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Fortement influencé par la nature dans la vie comme dans l’art, Jordane Tumarinson est également le porteur de l’ambitieux projet d’Uto’pians, une compilation où sont invités chaque année des compositeurs du monde entier et dont une partie des bénéfices est reversé à une association de protection de la nature.
Odyssée se revendique comme un opus humaniste, celui d’un artiste tentant de décrire l’homme au cœur de l’univers. Le sens de la mélodie est intact chez le musicien, comme le prouve "Hominidée", un titre à la facture romantique.
Il est encorequestion de légèreté avec "Corps céleste", un très court morceau – moins d’une minute – où Jordan Tumarinson choisit l’envol, avant de se faire debussyen dans "De l’intérieur". Parlons aussi d'"Éléphant blanc", un titre aussi mystérieux qu’attendrissant, tant la grâce est évidente dans sa manière d’exprimer la démarche lente et majestueuse du pachyderme.
Debussyen
Expressif, Jordane Tumarinson l’est sans aucun doute, que ce soit avec "Désolation", un morceau court et lancinant aux accents tragiquement actuels, "Le chant des sirènes", mystérieux et gracieux avec cette suite d’ondulations musicales ou encore la délicate variation "Dieux et démons".
L’auditeur s’arrêtera sans doute avec intérêt sur "Métal rouge", un titre étonnant, sans doute le meilleur de l’album. Dans cet hommage au milieu ouvrier et sidérurgique, la mélancolie domine grâce à un clavier d’airain.
Nous parlions de Debussy. Il y a aussi du Satie dans le convaincant "Momentum", auquel vient répondre le bien nommé "Force et douceur", aux mille nuances. "Se retrouver" est lui aussi un très joli titre à la construction intelligente et encore une fois marquée par le sceau de la sensibilité, tout comme "Quintessence", plus minimaliste encore.
"Les montagnes se soulèvent" un dernier morceau en forme d’élévation pour terminer un album en hommage à l’humanité. Nul doute que Jordane Tumarinson signe avec Odyssée un album qui fera date. On en fait le pari.
Pour son septième album Melancholy Island, Maxence Cyrin navigue entre classicisme, électro-pop et contemporain – version école répétitive américaine.
Composé au fil d’une période de près de deux ans, les titres de l’album peuvent s’entendre comme un journal intime, ou une série de nouvelles, qui documentent les états et les sentiments, ainsi que les lieux, les villes et les paysages que l’artiste a pu traverser, de la Bourgogne à Montmartre (où il vit), en passant par la région de l’Algarve, ses côtes et ses îles.
Contemplatif, le pianiste français l’est assurément, comme le prouve le premier titre "Faro Bay", passionnant et proposant une authentique invitation au voyage – au Portugal plus précisément.
La délicatesse du toucher frappe l’auditeur (les mélancoliques "Soft Skin" et "Antica"), tout comme son art de nous emporter dans ses créations mélodiques qui deviennent cinématographiques, à l’instar de "Seasons" ou "Dust", deux titres sur la fuite du temps que l’on dirait influencés par Yann Tiersen.
Si l’on parle références musicales, il faut aussi citer Debussy
Si l’on parle références musicales, il faut aussi citer Debussy ("Rivages") ou encore la grâce mystérieuse de Gabriel Yared dans cet autre morceau, "Salon de musique", qui n’est pas sans faire penser à la bande originale que le compositeur oscarisé a signé pour L’Amant de Jean-Jacques Annaud. Il y plus encore du Satie dans le titre onirique "Der Raüber und der Prinz", une reprise du titre eighties de DAF.
Tout le talent de Maxence Cyrin est d’offrir dans son album abouti jusqu’à l’apport de sons électroniques, toujours à bon escient ("Voyage").
Gris clairs et gris foncés : telles seraient les couleurs de ce très bel album avec ces sombres accents ("As The Darkness Falls"). Véritable hymne aux voyages ("Faro Bay", "Voyage"), Melancholy Island est aussi une formidable expérience sonore où le mystère affleure à chaque instant, comme le montre la revisite de DAF, "Der Raüber und der Prinz" ou de cette autre reprise, "The Carnival Is Over".
Duo Jatekok sort en ce moment un étonnant album de reprises pour deux pianos du groupe de metal Rammstein. Duo Jatekok plays Rammstein c’est un mariage inattendu entre le classique et le rock. Sur ce projet musical, nous avons interrogé Nairi Badal et Adélaïde Panaget, les deux membres de Duo Jatekok.
Bla Bla Blog – Bonjour Naïri et Adélaïde. Vous formez le Duo Jatekok. D’abord, comment est née votre collaboration et pourquoi ce nom « Duo Jatekok » ?
Duo Jatekok – Bonjour ! Nous avons commencé à jouer ensemble dès l'âge de 11 ans. Nous étions dans la même classe de piano et le piano à quatre mains et le deux pianos était une source de joie et de complicité musicale très ludique. Plus tard, lors de nos études supérieures, nous avons décidé de nous perfectionner dans cette discipline exigeante et originale et de préparer des concours internationaux. Le piano étant un instrument assez solitaire, nous avons d'emblée adhéré à cette carrière à deux. Le répertoire étant très différent du répertoire de piano solo, cela nous a ouvert de nouveaux horizons musicaux et nous a offert la possibilité de collaborations variées. Les Jatekok sont un recueil de pièces du compositeur hongrois Kurtág. Ce sont des miniatures inspirées de la manière dont les enfants approchent un clavier de piano. On y joue avec les coudes, la paume des mains, on glisse d'un bout à l'autre, on explore des registres. C'est un répertoire magnifique et le mot hongrois "Jatekok" signifie "les jeux". Nous avons aimé cette sonorité étrange et rythmique et la musique qu'elle représentait.
Bla Bla Blog – Vos deux premiers enregistrements laissaient déjà apercevoir votre appétence pour le répertoire contemporain et la musique du XXe siècle (Barber, Ravel, Trotignon), non sans passer par le jazz (Dave Brubeck). Maintenant c’est le groupe de métal Rammstein qui est au cœur de votre dernier album. N’avez-vous pas peur de déstabiliser le public avec ce mélange des genres – classique et rock métal ?
Duo Jatekok – Nous sommes nous-mêmes déstabilisées ! Mais la vie nous a offert des possibilités d'élargissement de répertoire et ça aurait été dommage de ne pas s'y engouffrer sous prétexte de rester dans des cases stylistiques. Au contraire, nous avons l'impression d'un enrichissement qui nous permet de construire des passerelles entre les genres. Nous avons beaucoup travaillé le répertoire du XXe siècle et le décloisonnement des genres nous a permis de rencontrer des musiciens fantastiques qui nous donnent des impulsions nouvelles dans notre art. Nous aimons sortir de notre zone de confort !
Bla Bla Blog – Comment s’est faite la rencontre avec Rammstein ? Est-ce que ce sont eux qui sont venus vers vous ou bien l’inverse ? Avant votre collaboration, connaissiez-vous le groupe ?
Duo Jatekok – C'est leur producteur français Olivier Darbois qui a eu l'idée de mettre une femme au piano en première partie pour créer un contraste. De plus, Rammstein a édité une partition piano-chant de certaines de leurs chansons. Il trouvait ce concept original et intéressant. C'était en 2017 pour leurs trois dates aux arènes de Nîmes. Lorsqu'il nous a proposé de le faire, nous avons trouvé l'idée intéressante et avons voulu relever ce challenge ! Nous ne connaissions pas du tout Rammstein et ça a été une sacrée aventure de s'imbiber de leur musique et de la retranscrire au mieux pour notre formation instrumentale.
Bla Bla Blog – Depuis 2017, vous faites les premières parties de Rammstein. Racontez-nous le souvenir de votre tout premier concert au milieu d’un public de fans, et dans une ambiance que j’imagine bien différente d’une salle de concert classique.
Duo Jatekok – C'était assez fou pour nous. Nous ne savions pas du tout comment le public allait réagir face à deux femmes sur un piano à queue. Une anecdote rigolote : on nous avait conseillé de faire le signe du diable en arrivant sur scène pour stimuler le public. C'était un code que nous ne connaissions pas du tout. On s'était dit qu'on garderait ça pour la fin de notre prestation. Or, en arrivant sur scène, le public nous a accueilli avec des cris et ce signe. Nous avons donc timidement répondu par le même signe et là, magie, les gens ont encore plus hurlé ! C'était incroyable. Je crois que nous avons par la suite utilisé un peu trop ce signe du diable tellement c'était une sensation incroyable ! Autre chose qui nous a surpris, c'est que les fans chantaient par-dessus nous pendant le set et c'était super de se connecter de cette manière.
Bla Bla Blog – Quel est le rapport de Rammstein avec le classique et le contemporain ? Si je les imagine mélomanes en dépit de leur style musical très rock de leurs légendaires guitares lance-flamme, suis-je dans le vrai ?
Duo Jatekok – Nous n'avons pas vraiment pu échanger avec eux à ce sujet malheureusement. Nous leur avons offert nos CD. On espère que cela leur a plu. Nous avons pu échanger avec Till [Till Lindemann, le chanteur de Rammstein] à propos de sa formation de chanteur. Il nous a donc confié que la professeure de chant qui l'avait formé était de formation classique. Cela lui a permis d'avoir une technique vocale plus large et une puissance qui est sa marque de fabrique.
"On nous avait conseillé de faire le signe du diable en arrivant sur scène pour stimuler le public"
Bla Bla Blog – Pour votre album Duo Jatekok plays Rammstein, qui sort en ce moment chez Vertigo, vous avez choisi de balayer toute la carrière de Rammstein, depuis ses débuts jusqu’à leur album éponyme sorti en 2019. Comment s’est fait le choix des titres ?
Duo Jatekok – Nous avons choisi avant tout des morceaux mélodiques qui nous plaisaient ! Les ballades comme Diamant, Fruhling in Paris ou encore Ohne Dich se prêtent particulièrement bien à la transcription. C'est moins le cas de morceaux plus rythmiques comme Du Hast ou Ich Will qui ne rendent pas très bien sur des pianos acoustiques. On a donc préféré les écarter.
Bla Bla Blog – L’auditeur de Rammstein pourra être frappé par l’écriture musicale des morceaux, une écriture très fine, parfois cachée par des interprétations rugueuses et des sons de guitare saturés. J’imagine que les adaptations au piano n’ont pas été simples.
Duo Jatekok – C'est vrai. Nous avons essayé d'être créatives et de retranscrire au mieux ces effets métal-rock. Pour cela, nous avons exploré les différentes manières de produire des sons sur nos pianos et avons utilisé la technique du piano "préparé". Cela consiste à rajouter des éléments dans les cordes du piano pour les faire sonner autrement : pâte à fixe, scotch, doigts, clusters…
Bla Bla Blog – En tant que musiciennes plus habituées au répertoire classique et contemporain, comment avez-vous procéder pour adapter aux pianos ces morceaux sans les dénaturer ?
Duo Jatekok – Nous avons gardé la spécificité de chaque morceau et avons apporté à partir de cette base notre touche classique. Par exemple, pour Seeman, nous sommes parties de l'accompagnement de Rammstein qui imite la mer et on s'est permises de s'inspirer de Debussy, maître de l'impressionnisme musical sur le plan aquatique ! De même pour Puppe, nous voulions retranscrire l'idée de la folie. Nous avons donc utilisé des clusters, de la pâte à fixe pour créer une ambiance malaisante. Et nous nous sommes inspirées de Prokoviev avec des célèbres toccatas : rythme rapide et répétitif en crescendo qui permet de créer un sentiment d'angoisse et de folie.
Bla Bla Blog – Une nouvelle tournée est-elle prévue avec les Rammstein ?
Duo Jatekok – Nous savons qu'une nouvelle tournée de prépare pour l'année prochaine mais pour le moment, nous nous préparons à la tournée 2022 qui a été reportée deux fois déjà : Europe et Amérique du Nord ! Un bel été à l'horizon.
Bla Bla Blog – J’ai envie de vous poser cette autre question : pouvons-nous rêver d’une première partie des Rammstein lors de vos prochains concerts ?
Duo Jatekok – On peut toujours se permettre de rêver ! Cependant, la technique nécessaire à Rammstein paraît compromettre cette idée !
Bla Bla Blog – Dernière question : d’autres enregistrements ou d’autres projets musicaux sont-ils prévus ?
Duo Jatekok – Nous avons un projet d'enregistrement à deux pianos autour du répertoire évoquant le diable, les sorcières. C'est un thème qui a inspiré un grand nombre de compositeurs. Nous avons également la volonté de passer des commandes auprès de compositeurs classiques et jazz.
Adapter en version acoustique et classique Rammstein, le groupe de rock metal allemand le plus emblématique de la scène mondiale : voilà un projet qui ne pouvait qu’interloquer Bla Bla Blog. C’est le Duo Jatekok, formé par les pianistes Nairi Badal et Adélaïde Panaget, qui s’est attelé à la tâche.
À bien y réfléchir, le projet a du sens si l’on pense à l’intrusion de sons symphoniques chez Rammstein ("Mein Herz Brennt" ou "Ohne Dich"). De plus, les fans du groupe allemand savent que les deux pianistes assurent depuis 2017 leur première partie. Ce pont entre deux courants musicaux, a priori aussi antinomiques que le metal et le classique, est à saluer. Le résultat est ce Duo Jatekok plays Rammstein, un passionnant album de reprises qui sort cette semaine. Un opus qui ravira autant les fans du groupe de rock que les familiers du classique – deux mondes qui peuvent d’ailleurs parfois se confondre.
Précisons aussi que le Duo Jatekok est l’auteur de trois enregistrements classiques et contemporains. Le premier, Danses, rassemble des œuvres de Grieg, Barber, Ravel et Borodine et le deuxième, Boys, propose des créations de trois hommes – comme son nom l’indique : Poulenc et sa sonate pour deux pianos, Points on Jazz de Dave Brubeck et trois pièces de Baptiste Trotignon.
Impertinentes, précises et virtuoses, Nairi Badal et Adélaïde Panaget adaptent donc cette fois Rammstein pour leur nouvel enregistrement, à travers des revisites balayant toute la carrière du groupe, depuis leur premier album Herzeleid ("Seemann") jusqu’au Rammstein 2019 ("Puppe", "Diamant"), en passant par le fameux Sehnsucht de 1997 ("Klavier", "Engel") ou Mutter ("Mutter", "Mein Herz Brennt") en 2001.
Les musiciennes du Duo Jatekok étincellent dans ce projet instrumental (il manque évidemment, dans ces reprises, le texte des morceaux, que l'auditeur pourra retrouver dans les albums originaux ou live), projet qui séduira autant les fans de du groupe aux guitares lance-flammes qu’il interpellera les habitués du classique – qui pourront y trouver une porte d’entrée vers un des groupes les plus célèbres de la scène metal internationale.
Ce projet séduira autant les fans de du groupe aux guitares lance-flammes qu’il interpellera les habitués du classique
La sonorité brute de Rammstein laisse place dans cet opus à une facture classique ou néoclassique, à l’image du fameux "Engel". Le duo met en valeur l’écriture harmonique et mélodique que l’interprétation originale très rock de Rammstein efface pour le moins.
Nairi Badal et Adélaïde Panaget entendent pour autant respecter l’esprit de Rammstein, que ce soit l’insouciance inquiétante de "Puppe" avec ces explosions de sons pianistiques, la puissance sombre de "Mein Herz Brennt" ou la ballade "Ohne Dich", une des chansons phares du répertoire de Rammstein sur le deuil, la mort et la solitude.
L’inquiétant "Klavier" est, quant à lui, peuplé de fantômes, de portes ouvertes sur le mystère et d’une étrange pianiste. Les musiciennes de Duo Jatekok en font une lecture très contemporaine, onirique, mais non sans ce rythme dingue, servi par leur virtuosité remarquable.
"Frühling in Paris" est à saluer comme une superbe composition sur le souvenir d’une histoire d’amour ("Oh non je ne regrette rien / Wenn ich ihre Haut verließ / Der Frühling blutet in Paris"), l’un des plus beaux morceaux de album, lumineux et au souffle romanesque incroyable. Le titre est habité d’éclairs mélancoliques, à la tristesse insondable. L’influence d’Edith Piaf est évidente dans ce qui sonne comme un hymne à la France.
"Mutter", lui, démarre doucement avant de trouver une puissance assez fidèle à Rammstein. Nairi Badal et Adélaïde Panaget font de ce morceau en hommage aux mères un bouleversant chant mêlant les regrets et la rancœur. Parlons aussi de "Diamant", sorti en 2019, qui a droit aussi à une revisite. Cette histoire d’amour toxique devient une ballade romantique très fidèle au titre original tout en retenue, mais son sans trouvailles sonores ni ce romantisme noir singulièrement plus présent dans cette version que dans l’original.
Le morceau "Ausländer", inspiré par Prokofiev, parle de la découverte de l’étranger et de l’étrangère ("Ich bin Ausländer / Mi amore, mon chéri"). Le Duo Jatekok en fait une fantaisie plus romantique, mais tout aussi légère. Romantisme aussi, mais cette fois sombre, avec l’étonnante et bouleversante adaptation de "Seemann", un chant funèbre que les fans de Rammstein connaissent bien.
L’album se termine avec "Sonne", tout aussi classique, adapté comme une marche lente et douloureuse, à l’image de l’œuvre originale, avec ces éclairs jazz qui en font un étourdissant voyage musical.
C’est une anthologie à la fois étonnante et engagée que propose le contralto Théophile Alexandre, accompagné du Quatuor Zaïde. Charlotte Maclet, Leslie Boulin Raulet, Sarah Chenaf et Juliette Salmona sont évidemment au cœur d’un album singulièrement titré No(s) Dames.
Le propos de l’opus est de s’intéresser aux grandes héroïnes de l’art lyrique pour qui "dames" rimaient surtout avec "drames". Parmi ces femmes fatales, figurent Carmen (Bizet), Salomé (Strauss), La Reine de la Nuit (La Flûte enchantée de Mozart), Manon (Massenet), Eurydice (Orfeo Ed Euridice, Gluck), Violetta (La Traviata de Verdi) ou Dalila (Saint-Saëns).
La principale singularité de l’opus est de "réunir 23 icônes opératiques de 17 compositeurs différents, dans un cadavre exquis musical reliant ces arias les unes aux autres, dérangeant leurs clichés de madones, de putains ou de sorcières, et dessinant en creux le portrait d’une seule et même idole masculine : la Dame, telle que fantasmée et imposée aux femmes par les hommes depuis des siècles, par-delà les cultures ou les continents."
L’auditeur pourra trouver quelques grands tubes du répertoire classique, baroque et lyrique : La Sonnambula de Bellini ("Ah! non credea", acte 2), La Force du Destin et La Traviata de Verdi, Bellini (Norma, I Capuleti E I Montecchi) ou le bouleversant "L'ho perduta" des Noces de Figaro de Mozart.
Le chef d’œuvre qu’est "Youkali"
La chanson de Solveig de Peer Gynt de Grieg sonnera doucement aux oreilles françaises qui retrouveront bien entendu la mélodie qui a inspiré "Lost Song" de Serge Gainsbourg.
Théophile Alexandre s’épanouit avec panache dans des airs baroques, que ce soit l’Orfeo Ed Euridice de Gluck ("Odio, furor, dispetto", Armida d’Haydn ou Alcina d’Haendel ("Ah! Mio Cor"). On frissonne au son de Cavalli, "Dell' antro magico" (Il Giasone), avec cette expressivité servie par la voix puissante et tourmentée de Théophile Alexandre.
Le quatuor à cordes féminin Zaïde s’attaque en instrumental à d'autres morceaux du répertoire classique : le "Barcarolle" des Contes d'Hoffmann, le prélude d'I Masnadieri de Verdi, un autre prélude, celui de Samson et Dalila de Saint-Saëns et "La Reine de la Nuit" de La Flûte enchantée.
Il faut aussi s’arrêter sur ces titres que sont l’étonnant extrait de La Pucelle d'Orléans ("Adieu, forêts") de Tchaïkovski, le tango "Yo soy María" tiré de María De Buenos Aires de Piazzolla, sans oublier, bien entendu, l’aria de l’opéra Zaïde de Mozart ("Tiger, Wetze nur die Klauen!").
Dans cet album, il faut enfin ne pas passer à côté de ce chef d’œuvre qu’est "Youkali", le bouleversant tango tiré de l’opéra Marie-Galante de Kurt Weil.
Un énorme vent de liberté souffle sur l’album de Théophile Alexandre & Quatuor Zaïde, avec le projet que, pour une fois, "drame" ne rime plus avec "dame".
Voilà maintenant la musicienne s’attaquant à Chopin, et plus précisément aux douze Études opus 25 et aux quatre Scherzi. Ces Études, composées de 1832 à 1836 avant d’être éditées en 1837, ont été dédiées par le compositeur polonais à la Comtesse d’Agoult, qui a été la maîtresse de son ami Franz Liszt.
Beatrice Rana s’attaque à cette œuvre importante de Chopin avec un solide tempérament, fait de virtuosité (l’Étude n°6 en sol dièse mineur ou la n°11 en la mineur), de technicité (Étude n° 8 en ré bémol majeur), de solidité et de subtilité (Étude n°4 ).
Parler de romantisme dans l’exécution de cet opus 25 serait un raccourci très classique – si on peut le dire ainsi. En réalité, la pianiste italienne utilise toutes les gammes de son talent et toute sa technicité pour proposer un enregistrement passionnant, vivant et élégant, à l’instar de la première étude (Étude n°1 en la bémol majeur "La harpe éolienne").
La jeunesse s’exprime dans toute son évidence lorsque Beatrice Rana se fait virevoltante et aérienne (l’Étude n°2 en fa mineur, "Les abeilles"). Son jeu se fait dansant dans la n°3 en fa majeur, justement surnommée "Le cavalier". Qui dit jeunesse dit insouciance, une caractéristique que l’on peut retrouver dans l’Étudeen mi mineur (surnommée "La fausse note" en raison de dissonances volontairement glissées par le compositeur), complexe jusqu’à s’égarer dans des chemins aventureux et modernes.
Technique, virtuose mas sans effet de manche
Moderne, l’Étude n°6 frappe par sa complexité et par sa très grande virtuosité dans ce qui s’apparente à un objet autant romantique que pré-debussyen.
Romantique, Chopin l’est indubitablement dans l’Étude n°7 en ut dièse mineure, avec cette tendre mélancolie comme dans la n°10 ("Aux octaves"), plus sombre et sur laquelle plane une puissance romantique autant qu’une inspiration plus introspectif, parvenant à prendre l’auditeur à contre-pied.
Beatrice Rana séduit particulièrement avec l’Étude 9 en sol bémol majeur ("Le papillon), étude technique, virtuose mas sans effet de manche, avec une maîtrise qu’on ne lui enlèvera pas. Plus bouleversante encore, l’Étude n°11 en la mineur démarre comme une marche funèbre, avant de se déployer, majestueuse et sombre. Disons aussi qu’il souffle sur ce morceau un "vent d’hiver". C’est d’ailleurs le surnom donné à cette œuvre.
L’opus 25 se termine avec la douzième étude en ut mineur, exécutée avec souplesse mais aussi avec une belle solidité.
L’enregistrement de Beatrice Rana est complété par les quatre Scherzos (op. 20, 31, 39, 40 et 54), qui ont été composés entre 1831 et 1842 par Frédéric Chopin. L’on pourrait qualifier ces morceaux de divertissements à la fois joueurs, dansants mais non sans une certaine noirceur.
Beatrice Rana s’en empare avec grâce, vivacité et une certaine insouciance, à l’instar du Scherzo n°4 en mi mineur. La virtuosité de la pianiste sert à merveille le premier Scherzo en si mineur ("Le bouquet infernal"), dans lequel ne manquent pas ces vagues singulières que l’on croirait métaphysiques. L’interprète se montre à la fois solide dans ce jeu et délicate dans le deuxième Scherzo en si bémol mineur. Ici le romantique se pare de romanesque grâce à ses lignes mélodiques harmonieuses.
L’avant-dernier titre de l’album, le Scherzo n°3 en do dièse mineur se révèle dans toute sa modernité. Mélancolique et d’un sacré tempérament dans son rythme, il précède le seul Scherzo en majeur (mi majeur), aussi léger et agréable à l’oreille qu’une déclaration amoureuse.
Voilà qui conclue de la meilleure des manières un des albums classiques importants de l’année 2021. Et une confirmation du très grand talent de Beatrice Rana.
Un seul mouvement pour cette œuvre de Jürg Frey, I Listened to the Wind Again, d’un peu plus de 43 minutes, mais ne nous y trompons pas : derrière cette apparente simplicité, jusque dans l’orchestration ramassée (une voix, un violon, un alto, un violoncelle et des percussions), se cache en réalité une création d’une grande densité et aux multiples variations.
Il y a quelque chose d’organique dans cet opus écrit en 2017 et proposé aujourd’hui en enregistrement par la Louth Contemporary Music Society. Le compositeur suisse Jürg Frey fait le choix d’une ligne musicale épurée et infiniment lente, au service d’une plainte qui n’en finit pas de mourir. Là, il semble que la musique concrète rejoigne des sons primitifs, comme s’il était autant question de temps lointains que de futur. Une voix féminine vient se superposer à cette première ligne, dans une incantation éthérée et presque religieuse. La soprano Hélène Fauchère vient apporter cette humanité et cette féminité dans une œuvre qui se nomme, rappelons-le : I Listened to the Wind Again.
Au terme d’austérité, il faut sans doute préférer le terme de minimalisme dans ce chant méditatif et d’introspection qui semble se dérouler dans un paysage désolé, reflet d’une âme en peine et de ces disparus.
Pour ses textes, le compositeur s’est appuyé sur des œuvres des poètes suisses Gustave Roud et Pierre Chappuis, du poète de la dynastie Tang Bai Juyi (VIII-IX siècle ap. JC) et de la poétesse américano-libanaise Etel Adnan.
Au terme d’austérité, il faut sans doute préférer le terme de minimalisme
La musique du compositeur suisse, essentielle dans tous les sens du terme, propose des jeux de nuances les plus infimes. L’immobilité est toute relative durant les 43 minutes, grâce à ces respirations, à la voix bouleversante d’Hélène Fauchère et aux subtiles ruptures de rythme, à l’instar de ces percussions cristallines ponctuant le chant douloureux ou encore à la domination des cordes à partir de la seconde moitié du morceau.
Si l’on veut parler de références et d’inspirations, impossible de ne pas citer, notamment pour le dernier quart de l’opus, la Troisième symphonie d’Henryk Górecki, dans sa version historique de Dawn Upshaw (1991).
Il faut bien entendu saluer les performances des interprètes, particulièrement pour des œuvres contemporaines exigeantes comme celle-ci : l’altiste Garth Knox, la violoniste Nathalie Chabot, la violoncelliste Agnès Vestermann, le percussionniste Sylvain Lemêtre et la clarinettiste Carol Robinson.
Pour Bla Bla Blog, I Listened to the Wind Again est une découverte passionnante que les amateurs de musique contemporaines ne devront pas manquer.
Jürg Frey, I Listened to the Wind Again, Louth Contemporary Music CGL, 2021, 44 mn Avec Hélène Fauchère, Garth Knox, Agnès Vestermann, Sylvain Lemêtre, Carol Robinson et Nathalie Chabot https://www.louthcms.org https://www.juergfrey.com
Une année 2021 très riche se termine : cinéma, musiques, livres, expositions, séries ou publicité. Bla Bla Blog ne s’est jamais rien refusé dans son désir de chroniquer ces artistes, ces créations et ces œuvres qui contribuent à enrichir notre vie culturelle. 317 articles ont été publiés cette année. Quels sont ceux qui ont le plus buzzé ? Comme les années précédentes, voici le top 10 de cette année.
C’est avec bonheur que l’on retrouve à la 10e place la pianiste classique Haley Myles pour un enregistrement des Nocturnes de Chopin qu’elle avait d’abord joué pendant le Grand Confinement.
"S’il est un répertoire classique archi-interprété, il est possible que les Nocturnes de Frédéric Chopin (1810-1849) tiennent le haut du pavé. La pianiste Haley Miles en propose une version intimiste et passionnante. Avec son projet musical "Chopin Nocturne Project", la pianiste installée à Lyon a choisi d’enregistrer un nocturne différente chaque vendredi de février à juin 2021. L’album – son deuxième – a suivi presque naturellement, après un enregistrement record en trois jours…"
Une réédition de l’ouvrage culte Gens de France fait une entrée surprise dans le classement de notre Top 10. Voici un rappel pour cette réédition à marquer d'une pierre blanche.
"En ce mois de juin, ressort en librairie le mythique Gens de France et d'ailleurs de Jean Teulé. Il avait été publié une première fois à la fin des années 80, avant de connaître une réédition il y a un peu plus de 15 ans (éd. Ego Comme X). C’est aujourd’hui les éditions Fakir qui proposent de découvrir ou redécouvrir cet album, l’ultime album graphique de Jean Teulé, avant que celui-ci ne se lance avec succès dans le roman…"
Attention les yeux ! Lorsque nous avons appris que la chanteuse lyrique Adrineh Simonian faisait une reconversion pour le moins osée dans le porno, avec un sérieux sens de l’engagement, il paraissait nécessaire de lui consacrer un article. Cela méritait assurément une étonnante chronique, particulièrement remarquée cette année.
"Cette information est sortie de manière relativement confidentielle il y a une dizaine de jours. Nous apprenions que la mezzo-soprano autrichienne Adrineh Simonian a choisi une reconversion inattendue, passant de l’univers feutré et bienséant de l’opéra pour celui, plus sulfureux du porno... féministe..."
En septième position, nous trouvons la chanteuse d’origine malgache Henintsoa, qui se faisait remarquer fin 2020 et en tout début d’année 2021 pour plusieurs titres.
"Coup de projecteur en ce début d'année sur Henintsoa, une des nombreuses espoirs de la jeune scène francophone. Celle-ci nous vient de Madagascar, même si si c’est à Paris qu’elle a fait ses premières armes, après être arrivée en France à 18 ans pour poursuivre des études supérieures. La chanson et sa voix l’ont fait sortir du lot, comme le prouvent quelques concours de chants remportés (La truffe d'argent, Plus de talents ou la Moog Academy)…"
Une exposition à Toulon a fait parler d’elle : elle a eu lieu cette année à la galerie Simona de Simoni et présentait des œuvres de Patricia Tozzi-Schmitzer. Il s'agit de la seule chronique sur une exposition classée dans le Top 10 de Bla Bla Blog.
"C’est à Toulon que l’on trouve la galerie Simona de Simoni, située en face de la Porte d’Italie. Celle qui en est l’initiative est Aliénor de Cellès, dont nous avions déjà parlé sur Bla Bla Blog. Cette artiste passée par le stylisme, la mode et les costumes de scène a choisi la peinture comme terrain d’expérience et de création. Le dernier exemple en date est celui de la galerie qu’elle a fondée au cœur de la Préfecture du Var…"
En fin d’année, Bla Bla Blog vous faisait découvrir le nouveau show-woman de Martineke Kooistra. Un anniversaire, ça se fête. L’artiste d’origine néerlandaise le faisait en spectacle, avec un sérieux sens d’humour, tout en faisant découvrir le cabaret batave.
"Martineke Kooistra célèbre son demi-siècle, et elle ne le fait pas à moitié ! Cela se passe au Théâtre Essaïon les dimanches à 17 heures 30 jusqu’au 16 janvier 2022. Venu des Pays-Bas, l’artiste propose un show mariant le one-woman-show, le stand-up et le tour de chant, dans son univers très à elle…"
On aime Flore Cherry pour ses engagements, les événements qu’elle organise et son actualité artistique. Elle arrive au pied du podium de cette année, grâce à une interview menée à l’occasion de la dernière édition du salon de la littérature érotique.
"Flore Cherry a accepté de répondre aux questions de Bla Bla Blog à propos de son actualité. Il y a, pour commencer, sa pièce de théâtre Le plus beau jour (de votre vie). Mais il y a aussi le salon de la littérature érotique, de retour le 28 novembre, salon qu'elle organise avec la foi du charbonnier. Ou de la charbonnière. Bla Bla Blog – Bonjour, Flore. Journaliste, rédactrice, entrepreneuse, animatrice, auteure… On ne t’arrête plus… A ce sujet, préfères-tu écrivain, écrivaine ou auteure ? Flore Cherry – Je préfère que mon interlocuteur choisisse son propre vocabulaire, surtout. Si pour lui, un écrivain est une femme, c’est OK. Mais j’ai une petite corde sensible pour auteure. Avec un joli -e…"
En troisième position du classement de cette année, la chanteuse Andrea Ponti prouve qu’il est toujours temps de faire le buzz. Elle se place remarquablement sur le podium de cette année. Cette médaille de bronze permet de refaire parler d'elle.
"Repérée sur les réseaux sociaux l’an dernier durant le Grand Confinement, Andrea Ponti sort cet été son single "Il était temps", composé et écrit par François Welgryn et William Rousseau. Ce marque la naissance d’une interprète qui, à quarante ans, se lance dans la chanson. "Enfin j’ose et je réalise mon rêve en me sentant tellement épanouie dans cette nouvelle aventure que je souhaite la plus aboutie possible. Enfin, comme jamais auparavant je me sens alignée, centrée, complète… à ma place", explique-t-elle…"
Une interview arrive en seconde position. Elle concerne Thomas Pourchayre, un auteur que nous avions chroniqué pour son dernier ouvrage, Ève et l’Ange. Pour l’interview qu’il nous a accordés, il fait partie des grandes vedettes de 2021. Mérité, bien sûr !
"Après avoir parlé du singulier conte Ève et l’Ange de Thomas Pourchayre, nous avons voulu en savoir plus sur l’auteur. Il a accepté de répondre à nos questions. Bla Bla Blog – Bonjour, Thomas Pourchayre. Vous sortez aux éditions Abstractions un nouveau livre, Ève et l’Ange. Peut-on dire qu’il s’agit d’un ouvrage hybride ? Thomas Pourchayre – Ah... ! "Récit / nouvelle" ou "poème" ? Je crois qu'il a une unité, ce texte. Il est très homogène dans sa forme, même si elle est effectivement spéciale. Mon roman en cours, par différence, est fait de fragments de différentes natures : on peut dire qu'il est hybride. Mais Ève et l’Ange, à mes yeux, devrait être vu comme relevant d'un genre à part, rare mais pas inédit. Il est peut-être plus proche du conte, même si son style est singulier pour un conte. Bref, renonçons aux classifications !…"
Et la grande gagnante des chroniques de Bla Bla Blog est une chronique inattendue sur - et c'est une nouveauté depuis que notre Top 10 existe ! - une publicité... Elle a été voulue par EDF et conçue par l’agence BETC/Havas. La vénérable entreprise publique a choisi de suivre Eva, croustillante et irrésistible looseuse magnifique. Un énorme coup de cœur, assurément !
"Parlons pub avec cet excellent spot proposé par EDF et l’agence BETC/Havas Paris, Eva et Violette. Le film a été réalisé par Réalité, de l’agence Big. La vénérable entreprise nationale d’électricité choisit l’humour et le contre-pied pour parler de son énergie vertueuse ("97 % sans CO2, grâce au nucléaire et aux énergies renouvelables")…"