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documentaire - Page 3

  • Ennio Morricone, une vie filmée et en musique

    Impressionnant, exemplaire, passionnant : les qualificatifs élogieux seraient bien plus nombreux pour qualifier Ennio, le documentaire de  Giuseppe Tornatore consacré à Ennio Morricone, décédé en 2020. Sorti un an plus tard, Ennio fazit figure autant de film testamentaire que d’hommage à l’un des plus grands compositeurs des XXe et XXIe siècle. Mais aussi celui qui a su donner ses lettres de noblesse à la musique de film.

    Il fallait bien deux heures trente pour retracer une carrière impressionnante : 60 ans de créations, 500 musiques de films pour le ciné ma et la télévision, des dizaines de millions de disques vendus, des récompenses par centaine mais – seulement – deux Oscars, dont un pour l’ensemble de sa carrière et un autre pour la BO du film Les Huit Salopards de Quentin Tarantino.

    Le cinéaste américain fait d’ailleurs parti des nombreux témoins du documentaire de Giuseppe Tornatore, pour qui Ennio Morricone a d’ailleurs composé plusieurs BO, dont Cinema Paradisio.

    Il est impossible de nommer tous les grands artistes venus témoigner leur admiration pour le génie italien : l’acteur puis réalisateur Clint Eastwood, le compatriote Bernardo Bertolucci, John Williams, une autre des grandes figures de la musique de films, sans compter Dario Argento (car on oublie que les collaborations entre le cinéaste et le compositeur ont été riches et fructueuses). Singulièrement, la France qui a tant aimé Ennio Morricone, est assez peu représentée, si l’on omet un passage passionnant consacré à la musique du Clan des Siciliens. 

    Le maestro italien a réussi à réconcilier musique contemporaine et concrète, musique classique et musique populaire

    Impossible – sauf à être hermétique, indifférent et insensible – de ne pas être scotché devant ce documentaire récompensé par plusieurs prix au David di Donatello 2022. La caméra suit Morricone chez lui, dans son bureau, au travail devant ses partitions (car le musicien composait "à l’ancienne", en silence, grâce à son oreille absolue) et surtout assis face à l’objectif pour témoigner, avec sincérité et non sans émotion.

    Ennio est aussi un film parcourant plusieurs dizaines d’années de la vie culturelle italienne : cinéma, télévision, musique. Quelque part, Morricone est un acteur (sans jeu de mot) et un témoin essentiel de cette période, avec quelques figures incontournables de cette période, dont Pasolini, le compositeur contemporain Goffredo Petrassi ou la chanteuse populaire Milva.

    Évidemment, une large partie du documentaire est consacré aux apports exceptionnels de Morricone dans la musique de films. Et l’on découvre comment le bruit d’une échelle, le son d’un coyote ou les martellements de tambours lors d’une manifestation ont influencé le maestro pour tel ou tel thème. Les musiques des films de Sergio Leone (Pour une poignée de dollars, Le Bon, la Brute et le Truand, Il était une fois dans l’Ouest, Il était une fois en Amérique) sont traités avec enthousiasme, tout comme ces autres BO tout aussi passionnantes que sont Mission, Les Incorruptibles, Sacco et Vanzetti ou Enquête sur un citoyen au-dessus de tout soupçon, dont la composition a impressionné jusqu’à Kubrick qui a essayé, lui aussi, de travailler avec Morricone, en vain.

    Ennio est remarquable à plus d’un titre. Exemplaire aussi, dans le sens où Ennio Morricone, longtemps critiqué et rejeté par ses pairs (des compositeurs de musique dite "savante") a finalement été reconnu par un des plus grands créateurs de ce siècle et du siècle d’avant. Mais ce qui marque aussi et surtout c’est à quel point le maestro italien a réussi à réconcilier musique contemporaine et concrète, musique classique et musique populaire. 

    Ennio, documentaire italien, allemand, belge chinois, japonais et néerlandais de Giuseppe Tornatore,
    avec Ennio Morricone, Giuseppe Tornatore, Bernardo Bertolucci,
    Dario Argento, Quentin Tarantino, Hans Zimmer, John Williams, Oliver Stone,
    Clint Eastwood, Terrence Malick, Wong Kar-wai, Quincy Jones,
    Roland Joffé et Marco Bellocchio, 2021, 156 mn, Canal+

    https://le-pacte.com/france/film/ennio
    https://www.canalplus.com/cinema/ennio/h/19876949_40099

    Voir aussi : "Western ou northern ?"
    "Retenez-moi ou je fais un malheur"

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  • Sumotora

    Bla Bla Blog assume le terme de "sumotora", néologisme pour désigner la Japonaise Hiyori Kon ayant choisi depuis sa plus tendre enfance de pratiquer le sumo.

    Voilà une passion qui n’a pas été simple, tant le sumo est un sport, une culture et une tradition millénaire. Le sumotori est qualifié de demi-dieu, rappelle la jeun femme. Alors, une Japonaise peut-elle défier une pratique masculine – pour ne pas dire machiste – et imposer son choix de faire du sumo ?

    Des mouvements techniques, faisant des prises de sumo de véritables pas de danse

    La réponse est dans Little Miss Sumo, le film de Matt Kay. La réalisatrice anglaise suit Hiyori Kon de sa maison familiale jusqu’à un championnat du monde de sumo où la sportive japonaise fait un parcours remarquable et que nous ne dévoilerons pas ici.

    Dans ce court et passionnant documentaire de moins de vingt minutes, le spectateur est témoin de séances d’entraînement qui ne sont pas les moins intéressantes. Les ralentis et les gros plans sur les pieds mettent en valeur les mouvements techniques, faisant des prises de sumo de véritables pas de danse.

    Le message de Hiyori Kon, en dehors de son amour pour le sumo, est une revendication féministe : et si le terme de sumotora entrait un jour dans le dictionnaire ?

    Little Miss Sumo, documentaire anglais de Matt Kay, avec Hiyori Kon, 2018, 19 mn, Netflix
    https://www.netflix.com/fr/title/81110394
    https://www.facebook.com/kon.hiyori.7

    Voir aussi : "Poe en invité surprise"

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  • Des mots sur des maux

    Aynoa a conçu la bande originale du documentaire We are 200 million – Code Name Endometriosis. Le film a pour but de mettre en lumière l’impact qu’a l’endométriose dans la vie des femmes du monde entier au travers de leurs témoignages.
    La chanteuse s’empare de ce sujet difficile en proposant un EP posant des mots sur un mal invisible et connu du grand public depuis peu.

    Dans le morceau qui ouvre l’album, "J’ai un volcan, dans mon ventre", Aynoa parle dans un texte poétique slamé du ressenti d’une femme touchée par l’endométriose : "J’ai un volcan dans mon ventre, tu ne le vois pas. / Quand la lave s’écoule, j’deviens esclave, j’m’écroule. / Mon corps est en fusion, danse la confusion". Plus cash encore, le titre "Leurs ventres saignent", en featuring avec la comédienne et metteuse en scène Sarah Mathon, scande un chant d’hommage aux 200 millions de femmes victimes du mal insidieux. 

    L’honnêteté et la sincérité du message n’interdisent pas la qualité ni le soin dans la production

    L’auditeur goûtera avec un plaisir certain le moreau pop-folk "We are one out of ten" pop-folk. Comme quoi, l’honnêteté et la sincérité du message n’interdisent pas la qualité ni le soin dans la production. On aimerait même que ce titre devienne un tube pour la bonne cause.

    Dans "Mon corps", il est question de ce corps qui peut parfois être un poids et un compagnon lourd à supporter. Pourtant c’est bien une déclaration d’amour que chante Aynoa dans cet extrait : "Tu m’entraînes, dans les bourrasques / des tempêtes que tu souffles. / Tu me traînes, et me démasque, / le temps s’arrête, et je m’essouffle. : Et moi je t’endors, mon corps… / Et moi je t’adore encore, / Je te sers un peu plus fort, / Tu vois on s’en sort".

    Les hommes aussi ont leur place dans un EP féminisme à plus d’un titre. Le titre rap "En te servant du thé" trace le portrait d’une femme meurtrie et victime, portrait chanté par Edgar Sekloka : "Elle combat une égalité d’apparat / Vu ce qu’elle supporte, vu ce qu’elle brave / c’est pas étonnant que ma voix soit grave".

    L’EP d’Aynoa doit être écouté comme un album engagé pour que des millions de femmes puissent "sortir de l’ombre", ce que l’extrait "On nous a dit qu’c’était normal" (en featuring avec Noémie de Lattre) assène avec efficacité et sans sensibilité.

    Une partie des bénéfices du projet artistique sera reversée pour la recherche sur l’endométriose.

    Aynoa, We are 200 millions - Name Code Endometriosis, Inouïe Distribution, 2022
    https://www.aynoamusic.com
    https://www.facebook.com/Weare200million
    https://www.instagram.com/weare200million
    https://www.fondation-endometriose.org
    https://www.endomind.org

    Voir aussi : "Où va Oaio ?"

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  • Xenakis, l'étranger

    Le lecteur attentif remarquera peut-être que cette chronique consacrée à Iannis Xenakis (1922-2001), l’un des plus grands compositeurs du XXe siècle, est classée à la fois dans la rubrique "Musique" et dans les rubrique "Série et TV" et "Sciences". Nulle doute que si une rubrique "Architecture" existait – mais peut-être sera-ce le cas un jour – elle y figurerait aussi. 

    Arte propose en replay Xenakis Révolution, un passionnant documentaire sur Xenakis que l’on peut qualifier comme un "créateur insaisissable", compositeur de musique concrète, pionnier de la musique électronique mais aussi architecte (il a collaboré avec Le Corbusier sur des bâtiments majeurs). Il a aussi été reconnu comme mathématicien, ingénieur mais aussi inventeur de spectacles de son et lumière dès la fin des années 60.

    Le documentaire s’appuie sur des archives vraiment intéressantes mais aussi sur des témoignages : sa fille Mâkhi, les compositeurs Pascal Dusapin et George Aperghis, le chef d’orchestre Michel Tabachnik, l’architecte Antoine Grumbach mais aussi des musiciens tels qu’Adelaïde Ferrière, Emmanuel Jacquet et Rodolphe Théry du Trio Xenakis, sans oublier la présence de Jean-Michel Jarre qui insiste dans le film sur la place de Xenakis dans la musique électronique.

    Mais un autre Xenakis est dévoilé dans le film de Stéphane Ghez : celui d’un homme engagé, résistant grec durant la seconde guerre mondiale puis la guerre civile dans son pays. Cette expérience violente va marquer le créateur toute sa vie, comme en témoigne le compositeur Pascal Dusapin et cet étonnant parallèle entre la musique cosmique et le sifflement des balles (Diamorphose, 1957).  Xenakis est contraint à 27 ans d’exil. Il devient ironiquement un étranger (xenos, en grec), gracié tardivement et qui a trouvé en France une nouvelle patrie.

    Le témoignage capital de la fille du musicien, Mâkhi Xenakis, permet de rendre compte d’un homme aux multiples facettes, décidé à entrer dans la musique tardivement (il a plus de trente ans). Olivier Messiaen est un des rares compositeurs à témoigner son soutien à cet artiste "hors du commun".

    Des partitions de Xenakis sont dévoilées par sa fille : des documents étonnants, cabalistiques, sans portées musicales mais avec des papiers millimétrés pour créer un nouveau langage musical ("Une architecture musicale qui bouge dans le temps").

    Le nom de sa dernière œuvre ? Omega, bien sûr

    Musicien et compositeur, Xenakis est présenté comme un architecte novateur, qui s’est par ailleurs appuyé sur ses propre plans pour écrire des œuvres se nourrissant et se répondant mutuellement. C’est Anastenaria en 1953 mais aussi Metastasis, qu’il a travaillé en même temps qu'il dessinait le Couvent dominicain de la Tourette près de Lyon. Les partitions font écho aux plans : les glissandi des violons s'inspirent des courbes des constructions (le pavillon Phillips pour l’ex universelle de Bruxelles de 1958). Le son, la lumière et l’espace se répondent mutuellement : "La musique est une architecture en mouvement", comme il est dit dans le documentaire.

    Le film balaie en moins d’une heure une carrière et une œuvre importante qui a changé profondément l’histoire de la musique moderne et l’art en général : son apport dans la musique concrète lorsqu’il entre au GRM (Groupe de Recherches Muisicales) de Pierre Schaeffer, la musique granulaire ("Le grain est l’atome de la musique"), la musique  stochastique (Pitoprata), et la musique électronique grâce aux premiers ordinateurs, ce qui fait dire à un témoin que Xenakis construisait "le" son au lieu de construire "avec" le son.

    Compositeur novateur, Iannis Xenakis critiquait la musique sérielle (Nomos Alpha, 1965-1966) pour préférer l’utilisation des sciences aux possibilités infinies (statistiques, physique des gaz, hasard, théorie des jeux). Pour autant, celui qui a été résistant communiste, architecte, ingénieur, mathématicien puis musicien ne tourne pas le dos aux traditions, à commencer par les siennes, à l’instar de la mythologie gréco-romaine (Polytope de Mycènes).

    Xenakis s’est aussi révélé comme un scénographe novateur avec l’invention de dispositifs dans les salles de concerts : l’auditeur se retrouve au milieu de l’orchestre. Il expérimente le son spatialisé, ce qui est aussi une démarche très "gauchiste", comme le révèle, amusé, Michel Tabachnik mais aussi Xenakis lui-même lors d’une interview télé vers 1968.

    Le Polytope de Mycène dans les anciens thermes de Cluny à Paris en 1972 mêle partitions lumineuses, premiers lasers, flashs, musique électronique, architecture et sculptures visuelles. C’était un "shoot d’émotion" témoigne Jean-Michel  qui se souviendra plus tard de ces sons immersifs, des lasers, des ordinateurs et de cette réalité virtuelle mise en lumière sur des sons électroniques (cette fameuse "proto-techno").

    Pascal Dusapin voit dans "l’art xenakien" une musique essentielle, humaine et profondément inscrite dans les traditions grecques avec une modernité incroyable, tant musicalement que scénaristiquement, avec ce Polytope de Mycène qui consacre définitivement l’ancien banni de son pays d’origine, devenu un artiste universellement réputé. Universel : le mot n’est pas galvaudé pour ce génie. Le nom de sa dernière œuvre ? Omega, bien sûr. 

    Xenakis Révolution, Le bâtisseur du son, documentaire de Stéphane Ghez, Arte, 55 mn, 2022
    https://www.iannis-xenakis.org
    https://www.arte.tv/fr/videos/103998-000-A/xenakis-revolution

    Voir aussi : "Concertant et déconcertant"

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  • Cinq ans avec Macron

    Dans quelques semaines, les Français éliront leur prochain Président de la République pour cinq ans. Qui succédera à Emmanuel Macron, le plus jeune Président français ? Parviendra-t-il à se faire réélire ? Et sur quel programme ? 

    Suspense. En attendant, France Télévision propose en replay Cinq ans, un documentaire exceptionnel en trois volets retraçant un quinquennat historique à plus d’un titre. Évacuant la campagne électorale mouvementée de 2017 pour commencer son récit lorsque l’ancien énarque et ex ministre de l’économie succède à François Hollande, Cinq ans entend montrer les incroyables moments qui ont bouleversé les cinq ans de la Présidence d’Emmanuel Macron.  

    Jérôme Bermyn et Raphaëlle Baillot ont choisi de découper le récit historique en trois parties : "Le temps des transformations" sur la la période "d’état de grâce", du début du quinquennat à l’automne 2018, "Le temps des incendies", consacré pour l’essentiel à la crise des Gilets Jaunes et "Le temps des contagions", consacré à la crise sanitaire et au Grand Confinement jusqu’à la mise en place du pass sanitaire. Bref, une histoire immédiate qui s'écrit sous nos yeux. 

    Les grands témoins de ces événements racontent de l’intérieur ce quinquennat atypique : les acteurs politiques (l’ex Premier ministre Édouard Philippe, le Préfet Didier Lallement, l’ex porte-parole du gouvernement Benjamin Griveaux, l’ex ministre de l'Intérieur Christophe Castaner ou la conseillère en communication Sibeth Ndiaye), les opposants politiques (Jean-Luc Mélenchon et Marine Le Pen), des personnalités issues de la société civile (Yarol Poupaud, Cyril Dion, Corinne Masiero, le syndicaliste Laurent Berger ou le gilet jaune Ghislain Coutard) et de nombreux Français.

    C’est peu dire que le mandat de Macron aura été celui de crises majeures et d’événements traumatisants : crise des Gilets Jaunes, incendie de Notre-Dame de Paris, attentat contre Samuel Patis ou crise sanitaire.

    En vérité, rien n’aura été épargné au jeune chef d’État qui, pourtant, avait commencé son mandat dans un climat presque euphorique : sa jeunesse, sa fougue, son désir de transformations d'une "vieille nation" peuplée de "Gaulois réfractaires" et son optimisme avaient fait de lui le chouchou des étrangers. Couvaient cependant des défauts rédhibitoires d’un Président qualifié de "Président des riches" (voire de "Président des très riches" selon son prédécesseur) et que la réussite éclatante lors des Présidentielles de 2017 (il n’a jamais eu de mandat électif auparavant et semble avoir tout réussi) rend condescendant, pour ne pas dire hautain.   

    "Enfant-roi"

    Au reproche d’"enfant-roi" formulé par Marine Le Pen devant les caméras de Jérôme Bermyn et Raphaëlle Baillot, François Bayrou préfère dire que son (jeune) confrère et ami, qu’il conseille, a le défaut d’être "trop" : trop jeune, trop brillant, trop doué…

    Après la période d’état de grâce, qui dure grosso modo de sa victoire aux Présidentielles de 2017 à la Coupe du monde de football de 2018 (que la France remporte), succèdent une série de crises inédites. La première est celle de l’insurrection des Gilets Jaunes, qui marque durablement le Président, notamment en décembre de cette année-là, avec le saccage de l’Arc de Triomphe puis l’incendie de la Préfecture du Puy-en-Velay (le Préfet de l'époque soulignera le traumatisme de cet événement qui aurait très bien ou aboutir à des drames sanglants). Une journaliste du Monde fait remarquer avec justesse qu’après cette série d’émeutes populaires, suivies d’un Grand Débat National, la présidence de Macron connaît l’Incendie de Notre-Dame, un accident gigantesque mais traumatisant qui va paradoxalement sauver la Présidence. Jusqu’à l’arrivée du Covid-19 et de la première grande pandémie mondiale.

    C’est une gageure de proposer un tel récit sur notre histoire immédiate, avec le recul nécessaire pour saisir les enjeux d’une période révolutionnaire. Car les journalistes n’omettent pas de parler des autres bouleversements majeures : crise environnementale, #Meetoo et le féminisme, luttes contre les inégalités et transformations sociales inédites.

    Pour faire leur récit, Jérôme Bermyn et Raphaëlle Baillot se sont appuyées sur d’abondantes images d’archives, complétées par des interviews de celles et ceux qui ont marqué cette période – à l’exception notable du principal intéressé. Ne manquent pas des analyses de politologues et sociologues mais aussi des images issues de réseaux sociaux, capitales dans le déclenchement et le prolongement de la crise des Gilets Jaunes comme il l'est expliqué.

    Pour replonger dans ce quinquennat inédit, une bande son des tubes des cinq ans rythme les trois films (Orelsan, Angèle, Grand Corps Malade ou Vianney).

    Ce documentaire passionnant proposé par France 5 est disponible plusieurs semaines. De quoi alimenter les débats et les réflexions à quelques semaines des prochaines échéances électorales. 

    Cinq ans, documentaire français de Jérôme Bermyn et Raphaëlle Baillot,
    Trois parties, 2021, 140 mn, France 5, en replay

    https://www.france.tv/france-5/cinq-ans
    @jeromebermyn
    @rbaillot

    Voir aussi : "Hors-série Présidentielles 2017"
    "Hors-série Grand Confinement"

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  • Jean Vigo, une étoile brève mais éclatante

    Une question se pose d’emblée à la découverte de cette intégrale "Jean Vigo" proposée par Gaumont : mais comment a-t-on pu oublier ce réalisateur français dont le long-métrage L’Atalante est considéré comme l’un des meilleurs films français de tous les temps, voire l’un des vingt meilleurs films tout court. Que Gaumont propose un coffret complet sur ce cinéaste n’est donc que justice.

    Mort à l’âge de 29 ans, Jean Vigo, fils d’un anarchiste espagnol immigré en France, laissa certes une œuvre peu abondante : outre L'Atalante, deux documentaires, À propos de Nice (1930, 22 mn) et La natation par Jean Tauris, champion de France (1931, 10 mn), le moyen-métrage Zéro de Conduite (1933) que la censure française interdira de sortie jusqu’en 1946. Le spectateur ou la spectatrice de 2021 restera dubitative en apprenant la réception de cette histoire d’enfants en révolte contre des adultes aussi autoritaires que ridicules. Film faussement insouciant et naïf, Zéro de Conduite est en réalité un brûlot contre le pouvoir et un hymne à la liberté qui se terminera sur les toits de la pension après une une fête officielle de l’école se terminant dans un joyeux bordel.

    On restera ahuri par l’audace visuelle, à l’exemple de cette Niçoise, habillée, rhabillée et déshabillée

    L’Atalante, l’année suivante, concrétise le talent de Jean Vigo, mais il est aussi son chant du cygne. En effet, de santé fragile, le réalisateur est atteint de tuberculose et termine de tourner son unique long-métrage alors qu’il est gravement malade. L’Atalante est une péniche où embarque Juliette après son mariage avec Jean, le capitaine du bateau. Parmi l’équipage, il y a Jules, le second, un Parisien gouailleur et haut en couleur, un poète au grand cœur aussi, sorte d’ange-gardien qui va bouleverser la vie de la jeune femme. Il faut voir L'Atalante comme une suite de scènes alliant expressionnisme et réalisme populaire, avec toujours un sens du cadrage incroyable, des mouvements de caméra subtils, des trouvailles visuelles et les interprétations inoubliables de Michel Simon et de Dita Parlo. L’unique long-métrage de Jean Vigo est aussi le témoignage d’un Paris disparu, celui des quais de Seine, des bals populaires et des bistrots bon marché où pullulaient des titis parisiens interlopes.

    Les deux autres films de Jean Vigo sont des documentaires. À propos de Nice (1930, 22 mn), sur une musique de Stephen Horne Franck Bockius et Marc Perrone, est moins didactique qu’artistique. Jean Vigo nous fait revivre la ville méditerranéenne et surtout ses habitants et anonymes : estivants, pêcheurs, joueurs de tennis, enfants. Il surprend par son découpage rythmé et ses plans travaillés : contre-plongées, très gros plans et clins d’œil. On restera ahuri par l’audace visuelle, à l’exemple de cette Niçoise, habillée, rhabillée et déshabillée. L’autre court-métrage, La natation par Jean Tauris (1931, 10 mn) est une leçon de natation par le plus grand nageur français de sa génération. Le film est illustré par une voix-off didactique et froide. En contrepoint, Jean Vigo choisit des images hallucinantes de féeries, avec un nageur évoluant tel un poisson dans l’eau.

    Le coffret Gaumont propose enfin un grand nombre de bonus : des actualités Gaumont de 1934-1936, des versions restaurées ou originales, le témoignage de Martin Scorcese lui-même qui insiste sur l’importance historique du cinéaste français et des documentaires en hommage à l’auteur de Zéro de Conduite et de L'Atalante. Une découverte bienvenue donc.

    Coffret Jean Vigo, Intégrale, Zéro de Conduite, L’Atalante, À propos de Nice, La natation par Jean Tauris, inédits, bonus et suppléments, restauration en 4K, Gaumont, 2018
    https://www.gaumont.fr/fr/auteur/Jean-Vigo.html

    Voir aussi : "Voir ou revoir le Napoléon d’Abel Gance"

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  • Ma Vivian, mon amour

    Vivian et Johnny, le documentaire de Matt Riddlehoover, est un hommage autant qu’un essai de réhabilitation d’une femme que le public américain a oublié, pour ne pas dire méprisé (comme le prouve par exemple le biopic de 2005 Walk The Line, avec Joaquin Phoenix et Reese Witherspoon dans les rôles principaux).

    Vivian Liberto Distin est plus connue sous le nom de Vivian Cash, la première épouse de la star de country Johnny Cash. Lorsqu’ils se rencontrent et tombent amoureux, le musicien est un obscur soldat américain de l’Air Force. Les deux amoureux n’ont de cesse de s’écrire lorsque Johnny Cash est en garnison en Allemagne de l’Ouest pendant trois ans. Des centaines de lettres témoignent de leur relation passionnée. S’ensuit un mariage en 1954 puis une première enfant. Trois autres filles suivront, et ce sont précisément ces filles qui viennent donner leur version de ce qu’a été l’existence de Vivian Liberto, ex Cash.  

    Après une période de vache maigre – paradoxalement la plus heureuse, de l’avis même des  intéressées – la carrière de Johnny Cash commence. C'est un véritable raz-de-marée fait de concerts, de disques, de tournées à travers le pays, de groupies mais aussi d’excès en tout genre – drogues, alcool, voyages incessants, invitations à des émissions de radio ou de télé mais aussi rencontres et relations extraconjugales. Pendant ce temps, Vivian reste à la maison pour s'occuper de leurs enfants. Surveillée par des fans enthousiastes, Vivian fait son possible pour élever ses quatre filles et attend jour après jour le retour d’une star de plus en plus absente. La fin du couple est déjà écrite, a fortiori lorsqu’une autre femme - June Carter - a déjà trouvé une place dans la vie du joueur de country. 

    Portrait d’une femme magnifique, héroïque et véritable mère-courage

    Mieux que le récit de la dilution d’une relation amoureuse, Vivian et Johnny, la légende de Nashville est le portrait d’une femme magnifique, héroïque, véritable mère-courage en dépit de ses défauts que ses filles ne cachent pas et qui restait prisonnière d’une cage dorée que son mari avait construite.

    Le documentaire de Matt Riddlehoover fait de Johnny Cash un personnage paumé et abandonnant femme et enfants au bénéfice de sa propre carrière et de ses égarements. Que l’on pense à son arrestation en 1965 au Mexique pour possession de drogues. À cela s’ajoutent ces préjugés sexistes et racistes du sud des États-Unis. Le spectateur découvre avec effarement les rumeurs persistantes sur la couleur de peau de Vivian Cash en raison d’une photo de mauvaise qualité. Le Klu Klux Klan va jusqu'à se manifester pour protester contre ce mariage d'un musicien blanc du sud des Etats-Unis avec une femme qu'ils soupçonnent d'être noire. 

    Vivian et Johnny reste cependant le récit d’une relation qui a malgré tout persisté, en dépit d’un divorce et de l’image féroce que le public et les médias américains ont laissé de Vivian. À la mort du musicien en 2003, son existence est même soigneusement effacée jusque dans les hommages à Johnny Cash. En dépit de tout, elle gardera toujours pour lui une bouleversante affection : "Elle est morte en l’aimant toujours de tout son cœur" affirme l’une de ses sœurs, comme le prouvent ces centaines de lettres que Vivian Liberto Distin, ex Madame Cash, gardait précieusement. 

    Ce document rare et inoubliable est disponible en VOD chez UniversCiné, Orange, Canal VOD, Arte VOD, CinéMutins et Microsoft.

    Vivian et Johnny, la légende de Nashville, documentaire américain de Matt Riddlehoover,
    avec Vivian Loberto, Johnny Cash, Rosanne Cash, Kathy Cash Tittle,
    Cindy Cash et Tara Cash Schwoebel, 90 mn, Destiny Films, 2021
    En VOD chez UniversCiné, Orange, Canal VOD, Arte VOD, CinéMutins et Microsoft

    https://www.destinydistribution.com/distribution/vivian-et-johnny-la-legende-de-nashville

    Voir aussi : "Emmanuelle aime les intellectuels (et les manuels)"

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  • Emmanuelle aime les intellectuels (et les manuels)

    Jusqu’au 23 août 2021, Arte propose en replay le documentaire Clélia Cohen consacré à un film mythique, Emmanuelle. Véritable "coup de tonnerre" dans la France post-gaulliste, le long-métrage réalisé par un illustre inconnu, Just Jaeckin, photographe de son état, provoque le scandale autant qu’une véritable révolution sexuelle dans un pays corseté, rigide et moraliste.  

    Le documentaire de Clélia Cohen, Emmanuelle, la plus longue caresse du cinéma français, raconte la genèse de ce long-métrage qui n’aurait jamais dû exister, son tournage chaotique par une jeune équipe et le formidable succès pour un film qui aura eu la chance de sortir au bon moment, avec le succès exceptionnel que l’on connaît : 9 millions de spectateurs en salles et plus de 500 millions dans le monde en comptabilisant les diffusions à la télévision.

    Un homme porte le film : le producteur Yves Rousset Rouard, jeune publicitaire ambitieux, non sans un côté "Rastignac" : lorsqu’il se lance dans le cinéma au début des années 70, c’est pour faire beaucoup d’argent avec peu de financements. Le succès du Dernier Tango à Paris le convainc de s’intéresser à l’érotisme et de tourner lui aussi un film sulfureux. Guy Sorman propose à son ami l’adaptation du roman Emmanuelle d’Emmanuelle Arsan, sorti en 1959. Voilà qui tombe bien : lorsque le jeune producteur commence ses démarches pour les droits du livres, ces droits optionnés sont libres depuis 15 jours et n’ont pas été renouvelés. L’affaire est conclue pour quelques centaines d’euros. Le coup du siècle.

    Le plus dur reste à venir : financer et tourner le film. Le choix de Just Jaeckin pour la réalisation peut surprendre : l’homme est un photographe et pas cinéaste. Le projet d’Emmanuelle aurait-il fait peur ? Yves Rousset Rouard assume en tout cas sa décision : Just Jaeckin aura l’œil pour prendre en main l’esthétisme du film et "faire de belles images", à défaut d'être un conducteur d'acteur honorable. Son but est de faire de l’érotisme chic : une sorte de Lui sur grand écran. Le documentaire d’Arte s’arrête sur le recrutement d’Alain Cuny parmi les rôles principaux. Bertolucci avait fait appel à Marlon Brando pour Le Dernier Tango à Paris ? Le producteur décide qu'Emmanuelle devra avoir elle aussi sa "star" : ce sera Alain Cuny, un nom prédestiné pour un film érotique, souligne, amusée, une spécialiste.

    L’acteur, plus habitué à Claudel qu'à des productions érotiques soft, accepte – sans l’assumer vraiment – le contrat. Il est pour autant cocasse de penser que ce n’est pas pour cet acteur important du cinéma et du théâtre que l’on retient Emmanuelle mais pour la quasi inconnue Sylvia Kristel, une mannequin néerlandaise d’une vingtaine d’années. Le documentaire s’arrête longuement sur l’actrice, littéralement phagocytée par ce qui sera le rôle de sa vie : elle frappe par modernité, ses cheveux courts, sa féminité, sa sensualité et son look androgyne atypique et ultra-moderne qui n’est pas dans les critères de l’époque. C'est la vraie grande découverte des créateurs du film culte et ce qui va asseoir la popularité d'une œuvre scandaleuse portée par une inconnue. 

    La "star" Alain Cuny, un nom prédestiné pour un film érotique

    Le documentaire décrit les affres du tournage incognito en Thaïlande avec une jeune équipe restreinte pendant 6 semaines et qui prend ce voyage pour des vacances. Just Jaeckin, inexpérimenté et souvent désabusé, doit tenir des engagements impossibles avec un budget serré et des acteurs aussi novices que lui : que l’on pense à une scène à cheval avant laquelle Sylvia Kristel avoue qu’elle n’a jamais monté de sa vie. Le film évoque aussi l’aventure de la scène la plus sulfureuse du film – celle de la cigarette.

    En juin 1974, contre toute attente, le film connaît un succès prodigieux : on vient voir le film en couple ou entre amis et les tours operateurs prévoient même une sortie au cinéma pour permettre aux touristes étrangers de voir Emmanuelle sur grand écran. Le triomphe assure la fortune du producteur qui, grâce à son flair, a déjà prévu de tourner une suite.

    Emmanuelle serait-il un  film comme un autre ? Les interviewés répondent que non : il s’inscrit dans la révolution sexuelle des années 70 et propose une nouvelle lecture des rapports amoureux : féminisme, lesbianisme, expressions du désir féminin ou relations de couples. Mais un autre aspect est abordé dans le documentaire : celui de l’esthétisme qui a été dès le départ un facteur majeur du projet. Le look de Sylvia Kristel est abordé mais aussi d’autres éléments visuels qui ont influencé des graphistes comme  Delphine Cauly. Elle parle de "choc graphique". N’oublions pas non plus le fameux fauteuil en rotin, paradoxalement très discret dans le film mais devenu un élément iconique.

    Il reste la plus triste histoire de ce film : Sylvia Kristel, elle-même. Elle ne se remettra jamais complètement de ce rôle d'Emmanuelle qui l’a habitée jusqu’au bout, en dépit de ses rôles suivants. Elle est certes devenue un modèle et un sex-symbol mais son destin a un goût amer, comme s’il fallait qu’elle aide à "libérer les femmes en s’enfermant pour toujours".

    Le documentaire proposé par Arte, Emmanuelle, la plus longue caresse du cinéma français, est disponible en replay jusqu’au 23 août 2021. Quant au magazine Première Classics, il propose dans son numéro de juillet 2021 une passionnante enquête sur le film : "Emmanuelle : les secrets inavouables d'un film cul(te)".  

    Emmanuelle, la plus longue caresse du cinéma français, documentaire français de Clélia Cohen,
    2020, 53 mn, Arte, jusqu’au 23 août 2021

    Emmanuelle, comédie érotique française de Just Jaeckin, avec Sylvia Kristel,
    Alain Cuny, Marika Green et Christine Boisson, 105 mn, 1974

    https://www.arte.tv/fr/videos/094507-000-A/emmanuelle-la-plus-longue-caresse-du-cinema-francais
    "Emmanuelle : les secrets inavouables d'un film cul(te)", Première Classics, juillet 2021

    Voir aussi : "Chut, les enfants ! Papa et maman sont occupés…"

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