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chine - Page 2

  • De l’art de composer

    Il y a du Zao Wou-Ki dans l’œuvre de Feng Xiao-Min, l’artiste mis à l’honneur par la galerie parisienne Opera Gallery. Et ce n’est pas en raison de la nationalité de l’artiste né en Chine, ni parce que le peintre a posé ses bagages en France depuis 1988.

    Comme son aîné, figure majeure de l’abstraction lyrique, Feng Xiao-Min compose des paysages mystérieux aux teintes savantes. "Même si mon sang est empli de l’esprit et du rythme des peintures et des lignes chinoises, j’ai été particulièrement frappé par les couleurs de la peinture occidentale", reconnaît l’artiste. Il est vrai que la maîtrise du geste est capitale pour la création de ces tableaux présentés dans l’exposition future proposée par la galerie parisienne Opera Gallery au titre révélateur de "Compositions". "Tout le monde peut faire de la peinture mais personne ne maîtrise la règle du seul trait de pinceau" disait le calligraphe et peintre du XVIIe siècle Shi Tao. 

    "Tout le monde peut faire de la peinture mais personne ne maîtrise la règle du seul trait de pinceau"

    Loin d’être un carcan, cette formation traditionnelle ancre la légèreté du geste de Feng Xiao-Min assure son envolée et surtout aiguise son sens de la composition. Si les couleurs, toujours choisies avec soin, s’étirent et se déclinent en douces nuances, en délicats jeux de transparence ou en mystérieuses silhouettes, une constante de toutes les œuvres de Feng Xiao-Min est une compréhension de l’art d’agencer les éléments. Toutes ses œuvres se nomment des "Compositions".

    Riche de sa formation classique, le peintre a su s’en libérer pour proposer des tableaux aux couleurs soyeuses et harmonieuses. Pour cette exposition, visible au 62 rue du faubourg Saint-Honoré du 30 septembre au 16 octobre, Feng Xiao-Min poursuit son exploration des grands formats en réalisant un triptyque de près de 4 mètre de large, plongeant ainsi le spectateur au cœur de son univers.

    L’exposition "Compositions" sera accompagnée d’un catalogue édité par Opera Gallery.

    Exposition "Feng Xiao-Min Compositions"
    Opera Gallery, du 30 septembre au 16 octobre 2021
    62 rue du faubourg Saint-Honoré, Paris
    https://fengxiaomin.com/fr
    https://www.operagallery.com
    https://www.facebook.com/OperaGalleryOfficial

    Voir aussi : "En première ligne"
    "Énergiquement fluide, intensément paisible"

    Feng Xiao-Min, Composition N° 8.9.20, acrylique sur toile, 210x260 cm, 2020

    feng xiao min,peintre,chine,opera gallery,paris,faubourg saint-honoré,peinture,exposition,spTenez-vous informés de nos derniers blablas
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  • La compassion sauvera le monde

    Manga et fiction, Invincibles (éd. Massot) est aussi et surtout un récit de vie scénarisé par Sofia Stril-Rever, spécialiste du Tibet et biographe du Dalaï-lama. La mise en images de l’histoire a été assurée par la mangaka japonaise Kan Takahama. On lui doit notamment l’adaptation de L’Amant de Marguerite Duras que nous avions chroniquée sur Bla Bla Blog.

    Invincibles, BD engagée, avec la figure du Dalaï-lama bien présente, conte d’abord l’histoire d’un combat personnel : suite à un attentat en plein Paris, Maya, 19 ans, se retrouve hospitalisée et gravement blessée. Elle a dû être amputée d’une jambe et doit commencer un combat douloureux pour accepter son handicap. Elle trouve son salut grâce à une vidéo Youtube dans laquelle le Dalaï-lama est interviewée par une certaine Sofia. Maya la contacte.

    Cette spécialiste du Tibet encourage la jeune femme à se reconstruire grâce à la méditation. La victime du terrorisme trouve en même temps une voie et un projet qui passe par la compassion, l’aide aux personnes touchées par l’amputation et aussi par le Tibet.

    Sofia Stril-Rever fait se rencontrer bourreaux et victimes

    Après s'être envolée en Inde pour y rencontrer le Dalaï-lama, contre toute attente Maya se lance dans un projet fou et dangereux : secourir au Tibet un résistant bouddhiste, devenu handicapé comme elle. La mission est hautement dangereuse dans un pays occupé par la Chine, impitoyable contre les Tibétains attachés à leur culture, à leur religion et au 14e Dalaï-lama .

    Sofia Stril-Rever et Kan Takahama ont intelligemment joué le jeu du manga et de l’intrigue romanesque pour diffuser des messages sur l’altruisme, la compassion, la reconstruction, le courage  et la générosité. Les auteures précisent que leur fiction est basée sur des faits réels, avec des personnages réels : il y a bien entendu le 14e Dalaï-lama, en fuite de son pays depuis 1959 et Prix Nobel de la Paix en 1989, mais aussi la dissidente Nyima Lhamoi ou le professeur Bernard Dubreuil. L’histoire du personnage fictif Lobsang Tenzin renvoie, quant à lui, aux nombreuses victimes des répressions chinoises au Tibet.

    Dans un manga alternant planches en couleur et en noir et blanc, Sofia Stril-Rever fait se rencontrer bourreaux et victimes, transmettant par là-même une série de messages engagés, certes difficiles à assimiler (le pardon, la compassion envers son agresseur) mais en tout cas essentiel "face aux crises actuelles". Des propos du Dalaï-lama résonnent avec force : "Ils sont la dernière génération à pouvoir remédier à la menace d’extinction actuelle. Le futur est entre vos mains."

    Kan Takahama et Sofia Stril-Rever, Invincibles, éd. Massot, 2021, 164 p. 
    https://massot.com/collections/invincibles
    https://savetibet.org
    https://www.dalailama.com
    https://www.bethelove.global

    Voir aussi : "Aung San Suu Kyi et les bouddhistes extrémistes"
    "Mon amant chinois"

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  • Un record pour Le Lotus Bleu

    Dans l’histoire de la bande dessinée, Tintin est la saga de tous les superlatifs et de tous les records. La vente d’une planche du Lotus bleu par Artcurial le jeudi 14 janvier 2020 ne déroge pas à la règle. 

    Ce jour-là, sous le marteau d’Arnaud Oliveux, la maison parisienne proposait aux enchères un projet d’illustration par Hergé pour la couverture de l’édition originale de l’album du Lotus bleu de 1936. L’œuvre a été adjugée 3,2 M€, devenant également le nouveau record du monde pour le dessinateur belge. C’est également un nouveau record mondial pour une œuvre originale de bande dessinée vendue aux enchères.

    "Grâce à son caractère unique ce chef d’œuvre du 9ème art mérite ce record du monde et confirme l’excellente santé du marché de la Bande Dessinée", commente l’expert Eric Leroy.

    Dans l’histoire des aventures de Tintin, cette 5e histoire se déroulant en Chine marque une étape capitale dans cette saga par sa dimension artistique autant qu’humaine. Le reporter découvre un pays fascinant, ainsi que son ami Tchang Tchong-Jen, le seul personnage réel de ses aventures, si l’on exclue Al Capone dans Tintin en Amérique.

    www.artcurial.com
    https://www.tintin.com

    Voir aussi : " Tintin et le Lotus Bleu à la radio"

    Photo : Lot n°18 : Hergé, Les Aventures de Tintin reporter en Extrême-Orient - Le Lotus Bleu
    Encre de Chine, aquarelle et gouache sur papier doublé sur papier japon
    pour le projet d’illustration destiné à la couverture de l’édition originale du Lotus Bleu de 1936, 34 x 34 cm
    Artcurial
    © Hergé Moulinsart 2020

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  • Tintin et le Lotus Bleu à la radio

    On connaissait le Tintin en BD, le Tintin en dessin animé ou encore Tintin au cinéma en motion capture (Le Secret de la Licorne de Steven Spielberg). Il y a aussi Tintin à la radio.

    France Culture propose en podcast, pour les jeunes de 7 à 77 ans, une adaptation radio des aventures de Tintin. en particulier Tintin et le Lotus Bleu, l’un des chefs d’œuvre d’Hergé.

    Fidèle au texte du créateur belge, la Comédie française fait revivre cette plongée dans la Chine des années 30 mêlant des intrigues rocambolesques, un poison fou, plusieurs génies du mal, des rebondissements, des amitiés (Tintin rencontre pour la première fois Tchang),des  considérations géopolitiques mais aussi des dénonciations du racisme et du colonialisme.

    Une belle manière de revenir du jeune reporter bruxellois et son fidèle compagnon à quatre pattes, Milou.

    C'est à suivre en ce moment en podcast, en cette période de confinement.

    D'après Hergé, Tintin et Le Lotus bleu, 5 podcasts, Radio France
    Coproduction France Culture, Moulinsart et la Comédie-Française
    https://www.franceculture.fr/evenement/les-aventures-de-tintin-le-lotus-bleu
    Hergé, Tintin et Le Lotus bleu, éd. Casterman, 1946, 61 p.

    Voir aussi : "Tintin, back in the USSR"

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  • Pourquoi la Mongolie est absolument parfaite

    C’est à un bon bol d’air que vous invite Bla Bla Blog, plus précisément un voyage dans une contrée à la fois brute, mystérieuse et attachante : la Mongolie. Evelin Weiss a arpenté ce pays fascinant et relate sur le site Overland les 12 raisons qui expliquent pourquoi la Mongolie est parfaite pour un périple au bout du monde.

    Pas de long journal de voyage pour Evelin Weiss mais un bilan clair, net et sans bavure sur les qualités de ce pays hors-norme, l’un des plus étendus au monde mais à la population peu nombreuse (trois millions d’habitants) : cela en fait l’un des moins densément peuplé au monde, en sachant que 45 % de ses résidents vivent en plus dans la capitale Oulan-Bator. Voilà qui laisse donc tout loisir d’arpenter un territoire essentiellement désertique.

    Désertique mais pas déserté : Evelin parle de sa rencontre avec des nomades mongoles réputés pour leur hospitalité. La visite de la Mongolie nécessite, dit la voyageuse, un véhicule capable de manger des kilomètres et d’affronter des routes généralement pas goudronnées, au milieu d’un paysage plus varié qu’on ne l’imagine : déserts de sables, montagnes enneigées, prairies vallonnées ou vallées fluviales.

    La Mongolie permet, dit la globe-trotteuse, des voyages agréables durant la période estivale, certes courte, mais idéale pour découvrir un pays propre et paisible. Dernier avantage, dit Evelin Weiss : La Mongolie se trouve à proximité de nombreuses autres grandes destinations terrestres : le lac Baïkal, la région de l'Altaï en Russie et la Chine à deux pas.

    Une destination vraiment cool que Bla Bla Blog va épingler sur une carte des pays à visiter absolument. Merci, Evelin.

    Evelin Weiss, "12 Reasons Why Mongolia is Perfect for Overlanding"

    Voir aussi : "Le Globecroqueur en Iran"

    Photos : Evelin Weiss

     

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  • À la recherche du diable perdu

    Roman ou autofiction ? On serait bien en peine de caractériser le dernier opus de Kim Chi Pho, Le Clos des Diablotins (auto édité chez Amazon). L’auteure elle-même se refuse à définir le vrai du faux, et, en vérité, ce n’est pas cela le plus important.

    Kim Chi Pho signe, avec Le Clos des Diablotins, la suite des aventures de Linh Chao, ou Mademoiselle Numéro 11, qui est aussi le titre éponyme de son précédent livre (Amazon, 2017). Numéro 11 : comme la onzième enfants d’une fratrie de 12 frères et sœurs d’origines chinoise et vietnamienne, expatriés en Belgique durant les années 70. Le Clos des Diablotins est ce quartier dans la banlieue de Bruxelles où Linh Chao passe ses jeunes années.

    Kim Chi Pho fait se dérouler l'essentiel de son dernier roman à Paris, de nos jours, dans le contexte d’une enquête judiciaire qui concerne  Kamel Abdoul, un ami d’enfance. Linh Chao, une mère élevant seule ses deux filles, le croise par hasard dans un métro, alors que celui-ci se prépare à perpétrer un acte terroriste. Cela fait-il du Clos des Diablotins un roman noir et un thriller ? Non, car Kim Chi Pho ne met pas au centre de son intrigue cette enquête, pas plus que les motivations de son diable d’ami.

    Ce qui intéresse l’auteure est le rapport aux racines et au déracinement, comme à la manière de se construire dans un pays qui n’est pas le nôtre : que l’on pense, par exemple, à la découverte du climat belge pour des petites vietnamiennes qui n’avaient connu que des temps tropicaux : "Ma sœur numéro Neuf et moi portions des tongs. Le froid sciait nos pieds ainsi que le ferait la scie d’un bûcheron. La douleur s’amplifiait quand ils devenaient gelés."

    Des dialogues piquants

    Kim Chi Pho ne noircit pas la pauvreté, pas plus qu’elle ne la magnifie : les souvenirs de Linh Chao sont ceux d’une enfance précaire mais où la débrouillardise, la solidarité et la soif de s’en sortir rythment des existences malmenées. Pour cette auteure belge aux origines vietnamiennes, l’humour est une réponse sèche au racisme. Kim Chi Pho n’est jamais aussi douée que lorsqu’elle se lance dans des dialogues piquants : "Putain, Linh ! Tu me fais chier avec tes « pourquoi ? » T’es vraiment con ou tes yeux sont trop bridés pour voir ? — Mes yeux bridés t’emmerdent connard !"

    Le lecteur se ballade dans un livre ne ressemble à rien d’autre : le thriller devient autofiction et récit d’apprentissage sur le thème de l’identité. Derrière le voile de la pudeur, les dialogues enlevés et aussi l’autodérision, se cache une profonde mélancolie, lorsqu’il est par exemple question de ces amis disparus, comme tombés dans des limbes : "La disparition mystérieuse de Rosa fit naître dans mon imagination d’innombrables scénarios macabres, entre autres celui dans lequel les parents de Joerg la découpaient en mille morceaux, puis les jetaient dans le lac Léman."

    Et voilà comment ce qui devait être une enquête sentimentale se transforme en quête mentale où la poésie n’est jamais absente : "Je suis liée à la lune comme les liens qu’elle tisse avec les marées. Souvent, au moment de mettre mes enfants au lit, je leur raconte les histoires que je connais sur la lune ; quelquefois, je les invente. Bulle préfère ma version, celle d’une petite fille abandonnée qui se transforme en loup-garou et dévore les méchants avant de rejoindre sa nouvelle famille à la Vallée-aux-Loups."

    Kim Chi Pho, Le Clos des Diablotins, Amazon, 2018, 273 p.
    www.facebook.com/mademoisellenumero11

    Voir aussi : "Alice Zeniter et les trois âges de la vie"

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  • La revanche littéraire des damnés de la terre

    Un étonnant buzz a dévoilé une réalité peu connue de la superpuissance chinoise. Au printemps dernier, la bloggeuse chinoise Fan Yusu a fait sensation en publiant sur son blog son récit I am Fan Yusu (le texte traduit en anglais se trouve sur ce lien).

    Originaire du centre de la Chine, cette fille de paysans a quitté il y a 25 ans sa région pour chercher du travail à Pékin. Le mirage de la capitale aimante la jeune femme, qui travaillait dans les champs dès l’âge de 12 ans, mais la désillusion n’en est que plus rude. Ce qui l'attend c'est la misère, l'exploitation et des conditions de vie désastreuses. Fan Yusu appartient à cette armée de migrants chinois venus chercher du travail dans les principales villes industrielles du pays. Elle a choisi les mots pour faire partager son expérience.

    L’ancienne paysanne du Hubei n’est que la partie émergée de ces damnés de la terre, pauvres, exploités, et dont la fragile planche de salut pourraient bien venir de la littérature… et de la poésie.

    Ouvriers et nourrices le jour, poètes et bloggeurs la nuit. Le site Literary Hub parle dans un article de Megan Walsh paru le 1er mai 2017 de cette revanche de Chinois migrants, défavorisés et souvent désespérés. Après des heures de travail sur la chaîne, bien souvent pour des multinationales, trop heureuses de trouver des employés à moindre coût, il reste peu de portes de sortie pour ces femmes et ces hommes qui attendaient bien autre chose que des cadences infernales, des conditions de travail déplorables ou des supérieurs hautains et méprisants. Le soir, c’est sur des téléphones portables ou des ordinateurs, sur des blogs ou sur les réseaux sociaux, que ces migrants racontent leur quotidien, leur désespoir et une autre facette du mirage économique chinois. Fan Yusu raconte ainsi son passé de nounou : Je devais souvent me lever la nuit pour m’occuper du bébé… Je ne pouvais m’empêcher alors de penser à mes propres filles. Faisaient-elles des cauchemars, la nuit, sans leur mère à leurs côtés ? Sanglotaient-elles ? Il m’arrivait souvent de pleurer. Heureusement, […] personne n’était là pour le remarquer.

    À lire le récit de Megan Walsh dans Literary Hub, qu’il est loin le temps où le régime communiste chinois prenait le plus grand soin des ouvriers, considérés comme le fer-de-lance du régime hérité de Mao ! Depuis Deng Xiaoping, la Chine a fait sa mue et s’est transformée en monstre économique. Megan Walsh cite un jeune migrant, Xie Xiangnan, qui "établit une comparaison entre la glorieuse image de Lénine à la tribune, issue de ses souvenirs d'écolier, et ces hordes de misérables paysans qui débarquent à la gare ferroviaire de Canton en portant toute leur maison dans des sacs en plastique, comme autant de paquets d'explosifs..." (trad. Courrier International, 15 juin 2017).

    La journaliste américaine s’arrête sur le poète migrant chinois le plus connu, Xu Lizhi. Il travaillait pour la firme de Foxconn, sous-traitant d’Apple. Le jeune homme de 24 ans est devenu la figure emblématique de ces travailleurs exploités lorsqu’il s’est suicidé en se jetant du 17e étage d’un bâtiment de son employeur. Xu Lizhi écrivait ceci, quelques mois avant sa mort : "J'étais comme un mort / Le couvercle du cercueil, lentement ouvert." La mort brutale de ce simple ouvrier, "ce poète qui est mort pour votre téléphone" comme l’a surnommé le magazine Time, a jeté une lumière crue sur ces prolétaires promis aux plus basses besognes.

    Singulièrement, c’est l’un des genres littéraires les plus confidentiels qui soient, la poésie, qui a contribué à dévoiler les destins de ces hommes et de ces femmes promis à la misère et au mépris. Alors que sortait en 2016 le documentaire Iron Moon de Wu Feiyue (inédit en France), l’homme de lettres Qin Xiaoyu rassemblait une compilation de poèmes à la fois littéraires et engagés (Iron Moon: An Anthology of Chinese Worker Poetry, traduit uniquement en anglais par Eleanor Goodman).

    Prenant la relève des réseaux sociaux (WeChat) ou des blogs, l’édition traditionnelle a fait de ces nouveaux esclaves du capitalisme, des héros autant que des voix puissantes. Celle de Xu Lizhi porte loin : "J'ai avalé le travail, / J'ai avalé la pauvreté des ponts-piétons avalés, / Avalé cette vie rouillée / Je ne peux plus avaler du tout."

    Qin Xiaoyu, Iron Moon: An Anthology of Chinese Worker Poetry,
    éd. White Pine Press, 2016

    "Chine, l’enclume des jours", in Courrier International, 15 juin 2017
    Megan Walsh, "The chinese factory workers who write poems on their phones",
    in Literary Hub

    Fan Yusu, I Am Fan Yusu, trad. anglaise
    "A Poem of Shame: In the Words of China’s Workers", in Hyperallergic, 22 avril 2017


  • Mao est un chanteur lyrique

    Créé en 1987, l’opéra Nixon in China de John Adams est devenu légendaire grâce à l'une de ses premières scènes spectaculaire : sur un célèbre morceau symphonique et harmonique, l'avion présidentiel américain Air Force One atterrit sur scène. Il est accueilli par une délégation chinoise, chargée de conduire le Président Nixon (James Maddalena) vers le leader communiste Mao Zedong (Robert Brubaker). Cette rencontre historique de 1972 est devenue, il y a trente ans, un opéra majeur. Le compositeur américain John Adams est à la baguette pour la version qu’il a dirigée au MET de New York en 2011. Non content de mettre en scène un moment phare de l’actualité mondiale autant que la rencontre de deux personnalités exceptionnelles, John Adams réalise un chef d’œuvre qui a frappé de stupéfaction le monde lyrique.

    Pour cette version de 2011, c’est Peter Sellars qui est chargée de la mise en scène, avec un luxe d’inventions visuelles pour faire de ce moment d’histoire et de cet opéra contemporain une fable sur la politique et sur l’idéologie.

    Au cours du premier acte, c’est un Mao vieillissant que rencontre le Président américain. Dans cinq ans, le Grand Timonier va disparaître mais "l’empereur communiste" apparaît comme un fantôme, dans un palais peuplé d’ennemis, de soupçons et de souvenirs. Autour du vieux chef, une cour est affairée et déjà tournée vers l’avenir, la diplomatie jouant un rôle à la fois trouble et majeur ("La nuit, tous les diplomates sont gris").  

    Mao fait sa première apparition dans une bibliothèque inquiétante. Il est porté par trois jeunes femmes en tenue de soldat. Cette scène inaugure un spectacle mêlant scènes réalistes et moments hallucinés, dans une intrigue mêlant géopolitique, diplomatie et sens de l’histoire. Janis Kelly, dans le rôle de Pat Nixon, apporte ce sens de la vanité. Dans l’acte II, la femme de Richard Nixon visite les rues de Pékin et part à la rencontre des gens du peuple. John Adams fait d’elle, non plus la first lady mais une déesse ou, mieux, la réincarnation d’une Antigone moderne, au milieu du décor fantasmagorique de l’éléphant.

    John Adams fait du voyage diplomatique de Nixon en Chine une composition de tableaux baroques, par exemple avec par exemple ce ballet cauchemardesque dans la deuxième moitié de l’acte deux. En mettant en scène une représentation du Détachement Rouge des Femmes de Jiang Qing, alias madame Mao (Kathleen Kim), le compositeur fait un sort aux dictateurs et politiciens cyniques de tout poil, avec une mention spéciale pour Henry Kissinger (excellent Richard Paul Fink). La femme de Mao tient le rôle principal de cette farce cauchemardesque, dans le rôle de l’échanson d’une dictature grossière et violente. La mise en scène de Peter Sellars puise largement pour cette séquence dans le style pompier caractéristique des peintures de propagande communiste : soldats révolutionnaires traditionnels, drapeaux rouges, paysages majestueux en hommage au milieu paysan et gestes expressifs.

    L’acte III voit le retour symbolique de l’Air Force One. Mais cette fois c’est Mao qui descend d’un escalier escamotable pour rejoindre le peuple, en traversant son propre portrait. La mégalomanie du despote, stigmatisée avec une grande puissance, n’est pas traitée sans humour ("Hit it, boys!"). Ballets, postures décalées des personnages et décor irréel servent au déboulonnage du Grand Timonier. Zhou Enlai (Russell Braun), qui tient un rôle majeur tout au long de l’opéra, incarne la voix de la conscience politique chinoise. L’opéra crépusculaire s’achève avec les envolées suppliantes de celui qui a été à la fois le plus fidèle allié et le plus grand adversaire de Mao.

    Opéra crépusculaire, Nixon in China est aussi un formidable moment musical qui a fait entrer le courant répétitif américain, révolutionnaire à son époque, dans un autre univers.

    John Adams, Nixon in China, dirigé par John Adams,
    avec Russell Braun, Ginger Costa-Jackson, Teresa S. Herold,
    Tamara Mumford, Janis Kelly, Richard Paul Fink
    Robert Brubaker, Kathleen Kim, Haruno Yamazaki et Kanji Segawa,
    mise en scène de Peter Sellars,
    éd. Nonesuch, The Metropolitan Opera, 2011, 177 mn
    "Zhou, en avant la révolution"