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féminisme - Page 4

  • La petite musique de l'amour selon Kuy Delair

    Kuy Delair propose dans son roman La petite Musique de la Pierre (éd. Évidence) l'histoire d’une quête amoureuse qui est aussi le récit d'un parcours identitaire et une réflexion sur la liberté et le féminisme.

    Quynh est sculptrice, d’origine franco-vietnamienne, une "Eurasienne" comme elle le revendique. Cette artiste, qui a le sentiment d’appartenir non pas à deux cultures mais à un seul continent – l’Eurasie – propose dans les premières pages de son récit un singulier message sur le métissage, : "Le métissage était pour elle l’absence… Le vide vertigineux de l’inconcevable… Elle exécrait l’association des quidams qui mêlaient cuisine fusion et Eurasie… C’était à la mode d’être métisse, mais inconnu d’être eurasien… Les médias parlaient des mélanges, ce qui revenait à n’en parler d’aucuns…"

    Lorsque Quynh rencontre le saxophoniste Stéphane, elle sait d’emblée que leur couple sera placé sous le signe du yin et du yang : "Ils étaient le rouge et le noir, l’aube et le crépuscule du désir, un Ying et un yang débridés, lancés au galop dans l’étendue des affres brûlantes de la nuit." Les deux forment un couple hors-norme fait de peur de l’engagement, de fascination, d’attirance mais aussi de ratages, "une histoire de rencontre, une histoire de synchronicité ratée, une histoire ordinaire au final". Amour ou amitié passionnée ? "Ils bâtissaient l’édifice d’une amitié solide, un couple traditionnellement hors-norme, une impossibilité qui se construisait."

    Kuy Delair déroule son récit à la manière d’un torrent sauvage ("Ses désirs étaient aussi énigmatiques qu’une eau trouble, pure autrefois"). La pierre contre l’eau, la sculptrice contre le jazzman, la solidité et l’immobilité de la pierre que travaille la sculptrice contre l’aspect fuyant et le fluide de la passion amoureuse : le yin et le yang sont en jeu dans ce roman sur l’amour mais aussi sur la création : "Elle pouvait tailler la pierre, créer des ronds de bosse, polir sans relâche… La tyrannie de la matière ne lui permettait aucune indulgence… Le matériau savait, il dictait sa loi. La passionnée sculptrice se soumettait à ces aspérités contingentes, elle se faisait l’esclave de cet art ingrat…. La fluidité du chant lui semblait plus aérienne, plus inspirée."

    Quynh trouve dans le paganisme des réponses pour arriver à des rapports hommes-femmes apaisés

    Kuy Delair, d’une langue riche, subtile et sensuelle, et non sans ellipses, décline les mille et unes variations de la passion : l’attirance, la sidération de la rencontre, l’addiction, le vertige des étreintes (L’auteure sait décrire avec finesse ces moments : "Pris dans le trébuchement vertigineux de sa chute, il plongeait dans l’orgasme… Il embrassait la plénitude de l’extase… Il bandait de joie… Son érection ruisselait de bonheur"), les hésitations entre le désir de partir et celui de s’engager, mais aussi la jalousie. Son roman est un long et beau chant sur l’amour dont elle ne cesse de suivre les circonvolutions : "Elle aimait sans doute ces hommes non pas pour l’amour qu’ils auraient pu lui porter, mais pour l’amour qu’elle le leur portait… Amoureuse de l’amour, elle recherchait ses passions déchirantes, ces impossibles sentiments."

    Aux va-et-vient physiques viennent faire écho ceux de Stéphane puis de Quynh elle-même, incapables de d'engager mutuellement. Après avoir laissé son premier amant s’aventurer avec une autre femme, Amélia, l’Eurasienne est envoûtée par un autre homme, Glenn, un autre jazzman. Avec lui, la passion va être plus forte encore, plus profonde, mais pas moins compliquée. La confusion amoureuse – quand elle n’est pas sexuelle – guide le récit de Kuy Delair, tiraillée entre deux hommes et prise dans des courants contraires : "L’eurasiatique aux cheveux noir corbeau aurait aimé qu’ils soient là, tous les deux… Et elle ne les avait là, aucun des deux."

    L’histoire avec Glenn marque finalement le début d’une reconstruction sentimentale, même si elle passera par de nouveaux départs vers d’autres hommes, d’autres déceptions et d’autres engagements tenus ou non-tenus. La jeune femme veut devenir le pilote de son propre bateau : "Quynh vivait la vie comme un roman dans lequel tout était possible… Elle était la narratrice de son avenir et elle fluctuait au grès des événements tel un roseau qui fléchit, mais ne se rompt pas." Il est écrit plus loin : "Elle avait pris sa décision à contrecœur… Un matin, en se levant… Il fallait que cela cesse… que chacun reprenne le cours de sa vie. Elle ne pouvait plus osciller entre ces hommes comme tanguerait un navire fou sur les eaux."

    En remettant en perspective amour et passion ("Il y avait une tradition de la passion comme il y avait une tradition de la famille… L’amour était peut-être la possibilité de repenser les règles de la passion"), Kuy Delair parle aussi et surtout de liberté. Elle discourt sur le féminisme dans cette histoire sentimentale mais aussi sociale et engagée. Simone de Beauvoir est citée lors d’une scène au Parc Manceau ("La femme n’est victime d’aucune mystérieuse fatalité : il ne faut pas conclure que ses ovaires la condamnent à vivre éternellement à genoux"), mais l’auteure fait également référence aux traditions mésopotamiennes. À l’instar de son personnage, l’auteure engagée et "néo-féministe" (l’expression est de Patrick Lesage, en préface) trouve dans le paganisme des réponses pour arriver à des rapports hommes-femmes apaisés, des organisations humaines et humanistes solides et des sociétés où la sexualité ne serait plus un problème : "Quynh rêvait de sociétés néo-matriarcales dans lesquelles hommes et femmes seraient des féministes et des humanistes convaincus… La sculptrice ne croyait pas au règne d’un sexe sur l’autre, d’une génération sur l’autre, d’une race sur l’autre… Son credo était la différence sans hiérarchie." Qui n’adhérerait pas à ce credo ?

    Kuy Delair, La petite Musique de la Pierre, Évidence Éditions, 2018, 152 p.
    http://www.kuydelair.com
    https://www.facebook.com/KuyDelairKDL
    www.evidence-editions.com

    Voir aussi : "Païenne à Paris"

    © Hubert Bourgeois 2009

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  • Comment pécho un mec

    Une première question se pose à la lecture du dernier livre de Flore Cherry, Osez... draguer un Mec (éd. La Musardine) : ce vade-mecum sur l’art de la drague féminine peut-il être lu par les hommes ? La question n’est pas si anodine qu’elle n’y paraît.

    Un tel guide est a priori destiné aux femmes. Mieux, il s’ouvre sur une introduction résolument féministe. L’auteure confie avoir entrepris l’écriture de ce guide après la lecture d’un best-seller d’Ellen Fein et Sherrie Schneider, Les Règles - Secrets pour capturer l'Homme Idéal (éd. Albin Michel). Ce guide "miracle" sur l’art de se faire pécho par des mecs bien sous tout rapport en maniant l’art de se faire aborder, de se comporter sans ostentation (pour les femmes !), de savoir manier le "oui mais" et le "non sauf si" ou de manipuler un homme en lui promettant la récompense d’une possible conquête, est considéré par Flore Cherry comme un miroir aux alouettes. Mais ce manuel old school est aussi et surtout un contenu perpétuant une figure ancestrale de la femme – et de la drague.

    Qu’on se le dise : pécho est une affaire sérieuse, dans laquelle il est aussi question des rapports hommes-femmes, du modèle féministe imposé par les sociétés patriarcales mais aussi du savoir-vivre ensemble et de pouvoir se séduire mutuellement.

    La drague ? Les filles, n’hésitez pas à vous y mettre ! annonce l’auteure. Il n’y a rien de mal à aborder un homme qui vous plaît, "sans attendre que celui-ci vous adresse la parole en premier." Deux avantages en découlent : "expliciter clairement votre consentement et vos intentions, et ne jamais rester en zone grise" d’une part, et "vous redonner confiance en vous" d’autre part.

    D’emblée, Osez... draguer un Mec  s’annonce comme un guide plus sérieux et plus profond que ne l’annonce son titre. Flore Cherry entend encourager ses consœurs à prendre des initiatives, à revendiquer leur liberté de plaire, à assumer leurs désirs et à ne pas se contraindre aux modèles anciens et dépassés. Aller vers les hommes, dit-elle encore, peut intimider mais cela présente l’avantage de choisir son partenaire. Et, ajoute-t-elle, un homme dragué sera toujours bienveillant pour la personne qui l’aborde, mêmes’il ne répond pas favorablement. Voilà qui devrait faire tomber quelques inhibitions…

    La règle du "fuck yes !"

    Pécho c’est ne pas s’empêcher, dit en substance la journaliste, qui écrit ceci : "Prendre l’initiative, ça paye". "Si vous restez assis et attendez qu’on vienne vous parler, vous finir avec le moins mauvais de ceux qui seront venus vers vous", dit-elle encore en citant Hannah Fry (Les Mathématiques de l’Amour, éd. Marabout).

    Pour son guide, Flore Cherry choisit assez astucieusement de mettre la lectrice dans la peau d’une gérante de boutique désireuse d’attirer les meilleurs clients. Et pourquoi pas ? Les titres des chapitres trouveraient leur place dans des manuels d’économie : "Faire une étude de marché", "Afficher clairement vos horaires d’ouverture", "Soignez votre devanture", "Restez professionnelle" ou "Démarquez vous du marché."

    Tout comme un commerçant, le but n’est ni plus ni moins que d’"apporter de l’enthousiasme à la rencontre et la découverte de l’autre." C’est la règle du "fuck yes !", qui serait la réponse idéale d’un homme, définitivement séduit et convaincu. Flore Cherry répond aussi à quelques-unes des éternelles questions en matière de drague : faut-il coucher la première fois ? ("encaisser un client" tout de suite ?) , comment se mettre sous sa meilleure apparence ? ("soigner sa devanture") ou Comment assumer un refus ? ("Restez professionnelle").

    Dans un marché concurrentiel, l’auteure suggère des trucs et des lieux pour maximiser ses chances de draguer, que ce soit seule ou en groupes, sans omettre l’importance de l’Internet. Des focus sont également faits sur des situations particulières : faut-il draguer son ex, un ami (cette fameuse friendzone) ou un collègue de bureau ? Et qu’en est-il des exemples venus d’autres pays ?

    Flore Cherry fait d'Osez... draguer un Mec un guide qui aurait sa place parmi les livres de développement personnel : accepter son corps, donner du sens à son histoire, assumer ses faiblesses...

    Au terme de la lecture, beaucoup de lectrices pourraient bien se sentir convaincues par cette drague longtemps réservée à la population masculine. Quant aux hommes, ils seraient bien idiots de ne pas se réjouir de cette nouvelle forme de partage des rôles.

    Flore Cherry, Osez... draguer un Mec , éd. La Musardine, 2018, 128 pages

    Voir aussi : "Union TV : un nouveau média pour une nouvelle révolution sexuelle"
    "La vie (sexuelle) des jeunes"
    "Zob in job
    "C’est l’amour à la plage"

     

  • Pas de deo gratias pour Deborah de Robertis

    Elle a un nom qui fleure bon le latin et les versets bibliques. Là s’arrête pourtant le point commun entre l’institution catholique et Deborah de Robertis, qui doit s’expliquer avec l’Église dans les prochains mois. La performeuse franco-luxembourgeoise a été en effet été arrêtée le 1er septembre dernier pour s’être dénudée devant le sanctuaire de Lourdes. Elle comparaîtra en correctionnelle le 19 mai 2019 pour exhibitions sexuelles.

    Deborah de Robertis avait déjà fait une performance publique remarquée devant La Joconde en 2017. La justice n’avait pas été dans le sens du musée du Louvre, considérant que la jeune femme agissait en tant qu’artiste et militante. Tel est aussi le discours que cette dernière tient au sujet de Lourdes et de sa prestation. Deborah de Robertis considère que son message tient d’abord de l’hommage à l’une des femmes mythiques de l’histoire de l’humanité : "Magnifique le ventre qui t’a porté, Magnifique le sexe qui t’a offensé, Magnifique le sein qui t’a allaité," cite-t-elle en reprenant des versets de l’Évangile selon s. Luc.

    Des versets de l’Évangile selon s. Luc

    Dans un communiqué qu’elle adresse en guise de droit de réponse, Deborah de Robertis entend se placer au-dessus de la querelle religieuse et morale. C’est en féministe et en intellectuelle engagée qu’elle s’exprime : "Par ce geste de mise à nu, j’incarne l’apparition de la Vierge avec mon corps de chair et de femme vivante… Ce geste est un hymne à la vie, d’où le titre "L’origine de la vie", en référence à "l’origine du monde". Si l’on observe attentivement nous pouvons voir que le dessin des plis du voile de certaines vierges imite parfaitement les formes du sexe féminin. Dans les religions monothéistes, Marie est le modèle féminin le plus emblématique, le plus représenté, le plus connu et donc le plus exploité. En effet, la représentation humaine et donc féminine est très rare dans les autres religions monothéistes. C'est la raison pour laquelle j'ai choisi d'incarner la Vierge Marie qui, au delà de sa dimension religieuse, est l’une des femmes les plus connues au monde. Mais, en réalité par cet acte j'ai aussi incarné Marie-Madeleine, une femme libre et une autre figure emblématique qui a été diffamée, invisibilisée et dont l’image a été déformée car "trop" incarnée et "trop" sexuée… Il en est de même pour les femmes dans l'art et dans la société en général. Elles ne sont jamais reconnues immédiatement et pour la plupart elles sont exclues de l'Histoire… La figure de Marie à Lourdes, est au fond aussi exploitée que le visage de la Joconde au Louvre. À Lourdes la Vierge est adulée mais aussi utilisée comme la "poule aux œufs d'or". C'est elle qui est le pilier économique de la cité mariale. Comme la Joconde, on la retrouve sur des tasses , des tee-shirts et des porte-clefs. Comme le sexe féminin de "L'origine du monde" qui attire les touristes et remplit les caisses du musée d’Orsay, la représentation de Marie attire les pèlerins du monde entier… En incarnant les modèles féminins, mon propos est de les libérer du cadre dans lequel ils sont figés et inverser ainsi le point de vue à partir du regard des femmes, et cela sur le plan historique, politique et artistique."

    Au passage, Deborah de Robertis adresse une banderille aux institutions religieuses, qui ont laissé prospérer dans le lieu sacré de Lourdes de vrais marchands du temple, la Vierge Marie faisant pour beaucoup figure de poule aux œufs d’or pour des millions de fidèles. Pour un deo gratias de l’Église catholique, la performeuse franco-luxembourgeoise devra repasser. 

    https://vimeo.com
    https://twitter.com/D_derobertis
    https://www.instagram.com/deborah_de_robertis_official
    https://www.facebook.com/pg/derobertisdeborah/posts

    À voir aussi : "Deborah de Robertis l’ouvre"
    "Deo gratias pour Bernadette"

  • Rose McGowan, prix Nobel de la Paix

    Non, cette chronique n’est pas une anticipation sur le futur Prix Nobel de la Paix ! Alors que quelques élus de la prestigieuse académie norvégiennes évoquent sans rire le nom de Donald Trump pour cette future récompense en raison de ses actions dans la péninsule coréenne, une autre personnalité mériterait sans aucun doute de figurer parmi les lauréats : Rose McGowan.

    L’actrice américaine (Scream, Le Dahlia noir ou la série Charmed), en dénonçant Harvey Weinstein pour agressions sexuelles, a provoqué cette révolution féministe qu’est #MeToo et #Balancetonporc.

    Depuis, celle qui dit avoir toujours su qu’elle aurait un destin exceptionnel, a abandonné Hollywood qu’elle considère comme une secte (et Rose McGowan s’y connaît, elle qui a grandi dans la secte des Enfants de Dieu avant de s’en sortir) et vit aujourd’hui à Londres. Ruinée, ayant abandonné toute idée de revenir au cinéma comme comédienne, elle continue son combat et a été élue "homme de l’année" par le magazine "masculin" GQ, tout en se préparant au procès du siècle contre Harvey Weinstein.

    Le magazine Society du mois de septembre propose une interview exceptionnelle de Rose McGowan (mais aussi, dans le même numéro, du procureur Cyrus Vance Jr. et de Benjamin Brafman, respectivement procureur et avocat dans ce procès).

    Rose McGowan, "homme de l’année" par le magazine "masculinGQ

    Il faut absolument lire cet entretien réalisé par Hélène Coutard et Lucas Minisini pour découvrir une femme à la combativité intacte, et soumise à des pressions considérables pour la faire taire : "Si je voulais, je pourrais faire cramer Hollywood," dit-elle, consciente aussi que son combat qu’elle mène maintenant en Europe ("Je [m’y] sens beaucoup mieux") est devenu un mouvement de fond planétaire en faveur de la cause des femmes. Celle qui s’est lancée dans la réalisation depuis quatre ans (plusieurs courts-métrages, dont Heresy, sorti en 2016) considère que l’élection de Donald Trump – qui a été aussi le triomphe de la misogynie – a rendu possible le déclenchement de #MeToo.

    La pugnacité de Rose McGowan dans cette affaire Weinstein et son combat dans un mouvement féministe révolutionnaire nous fait dire que l’Académie Nobel serait bien inspirée de lui décerner un Prix Nobel de la Paix. Ce serait aussi la plus belle des réponses de l’académie norvégienne après des accusations de scandales sexuelles au sein de la vénérable institution. Rose McGowan, Prix Nobel de la Paix 2019 : voilà une récompense qui ferait date. Ce serait aussi d'une très grande classe.

    "Si je voulais, je pourrais faire cramer Hollywood", in Society septembre 2018
    https://www.society-magazine.fr

    Voir aussi : "Modiano : l'anti-Le Clézio"

  • Le Manifeste des 50

    féminisme,afaa,marina toméBla Bla Blog s’était fait l’écho il y a quelques semaines d’un combat féministe d'un autre "genre" : celui des comédiennes quinquas "oubliées" par les sociétés de production. Tout se passe comme si les fictions au cinéma ou à la télévision avaient décidé de bâillonner tout une catégorie sociale. Aujourd’hui, en France, une femme majeure sur deux a plus de 50 ans : 51 % de la population féminine majeure, un quart de la population majeure totale. Mais cette majorité réelle dans la vie est traitée comme une minorité invisible dans les fictions. Shocking !

    Pour ouvrir le débat, l’AAFA (Actrices et Acteurs de France Associés), avec la commission AAFA-Tunnel de la comédienne de 50 ans, a lancé une pétition qui sera remise à Françoise Nyssen, ministre de la Culture et de la Communication, et Marlène Schiappa, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée de l'Égalité entre les femmes et les hommes.

    Cette pétition, ouverte à toutes et à tous, est disponible en ligne. Quelques secondes pour une belle cause.

    Pétition Manifeste AAFA-Tunnel des 50
    http://aafa-asso.info/tunnel-de-la-comedienne-de-50-ans

    "Le super pouvoir des femmes invisibles"

    © Hélène Bruller

  • Est-ce que les femmes doivent êtres nues pour entrer dans un musée ?

    Et si, depuis qu’ils existent, les beaux-arts ne marchaient que sur une jambe ? Personne ne contestera que depuis que les musées sont musées, la moitié de l’humanité – en l’occurrence les femmes – est oubliée. Il semblerait que l’art, un domaine pourtant ô combien universel, ait été de tout temps masculin – si l’on omet toutefois la place des mannequins, des muses et autres modèles… qu’ils soient déshabillés ou non.

    Les Guerrilla Girls avaient tapé du poing sous la table il y a quelques années en détournant, pour une affiche engagée, l’Odalisque d’Ingres, avec cet appel : "Est-ce que les femmes doivent êtres nues pour entrer au Met de New-York ? Moins de 5 % des artistes de la section art moderne sont des femmes mais 85 % des nus représentent des femmes." No comment. 

    Il est vrai qu’à côté de quelques noms connus – Louise Bourgeois, Frida Kahlo, Tamara de Lempicka, Cindy Sherman ou Niki de Saint Phalle (voir illustration) – les musées du monde ont largement participé à l’exclusion des femmes dans un système culturel et social incontestablement machiste.

    Cette exclusion, le site Women’s Art et son compte Twitter proposent de le combler en mettant à l’honneur artistes connues ou moins connues du monde entier. Et l’on s’aperçoit avec effarement et consternation que les beaux-arts sont passés, de mauvaise foi ou non, à côté d’une kyrielle de chefs-d’œuvre et de de génies féminines.

    5 % des artistes art moderne sont des femmes
    mais 85 % des nus représentent des femmes

    Même si Artemisia Gentileschi (1593-v.1652) a été remise enfin à l’honneur depuis quelques décennies, peu d’entre-nous connaissent les œuvres monumentales de la sculptrice américaine Enid Yandell (1869-1934, vidéo ci-dessous), le travail de la peintre, designeuse et illustratrice argentine et surréaliste Leonor Fini (1907–1996) ou savent que l’un des premier mangaka était... une femme, Machiko Hasegawa (1920-1992).

    Il faut saluer la pugnacité et la passion des auteur·e·s de Women’s Art qui ne s’arrêtent pas à relire, revisiter et critiquer l’histoire orientée de l’art occidental : ce sont aussi les artistes contemporaines venus du monde entier qui sont mises à l'honneur, que ce soit la peintre malaisienne Fadilah Karim, la photographe iranienne Newsha Tavakolian, la finnoise Miina Äkkijyrkkä et ses impressionnantes sculptures métalliques en carcasses de véhicules ou encore l’artiste de mix-média ivoirienne Massogona Sylla.

    Bien entendu, le combat féministe est au cœur de la démarche de Women’s Art, comme le rappelle de nombreuses publications Twitter. Il reste aux musées du monde entier à se réveiller et à donner enfin aux artistes féminines actuelles ou disparues leur vraie place : une moitié de l’humanité, qui a été longtemps sous silence, souhaite que les femmes mises à l’honneur sur les cimaises des musées ne soient plus simplement les modèles nus d’Ingres, Manet ou Picasso.

    https://twitter.com/womensart1
    https://womensartblog.wordpress.com
    "Les femmes au musée : des muses mais aussi des artistes",
    in Newvoradio.fr, 9 mars 2017 

  • Union TV : un nouveau média pour une nouvelle révolution sexuelle

    Le vénérable Union entrerait-il dans une nouvelle ère ? Créé en 1972, le magazine érotique et libertin fait lentement mais sûrement sa mue. Après l'édition web, c'est une chaîne de télévision qui vient de naître fin janvier (disponible sur la box SFR). Nous avons rencontré Flore Cherry, responsable de la transformation digitale à Union, pour en savoir plus sur ce nouveau média.

    Union TV a la spécificité par rapport à ses concurrents (Dorcel TV, XXL ou Pink TV) de ne pas proposer que des programmes hard. Ils sont certes visibles de minuit à 5 heures du matin, mais, plus tôt dans la nuit, de 23 heures à minuit, Union TV propose aussi des rubriques plus sérieuses mais tout aussi alléchantes. Des conseils de sexologues, sexothérapeutes confirmés, artistes et youtubeurs (Jessica Pirbay, M'sieur Jérémy ou Clémity Jane) proposent un "autre discours sur la sexualité" , indique Flore Cherry.

    Derrière l'évolution numérique et audiovisuelle d'un titre emblématique de la presse adulte se joue un combat à fleuret moucheté autour d'un marché du sexe traditionnel, dominé par une population mâle et âgée , comme le regrette la responsable digitale d'Union.

    Le X doit-il se limiter à proposer des films calqués sur le même modèle stéréotypé : luxe, mannequins et grosses limousines ? Certes, des entreprises spécialisées ont trouvé là un excellent filon et surtout un public averti. Il n'en reste pas moins vrai que "les grosses boîtes de X sont enfermés dans un discours", avec finalement "peu d'évolutions", regrette Flore Cherry, tout en pointant du doigt "une inertie de l'innovation et un business model en panne."

    Aussi important que le bien manger, le sport ou la déco

    D'autres types de pornos sont possibles, ajoute-t-elle : celui créé par des féministes comme la réalisatrice Erika Lust, les propositions intéressantes des cam girls ou les nouvelles approches de l'érotisme qui commencent à poindre, y compris dans la publicité (par exemple un récent spot de Paco Rabanne).

    Le X et l'érotisme sont à la croisée des chemins. La rédactrice d'Union appelle à une évolution des mœurs, dans laquelle le féminisme "doit prendre la main sur le sexe..."

    En quoi consisterait ce changement de paradigme ? Flore Cherry parle de "life style" : le sexe doit devenir non plus un sujet caché mais une préoccupation quotidienne et sérieuse, aussi importante que le bien manger, le sport ou... la déco. "Choisir de bien baiser pour prendre soin de soi," ajoute-t-elle.

    Le chemin est encore long et il passera aussi par l'éducation et par des changements de comportements, notamment chez les garçons. Quant aux filles, elles doivent revendiquer leur plaisir et leurs désirs. Flore Cherry se dit consciente que certains hommes risquent, suite au coup de tonnerre de l'affaire Weinstein et du phénomène de société #MeToo, de réfléchir à deux fois avant de se lancer dans une drague trop insistante. Mais est-ce si mal ? "Les trois pas en arrière de l'homme ce sont aussi les trois pas en avant de la femme" énonce Flore Cherry.

    Union TV, nouvelle vitrine d'un média plus que quadragénaire, entend bien être à l'avant-garde de cette autre guerre des sexes.

    Union TV, disponible chez SFR
    http://www.union.fr

    Photo : Flore Cherry

  • Le super pouvoir des femmes invisibles

    féminisme,afaa,marina toméLes femmes ont relevé la tête ces derniers mois et ne sont plus prêtes à accepter n’importe quoi. À la faveur de l’affaire Weinstein, le "Balance ton porc" est devenu un hymne de révolte féministe largement médiatisé. Un hymne qui ne doit cependant pas faire oublier une catégorie de femmes invisibles : les comédiennes de plus de 50 ans. Elles sont aujourd’hui défendues au sein de l’AAFA (Actrices et Acteurs de France Associés), avec la commission AAFA-Tunnel de la comédienne de 50 ans.

    Ce collectif rappelle que les femmes constituent la plus grande proportion d’artistes-interprètes de 20 à 35 ans, mais autour de 50 ans ce sont les hommes qui sont majoritaires. Aujourd'hui, d’après l’INSEE, une Française sur deux a plus de 50 ans. Or, cette majorité réelle dans la vie est traitée comme une minorité invisible dans les fictions. Alors que la démographie confirme d’année en année la part de plus en plus grande des femmes de plus de 50 ans dans la société, les fictions sont exposées à la probabilité inverse. Qu’on se le dise : les personnages féminins ne vieillissent pas ; ils disparaissent des écrans.

    "À partir de 50 ans, les femmes développent un super pouvoir : elles deviennent invisibles. Surtout à l’écran !", ironise Anne Le Ny (Télérama mai 2014). Dit autrement, passé un certain âge, pour une femme, les chances de pratiquer le métier de comédien devient de plus en plus ardu. Peu de branches professionnelles supporteraient cette double discrimination basée sur le sexe et l’âge, sans se voir aussitôt cloué au piloris. Pas le milieu du spectacle qui semble accepter sans ciller le tunnel promis aux comédiennes de plus de 50 ans.

    Née en décembre 2015, la commission AAFA-Tunnel de la Comédienne de 50 ans s'est donnée comme premier objectif  de lever l'omerta, c'est à dire de rendre visible l'invisibilité des femmes de 50 ans dans les fictions.

    Le tunnel promis aux comédiennes de 50 ans et plus

    Un combat minoritaire et réservé à une niche de la population ? Marina Tomé répond par la négative : "Notre réalité professionnelle est en effet le reflet d’une image des femmes, stéréotypée, préjugée ou ignorée, portée par les fictions. Elle est aussi le reflet de ce que vivent les femmes dans la société en général : même plafond de verre, mêmes inégalités sociales, salariales et même condescendance a priori pour ce qu’une femme crée, fait ou produit. Que l’on soit caissière, chercheuse au CNRS ou artiste, c’est pareil."

    La commission AAFA-Tunnel de la comédienne de 50 ans se mobilise en premier lieu pour appeler un chat un chat : nommer ce tunnel et cette double discrimination "c’est déjà sortir de la solitude et de la remise en question personnelle."

    Ce collectif entend également collecter des études sur ce sujet comme des expériences vécues, en France comme à l’étranger afin de communiquer et de sensibiliser l’opinion.

    Dans l’univers impitoyable du spectacle, cette commission entend peser de son poids pour faite bouger les lignes auprès des institutions, des professionnels et des médias.

    Un lobby féministe est sans nul doute en train d’émerger pour donner de la voix et mettre de nombreuses professionnelles sur le devant de la scène.

    http://aafa-asso.info/tunnel-de-la-comedienne-de-50-ans

    Elles sont où ?” n°1
    Elles sont où ?” n°2
    Elles sont où ?” n°3
    Mannequin Challenge 2017