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jazz - Page 4

  • David Linx invite

    Revoilà le jazzman belge David Linx, dans une série de performances vocales, mais cette fois pour un album de duos et de featurings, Be My Guest. C’est peu dire que, véritable athlète de la voix, David Linx, le plus parisien des jazzmen bruxellois, nous avait tapé dans l’œil avec son précédent album, Skin in The Game, sorti en 2020. Le musicien invite cette fois du beau monde dans un opus produit avec soin et se jouant des frontières musicales. Pensez un peu : le pianiste argentin  Gustavo Beytelmann, le guitariste Nguyên Lê, le pianiste israélien Or Solomon ou le percussionniste belge Bart Quartier. Grâce à de pareilles pointures, le jazzman ne pouvait que proposer des créations ou des reprises d’une incroyable diversité et originalité.

    “Ce projet est venu à moi très naturellement tel un inventaire qui se réclame, un peu comme si je retournais à l’école. Il est un hommage à la transmission, à l’esprit de curiosité indissociable et indispensable à cet apprentissage par soi-même" a expliqué David Linx pour présenter son nouvel album.

    Au minimalisme contemporain et étrange de "Close To You" avec Magic Malik à la flûte répond la mélancolie de "Making Do, Making News" avec Eric-Maria Couturier au violoncelle. La voix de Linx s’empare des lignes mélodiques d’Elgar avec délectation. "My Bee", avec le guitariste Nguyên Lê est un jazz apaisé puisant des inspirations dans un ailleurs que sert admirablement le guitariste français, avec la voix autant en nuances qu’en puissance du chanteur belge.     

    Avec "By The Seine, nous voilà maintenant à Paris dans une création mélancolique du percussionniste Bart Quartier ("By the Seine I walk, I deam / Sitting down, letting off steam…". David Linx retrouve aussi Diederik Wissels pour le titre "The Bystander effect". La complicité des deux artistes est évidente dans cette manière de mixer jazz, électro et musique urbaine, dans une fusion incroyable de jazz et d’électro à la Kraftwerk.

    Écoutons maintenant "Vanguard » avec Ran Blake : là, les qualités de crooner de David Linx font sens, non sans une facture très contemporaine et des expressions sombres et tourmentées, tels des fantômes rôdant autour des artistes : "Soon the night is here / They all reappear / The shadows of thought are real". 

    David Linx a pour instrument une voix aux possibilités presque infinies

    David Linx a pour instrument une voix aux possibilités presque infinies, promettant d’emmener l’auditeur vers des territoires musicaux dépaysants. On pense bien évidemment à "Waves" que le musicien interprète avec Theo Bleckmann.  

    Après "Letter to Trevor", un premier titre slam interprété avec Trevor Baldwin, c’est une reprise de Björk, "Hunter", que le Belge met à la sauce jazz avec le piano d’Or Solomon, tout en nappes irréelles.

    Le jazz de David Linx se pare en vérité de mille couleurs, à l’instar de "Pagina de Dor", en featuring avec Hamilton de Holanda au cavaquinho. Il s’agit là d’une autre reprise, cette fois d’un titre brésilien traditionnel  de Cãndido Das Neves et Pixinguinha.

    L’amateur de jazz retrouvera d’autres visites, dont une pas si étonnante que cela : "Round Midnight". Pour cette reprise de ce standard incontournable, le chanteur belge s’est entouré du pianiste arménien multi récompensé Tigran Hamasyan. La voix posée de David Linx choisit la sobriété, la concentration et la précision au cordeau pour servir ce classique du jazz.

    Revisite encore, avec "Tonight You Belong To Me". Rani Weatherby  accompagne au ukulélé le jazzman donnant tout sa fraîcheur et son exotisme à ce classique de la musique populaire américaine des années 1920.

    Avec "I Think It’s Going To Rain Today", avec le guitariste belge Peter Hertmans en featuring, c’est un autre standard, cette fois de Randy Newman, qui est remis au goût du jour, dans une ballade toute en nonchalance : "Lonely, Lonely, / Tin can at my feet. / Think I`ll kick it down the street, / That`s the way to treat a friend."

    "Emportez-moi" avec Marc Ducret est la seule chanson française de l’album de duos. Elle a été écrite par le guitariste français sur des paroles d’Henri Michaux, sur des notes volontairement discordantes, bienvenues pour mettre en musique le poème surréaliste de l’écrivain belge : "Emportez-moi sans me briser, dans les baisers, / Dans les poitrines qui se soulèvent et respirent, / Sur les tapis des paumes et leur sourire,/ Dans les corridors des os longs et des articulations."

    La chanson argentine emblématique "Como La Cigarra", de María Elena Walsh est reprise avec Gustavo Beytelmann, dans un tango lent et mélancolique terminant magnifiquement cet album d’amitié et de passions : "Tantas veces me mataron / Tantas veces me morí / Sin embargo estoy aquí / Resucitando".  

    David Linx, Be My Guest, The Duos Project, Cristal Records, 2021
    http://www.davidlinx-official.com
    https://www.facebook.com/DavidLinxOfficiel
    https://www.instagram.com/linxdavid

    Voir aussi : "David Linx, trouble-fait"

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  • Le b.a.-ba de Pamina Beroff

    C’est le label Jazz Eleven qui a fait signer Pamina Beroff pour son premier EP, Slides. Quatre des morceaux ont été écrits par Pamina Beroff et composés par le trompettiste Roman Reidid. Le cinquième est la reprise d'un standard. 

    Le jazz de Pamina Beroff est à la fois chaleureux et sans esbroufe. La jazzwoman s’y déploie avec une aisance bluffante. Il faut écouter "Rêverie", dans lequel elle commence le morceau sur la pointe des pieds, avant de laisser faire tout son talent de crooneuse.

    le deuxième extrait, "B.A", prouve que même la plus belle des voix ne se transcende jamais mieux qu’accompagnée par de bons instrumentistes. La production musicale de Jazz Eleven propose le meilleur du son, avec ces timbres étincelants et la voix délicate et presque fragile de la Parisienne. 

    Pamina Beroff prouve avec "I’ve Never Felt" qu’elle sait mettre de côté la virtuosité vocale pour capturer l’essence d’une ballade jazz se déployant avec insouciance, prouvant par là-même que la simplicité peut être élevée au rang des beaux-arts.

    Bien joué !

    "How Long", un morceau au  caractère bien trempé, aurait toute sa place dans n’importe quel excellent club de jazz qui se mérite. Pamina Beroff s'y meut avec grâce et un plaisir manifeste.

    L’album se termine avec une reprise du standard "In the Wee Small Hours of the Morning" de David Mann et Bob Hilliard, immortalisée par Frank Sinatra en 1955. La jazzwoman y insuffle sa modernité, sa féminité et ce quelque chose supplémentaire qui pourrait s’appeler la nonchalance, la jeunesse et la légèreté : "In the wee small hours of the morning / While the whole wide world is fast asleep / You lie awake and think about the girl / And never, ever think of counting sheep."

    Avec l’arrivée de cette nouvelle voix féminine, Jazz Eleven a sans aucun doute frappé un  joli coup. Bien joué !

    Pamina Beroff et son quartet sera en concert à Paris pour présenter Sides. Elle sera en featuring avec Giovanni Mirabassi. Cela se passera sur la scène du Bal Blomet ce jeudi 3 février à 20 heures.

    Pamina Beroff, Sides, Jazz Eleven, 2021
    Pamina Beroff quartet Feat Giovanni Mirabassi, au Bal Blomet, Paris 15e, jeudi 3 février 2022, 20 heures 
    https://www.paminaberoff.com
    https://www.facebook.com/pamina.beroff
    https://www.jazzeleven.com/product-page/pamina-beroff-sides

    Voir aussi : "Impressions soleil jazzant"
    "À contretemps avec Sarah Lancman"

    Photo © Constance Gay

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  • Chaman 2.0

    Le duo Octantrion a sorti cet automne le nouveau volet de son projet musical, sobrement intitulé : II. Ce nouvel opus devrait susciter de l’engouement, après le succès de leur précédent album, un auto-produit qui s’était hissé un temps dans le classement des meilleures ventes. La première édition a été par la suite remastérisée et augmentée de quatre nouveaux morceaux, baptisée 8, et sortie en 2018.

    Pour ce deuxième volet, Eléonore Billy et Gaëdic Chambrier, soutenus par la contrebasse de Jean-Philippe Viret (lauréat d‘une victoire de la musique en 2011) proposent un voyage dans la culture, les légendes, l’histoire et la mythologie des pays du Nord, à l’instar du premier titre, "Bältares Långdans", une création contemporaine tissée à partir d’un chant traditionnel suédois. Les deux musiciens français s’approprient des instruments traditionnels – nyckelharpa suédois, hardingfele norvégien, cistre basse nordique, mandoloncelle et guitare-harpe – au service d’une musique que l’on croirait venir de la nuit des temps.  

    C’est aussi "Hugin" et sa guitare syncopée, "Ragnarök", un hommage aux légendes nordiques avec une ballade tirée du folklore islandais ou encore "The Dead King", un chant mélancolique en anglais qui en hommage au corbeau-roi empalé sur un pieu, un morceau repris en fin d’album. La thématique du corbeau, comme symbole des cultures païennes vikings, sert de fil rouge à ce disque. Cet autre morceau, "Munin", fait la part belle à la mythologie scandinave en se centrant sur Munin, le second corbeau d’Odin.

    Octantrion se nourrit d’influences culturelles évidentes

    Octantrion se nourrit d’influences culturelles évidentes, en y mêlant le folk ("Strömkarlen Selar"), la pop ( "The Dead King Radio Edit"), le classique ("Element [Vilya]") et bien entendu le traditionnel ("Munin"). Quatre contrepoints, les "Element", ponctuent l’album en proposant des respirations "elfiques" sur les quatre éléments fondamentaux que sont l’air, le ciel, l’eau et la terre.

    Sur les quinze morceaux de l’opus, dix compositions originales côtoient cinq traditionnels suédois et islandais réarrangés. Outre "Bältares Långdans", il faut citer "En Gång När Jag Ska Dö", une ballade folk mêlant le traditionnel suédois, la pop et la folk, dans ce chant sur la mort et sur l’amour : "Un jour, quand je serai mort, les gamins viendront sur ma tombe et me diront quelle fille m’a aimé." Le morceau "Chaman", qui aurait pu donner son nom à l’album, est issu lui aussi d’un chant traditionnel islandais pour un nouveau voyage aux sonorités étranges.

    Ce nouvel album d’Octantrion fait le pont entre les traditions ancestrales et notre monde moderne, à l’instar d’"Against The Wind", plus pop pour ce morceau comme balayé par les vents glacés du nord et qui a été composé par Anne Hytta. C’est Olivier Derivière qui signe "Father" pour cette cette interprétation de la légende d’Amicia et Hugo, avec les instruments de la nyckelharpa et de la citole.

    Le voyage inattendu d’Octantrion se veut un vrai dépaysement géographique et temporel. Pari réussi.

    Octantrion, II, Quart de Lune/UVM Distribution/IDOL, 2021
    https://www.facebook.com/people/Octantrion/100063710617206/
    https://www.instagram.com/octantrion/?hl=fr

    Voir aussi : "Les âmes libres de Sarab"

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  • Jazz muté

    Le saxophoniste français Rodolphe Lauretta nous entraîne dans des Antilles à la fois proches et lointaines. Kreolia, le nom de son nouvel album est celui aussi du premier titre qui ouvre l’opus. Il s’agit d’un morceau paradoxalement très jazz, mais il s’agit d’un jazz qui aurait muté grâce à l’apport de rythmiques créoles. Portés par le saxophone du musicien et d’inventions sonores électro et contemporaines

    "The Roy" – en hommage à Roy Hargrove – a des sonorités à la fois jazz et funky. "Brazilian Truth", plus court : dans un jazz cette fois pas si lointain des Caraïbes, au Brésil, dans un titre métissé, bien entendu, entre samba, jazz et urbain. Voilà qui donne un accent hyper moderne  à ce projet musical initié par une commande du festival Jazz à Vienne autour d'un hommage à Madlib.

    Impossible non plus de ne pas parler des invités de cet opus à la belle richesse : le chanteur Dwight Trible, la chanteuse Genevieve Artadi du groupe Knower, le rappeur M.E.D aka Medaphoar et la chanteuse Ruppert Pupkin.
    "Ultraviolet" plus électro, comme un moment de smooth dans les étoiles. Du smooth dans les étoiles. Avec ce qu’il faut d’impro.

    Du smooth dans les étoiles

    "We Are All One" est un titre donnant tout son place au chant – et nous dirions même à la déclamation –  dans un son mêlant jazz et contemporain. La voix de Dwight Trible se mêle avec étrangeté et singularité avec le saxophone et les flûtes de Jî Drû.

    "Where To Go" jazz plus occidental et posé prouve que Rodolphe Lauretta connaît ses gammes, tout en regardant à la fois vers le continent américain et vers l’Europe.

    C’est avec Genevieve Artadi que le jazzmen s’aventure le plus loin, avec un superbe titre, "Anticipation", une magique création de sons, de textes, dans une pop-jazz luxuriante, voyageuse et délicate tout à la fois.

    Plus étrange encore est le titre "Mashupdistage" hallucinogène, sûrement, mais à la rigueur toute jazz. Impossible à ce sujet de ne pas parler de "Smookin’ Wid Lord Quas", avec ce  jazz "cool" très XXIe siècle. L’auditeur retrouvera sans doute ses marques avec "Sauvée", une chanson française de Ruppert Pupkin sur "les séquelles de l’oubli" "Un regard tuméfié", « Étranger de ma tête / Effacé à jamais").

    L’album de Rodolphe Lauretta se clôt avec l’étrange, audacieux et dépaysant "Haïti", dans un  mélange luxuriant de jazz, de pop et de rythmes caribéens, non sans. Sur des sons synthétiques, le thème bebop aux accents biguine font place à un second mouvement explosif et syncopé, typique du broken beat londonien. La primeur est laissée à la danse et à la transe, avec en apothéose les ferventes envolées du saxophone et du piano.

    Rodolphe Lauretta, Kreolia, Cristal Records, 2021
    https://www.rodolphelauretta.com
    https://www.facebook.com/rodolphelaurettamusic
    https://www.instagram.com/rodolphelauretta

    Voir aussi : "Les âmes libres de Sarāb"

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  • Like in Broadway with Carini

    Voilà un disque absolument parfait pour les fêtes de fin d’année : Yves Carini propose en ce moment son album de reprise The Way You Are, au parfum délicieux et hors du temps : celui des comédies musicales, des grands orchestres et des crooners romantiques.

    Pour son projet musical, constitué de neuf reprises et de deux inédits ("Sous les Mains d’Elsa" et le public "Savoir faire"), Yves Carini s’est entouré des meilleurs arrangeurs, notamment Jorge Calandrelli, producteur, arrangeur qui cumule six Grammy Awards, avec à son crédit tous les albums de Tony Bennett. À ses côtés, on retrouve aussi Randy Waldman, arrangeur et pianiste de Barbra Streisand et qui a travaillé notamment avec Frank Sinatra. Avec de telles collaborations, The Way You Are ne pouvait que se parer de couleurs jazz et crooner. "L’album s’écoute comme un  spectacle de Broadway", confie à ce sujet le musicien frenchy.

    L’auditeur trouvera dans cet album des reprises tombant sous le sens, à l’exemple du fameux "Hymne à l’amour" d’Édith Piaf, du succès international "Eye In The Sky" des The Alan Parsons Project ou encore du tube intersidéral "Just The Way You Are" qu’avaient chanté Billy Joel, Barry White ou Bruno Mars.  

    L’incroyable reprise de "Saint Claude" de Christine and The Queens

    La première surprise vient de la reprise du désormais classique "Un homme heureux", une revisite dont nous avions déjà parlé sur Bla Bla Blog. Yves Carini abandonne la ballade murmurée, timide et plaintive de William Sheller pour un titre alliant recherche amoureuse, mélancolie et espoir. Il faut entendre comment Yves Carini choisit de chanter le droit au bonheur et à l’amour sur un rythme jazzy, avec la guitare brillante de Larry Koonse qu’il faut absolument mentionner ici.

    L’auditeur français découvrira sans doute le standard de jazz italien "Estate", composé par Bruno Martino et popularisé par Joao Gilberto. Avec cette reprise d’Yves Carini, nous voilà dans La Dolce Vita. Il n’y a qu’à fermer les yeux pour se retrouver dans le film de Federico Fellini, avec Marcello Mastroianni et Anita Ekberg, une nuit à Rome. Quoi de plus romantique ?

    On est toujours dans l’amour avec la version singulière de "Love Me Like You Do" d'Ellie Goulding. Le crooner français fait même une version française et romantique ("Aime-moi comme tu es") de ce  titre qui a illustré la bande originale de Cinquante Nuances de Grey !

    Yves Carini sait surprendre son public avec l’incroyable reprise de "Saint Claude" de Christine and The Queens. Le musicien reprend une scène grise et cruelle vécue à Nantes par la chanteuse pop française pour en faire l’histoire d’une rencontre envoûtante. Il colore le tube de Christine and The Queens d’un rythme jazz audacieux, au point d’en faire un standard digne de Broadway. Qui l'eût cru ?

    Après cette revisite ébouriffante et désarçonnante qui ne laissera personne indifférent, Yves Carini propose une reprise aussi classique qu’élégante des "Mots bleus", dans une mélancolie très smooth.

    Yves Carini, The Way You Are, Yesansa, 2021
    https://yvescarini.com
    https://www.facebook.com/yvescarini

    Voir aussi : "Retour vers le futur"
    "Thomas Dutronc, c’est si bon"
    "Lady Gaga et Tony Bennett, joue contre joue"

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  • Impressions soleil jazzant

    Il y a  de l’impressionnisme jazz dans le nouvel album de Giovanni Mirabassi, Pensieri Isolati, sorti cet automne. Impressionnisme mais aussi romantisme, non sans des éclairs modernes et contemporains, à l’instar de l’extrait "Un peu comme cette époque". Car contemporain, l’album l’est indéniablement dans son parti pris de proposer des morceaux résolument dans leur époque.

    Prenez "The Healing Waltz" : cette valse à la fois douloureuse et miraculeuse est servie par le piano virtuose de Giovanni Mirabassi et des improvisations éblouissantes. Le pianiste italien est capable de mixer les impressions, les couleurs et des sonorités variant de la mélancolie à l’espoir, en passant par les tourments, le romantisme et le spleen. Cette valse est aussi le portrait d’un artiste malade puis guéri, comme il le confie lui-même : "La valse de la guérison. J’ai composé ce thème alors que j’étais moi-même malade, et il porte bien son nom. L’idée de l’album est née en même temps que ce premier morceau".

    Pensieri Isolati s’écoute comme un témoignage jazz sur l’une des périodes les plus hallucinantes de notre époque : celle de la pandémie et du confinement qui a immobilisé le monde pendant plusieurs mois ("Un peu comme cette époque", "What's new", "Le libre arbitre", "Behind the white door"). Giovanni Mirabassi a imaginé son opus comme le tableau d’une solitude et le fruit d’une période comme suspendue en raison de la crise sanitaire : "Je me suis échappé de mon confinement, d’un air conspirateur toutes les semaines, pour enregistrer un bout de ma solitude et le mettre de côté pour demain, lorsque le brouhaha du monde aura repris le dessus", dit-il d’ailleurs.

    Comme si la musique s’ébrouait pour revenir à la vie

    "Pensées isolées" est l’un des titres qui illustre le mieux l’album. À la facture sombre, le morceau exprime cette vie ne cherchant qu’à quitter la solitude confinée. Si une seule expression pouvait définir Pensieri Isolati, se serait sans doute celle du "voyage intérieur" ("Seascape"), alternant spleen, frustration, envie mais aussi résistance et dynamisme, comme si la musique s’ébrouait pour revenir à la vie et vers la lumire.

    Giovanni Mirabassi propose d’autres étonnants et séduisants titres : un chant amoureux et mélancolique, "Canta che ti passa", un singulier et sensuel "Reactionnary Tango"  et une chanson française – la seule de l’album, "Où voulez-vous que je m’assoie", en bonus de cet album intime et personnel, comme le commente le musicien : "J’ai profité de cette brèche dans l’espace-temps pour faire un disque de mélodies intimes, certaines composées par mes soins et d’autres non, telles des fulgurances de ma jeunesse musicale, du temps d’avant le temps d’avant, lorsque je n’imaginais pas un jour enregistrer des disques, parcourir les cieux et jouer pour les gens". 

    Cet album a été la base d’un spectacle créé en coproduction avec le Théâtre du Châtelet et le Centre Événementiel et Culturel de Courbevoie en octobre 2021.

    Giovanni Mirabassi, Pensieri Isolati, Jazz Eleven, 2021
    https://www.giovannimirabassi.com
    https://www.jazzeleven.com/pensieri-isolati-project
    https://www.instagram.com/gmirabassi

    Voir aussi : "Retour et parenthèse italienne avec Sarah Lancman et Giovanni Mirabassi"

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  • Les âmes libres de Sarab

    S’il y a un album qui a attisé cet automne notre intérêt c’est bien celui-là : Arwāh Hurra, le deuxième album de Sarāb, un groupe créé à partir de la rencontre entre la chanteuse franco-syrienne Climène Zarkan et du guitariste Baptiste Ferrandi. Pour ce projet musical, les six musiciens de Sarāb ont invité le percussionniste Wassim Hallal, le joueur de saz Abdallah Abozekry ou encore l'auteur de SF Alain Damasio.

    "Sarāb" signifie "mirage" en arabe. Il est vrai que cette fusion rare entre musique arabe, jazz et pop-rock occidental apparaît comme un sémaphore étrange, presque irréel, mais tellement intéressant !

    Prenez par exemple "Yally shaghalt al bāl" ("Celui qui occupe mes pensées"), le titre qui ouvre l’album. On assiste là à un métissage enivrant de world music de chanson française arabe et de pop rock. Climène Zarkan chante avec un romantisme exacerbé "celui qui hante toutes mes pensées / Si seulement j'étais dans tes pensées".

    Dans sa course aux recherches de sons, Sarāb ose avec "Lilliths' Samaii" un électro rock éclairé par la voix incroyable de Climène Zarkan, se brisant aux trois-quarts du morceau pour s’aventurer dans du son heavy métal, donnant au morceau l’éclat d’un diamant noir incandescent.

    Après ce moment à couper le souffle, "Yā Snīn Hubbī" propose un morceau de jazz arabe mâtiné d'électronique pour créer un univers bariolé et passionné, qui est aussi une rencontre entre les influences occidentales et les sons orientaux. 

    La liberté est le maître-étalon de ce deuxième opus

    "Il y a une erreur sur le nom étranger" : ainsi commence "Nahnu Haraq" ("Étranger est un verbe"), morceau engagé avec la prosodie d'Alain Damasio et ce cri : "Au nom de quoi empêcher les gens d'aller de voler de voguer d'une rive à l'autre ?" Ce titre, tout comme les deux interludes "Reminiscence", font définitivement d’Arwāh Hurra un opus construit comme un concept album dans lequel il est question d’amour, d’humanité, de traditions, d’hypermodernité, de poésie, de liberté, de féminisme et de réflexions sur le futur.

    La musique hyper créative n’est pas en reste, que ce soit le rock arabe et urbain "Mā Bahwad Had", avec la voix toute en circonvolutions, en puissance et en audace de Climène Zarkan, le "Choral", une ballade toute orientale, sensuelle et exotique, portée par une orchestration délicate et ramassée, le morceau pop et jazz "Tikhūnūh", toujours en arabe ou encore "Collapse – Inhiār", une curiosité mêlant traditions arabes, création contemporaine, jazz, rock et électronique, dans un titre sombre et claustrophobe.

    L’auditeur trouvera dans "Zidnī bi farte al hubb" un son plus traditionnel comme venu du fond des temps avant de s'envoler vers une joie communicative.

    "Arwah hurra - Âmes libres" vient clôturer de la meilleure des façons l’album avec cette ballade au piano à la facture classique. On atterrit tout en douceur, non sans un riff de guitare inattendu et un bonus surprise, si on la curiosité d’attendre la fin du morceau.

    Est-il encore utile d’ajouter pour conclure que la liberté est le maître-étalon de ce deuxième opus d’une richesse incomparable ? 

    Sarāb, Arwāh Hurra, L'Autre Distribution, 2021
    https://www.sarab-officialmusic.com
    https://www.facebook.com/sarabofficialmusic
    https://www.instagram.com/sarab_officialmusic

    Voir aussi : "Comme un grand océan de rock"

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  • Lorsque le saxo résonne

    C’est avec son trio Triple Roots que le saxophoniste Eric Seva a réalisé son album bien nommé  Résonances. "Résonances", comme le rappel de sons venus de loin, aussi bien géographiquement que temporellement.  

    Il est vrai que ce nouvel album est une invitation au voyage autant qu’une ode au dépaysement. Que l’on pense au mystérieux et languide "Luz de Port Coton" et surtout à  "Les roots d’Alicante" qui ouvre l’opus avec son jazz cool et soyeux, pour ce morceau frais comme un matin d’été et sachant s’encanailler. 

    Coloré et teinté de mélancolie

    Pour cet album à la fois coloré et teinté de mélancolie ("Résonances"), le saxophoniste est accompagné par Kevin Reveyrand à la basse et Jean-Luc Di Fraya à la batterie et aux percussions.

    Eric Seva et ses amis de Triple Roots ne prennent pas en otage l’auditeur : ils le prennent délicatement par la main pour une jolie déambulation ("Le village d’Aoyha"). Tout aussi globe-trotteur, "Green Landscapes" a ce je ne sais quoi de délicat dans ce jazz qui vient doucement caresser les oreilles.

    "Canopée", qui vient conclure l’opus du saxophoniste, exprime une superbe mélancolie, comme un atterrissage après un long voyage. Et de jolies vacances.

    Éric Séva - Triple Roots, Résonances, Laborie Jazz, 2021
    https://www.ericseva.com
    https://www.facebook.com/EricSevaofficiel
    https://www.instagram.com/ericsevaofficiel

    Voir aussi : "Ola Kvernberg brouille les pistes"
    "Éloge de la folie"

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