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cinéma - Page 18

  • "Ce ne sont pas des lys mais des alstromères" : le mea culpa des Cahiers du Cinéma

    Le printemps, la nature en éveil, les floraisons éclatantes, les bourgeons en fleurs : non, je ne vais pas me faire poète ou vous parler dans cette chronique de Rustica, du Festival des Jardins De Chaumont-sur-Loire ou d’Hortus Focus. Pour cette chronique, c'est le dernier numéro des Cahiers du Cinéma qui m'intéresse.

    Voilà que le plus intello sans doute des magazines spécialisé dans le septième art fait un mea culpa au sujet de la place modeste des fleurs et des arbres dans ses critiques ciné (comme chez ses confrères), alors que ces végétaux peuvent être une clé de lecture d’une scène ou d’une œuvre : "Même sur Internet, refuge des fanas des listes, les énumérations tournent court et s’arrêtent vite aux titres des films où il n’est question en rien de fleurs : Le Dahlia noir, L’Orchidée blanche, l’Orchidée noire, etc." Et l’éditorialiste Stéphane Delorme de renchérir : "Il y a une impuissance à nommer, qui révèle un désintérêt profond pour la nature et une expérience appauvrie."

    La réponse du magazine est cet herbier proposé dans son numéro d’avril. Un herbier qui s’ouvre sur un courrier daté du 24 février dernier envoyé par une lectrice des Cahiers du Cinéma. Marie-Claire Lévy fait remarquer à la revue spécialisée que les chroniqueurs se sont trompés au sujet des fleurs que cultive le personnage joué par Clint Eastwood dans son dernier film, La Mule : ce ne sont pas des lys mais des alstromères, dit-elle, "des fleurs particulièrement périssables (elles se fanent dans la journée)", avant de donner des boutons qui s’épanouissent ensuite, "un phénomène pas commun dans les fleurs coupées." Une précision qui n’a rien d’anecdotique car elle fait sens pour un artiste comme Clint Eastwood.

    50 pages à ces fleurs et à ces arbres qui apparaissant dans des films, connus ou moins connus

    Voilà donc comment le numéro d’avril de ces Cahiers s’essaie à la botanique, sans perdre de vue le cinéma. La revue consacre 50 pages à ces fleurs et à ces arbres qui apparaissant dans des films, connus ou moins connus.

    Cet herbier est classé en trois sections : "Fleurs", "Plantes" et "Arbres". Et l’on découvre une autre manière de lire et comprendre un film, grâce à ces végétaux, souvent discrets mais jamais anodins. Que l’on pense à ces fleurs : le cyclamen dans Le Couvent de la Bête sacrée de Norifumi Suzuki (1974), le glaïeul dans Marnie d’Alfred Hitchcock (1964), l’hibiscus dans Furyo de Nagisa Oshima (1983), la jacinthe des bois dans Bright Star de Jane Campion (2009) ou le pavot dans Le Magicien d’Oz de Victor Fleming (1939). À noter que le cinéma japonais a toujours su, mieux que n’importe quel autre, donner sa place aux fleurs.

    Les plantes ont souvent une dimension métaphysique, symbolique et pour ne pas dire hypnotique à l’exemple des fougères d’Antichrist de Lars von Trier (2009), des Herbes folles d’Alain Resnais (2009) ou de Providence chez le même metteur en scène (1977).

    La dernière section, sur les arbres, offre un éventail plus riche encore : le baobab dans Le Vent de Souleymane Cissé (1982), le bouleau dans L’Enfance d’Ivan d’Andreï Tarkovski, le cocotier dans The Master de Paul Thomas Anderson (2012), l’érable du Japon dans Miss Oyu de Kenji Mizoguchi (1951), le saule blanc dans l'Arbre, le maire et la médiathèque d'Eric Rohmer ou encore les fameux palmiers de Mulholland Drive chez David Lynch (2001).

    Les Cahiers du Cinéma offrent dans ce numéro d'avril 2019 un des reportages les plus pertinents qui soit. Il nous encourage à ne plus regarder nos films préférés de la même façon, mais aussi à mieux observer la tête en l’air ou la tête baissée ces végétaux qui savent parler de nous, à leur manière.

    À acheter et à lire de toute urgence avant la fin du mois.

    Les Cahiers du Cinéma, Herbier, Arbres Plantes Fleurs, avril 2019, en kiosque
    https://www.cahiersducinema.com

    Voir aussi : "À quand un cinéma éco-friendly ?"

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  • Le réveil d'une épopée

    Ils sont venus, ils sont tous là – ou presque. Dix ans après La Revanche des Sith, Star Wars fait son grand retour – qui est aussi celui des grands anciens, Luke Skywalker, Léia et Han Solo en tête.

    Lorsqu'en 2012 Walt Disney avait fait un pont d'or pour racheter les droits de cette saga à George Lucas (plus de 4 milliards de dollars), le retour sur grand écran de La Guerre des Étoiles n'était plus qu'une question de temps. Les fans ont suivi avec fébrilité l'accouchement d'un nouveau cycle. Il s'est concrétisé la semaine dernière avec la sortie du Réveil de la Force, réalisé par J.J. Abrams.

    Le metteur en scène américain est devenu mythique grâce à la série Lost et à deux longs-métrages de Star Trek (les 12e et 13e de la saga de science-fiction). Il a, pour l'occasion, révisé ses classiques et refusé tout dépaysement aux fans de Star Wars qui lui en auraient voulu. J.J. Abrams (assisté dans l'écriture par Michael Arndt et Lawrence Kasdana) a choisi de faire revivre quelques figures mythiques de la saga.

    Après la chute de Dark Vador et Palpatine, la Résistance et le Premier Ordre, né sur les ruines de l'Empire galactique des Sith, s'affrontent sans merci. Luke Slywalker, Jedi légendaire disparu depuis des années, est recherché par les deux camps. Envoyé sur la planète Jakku, Poe Dameron, le meilleur pilote de la Résistance, reçoit un plan sensé localiser le héros. Mais les stormtroopers du Premier Ordre, dirigé par le funeste Kylo Ren contrecarrent l'opération. Poe confie le plan à son droïde, BB-8, recueilli peu de temps plus tard par Rey, une pilleuse d'épave. Elle reçoit le soutien d'un ancien stormtrooper, FN-2187 (Finn). Tous deux fuient à bord d'un vaisseau en mauvais état, le Faucon Millenium. Au cours de leur périple, celui-ci est accosté par son ancien propriétaire, Han Solo et son acolyte Chewbacca. Tous décident de rejoindre la Résistance.

    Dire que Le Réveil de la Force respecte à la lettre l'esprit de Star Wars est un euphémisme. J.J. Abrams ne devrait pas décevoir les millions de fans de la saga, en dépit de l'attente formidable qu'a suscitée cette troisième trilogie. Ce nouvel épisode fait le lien avec les précédents en faisant appel à quelques personnages emblématiques des épisodes IV, V et VI : Han Solo, Leia Organa et Luke Skywalker, plus âgés mais plus que jamais essentiels. Le spectateur retrouvera également des personnages devenus familiers : Chewbacca, R2D2 et C-3PO, même si ces deux derniers ont des rôles plus secondaires.

    Le Réveil de la Force assume son rôle de grand divertissement populaire dans lequel l'épopée galactique allie batailles spatiales, combats au sabre laser, créatures fantastiques, technologies ahurissantes, luttes du bien et du mal, héroïsmes exemplaires et grandes trahisons, sans oublier la musique de John Williams.

    Ce nouveau cycle de Star Wars s'ouvre de la plus brillante des manières, comme un rêve éveillé.

    Star Wars - Le Réveil de la Force, film américain de J.J. Abrams avec Daisy Ridley, John Boyega, Harrison Ford, Carrie Fisher, Adam Driver, Mark Hamill, Andy Serkis et Max von Sidow, Etats-Unis, 2015, 2H16

  • Le cinéma s'affiche (et s'anime)

    Parce que le cinéma c'est aussi ses affiches, à la fois indispensables, souvent marquantes mais rarement commentées, le réalisateur mexicain Pablo Fernández Eyre a choisi de leur laisser la vedette grâce à un clip visible sur Internet. 

    Grâce à lui, seize affiches d’œuvres importantes du 7e art (Shining, Lost in Translation, Rocky ou encore Eraserhead) prennent vie et s'animent.

    Cette initiative est d'abord et surtout un hommage aux artistes et graphistes aux affiches de cinéma insuffisamment reconnues à leur juste valeur. Il y a quelques années de cela, l'Académie des Césars attribuait une statuette récompensant une affiche. Cela a été, hélas, un feu de paille.

    Grâce à l'initiative de Pablo Fernández Eyre, l'affiche de cinéma est mise en vedette.

    Golem 13

  • Une partie de football contre le djihadisme

    Le cinéma français consacrait cette année le film Timbuktu d'Abderrahmane Sissako, bouleversant tableau d'un village malien écrasé par l'Islam radical.

    Pour traiter du djihadisme international avec une telle puissance et une telle justesse, il fallait une musique à la hauteur. Celle d'Amine Bouhafa parvient à relever le défi haut-la-main. C'est l'ambition qui frappe d'emblée l'auditeur : instruments traditionnels, la voix bouleversante de Fatoumata Diawara, un orchestre à cordes "sublimant" (le mot est du compositeur lui-même) les scènes du film.

    L'extrait sans doute le plus inoubliable de Timbuktu est celle de la partie de football, sans ballon, qui mérite de figurer parmi les scènes d'anthologie du cinéma. Le compositeur tunisien a composé et orchestré pour l'occasion un des plus morceaux de sa bande originale. Bouleversant et lyrique, cette partie de foot – et la bande-son qui l'accompagne – est la plus belle réponse aux fondamentalistes interdisant toute forme de distractions – musiques, jeux, sports...

    Le 13 novembre, ce sont justement des endroits dédiés aux loisirs, au sport et à la culture auxquels qui ont été pris pour cible par des terroristes islamiques.

    Amine Bouhafa, Timbuktu, 2014
    Timbuktu, film franco-mauritanien de Abderrahmane Sissako
    avec Ibrahim Ahmed dit Pino, Toulou Kiki, 2014, 1H48

  • Dans le jury de "42 heures pour un court"

    b57c3745bfb86d0babfc274422adca74.pngLe dimanche 25 octobre, j'aurai le plaisir de faire partie du jury du festival "42 heures pour un court", à Montargis. 

    Cette manifestation en est à sa neuvième édition. Le principe de "42 heures pour un court" (Triathlon vidéo de Montargis) est de réaliser et monter un court-métrage (de 6 à 8 minutes hors génériques) en 42 heures. Le film produit sera une œuvre originale (documentaire, art vidéo, narration, fiction, expérimental, animation, etc.) en respectant les contraintes imposées.

    Cette année, dix équipes participent cette année avec, comme tous les ans, une contrainte de lieu et un sujet au choix à traiter parmi quatre faits de société : le mariage pour tous, le recul de l'âge de la retraite, le harcèlement moral au travail et l'économie partagée (covoiturage, couchsurfing, etc.).

    La projection des courts-métrages en compétition aura lieu le dimanche 25 octobre à 15 heurs au Tivoli de Montargis. J'aurai l'honneur de faire partie du jury, en compagnie de Claire-Lise Gaudichon, Jean-François Szczepanek, Françoise Pastor-Strazzieri et Anne Berrou. Voir ce lien pour en savoir plus sur le jury de cette édition

    Bonne chance aux équipes sont en plein travail depuis le vendredi 23 octobre 2015, 19 heures.

    Art & Culture Montargis : 42 heures pour un Court

  • Et pendant ce temps-là, le 21 octobre 2015

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  • Kurosawa : morts-vivants et aliénés

    A l'occasion de la sortie de son tout nouveau long-métrage, Vers l'autre Rive (sortie, le 30 septembre 2015), Kyoshi Kurosawa fera l'objet ce mois-ci à Paris d'une rétrospective, du 16 au 22 septembre 2015 au cinéma Reflet Médicis.

    C'est l'occasion pour le bloggeur de revenir sur un film plus ancien du cinéaste japonais, Tokyo Sonata, à travers une critique écrite pour l'association des Cramés de la Bobine.

    Kiyoshi Kurosawa, réalisateur japonais (qui n’a aucun lien de parenté avec Akira Kurosawa), s’est d’abord fait illustré dans des films d’horreur et d’épouvante : des longs-métrages comme Cure, Kaïro ou Charisma (puis l'incontournable Shokuzai en 2012) l’ont fait connaître dans le monde entier après un début de carrière chaotique. Depuis plusieurs années, tout en ne reniant pas ce genre cinématographique, il a choisi de tourner des films plus réalistes, non sans succès puisque Jellyfish a par exemple fait partie de la sélection officielle à Cannes en 2003.

    En 2008, Cannes a honoré une nouvelle fois Kiyoshi Kurosawa en le sélectionnant dans la catégorie Un Certain Regard pour Tokyo Sonata, qui a reçu finalement le Prix du Jury.

    Ce drame suit une famille japonaise confrontée à la crise économique, au chômage mais aussi aux traditions patriarcales japonaises multiséculaires et en pleine déliquescence en ce XXIe siècle.

    Tokyo Sonata est le portrait à la fois cru et subtil de quatre personnages englués dans des contradictions, des voies sans issues, des révoltes ou des interrogations sur leur raison de vivre : le père, ancien cadre supérieur, subit de plein fouet la mondialisation économique et se retrouve subitement désœuvré et humilié par le chômage ; la mère, femme triste et soumise, voit sa vie complètement chamboulée du jour au lendemain suite à un événement autant inattendu que cocasse ; le fils aîné choisit de "déserter" le domicile pour une cause qu’il juge importante tandis que le cadet découvre un but dans sa vie – devenir pianiste classique professionnel. Pour ce but, il choisit de se battre malgré son jeune âge. Kiyoshi Kurosawa parvient au sublime dans l'ultime scène qui voit ce projet commencer à prendre forme.

    Loin d’être le simple portrait d’une famille japonaise, ce film brillant d’un réalisateur capital du cinéma japonais est aussi une œuvre universelle sur la lutte quotidienne et la révolte, comme sur la crise économique mondiale, source monstrueuse d'aliénation. Qu'un cinéaste longtemps cantonné aux films d'horreur et d'épouvante s'emploie à décrire une société japonaise paumée ne peut qu'interpeller chacun d'entre nous. 

    Rétrospective Kurozawa, du 16 au 22 septembre 2015 au cinéma Reflet Médicis
    Tokyo Sonata
    de Kiyoshi Kurosawa, avec Koji Yakusho, Teruyuki Kagawa, Kyôko Koizumi, Haruka Igawa, Yû Koyanagi et Kai Inowaki, Japon, 2008, 119 mn
    Les Cramés de la Bobine

  • Quand Angèle rencontre Tony

    Angèle et Tony a été une des surprises de l'année 2011, un film âpre et réaliste tenu à bout de bras par un couple d'acteurs inspirés.

    Angèle, c'est Clotilde Hesme (César du meilleur espoir féminin en 2012), longue brindille sauvage dont le spectateur apprend au cours du film son passé tragique, son projet familial, comme les conditions de son arrivée à Cherbourg. Tony, c'est Grégory Gadebois (César du meilleur espoir masculin en 2012), marin-pêcheur droit et bourru, empêtré dans un deuil impossible depuis la disparition de son père en haute-mer. Ces deux personnages que tout sépare a priori se croisent, se toisent, s'apprivoisent, se séparent et finissent par adopter mutuellement leurs déchirures. 

    Alexis Delaporte, dans ce premier long-métrage remarqué et multiprimé, maîtrise de bout en bout une histoire simple de gens simples, malmenés par l'existence ou par la société. Angèle et Tony, grâce à la force de leur interprète comme à la direction d'acteurs, deviennent des personnages bouleversants et universels. La mer omniprésente, les regards entre Angèle et Tony, les silences éloquents, la photographie magnifique (je pense aux superbes scènes d'Angèle sur sur VTT en pleine campagne normande), des scènes touchantes (par exemple le spectacle pour enfant) : tout concourt à la réussite de ce film exceptionnel.      

    Alexis Delaporte, Angèle et Tony, avec Clotilde Hesme et  Grégory Gadebois,
    France, 2014, 87 mn