo chante avec une amertume non teintée d’humour les amours impossibles et l’art "de souffrir en secret" à deux : "Si j'étais votre femme / Je mettrais du poison dans votre verre / Si vous étiez ma femme / Je le boirais" (Le goût d’inachevé).

    Vrai album de retrouvailles, Bleue est aussi l'opus d’une artiste majeure revenue sur les rives familières de celles et ceux qui avaient été transpercées par Le sable mouvant.

    Keren Ann, Bleue, 2019, Polydor, 2019
    http://www.kerenann.com

    Voir aussi : "Clara Luciani, La Femme libérée"

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