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cinéma - Page 17

  • Avant qu’il ne soit trop tard

    C’est une farce et une comédie noire qui fait le bonheur en ce moment de Netflix. Don't Look Up, de d’Adam McKay, sous-titré en français Déni cosmique, fait parie de ces films coups de poing destiné à réveiller les consciences. Pour ce long-métrage à gros budget, des stars se pressent au portillon : à côté de Leonardo DiCaprio et Jennifer Lawrence, il faut citer la présence de Meryl Streep, Jonah Hill, Cate Blanchett, Timothée Chalamet, Kid Cudi, Mark Rylance, Ron Perlman, Tomer Sisley et même Ariana Grande.

    Deux modestes astrophysiciens anonymes découvrent qu’une comète se dirige vers la terre. Si rien n’est fait, la terre sera percutée d’ici six mois, provoquant l’extinction de la vie sur notre belle planète. Une couse contre la montre commence pour éviter cette fin du monde annoncée. Les deux scientifiques battent le pavé pour prévenir les autorités et le public de la future catastrophe. Cette entreprise s’annonce vite comme des plus ardues. 

    Idiocratie

    À partir de ce qui s’apparente à une course contre la montre vitale, Adam McKay fait un portrait au vitriol d’une Amérique gangrenée par la futilité, les réseaux sociaux, les spécialistes en communication, les politiciens obtus, les médias obsédés par le divertissement, bref une idiocratie au pouvoir. À cet égard, la Présidente, jouée par une Meryl Streep déjantée en est un bel exemple. Et tout ce beau monde refuse de voir la catastrophe qui vient. 

    Les médias ne sont pas en reste. Car faute de trouver des oreilles intelligentes à la Maison Blanche, c’est vers une célèbre émission télé que nos deux astrophysiciens se tournent – qui sera aussi le début d’une improbable idylle avec la journaliste vedette, jouée par la formidable Cate Blanchett.

    On en oublierait presque la maléfique comète. Disons aussi que ce danger compte beaucoup moins que le message de Don't Look Up, cette histoire de "déni cosmique". Remplacez d’ailleurs "comète" par "réchauffement climatique" et vous aurez la clé de cette farce au rire grinçant. "Un danger mortel nous menace et où regardons-nous ?" semblent nous dire les auteurs du film.

    Le film n’est pas dénué de quelques faiblesses et longueurs. Il reste cependant d’une admirable force corrosive et donne à réfléchir. 

    Don't Look Up : Déni cosmique, comédie américaine de science-fiction d’Adam McKay,
    avec Leonardo DiCaprio, Jennifer Lawrence, Meryl Streep, Jonah Hill, Cate Blanchett,
    Timothée Chalamet, Kid Cudi, Mark Rylance, Ron Perlman, Tomer Sisley et Ariana Grande,
    2021, 138 mn, Netflix

    https://www.netflix.com/fr/title/81252357

    Voir aussi : "Flow de neige, de sons et de baisers"

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  • Emmanuelle Béart, lost in translation

    Quel plaisir de revoir Emmanuelle Béart au cinéma, avec L’Étreinte, un film sorti au printemps dernier ! Deux autres acteurs, dans des rôles secondaires, éclairent aussi à leur manière ce premier film de Ludovic Bergery : l’ami Aurélien, Vincent Dedienne, et la demi-sœur Marianne, jouée par la trop rare Eva Ionesco.

    L’Étreinte est le récit d’un deuil autant que la reconstruction d’une femme, plongée dans un pays et un milieu où elle se sent perdue.

    Lorsque le film commence, Margaux a perdu son mari six mois plus tôt. Elle quitte l’Allemagne où elle vivait pour s’installer à Paris chez Marianne et reprendre des études d’allemand en fac. Elle découvre un milieu tout nouveau pour elle, tente de s’intégrer à une petite communauté étudiants – qui pourraient être ses enfants –, se lie d’amitié avec un jeune homosexuel et s’interroge sur sa vie sentimentale. Et si l’amour était possible ? 

    Le réalisateur film avec un mélange de grâce, de sensualité et d’érotisme brûlant les étreintes

    Ludovic Bergery film avec justesse, délicatesse mais non sans cruauté, le récit d’une reconstruction amoureuse après un deuil. Emmanuelle Béart incarne cette femme détruite dont on ne sait finalement pas grand-chose. Ce qui est le plus important est ce voyage géographique autant qu’intime – le film débute et se termine d’ailleurs dans un train – que mène Margaux, brisée par la disparition d’un mari dont on ne voit qu’une photo.  

    Ludovic Bergery suit les errances de la veuve, bousculée par de jeunes étudiants qui ont adopté cette femme d’une autre génération, sans pour autant qu'ils se gênent à lui montrer la différence de l’âge, à l’instar du dialogue sur un escort-boy ou alors celle de la scène de la piscine.

    Emmanuelle Béart donne d’elle-même dans le portrait de cette femme asséchée par la mort de son mari et par le manque d’amour. Le réalisateur film avec un mélange de grâce, de sensualité et d’érotisme brûlant les étreintes. La quête amoureuse de Margaux devient une aventure à la fois douloureuse et dangereuse - on pense bien sûr aux quinze dernières minutes du film. Le réalisateur ouvre finalement la porte à un champ de possibilités, lorsque Margaux choisit de quitter définitivement Paris pour Cologne, la ville où elle avait aimé. Et où elle aimera, sans doute.

    L’Étreinte, drame français de Ludovic Bergery, avec Emmanuelle Béart, Vincent Dedienne. Tino Vandenborre, Sandor Funtek, Nelson Delapalme, Marie Zabukovec, Arthur Verret, Yannick Choirat et Eva Ionesco, 2021, 100 mn, Canal+
    http://distrib.pyramidefilms.com/pyramide-distribution-a-l-affiche/l-etreinte.html

    Voir aussi : "Jean Vigo, une étoile brève mais éclatante"
    "Eva, mon amour"

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  • De la dynamite pour les braves

    On va être clair au sujet de L'Enfer sous terre, ce long-métrage anglais sorti cette année : sa principale qualité est dans le récit d’un fait peu connu de la Grande Guerre.

    En 1916, les armées alliées et allemandes sont embourbées dans une guerre de position : tranchées, batailles au corps à corps et à la baïonnette, attaques au gaz, vie misérable des poilus dans la boue, percées meurtrières et inutiles. Le moral des soldats, qu’ils soient anglais, français ou germaniques, est au plus bas et toutes les stratégies sont bonnes pour se sortir d’un conflit meurtrier.

    Côté britannique, une solution est proposée par le colonel Hellfire (Tom Goodman-Hill) : faire sauter à la dynamite des forts allemands ennemis. Pour cela, il décide de faire appel à une équipe de mineurs spécialisés dans les explosions souterraines qui devront former des soldats. Contre toute attente, William Hackett (Sam Hazeldine) et ses acolytes, qui n'ont pas été mobilisés et travaillent toujours en Grande-Bretagne, se portent volontaires pour effectuer eux-mêmes cette tâche dangereuse et technique. Ils sont engagés comme volontaires et partent sur le front des Flandres.

    L'une de ces mines explosant dans les Flandres a été si forte qu’elle a été entendue… jusqu’à Londres

    Peu de personnes connaissent ce fait d’arme de la première guerre mondiale. On savait que les gaz asphyxiants, les chars d’assaut et les avions – des moyens nouveaux à l’époque – avaient été utilisés par des commandements au service d’un conflit particulièrement meurtrier. Ici, c’est la dynamite qui fait figure de moyen stratégique, avec en plus des difficultés techniques qui la rend infiniment dangereux : creuser plusieurs mètres sous terre, avancer sur des centaines de mètres au risque d’être surpris par l’ennemi et surprendre l’adversaire. 19 charges ont explosé en tout (le film n'en évoque que deux), causant environ 10 000 soldats allemands. Le spectateur apprend que l’une de ces mines explosant dans les Flandres a été si forte qu’elle a été entendue… jusqu’à Londres.

    Pour mener ce récit, J. P. Watts a fait le choix d’un film académique, non sans facilités et manichéisme parfois. La réalité de la vie dans les tranchées est par contre montrée sans fard (les cadavres, les rats, la boue ou les excréments), sans compter les absurdités du commandement militaire.

    De ce récit honorablement montré, on gardera en mémoire le destin de ces braves lancés dans un conflit qu’ils n’auraient jamais dû mener et qui n'a finalement pas fait basculer le récit, comme ils l'espéraient. 

    L'Enfer sous terre, drame historique anglais de J. P. Watts, avec Sam Hazeldine, Alexa Morden, 
    Tom Goodman-Hill, eElliot James Langridge t Andrew Scarboroug, 2021, 92 mn
    https://www.canalplus.com/cinema/l-enfer-sous-terre/h/15647011_50001

    Voir aussi : "En cage"

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  • Jean Vigo, une étoile brève mais éclatante

    Une question se pose d’emblée à la découverte de cette intégrale "Jean Vigo" proposée par Gaumont : mais comment a-t-on pu oublier ce réalisateur français dont le long-métrage L’Atalante est considéré comme l’un des meilleurs films français de tous les temps, voire l’un des vingt meilleurs films tout court. Que Gaumont propose un coffret complet sur ce cinéaste n’est donc que justice.

    Mort à l’âge de 29 ans, Jean Vigo, fils d’un anarchiste espagnol immigré en France, laissa certes une œuvre peu abondante : outre L'Atalante, deux documentaires, À propos de Nice (1930, 22 mn) et La natation par Jean Tauris, champion de France (1931, 10 mn), le moyen-métrage Zéro de Conduite (1933) que la censure française interdira de sortie jusqu’en 1946. Le spectateur ou la spectatrice de 2021 restera dubitative en apprenant la réception de cette histoire d’enfants en révolte contre des adultes aussi autoritaires que ridicules. Film faussement insouciant et naïf, Zéro de Conduite est en réalité un brûlot contre le pouvoir et un hymne à la liberté qui se terminera sur les toits de la pension après une une fête officielle de l’école se terminant dans un joyeux bordel.

    On restera ahuri par l’audace visuelle, à l’exemple de cette Niçoise, habillée, rhabillée et déshabillée

    L’Atalante, l’année suivante, concrétise le talent de Jean Vigo, mais il est aussi son chant du cygne. En effet, de santé fragile, le réalisateur est atteint de tuberculose et termine de tourner son unique long-métrage alors qu’il est gravement malade. L’Atalante est une péniche où embarque Juliette après son mariage avec Jean, le capitaine du bateau. Parmi l’équipage, il y a Jules, le second, un Parisien gouailleur et haut en couleur, un poète au grand cœur aussi, sorte d’ange-gardien qui va bouleverser la vie de la jeune femme. Il faut voir L'Atalante comme une suite de scènes alliant expressionnisme et réalisme populaire, avec toujours un sens du cadrage incroyable, des mouvements de caméra subtils, des trouvailles visuelles et les interprétations inoubliables de Michel Simon et de Dita Parlo. L’unique long-métrage de Jean Vigo est aussi le témoignage d’un Paris disparu, celui des quais de Seine, des bals populaires et des bistrots bon marché où pullulaient des titis parisiens interlopes.

    Les deux autres films de Jean Vigo sont des documentaires. À propos de Nice (1930, 22 mn), sur une musique de Stephen Horne Franck Bockius et Marc Perrone, est moins didactique qu’artistique. Jean Vigo nous fait revivre la ville méditerranéenne et surtout ses habitants et anonymes : estivants, pêcheurs, joueurs de tennis, enfants. Il surprend par son découpage rythmé et ses plans travaillés : contre-plongées, très gros plans et clins d’œil. On restera ahuri par l’audace visuelle, à l’exemple de cette Niçoise, habillée, rhabillée et déshabillée. L’autre court-métrage, La natation par Jean Tauris (1931, 10 mn) est une leçon de natation par le plus grand nageur français de sa génération. Le film est illustré par une voix-off didactique et froide. En contrepoint, Jean Vigo choisit des images hallucinantes de féeries, avec un nageur évoluant tel un poisson dans l’eau.

    Le coffret Gaumont propose enfin un grand nombre de bonus : des actualités Gaumont de 1934-1936, des versions restaurées ou originales, le témoignage de Martin Scorcese lui-même qui insiste sur l’importance historique du cinéaste français et des documentaires en hommage à l’auteur de Zéro de Conduite et de L'Atalante. Une découverte bienvenue donc.

    Coffret Jean Vigo, Intégrale, Zéro de Conduite, L’Atalante, À propos de Nice, La natation par Jean Tauris, inédits, bonus et suppléments, restauration en 4K, Gaumont, 2018
    https://www.gaumont.fr/fr/auteur/Jean-Vigo.html

    Voir aussi : "Voir ou revoir le Napoléon d’Abel Gance"

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  • Mon année Salinger

    Le pitch de Mon Année à New York du Québécois Philippe Falardeau renvoie à un autre film, plus ancien. Une jeune femme enthousiaste, à peine dégrossie, est décidée à réussir à New York. Elle est embauchée dans une agence prestigieuse tenue par une femme froide et dédaigneuse. Vous l’aurez compris, les points communs avec Le Diable s’habille en Prada sautent aux yeux.

    Sauf que Mon Année à New York ne se déroule pas dans le milieu de la mode mais dans celui de l’édition. Quant à la directrice cassante, interprétée par Sigourney Weaver, elle s’avère beaucoup plus subtile que la Miranda Priestly/Anna Wintour.

    Basée sur les mémoires de la personnage principale Joanna Rakoff, Mon année à New York se déroule en 1995, dans un New York qui n’a pas encore connu le 11 septembre. C’était une période où les ordinateurs restaient relativement rares, l’Internet inconnu et le sexisme à la fois présent et (plus ou moins) édulcoré. Avec le recul, c’est une époque charnière entre un ancien monde – symbolisé par le cultissime Salinger – et un nouveau monde numérique qui prenait déjà ses marques. 

    L’auteur de L’Attrape-Cœur et de Franny et Zoé intervient comme catalyseur des rêves de littérature d’une jeune femme qui se cherche

    Joanna Rakoff a les pieds dans ces deux périodes : moderne, active et ambitieuse, son rêve est la littérature. Sauf qu’elle ne se sent pas légitime à devenir écrivain (ou écrivaine, dans le langage d’aujourd’hui). Sentimentalement, sa vie privée est tout aussi floue : elle commence une relation avec Don, sans avoir rompu définitivement avec son précédent petit ami.

    Professionnellement, Joanna est engagée dans une agence littéraire new-yorkaise prestigieuse qui peut se targuer d’avoir, parmi ses auteurs suivis, un certain JD Salinger. Cette légende de la littérature mondiale garde intact son souci de la discrétion et son silence médiatique. Sauf que Joanna finit par l’avoir au téléphone. Commence entre les deux une relation à distance marquante.

    Quel dommage que les traducteurs français n’aient pas choisi d’intituler ce film : "Mon année Salinger" (My Salinger Year, comme le titre original) ! Bien qu’il n’apparaisse qu’extrêmement fugacement, l’auteur de L’Attrape-Cœur et de Franny et Zoé, décédé en 2010, intervient comme le catalyseur des rêves de littérature d’une jeune femme qui se cherche.

    Qui se cherche mais aussi qui construit son rôle d’agent littéraire respectueux des lecteurs et des admirateur de J.D. Salinger. Là est sans doute l’une des réussites esthétiques du réalisateur et scénariste Philippe Falardeau, donnant la parole à des anonymes, prêts à tout quitter pour accomplir leurs rêves, à l’image de Holden Caulfield, l’antihéros de L’Attrape-Cœur.

    Dans le rôle de Margaret, la brillante et parfois tyrannique directrice, Sigourney Weaver s’impose sans surprise, en y insufflant humanité mais aussi désillusion.

    La facture classique de Mon Année à New York sert cette comédie-dramatique douce-amère qui nous parle autant de la nostalgie d’une époque disparue que de rêves d’une jeune femme se construisant dans une ville qui lui paraissait au départ trop grande pour elle.

    Mon année à New York, comédie dramatique canado-itrlandaise de Philippe Falardeau,
    avec Margaret Qualley, Sigourney Weaver, Douglas Booth, Colm Feore, 2020, 96 mn

    https://www.canalplus.com/cinema/mon-annee-a-new-york/h/17049652_50001
    http://www.joannarakoff.com

    Voir aussi : "Le cancer est un sport de combat"

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  • Marseille, côté nord, côté sombre

    Succès surprise de cette fin d’été, le polar de Cédric Jimenez, Bac Nord, a véhiculé son lot de polémiques, polémiques à mon avis bien peu à la hauteur de ce polar musclé comme seuls les Américains savent en proposer.

    Sauf que nous sommes en France et à Marseille, et plus précisément dans ces quartiers nord de sinistre réputation : trafics de drogue, omniprésence de gangs en lutte perpétuelle pour la conquête de nouveaux territoires, immeubles laissés à l’abandon et police déclarée non grata.

    C’est cette police qui, justement, intéresse Cédric Jimenez, à la réalisation et au scénario (avec Audrey Diwan) d’un film d’action bien entendu mais aussi et surtout d’une charge contre un territoire largement abandonné par l’État et dont des policiers vont devenir des bouc-émissaires.

    À la tête de ces policiers, il y a Grégory Cerva, interprété par Gilles Lelouche, véritable taureau, sanguin, les nerfs à vif et rendu fou par la frustration de voir des petits et des grands dealers faire leur business au nez et à la barbe des autorités. Il est accompagné de Yassine (Karim Leklou), futur papa rêvant d’une vie installée avec sa compagne Nora (la toujours remarquable Adèle Exarchopoulos). Pour compléter le trio, il faut citer Antoine (François Civil), jeune policier n’ayant peur de rien et qui va contribuer à dynamiter la dynamique de cette équipe peu ordinaire.

    Brûlot implacable

    Les trois flics sont doués dans leur manière de se fondre dans le paysage et de côtoyer les petits malfrats capables de leur donner les clés pour coincer les gros trafiquants. Lorsque la hiérarchie, et en premier lieu le préfet, demande qu’un gros coup soit fait dans les fameux quartiers nord, l’équipe de  Greg croit avoir l’entière liberté pour commencer son travail d’infiltration et de pêche au renseignement. Une jeune toxico accepte de les aider, en échange de plusieurs kilos de drogue. Les trois policiers acceptent : un coup de filet d’envergure en est la récompense.

    Inspiré d’un fait divers, Cédric Jimenez déploie l’aventure de trois ripoux d’abord obsédés par la chasse à des voyous qui ont décidé de faire la loi dans des quartiers abandonnés. La scène au cours de laquelle Greg et ses confrères sont empêchés de suivre une voiture est à cet égard éloquente. Le réalisateur a beau écrire en ouverture de son film qu’il n’a pas souhaité juger ni faire une œuvre engagée, il reste que Bac Nord est un manifeste cinglant s’attaquant à l’abandon des autorités et aux dérives d’une société laissée entre les doigts de mafias toutes puissantes. La scène centrale d’intervention de forces de police, véritable armée entrant dans des territoires abandonnées, marquera longtemps le spectateur.

    Hasard du calendrier, Bac Nord est sorti alors que des faits divers ensanglantaient ces quartiers marseillais, poussant le Président de la République à s’y rendre plusieurs jours. Preuve que ce polar nerveux et sombre, dont l’histoire est inspirée d’un fait divers survenu il y a déjà 9 ans, est toujours d’actualité.

    Bac Nord, polar français de Cédric Jimenez, avec Gilles Lellouche, Karim Leklou, François Civil
    et Adèle Exarchopoulos, 2020, 104 mn
    https://www.canalplus.com

    Voir aussi : "La bête doit mourir"

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  • Lumineuse secte

    Il ne reste que quelques jours pour découvrir sur Canal+ l’étrange et traumatisant Midsommar  d’Ari Aster, avec Florence Pugh dans le rôle de Dani, cette jeune femme catapultée dans un monde faussement utopique.

    Le sujet de ce long-métrage américano-suédois est assez rare pour être souligné : les sectes.

    Le film démarre avec des couleurs et une atmosphère sombre : Dani apprend la mort brutale de ses parents et de sa sœur dans ce qui ressemble à un suicide collectif. La jeune femme est bouleversée et ce n’est pas la présence de Christian, son fiancé qui peut l’apaiser. Entre eux, les relations sont pour le moins fraîches et le jeune homme l’aurait sans doute quittée sans cet événement tragique.

    Histoire de montrer sa bonne volonté, il lui propose, sans y croire vraiment, de l’inviter en Suède pour assister à un festival atypique se déroulant tous les 90 ans. Dani y découvre une petite société accueillante mais aussi inquiétante. 

    La lecture symbolique d’un couple en train de se dissoudre

    Ari Aster imagine une communauté coupée du monde dans une région où le soleil ne se coupe pas, en faisant le choix de la lumière surexposée et des couleurs. C'est la grande idée du film. Il s’agit d’un parti-pris esthétique pertinent puisque ce que vont découvrir Dani, Christian et leurs amis c’est un cauchemar indicible, avec en particulier des scènes marquantes, y compris pour le spectateur.

    C’est patiemment, et avec une sérieuse dose de perversité, que le réalisateur déroule son récit commençant à la manière d'un thriller – la mort d’une famille – et se terminant comme un conte cauchemardesque lumineux et fleuri.

    Non sans humour noir et cynisme, Ari Aster fait de ce cauchemar une revisite des films d’horreur tout autant que la dénonciation des dérives sectaires sur fond de peur apocalyptique et d’un désir de retour à la pureté et à la nature. Et tant pis si cette quête primitive est justifiée par un discours lénifiant et pseudo-philosophique. Ari Aster fait de ses deux personnages principaux, Dani et Christian (deux prénoms bibliques soit dit en passant), les otages, consentants ou non, d’un milieu terrifiant. Le spectateur pourra aussi faire de Midsommar la lecture symbolique d’un couple en train de se dissoudre. Ce qui n'enlève rien au caractère horrible de cette expérience.

    Midsommar, drame horrifique américano suédois d’Ari Aster, avec Florence Pugh, Jack Reynor, William Jackson Harper et Will Poulter, 2019, 147 mn
    https://a24films.com/films/midsommar

    Voir aussi : "Homme fatal"

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  • Le cinéma pour les nuls

    Voilà un livre qui intéressera aussi bien les amateurs de films que les professionnels du cinéma, qui liront l’ouvrage de Tim Grierson, C’est comme ça qu’on fait un Film (éd. Eyrolles), comme un résumé des techniques cinématographiques.

    L’ouvrage a été conçu intelligemment, avec 5 grandes sections : le jeu d’acteurs, la réalisation, l’éclairage et les prises de vue, le montage et le scénario. On peut bien sûr débatte sur la place de chacune de ces parties : sans doute aurait-il été plus pertinent de parler du scénario en premier et traiter du montage en dernier.

    Ce bémol mis à part, Tim Grierson fait preuve d’une solide pédagogie et d’une grande qualité de synthèse pour présenter les fondamentaux du cinéma et permettre de comprendre la manière dont un film est conçu. Cette grammaire est conçue comme une "collection de tutoriels", comme le dit l’auteur. Pour cela, l’auteur s’intéresse aux spécificités de tel ou tel métier. Par exemple, dans la section consacrée au  jeu d’acteurs, Tim Grierson traite de la méthode de l’acteur, de l’improvisation, des répétitions, du monologue, de la motivation et du jeu d’amateurs.

    Le "narrateur peu fiable"

    Pour chaque "tutoriel", une page de texte explicative est suivi de trois exemples de films, avec à chaque fois une caractéristique ou un "ingrédient". Ainsi, lorsque l’auteur traite du scénario et de la voix off, il fait un focus sur la narration romanesque (avec l’exemple de Barry Lyndon de Stanley Kubrick), de la communication directe (Les Affranchis de Martin Scorsese) et du "narrateur peu fiable" (The Informant! de Steven Soderbergh).

    Le choix des films utilisés pour l’ouvrage a été fait avec soin. Le lecteur y trouvera aussi bien des superproductions (Wonder Woman de Patty Jenkins, la saga Star Wars ou Matrix de Lana et Lilly Wachowski) que des films avant-gardistes (La dernière séance de Peter Bodganovich, L’Avventura de Michelangelo Antonioni ou Le Cheval de Turin de Béla Tarr), ou encore de grands classique (Le Voleur de Bicyclette de Vittorio de Sica, La Nuit du Chasseur de Charles Laughton ou La Passion de Jeanne d’Arc de Carl Theodor Dreyer).

    Évidemment, des réalisateurs aussi importants que Steven Spielberg,  Francis Ford Coppola, Jacques Tati, Kathryn Bigelow, Sofia Coppola ou Claire Denis sont présents dans cet ouvrage passionnant, qui peut aussi se lire comme un "avant-goût de l’étendue et du potentiel du cinéma".

    Une belle entrée en matière donc. 

    Tim Grierson, C’est comme ça qu’on fait un Film, éd. Eyrolles, 2021, 192 p.
    https://www.editions-eyrolles.com
    https://timgrierson.blogspot.com

    Voir aussi : "Les films que vous ne verrez jamais"

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