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cinéma - Page 21

  • Stanley Kubrick [1] : Premiers pas d'un géant

    Le bloggeur propose aujourd'hui une série d'articles sur Stanley Kubrick, réalisateur américain génial malgré sa filmographie peu développée (13 longs-métrages et 3 courts). Cinéaste éclectique (films historiques, péplum, science-fiction, drames, farce, etc.), un point commun au moins réunissait ses œuvres : l'exigence poussée à son paroxysme.

    Retour sur un auteur atypique et d'une modernité exceptionnelle, à travers une biographie, une filmographie, quelques critiques de films ainsi qu'un focus sur ses rapports avec la musique.    

    Stanley Kubrick naît le 26 juillet 1928 à New-York dans une famille de la petite bourgeoisie du Bronx. Élève moyen timide mais néanmoins d’une très grande curiosité, il se destine très jeune à la photographie, domaine où il exerce son premier métier à 17 ans dans la revue Look, luxueux magazine concurrent de Life. Cette première expérience sera décisive dans sa future carrière de cinéaste. Dès sa toute première création, un reportage photographique sur le boxeur Walter Cartier (Le Boxeur professionnel, 18 janvier 1949), le jeune Stanley Kubrick démontre déjà un grand sens du cadrage et de la lumière. 

    Le cinéma devient rapidement une vraie passion. Cinéphile, le jeune photographe, à la technique déjà assuré, s’intéresse avec le plus grand sérieux aux innombrables films qu’il visionne. Vers la même époque, il découvre la musique classique, qui restera l’autre grand intérêt de sa vie.

    En 1951, il scénarise, produit, réalise et monte son tout premier film, Day of the Fight, un court-métrage sur le même Walter Cartier qu’il avait suivi quelques années plus tôt. L’année suivante, il créé dans les mêmes conditions Flying Padre, un documentaire sur un prêtre aviateur, court-métrage dont il ne cachera jamais son mépris.

    Ces deux premières réalisations, pour frustrantes qu’elles lui apparaissent, sont pourtant des succès encourageants : elles sont toutes deux vendues à bon prix à la société de production RKO Pathé. Kubrick en tire même un petit bénéfice et démissionne du magazine Look pour se lancer à temps plein dans le cinéma.

    En 1953, Kubrick demande à un de ses amis, le poète Howard Sackler, de lui écrire un scénario qui devient sa première œuvre de fiction, Fear and Desire. Ce film de guerre raconte l’épopée de quatre soldats perdus derrière des lignes ennemies. Kubrick est déjà dans ce long-métrage non seulement un virtuose de l’image mais également un créateur soucieux de tout contrôler, au point parfois de malmener son équipe et ses acteurs (pour les besoins du tournage, il va jusqu’à faire pulvériser sur ses acteurs des litres d’insecticide depuis un avion, au risque de tuer l’ensemble de son équipe !).

    Après un documentaire sur un syndicat de marins américains (The Seafarers), il réalise et produit Le Baiser du Tueur (Killer’s Kiss), l’histoire d’un boxeur raté (de nouveau une histoire dans ce milieu sportif !) poursuivi avec sa petite amie, une taxi-girl, par des tueurs sans scrupule. Malgré le soin particulier que met Kubrick dans le cadrage, les plans et le montage, Le Baiser du Tueur pèche par un scénario léger et par un jeu des acteurs honnête, sans plus. Cette erreur, Kubrick ne la reproduira plus.

    Vers cette époque, son premier mariage avec son amie d’enfance Toba Metz bat de l’aile. En 1954, il s’installe avec Ruth Sobtka, une ballerine avec qui il se marie en 1957, sitôt son divorce. 

    Entre temps, déjà soucieux d’assumer son indépendance, il fonde avec son ami James B. Harris leur maison de production la Harris-Kubrick Pictures Corporation.

    L’Ultime Razzia (The Killing) marque l’arrivée en 1956 de Kubrick à Hollywood. Le scénario est écrit par l’écrivain de polars Jim Thomson (auteur notamment de 1275 Âmes ou du Démon dans ma peau) d’après le roman Clean Break de Lionel White. La United Artists propose de le financer à condition de voir dans ce film un acteur renommé. Sterling Hayden est contacté et accepte moyennant un cachet confortable. Cette histoire de hold-up brillamment réussi dans le milieu des courses hippiques mais qui se termine par un règlement de comptes au sein de l’équipe de gangsters est la première réussite complète de Kubrick : un polar haletant, des personnages ambigus aux motivations troubles, des mouvements de caméra élaborés. De bonnes critiques saluent le film bien que les entrées soient décevantes. Signe que Kubrick a réussi son entrée à Hollywood, il est approché par la MGM pour un nouveau film, Les Sentiers de la Gloire, dont les droits du roman de Humphrey Cobb viennent d’être achetés par Kubrick et James B. Harris.

    Pour autant, la MGM reproche à Kubrick et Harris de se consacrer à d’autres films simultanément. Renvoyés pour cela, ces derniers continuent néanmoins de travailler sur Les Sentiers de la Gloire, dont le scénario est, comme pour le film précédent, travaillé en collaboration avec Jim Thomson. Le soutien financier et personnel vient de Kirk Douglas, la star hollywoodienne qui met tout son poids et son influence pour contraindre la United Artists à financer ce film. Sorti en 1957, Les Sentiers de la Gloire, film antimilitariste, raconte l’histoire de cinq soldats français fusillés en 1915 pour une mutinerie imaginaire. À sa sortie en 1957, ce long-métrage est un tel scandale qu’il est interdit en France jusqu’en 1974 et vertement critiqué dans de multiples pays. Les Sentiers de la Gloire est cependant considéré comme le premier chef-d’œuvre du cinéaste américain qui maîtrise à la perfection la caméra (travellings fluides qui feront sa renommée – et qui sont dédiés au cinéaste Max Ophüls décédé au cours du tournage en Europe). Le scénario haletant et bouleversant, le jeu inspiré de Kirk Douglas ou du second rôle Adolphe Menjou, les décors et le travail sur les lumières, achèvent de faire de cette œuvre une réussite totale même si la réussite commerciale n’est pas au rendez-vous.

    Les Sentiers de la Gloire marquent en plus un événement personnel dans la vie du cinéaste : sur le tournage de ce film, il rencontre l’actrice allemande Christiane Susanne Harlan qui interprète le rôle de la chanteuse de cabaret. Il divorce une seconde fois et se marie avec celle qui partagera dorénavant le reste de sa vie.

    Pour autant, il faut croire que Kirk Douglas ait été pleinement satisfait de sa collaboration avec Kubrick puisqu’il lui demande de tourner un nouveau film avec lui : Spartacus.

    Le tournage débute rapidement, en 1959. Il s’agit pour Kubrick d’un film atypique par l’ampleur (une superproduction hollywoodienne de 12 millions de dollars) et par son investissement artistique : Kubrick remplace en effet un autre grand de la réalisation, Anthony Mann, fiable, expérimenté mais trop indépendant aux goûts de Kirk Douglas ; or, avec Kubrick, la star hollywoodienne ignore qu’elle va travailler avec un artiste autrement plus libre et incontrôlable ! Spartacus, péplum ambitieux sur la révolte d’esclaves romains au Ier siècle avant JC. Cette fable sur la liberté est tournée en pleine Chasse aux Sorcières américaine (l’un des scénaristes est Donald Trumbo qui a été lui-même poursuivi pour des activités communistes). Kubrick démontre surtout qu’en plus d’être un artiste hors pair, il peut réaliser des films rentables. Cette expérience douloureuse d’un tournage conflictuel, notamment avec Kirk Douglas, le convainc également de mettre du champ entre lui et Hollywood.

    Le film suivant, Lolita, permet l'émancipation d'un artiste qui ne va avoir de cesse que contrôler toute son oeuvre...

    La suite ici...

  • Nannerl, sœur de Mozart et génie sacrifiée

    A l'occasion de la journée de la femme, le bloggeur voudrait faire un éclairage sur une de ces nombreuses femme de génie qui a pu être sacrifiée et oubliée. 

    Pourquoi ne pas parler de Maria Anna Walburga Ignatia Mozart (1751-1829), dite Nannerl, brillante musicienne et compositrice mais dont toutes les œuvres ont disparu ? Cette femme a fait l'objet d'un film sorti discrètement en 2010, Nannerl, la Sœur de Mozart, un long-métrage historique et somptueux du réalisateur français René Féret.

    L’auteur de L’Histoire de Paul et La Communion solennelle nous plonge dans l’histoire d’une femme restée dans l’ombre d’un génie musical exceptionnel.

    Qui savait que Wolfgang Amadeus Mozart avait non seulement une sœur mais en plus une sœur talentueuse dont la carrière prometteuse a été éclipsée ? Maria Anna Mozart, surnommée Nannerl, est née en 1751 et a reçu à l’âge de 7 ans une éducation musicale par son père, le charismatique Léopold Mozart.

    Ce dernier la promet à un brillant avenir. Mais les convenances de l’époque – une femme ne doit pas composer ! – autant que la précocité de son jeune frère Wolfgang condamnent Nannerl à rester dans l’ombre et à n’être que témoin de la carrière fulgurante de l’auteur de Don Giovanni.

    René Féret n’a pas souhaité faire une reconstitution fidèle du XVIIIe siècle - jusque dans les choix de la bande originale ! Son objectif est de mettre au centre de son film la musique et surtout le destin d’une artiste bridée du fait des convenances de son époque et de sa famille. Plus familier des chroniques contemporaines que des films historiques, le cinéaste fait le choix de parler de création dans un long métrage dont il assume l’aspect fictionnel. Le critique Alain Riou ajoute que le cinéaste, qui s’est longtemps battu pour ce film, a mis dans Nannerl, la Sœur de Mozart des éléments de son histoire personnelle et de son enfance. 

    Nannerl, la Soeur de Mozart, de René Féret, avec Marie Féret,
    David Moreau, Marc Barbé, Delphine Chuillot, France, 2010, 120 mn

  • Bientôt, Kubrick mis en scène et en musique

    Dès la semaine prochaine, sur ce site, le bloggeur proposera une série d'articles sur Stanley Kubrick : il sera question de sa carrière cinématographique exceptionnelle, de critiques de quelques-uns de ses films mais aussi de ses rapports avec la musique.

    Restez en ligne et gardez les yeux grands ouverts ! 

  • Éducation à l'ancienne

    La chaîne de la TNT Numéro 23 diffuse ce dimanche 22 février, à 22H45, Une Éducation, un film de Lone Scherfig, avec Carrey Mulligan dans le rôle principal.

    Disons tout d’abord que ce long-métrage de 2010, qui se déroule dans l’Angleterre des années 60, est tirée du récit autobiographique de la journaliste britannique du Sunday Time Lynn Barber.

    Jenny (Carrey Mulligan), 16 ans, n’a pour tout horizon qu’une vie rangée et ennuyeuse, sous la coupe de parents conservateurs. Élève brillante, violoncelliste douée, désireuse d’intégrer Oxford, elle n’est cependant pas certaine de pouvoir s’échapper de cet univers étriqué. Un jour de pluie, un inconnu lui propose de s’abriter dans sa voiture de sport. Il s’appelle David (Peter Sarsgaard). Il a une vingtaine d’années de plus qu’elle. Ce bel homme, insouciant, stylé, mystérieux, amoureux de la vie et dépensant sans compter, tranche avec le monde ennuyeux et fade de Jenny. Cette dernière est entraînée, avec celui qui devient rapidement son amant, dans un tourbillon de nouveautés : dîners chics, ventes aux enchères, voyages romantiques, rencontres inattendues, nouvelles amitiés. Mais ce monde doré et clinquant n’est-il pas un miroir aux alouettes ? Et la jeune fille sérieuse peut-elle abandonner l’éducation austère de ses parents pour une autre école – celle de la vie ?

    La réalisatrice danoise Lone Scherfig a réussi à faire à partir d’un scénario finalement assez simple (une histoire d’amour scandaleuse entre deux êtres que tout sépare), un très élégant film, frais et délicieusement nostalgique. Mais Une Éducation est également le récit d’une initiation et du parcours d’une adolescente contrainte à un certain moment de choisir son avenir.

    Il convient de dire un mot de l’actrice principale : Carrey Mulligan, 22 ans à l’époque du tournage, est bluffante dans son interprétation d’une adolescente de 16 ans. L’Académie des Oscars l’a saluée en lui décernant en 2010 la palme de meilleure actrice pour ce rôle. Peter Sarsgaard, que l’on avait déjà vu dans Jarhead ou Dans la Brume électrique prouve également l’étendue de son talent.

    Numéro 23 donne aux spectateurs l'occasion de découvrir cette petite perle.

    Une Éducation, de Lone Scherfig, avec Carrey Mulligan,
    Peter Sarsgaard et Alfred Molina, 2010, 95 mn
    Numéro 23, dimanche 22 février 2015, 20H45 

  • L'interview (qui tue)

    Le film The Interview (L'Interview qui tue) peut déjà être qualifié comme l'œuvre cinématographique la plus importante de 2014 et sans doute aussi de ce début d'année 2015.

    Nul doute que les auteurs, producteurs et distributeurs de ce long-métrage se seraient pourtant bien passés d'un tel honneur car la notoriété de The Interview tient justement à sa sortie limitée sur les grands écrans, aux attaques subies à son encontre et aussi à son impact géopolitique. 

    Rappelons en quelques mots l'histoire de ce divertissement aux conséquences mondiales rarement vues. Evan Goldberg et Seth Rogen (ce dernier a sévi dans des films comme 40 ans, toujours Puceau, Supergrave ou Zack et Miri font un Porno) sont à la réalisation de cette farce. 

    Elle met en scène le présentateur vedette Dave Skylark (James Franco) et son producteur Aoron Rapoport (Seth Rogen) décidés à interviewer le dictateur nord-coréen Kim Jong-un (Randall Park), ce dernier ayant déclaré être un fan du talk-show "Skylark Tonight". Alors que des pourparlers s'ouvrent pour mener à bien ce projet, la CIA, par l'entremise de l'agent Lacey (Lizzy Caplan), approche les deux Américains pour les convaincre d'empoisonner Kim Jong-un. Ils acceptent par patriotisme et se retrouvent en terrain ennemi, nez à nez avec le dictateur communiste, dans son palais présidentiel. Le projet d'assassinat va s'avérer un peu plus compliqué que prévu pour nos deux pied-nickelés, surtout que Kim (affublé, au passage, d'une particularité anatomique que le bloggeur ne dévoilera pas ici...) se montre d'une grande affabilité avec le délirant, naïf – et incompétent – Dave Skylark.     

    Dire que cette comédie bouffonne n'est pas un chef d'œuvre de comédie est un pléonasme. Humour potache, caricatures (de l'autocrate comme des États-Unis et de leurs mœurs) et gags graveleux sont assumés à 200 % par les auteurs et les acteurs du film. The Interview appartient à la lignée de ces comédies américaines revendiquant leur aspect régressif. L'influence de Sacha Baron Cohen est certaine. Mais là où l'auteur de The Dictator (2012) choisissait habilement de créer un personnage de toute pièce à mi-chemin entre Kadhafi et Ahmadinejad, Evan Goldberg et Seth Rogen ont choisi de s'attaquer frontalement à l'un des pires dictateurs de la planète. 

    Ce choix a suscité la fureur de Kim Jong-un qui a multiplié les menaces contre le film et contre les États-Unis. Faute de pouvoir convaincre l'interdiction de ce long-métrage particulièrement féroce contre lui, c'est une attaque de hackers – vraisemblablement pilotés depuis la Corée du Nord – qui a eu raison de cette comédie engagée. Les piratages subies par Sony, la fuite de documents et de secrets de production et les menaces terroristes ont convaincu la multinationale de jeter l'éponge. Mais pas The Interview de bâtir sa réputation d'œuvre déjà culte. Une œuvre qui a, du même coup, jeté un peu d'huile sur le feu dans cette partie du monde, plus que jamais en guerre froide contre les États-Unis.

    Evan Goldberg et Seth Rogen, The Interview (L'Interview qui tue), avec James Franco,  Seth Rogen, Randall Park, Lizzy Caplan et Diana Bang, USA, 2014, 112 mn

  • Flukt, alors !

    Le cinéma européen peut offrir de petits bijoux inattendus. Dagmar – L'Âme des Vikings est de ceux là, même si le titre pourrait faire penser à une saga prétentieuse et bourrée de testostérone. 

    Rien de tel pourtant dans ce film d'action venu de Scandinavie, plantant son décor dans une Norvège du XIVe siècle décimée par la peste. Une famille fuit on ne sait trop où pour une vie meilleure. Peine perdue : une troupe de brigands, menée par une femme, Dagmar (Ingrid Bolsø Berdal), vient leur barrer son chemin et extermine ces paisibles voyageurs. Une seule survivante échappe au massacre, Signe (Isabel Christine Andreasen). Elle sera destinée à être vendue comme esclave. La jeune fille atterrit dans le camp de ses bourreaux et y croise une autre captive, Frigg (Milla Olin). Ensemble, elles décident de fuir.

    Le scénario simpliste sur le thème de la survie est justement la grande qualité de ce long-métrage de  Roar Uthaug qui ne s'écarte pas d'un iota de son fil directeur. Le spectateur suit la fuite des deux captives poursuivies par Dagmar. Le film fait la part belle à ce trio féminin, dans une lutte à mort pour leur survie. Peu de dialogues, des poursuites dans un décor rude, des combats à l'arme blanche, une histoire d'amitié, des déchirures familiales : le contrat promis par ce film est largement rempli.   

    Le bloggeur s'interroge cependant : pourquoi n'avoir pas choisi de garder le titre original, Flukt (Evasion), plutôt que le pompeux Dagmar – L'Âme des Vikings ? Le titre original, sec et sans fioriture, colle beaucoup mieux à cette fiction convaincante et efficace. C'est sans doute le seul bémol de cette petite perle cinématographique. Flukt, alors !

    Roar Uthaug , Dagmar - L'Âme des vikings, Norvège, 2013, 92 mn

  • Lady Vegas : la surdouée, le prof et la poissarde

    Tamara Drewe et Beth Raymer. Les héroïnes des deux films de Stephen Frears, Tamara Drew et Lady Vegas, ont au moins trois points communs : l’ambition de deux jeunes femmes de refaire leur vie, leur outrageante beauté qui va faire tourner la tête de quelques hommes et l’art de porter le mini-short !

    Mais là où Tamara Drewe (Gemma Aterton), le personnage principal du film éponyme, pose ses bagages dans le village de son enfance so british, la candide Beth (Rebecca Hall) entreprend de faire fortune dans la plus artificielle des villes occidentales, Las Vegas. Après une brève carrière dans le strip-tease à domicile, notre Lady Vegas y découvre sa voie dans les paris sportifs où elle s’avère vite surdouée et chanceuse. Elle y trouve, pour le coup, un ami attentif en la personne de Dink Heimowitz (Bruce Willis) et une famille de substitution dans laquelle Tulip (Catherine Zeta-Jones), l’épouse de Dink, finit, contre toute attente, par jouer un rôle non négligeable.

    On peut faire la fine bouche devant cette petite comédie de Stephen Fears. L’auteur des Liaisons dangereuses ou de My beautiful Laundrette offre, avec Lady Vegas, une escapade fraîche mais sans surprise dans le milieu de l’argent facile, avec un happy-end à la clé. Frears est cependant bien trop doué et malin pour se cantonner dans un film commercial uniquement distrayant. 

    Il convient de rappeler que Lady Vegas est aussi et surtout l’adaptation du récit de Beth Raymer, Lay The Favorite. Cette ancienne journaliste y conte son expérience de l’industrie du sexe et des jeux d’argent. Les chassés-croisés amoureux et amicaux, les ambitions et les jalousies sont l’occasion de brosser le portrait d’une Amérique libérale obnubilée par le Roi Dollar. "Las Vegas et Wall Street : même combat !" semble asséner Frears lorsque la fausse ingénue rejoint son petit ami Jeremy (Joshua Jackson) à New York, avant unes escapade professionnelle au Costa-Rica avec son nouvel associé Rosie (Vince Vaughn), le double sombre de Dink. Bravant les lois fédérales sur les jeux d’argent, Beth y découvre aussi amèrement le revers de cette fortune, avant une pirouette finale et une fin convenue. 

    Lady Vegas, modeste étape américaine dans la brillante carrière de Stephen Frears, trouve finalement son plus grand intérêt dans le jeu des acteurs. Rebecca Hall est la révélation de cette comédie sympathique pour son rôle d’ingénue ambitieuse et sexy. Bruce Willis, en contre-emploi, se distingue quant à lui en quinquagénaire installé, blasé et bienveillant. Soulignons enfin le retour sur les écrans de la trop rare Catherine Zeta-Jones : un brin cabotine, elle s’en sort plutôt bien dans le portrait d’une épouse superficielle, jalouse et poissarde. 

    Finalement, Stephen Frears a su tirer vers le haut cette comédie légère. Qui aurait pu en douter ?      

    Stephen Frears , Lady Vegas : Les Mémoires d'une Joueuse, 100 mn, 2012

  • Une vie toute neuve

    À Séoul, en 1975, Jinhee (Kim Saeron), 9 ans, se laisse entraînée en toute confiance par son père (Sol Kyung-gu) dans une grande et agréable balade. Robe neuve, gâteau, repas au restaurant : rien ne manque à cette journée idyllique. L’objectif de cette promenade est en réalité un orphelinat catholique où Jinhee est abandonnée par son père afin de lui donner la chance d’une nouvelle vie. Puis, ce dernier disparaît ; il ne reviendra plus.   

    Pour Jinhee, à l’incompréhension et à la certitude que tout cela ne peut être vrai ("Mon père est un menteur !" lance-t-elle au cours du film) succède la terrible réalité de son abandon mais aussi l’espoir qu’une adoption lui apportera de nouveaux parents et "une vie toute neuve". Une vie toute neuve qui vaut aussi pour ce père méprisé : dans la Corée du Sud traditionnelle des années 70, le divorce est si mal considéré que se remarier nécessitait de faire table rase de son passé, même au prix de l’abandon du ou des enfants d’un premier mariage.

    Là où des films comme Holy Lola de Bertrand Tavernier s’attachaient à suivre le parcours de parents adoptants, Une Vie toute neuve suit le quotidien sombre d’une enfant traumatisée par son abandon et  dans l’attente d’être accueillie par des adultes.    

    La séparation est la clé de voûte de cette fiction : séparation avec le père, bien sûr, mais aussi séparation de deux amies, séparation de l’orphelinat puis déracinement lors de son arrivée à Paris. Le film se clôt d’ailleurs sans que le spectateur n’assiste à la rencontre entre la fillette et ses nouveaux parents. Ce choix, certes critiquable, met le film à l’abri d’un pathos prévisible et inutile. 

    Ayant connu elle-même l’adoption durant son enfance, Ounie Lecomte signe ce premier long-métrage en partie autobiographique d’une très grande qualité. La grande originalité de cette œuvre très personnelle est que la caméra se met à la hauteur des yeux de Jinhee. On peut saluer la réalisatrice qui, non seulement évite le sentimentalisme mais porte en plus un regard plein de compassion sur la petite Coréenne, admirablement interprétée par Kim Saeron.    

    Ounie Lecomte, Une Vie toute neuve, 90 mn, 2010