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Pourquoi faire la fine-bouche devant ce conte moderne qu’est L'Aventure des Marguerite, sorti l’an dernier et que Canal+ propose en ce moment ?
Le sujet du film, tiré d’une bande dessinée (Le temps des Marguerite de Vincent Cuvellier et Benoît Robin, éd. Gallimard), est assez classique en soi : un voyage dans le temps d’une jeune femme, prétexte à une série de situations mêlant anachronismes et aberrations spatio-temporelles. Mais là où le film de Pierre Coré étonne c’est de proposer deux voyages en un par : l’un dans le passé effectué par Margaux, une adolescente de 2018 catapultée en pleine seconde guerre mondiale, l’autre parsondouble de 1942, Marguerite, qui, dans le même temps, découvre, ébahie, la France du début du XXIe siècle.
Les deux jeunes femmes, jouées par la même actrice, la pétillante Lila Gueneau, ont pour point commun de ne plus avoir de père : l’un a disparu dans la tourmente de la guerre tandis que l’autre est parti s’expatrier en Australie après un divorce. Les voyages des deux Marguerite a pour objectif la recherche de ces deux paternités.
D’un côté l’ado tête à claque et de l’autre la jeune fille corsetée
Véritable conte moderne, L’Aventure des Marguerite laisse paradoxalement de côté l’aspect magique : il est bien entendu question d’une étrange malle qui sera le médium de ces sauts spatio-temporels, mais elle est bien vite oubliée au profit des voyages initiatiques de deux jeunes filles mal dans leur époque, pour des raisons différentes.
Dans le rôle des deux Marguerite – en réalité Marguerite et Margot – Lila Gueneau se révèle en actrice pouvant endosser parfaitement d’un côté l’ado tête à claque de ce début de millénaire et de l’autre la jeune fille corsetée dans un milieu et une époque difficiles.
Clovis Cornillac et l’irrésistible et truculente Alice Pol se sortent plutôt bien de cette comédie qui se regarde avec plaisir, même si le film ne passe pas à côté de curiosité scénaristiques (on pense à l’évasion en avion). Du bon sentiment, rechigneront certaines et certains...
Bon, d’accord. N’empêche que les histoires de voyages dans le temps transbahutent souvent leur lot de surprises faits d’anachronismes, d’aberrations et d’uchronie. Ajoutons à cela, pour L’Aventure des Marguerite, une réflexion sur la paternité. Voilà qui donne une comédie sympa, pour ne pas dire une jolie surprise. Sans oublier, une nouvelle fois, la révélation qu’est Lila Gueneau.
Voilà qui est très satisfaisant, comme le dirait une Margot de son époque.
Il ne reste que quelques jours pour découvrir sur Canal+ l’étrange et traumatisant Midsommar d’Ari Aster, avec Florence Pugh dans le rôle de Dani, cette jeune femme catapultée dans un monde faussement utopique.
Le sujet de ce long-métrage américano-suédois est assez rare pour être souligné : les sectes.
Le film démarre avec des couleurs et une atmosphère sombre : Dani apprend la mort brutale de ses parents et de sa sœur dans ce qui ressemble à un suicide collectif. La jeune femme est bouleversée et ce n’est pas la présence de Christian, son fiancé qui peut l’apaiser. Entre eux, les relations sont pour le moins fraîches et le jeune homme l’aurait sans doute quittée sans cet événement tragique.
Histoire de montrer sa bonne volonté, il lui propose, sans y croire vraiment, de l’inviter en Suède pour assister à un festival atypique se déroulant tous les 90 ans. Dani y découvre une petite société accueillante mais aussi inquiétante.
La lecture symbolique d’un couple en train de se dissoudre
Ari Aster imagine une communauté coupée du monde dans une région où le soleil ne se coupe pas, en faisant le choix de la lumière surexposée et des couleurs. C'est la grande idée du film. Il s’agit d’un parti-pris esthétique pertinent puisque ce que vont découvrir Dani, Christian et leurs amis c’est un cauchemar indicible, avec en particulier des scènes marquantes, y compris pour le spectateur.
C’est patiemment, et avec une sérieuse dose de perversité, que le réalisateur déroule son récit commençant à la manière d'un thriller – la mort d’une famille – et se terminant comme un conte cauchemardesque lumineux et fleuri.
Non sans humour noir et cynisme, Ari Aster fait de ce cauchemar une revisite des films d’horreur tout autant que la dénonciation des dérives sectaires sur fond de peur apocalyptique et d’un désir de retour à la pureté et à la nature. Et tant pis si cette quête primitive est justifiée par un discours lénifiant et pseudo-philosophique. Ari Aster fait de ses deux personnages principaux, Dani et Christian (deux prénoms bibliques soit dit en passant), les otages, consentants ou non, d’un milieu terrifiant. Le spectateur pourra aussi faire de Midsommar la lecture symbolique d’un couple en train de se dissoudre. Ce qui n'enlève rien au caractère horrible de cette expérience.
Midsommar, drame horrifique américano suédois d’Ari Aster, avec Florence Pugh, Jack Reynor, William Jackson Harper et Will Poulter, 2019, 147 mn https://a24films.com/films/midsommar
Vivian et Johnny, le documentaire de Matt Riddlehoover, est un hommage autant qu’un essai de réhabilitation d’une femme que le public américain a oublié, pour ne pas dire méprisé (comme le prouve par exemple le biopic de 2005 Walk The Line, avec Joaquin Phoenix et Reese Witherspoon dans les rôles principaux).
Vivian Liberto Distin est plus connue sous le nom de Vivian Cash, la première épouse de la star de country Johnny Cash. Lorsqu’ils se rencontrent et tombent amoureux, le musicien est un obscur soldat américain de l’Air Force. Les deux amoureux n’ont de cesse de s’écrire lorsque Johnny Cash est en garnison en Allemagne de l’Ouest pendant trois ans. Des centaines de lettres témoignent de leur relation passionnée. S’ensuit un mariage en 1954 puis une première enfant. Trois autres filles suivront, et ce sont précisément ces filles qui viennent donner leur version de ce qu’a été l’existence de Vivian Liberto, ex Cash.
Après une période de vache maigre – paradoxalement la plus heureuse, de l’avis même des intéressées – la carrière de Johnny Cash commence. C'est un véritable raz-de-marée fait de concerts, de disques, de tournées à travers le pays, de groupies mais aussi d’excès en tout genre – drogues, alcool, voyages incessants, invitations à des émissions de radio ou de télé mais aussi rencontres et relations extraconjugales. Pendant ce temps, Vivian reste à la maison pour s'occuper de leurs enfants. Surveillée par des fans enthousiastes, Vivian fait son possible pour élever ses quatre filles et attend jour après jour le retour d’une star de plus en plus absente. La fin du couple est déjà écrite, a fortiori lorsqu’une autre femme - June Carter - a déjà trouvé une place dans la vie du joueur de country.
Portrait d’une femme magnifique, héroïque et véritable mère-courage
Mieux que le récit de la dilution d’une relation amoureuse, Vivian et Johnny, la légende de Nashville est le portrait d’une femme magnifique, héroïque, véritable mère-courage en dépit de ses défauts que ses filles ne cachent pas et qui restait prisonnière d’une cage dorée que son mari avait construite.
Le documentaire de Matt Riddlehoover fait de Johnny Cash un personnage paumé et abandonnant femme et enfants au bénéfice de sa propre carrière et de ses égarements. Que l’on pense à son arrestation en 1965 au Mexique pour possession de drogues. À cela s’ajoutent ces préjugés sexistes et racistes du sud des États-Unis. Le spectateur découvre avec effarement les rumeurs persistantes sur la couleur de peau de Vivian Cash en raison d’une photo de mauvaise qualité. Le Klu Klux Klan va jusqu'à se manifester pour protester contre ce mariage d'un musicien blanc du sud des Etats-Unis avec une femme qu'ils soupçonnent d'être noire.
Vivian et Johnny reste cependant le récit d’une relation qui a malgré tout persisté, en dépit d’un divorce et de l’image féroce que le public et les médias américains ont laissé de Vivian. À la mort du musicien en 2003, son existence est même soigneusement effacée jusque dans les hommages à Johnny Cash. En dépit de tout, elle gardera toujours pour lui une bouleversante affection : "Elle est morte en l’aimant toujours de tout son cœur" affirme l’une de ses sœurs, comme le prouvent ces centaines de lettres que Vivian Liberto Distin, ex Madame Cash, gardait précieusement.
Ce document rare et inoubliable est disponible en VOD chez UniversCiné, Orange, Canal VOD, Arte VOD, CinéMutins et Microsoft.
Vivian et Johnny, la légende de Nashville, documentaire américain de Matt Riddlehoover, avec Vivian Loberto, Johnny Cash, Rosanne Cash, Kathy Cash Tittle, Cindy Cash et Tara Cash Schwoebel, 90 mn, Destiny Films, 2021 En VOD chez UniversCiné, Orange, Canal VOD, Arte VOD, CinéMutins et Microsoft https://www.destinydistribution.com/distribution/vivian-et-johnny-la-legende-de-nashville
France 2 a proposé cette semaine son documentaire L'Histoire secrète de la Résistance. Règle du replay oblige, il reste très peu de temps pour découvrir ce passionnant film de presque deux heures sur une des pages les plus sombres et les plus héroïques de l’histoire de France.
Je parlais de documentaire. Il s’agit en réalité plutôt de docu-fiction, même si ce terme un peu fourre-tout ne fait pas vraiment honneur à la réalisation de Caroline Benarrosh.
Grâce à des images et des écrits souvent inédits, la Résistance française devient compréhensible, aidée en cela par des reconstitutions fidèles et des acteurs et actrices incarnant personnalités connues ou anonyme.
Le film suit quelques figures – le colonel Rémy, Pierre Fresnay, Berty Albrecht ou Georges Beaufils – avec dans l’optique de montrer les différents aspects de la Résistance (à telle enseigne que l’on peut parler de "Résistances" au pluriel) : comment ces réseaux fonctionnaient, quelle était leur idéologie et comment s’est passée leur fusion, sous la houlette de Jean Moulin, figure capitale de cette période.
La grande qualité du film est de montrer des moments forts, trahissant la complexité de la période. On pense par exemple la rencontre entre Pierre Fresnay, responsable du réseau "Combat" et surveillé par Vichy et le ministre de l’intérieur Pierre Pucheu. On pense aussi les liens qui s’établissent entre le Colonel Rémy, alias Gilbert Renault, militant d’extrême droite et le communiste Georges Beaufils. Deux ennemis irréductibles en temps normal qui deviennent des alliés de circonstance.
Dans ces récits où la grande histoire rencontre la petite histoire, il est question de destins hors normes, de gens ordinaires se lançant dans de l’espionnage, des actions de terrorisme ou de vraies batailles, derrière "une vie d’apparence normale", avec ces risques inouïes que sont les arrestations, les tortures, les déportations ou les exécutions. Le documentaire revient sur le premier acte de résistance, le 11 novembre 1940, avec une commémoration sauvage et interdite de l’armistice de la guerre 14-18. Que de chemin parcouru entre cet acte héroïque mais vain et le défilé organisé et filmé par 250 maquisards de l’Ain trois ans plus tard !
Le Général de Gaulle a fait preuve d’un bluff incroyable
Le documentaire ne tait pas le singulier silence des mouvements de résistance au sujet des juifs : après le succès d’une manifestation organisée nationalement par l’ensemble de la Résistance française, le 14 juillet 1942, la tragédie du Vel d’Hiv trois jours plus tard est "à peine évoquée par les publications résistantes." Sans doute ses dirigeants ne voulaient-ils pas aborder ce sujet trop sensible dans une France antisémite et se mettre à dos l’opinion, avancent les auteurs du documentaire.
L'histoire secrète de la résistance est aussi et avant tout une lutte guerrière autant que politique autour de l’organisation de la Résistance et leur unification. Le documentaire raconte comment le Général de Gaulle a fait preuve d’un bluff incroyable pour fédérer des groupuscules qui communiquaient très peu entre nous. Le spectateur découvrira également comment la fusion avec les résistants communistes a pu se faire, et grâce à qui. Le documentaire revient également sur l’année 1943, année phare et capitale, marquée autant par la création du Conseil National de la Résistance et de l’Armée Secrète que par l’arrestation de Jean Moulin et de grandes figures de la Résistance.
De cet hommage au résistants célèbres ou anonymes, on retiendra, comme le dit un témoin, que "sans renier à leur conviction… tous se sont fondés dans le creuset d’une guerre pas comme les autres."
L'histoire secrète de la résistance, documentaire français de Caroline Benarrosh, 111 mn, 2021, France 2, présenté par Julian Bugier https://www.france.tv
Deux portraits, deux documentaires, deux personnalités exceptionnelles et deux joueurs de football légendaires. Hasard du calendrier télévisuel, Netflix et Canal+ proposent presque en même temps deux films qui vont passionner tous les amateurs de ballon rond.
Le premier, consacré à notre "platoche" national, conte l’histoire – presque – ordinaire d’un petit gamin de Meurthe-et-Moselle devenu en quelques années le roi des stades, sans avoir pu toutefois toucher le nirvana (en l'occurrence une coupe du monde) avec son équipe nationale.
Les plus âgés d’entre nous savent qu’avant que Michel Platini ne devienne l'un des pontes décrié du football européen, il fut un milieu de terrain au pied magique, élu par un magazine spécialisé comme le meilleur footballeur français du XXe siècle, devant Zinedine Zidane et Raymond Kopa. Il a rendu fou ses adversaires avec des coups francs venus d’une autre planète, et son génie lui a valu trois ballons d’or consécutifs, de 1983 à 1985.
Jean-Marie Goussard a choisi pour son documentaire des archives non-commentées, donnant à son film un aspect brut, qui permet au spectateur de se régaler autant que de juger par lui-même la qualité d’un joueur qui n’a joué que dans trois équipes nationales (Nancy, le mythique Saint-Étienne et la Juventus de Turin). Cette relative fidélité fait de Platini "le dernier romantique", comme l’indique le sous-titre du film. Évidemment, le must du must de sa carrière exceptionnelle reste la demi-finale de 1982 contre l’Allemagne, un sommet du sport mais aussi de la dramaturgie, qui n'a pas laissé au joueur le mauvais souvenir que l'on penserait.
Un sommet du sport mais aussi de la dramaturgie
L’autre documentaire, sobrement intitulé Pelé, nous vient de Grande-Bretagne et parle lui aussi d’un génie du football – si ce n’est DU génie. Pelé, moins connu qu’on ne le croit, a droit à un portrait à la fois élogieux et nuancé. Le palmarès de Pelé fait rêver : trois coupes du monde avec l’équipe nationale, des dizaines de coupes nationales dont deux coupes intercontinentales et le championnat américain et pas moins de 1300 buts (dont un record de 8 buts pour un seul match). Le joueur accepte pour ce film de témoigner devant la caméra.
C’est essentiellement sur ses coupes du monde que s’intéresse le réalisateur. Huit ans après le traumatisme de la finale perdue en 1950 à domicile contre l’Uruguay, en 1958 Pelé devient à 17 ans un héros national en remportant son premier titre important. Un titre que l’équipe nationale conserve quatre ans plus tard, même si Pelé se blesse et ne participe pas aux matches à élimination directe. En 1970, en fin de carrière, le Roi Pelé est de retour dans ce qui reste comme le sommet de sa carrière.
David Tryhorn et Ben Nicholas écornent malgré tout l’image de ce génie du ballon rond lorsqu’ils parlent de la manière dont Pelé a vécu la période de dictature militaire brésilienne de 1964 à 1985. Les témoins n’épargnent pas celui qui reste le Brésilien et le footballeur le plus connu au monde : il était "Incapable de contester, de critiquer" et "Il se faisait remarquer par son manque de prise de position politique", apprend-on de quelques témoins. Plus gênant encore, la coupe du monde gagnée en 1970 a constitué un inespéré coup de projecteur sur les dictateurs de cette "guerre sale".
Sans pour autant refuser ces critiques, Pelé répond en joueur de foot qu’il fut : "Je ne pensais pas que je pouvais faire quelque chose… Je n’étais pas Superman, je ne faisais pas de miracle… Je suis absolument certain d’avoir bien plus aider le Brésil en jouant et en vivant comme je l’ai fait…"
Une canne, un chapeau melon trop petit, un pantalon trop large, une veste très cintrée, des chaussures de plusieurs tailles plus grandes et une petite moustache pour vieillir Chaplin jugée trop jeune à l’époque où il est engagé pour son premier rôle au cinéma – nous sommes en 1913 et il n’a pas 25 ans : le vagabond est né. Il n’a pas de nom mais en France il s’appellera Charlot. Un personnage né en quelques minutes, "mais il vient de loin en réalité", commente Mathieu Almaric dans l’excellent documentaire de près de 2H30 consacré à Charlie Chaplin.
France 3 proposait ce mercredi en prime-time Charlie Chaplin, le génie de la liberté, l'excellent film d’Yves Jeuland. Puisque France Télévision a la fâcheuse habitude de restreindre ses programmes en replay à 8 jours après leur diffusion en direct, il ne vous reste qu’une semaine pour le découvrir. Autre regret : que les extraits des films ne soient ni doublés ni sous-titrés.
2H30 : c’est à la fois long pour un documentaire et court pour retracer une carrière exceptionnelle commencée très tôt, à Londres, puisque le jeune Charles Spencer Chaplin, né en 1889, a brûlé les planches dès son plus jeune âge. Une vraie enfance à la Dickens : un père alcoolique les ayant abandonné, une mère courage enfermée épisodiquement dans un asile après une carrière de comédienne pantomime. Cette dernière, nous apprend le documentaire, élevait ses enfants de telle manière qu’ils agissent comme des aristocrates distingués, ce qui sera l'une des caractéristiques de Charlot. C’est à sa mère et à son enfance anglaise que Chaplin doit de nombreuses inspirations, et en premier lieu son fameux personnage, vagabond apatride, digne et humain, qui est aussi un hommage à un clochard londonien élégant qu’il imitait enfant pour faire rire sa mère.
Voilà qui rappelle aussi The Kid (1921), son premier long-métrage, qui est aussi le plus personnel. C’est d’ailleurs de ce film que traite en ouverture le documentaire d’Yves Jeuland : le Charlot gagman génial et parfois féroce se transforme grâce à ce film en chevalier désargenté et généreux, recueillant un gamin qui avait son âge lorsque sa mère fut internée et qu’il dut se débrouiller seul.
Pas tout à fait seul, cependant. Son frère Spencer lui permet, malgré son jeune âge, de rejoindre une troupe de spectacles, celle de Fred Karno. Il y fait se ses premières armes, se fait remarquer par son génie comique et conçoit des postures qui lui vont lui servir des années plus tard, à l’instar des virages à cloche-pied et à angle droit, une des habitudes de Charlot. Il rencontre aussi un certain Arthur Stanley Jeffersson, sa doublure et qui deviendra plus tard Stan Laurel.
Une tournée aux États-Unis lui permet d’être remarqué puis recruté en 1913 pour jouer dans un de ces innombrables films dans lequel apparaît le personnage de Charlot.
Au bout de deux ans, Chaplin devient "l’homme le plus célèbre au monde". Le documentaire parle de 12 millions de spectateurs par jour. "La folie Chaplin" se mesure en nombre de livres, de BD, de chansons, de dessins animés, de produits dérivés mais aussi de (mauvais) plagiats – y compris féminins ! – et de (pathétiques) imitations. Et pourtant, il n’a que 27 ans et n’a tourné aucun long-métrage.
La perfection guide son travail de comédie, menée à l’excellence. Tout est chronométré dans les gags et ses histoires rappellent son passé fait de privations, de violences, de faim et d’humiliations. L’Émigrant, est-il dit, est son film préféré de l’époque.
"L’homme le plus célèbre au monde"
Après la création en 1919 de la compagnie United Artists avec Mary Pickford – "la petite fiancée de l’Amérique" –, Douglas Fairbanks (son véritable ami) et D. W. Griffith, Chaplin se lance sans ses grands longs-métrages : La ruée vers l’or (1925), Le cirque (1928), un de ses grands chefs d’œuvre et Les Lumières de la ville. Ce film de 1931 sort alors que le cinéma parlant commence à tout écraser. En plein crépuscule du muet, Chaplin créé un film toujours muet, avec une ouverture sonore mais sans parole (1931), avec la scène finale sans doute la plus bouleversante de l’histoire du cinéma. C’est un de ses grands triomphes, qui finit de lui apporter la gloire. En contrepoint à ce succès, le documentaire ne passe pas sous silence des histoires de mœurs dans l’Amérique puritaine : une liaison avec Lita Grey, mineure à l’époque, et qui se conclue par un mariage arrangé.
Après un voyage en Europe et en Asie digne d’un chef d’État, il s’attaque à un autre de ses grands films : Les Temps modernes, tourné et sorti en pleine Dépression (1936). Il a engagé, comme partenaire aux côtés de Charlot, Paulette Goddard avec qui il s’est marié en toute intimité. Pour la première fois, la voix de Charlot se fait entendre, mais en musique uniquement, et dans une langue inventée – un nouveau pied de nez à l’industrie du cinéma parlant, auquel le réalisateur n'adhèrera jamais complètement.
Suivra Le Dictateur (1940), une comédie engagée, enragée et irrésistible contre Adolf Hitler. Les deux hommes sont nés la même année, le même mois, la même semaine, rappelle le documentaire. Chaplin faisait remarquer que le dictateur allemand a adopté la même petite moustache de Charlot : "Charlie joue deux rôles : le requin et le petit poisson… Le dictateur et le coiffeur, mais surtout Hitler et Chaplin. Pastiche et postiche . Un duel au sommet entre les deux personnages les plus connus du monde. L’homme qui fait rire face à l’homme qui fait peur." Chaplin a écrit ceci à propos de ce nouveau chef-d’œuvre : "Le dictateur est mon premier film dans lequel l’historie est plus grande que mon petit vagabond". Le premier film antinazi de l’histoire du cinéma, un triomphe public et un événement majeur, est paradoxalement le chant du cygne d’un artiste au sujet duquel les critiques américaines ne sont pas tendres : antimilitariste, Chaplin est jugé comme "sentimentaliste", "déplacé" et même "marxiste" !
La dernière partie du documentaire traite de la partie la plus sombre de celui qui figure parmi les 5 plus grands cinéastes de l’histoire.
Le FBI le place sous écoute en raison de ses sympathies communistes. L’affaire Barry, du nom de Joan Barry une jeune actrice qui le fait chanter après une aventure malheureuse, jette en pâture un Charlie Chaplin écœuré. Son film suivant, la comédie meurtrière Monsieur Verdoux (1947) - cette fois sans Charlot – n’a plus l’éclat des films précédents.
Une tournée européenne en 1952 pour la promotion de son long-métrage Les Feux de la rampe l’éloigne pour le bon des États-Unis. Son visa américain ayant été révoqué, Chaplin décide de ne plus y revenir.
Il termine les 25 dernières années de sa vie en Suisse, continuant de travailler sans relâche sur sa musique, sur ses mémoires mais aussi sur ses derniers films, Un roi à New York (1954) et La Comtesse de Hong-Kong (1967).
Le film se termine sur le dernier hommage que lui a finalement rendu l’Amérique à la faveur d’une récompense aux Oscars en 1972, 5 ans seulement avant son décès. A 83 ans, on lui accorde un visa de 10 jours, le temps de son voyage aux États-Unis : "C’est bien. Ils ont encore peur de moi" commente, sarcastique, Charlie Chaplin. Le soir où l’oscar lui est remis, l’enthousiasme de la salle le bouleverse. Dans le public, il y a Jackie Coogan, l’acteur qui jouait le gamin du Kid, le petit vagabond auquel il s'est tellement identifié.
Ce dimanche, M6 diffusera un documentaire exceptionnel réalisé par le multi primé William Karel.
Avec son film Le Monde selon Trump, le cinéaste propose un éclairage intransigeant sur le 45e Président, que les électeurs américains vont réélire ou non, le 3 novembre prochain.
L’homme d’affaire et chef d’état républicain et populiste, candidat à sa propre succession, est lancée dans une course contre son concurrent Joe Biden pour l’emporter sur une élection que tous les observateurs considèrent comme capitale pour le pays… et aussi dangereuse pour la démocratie américaine.
Dans quel état Donald Trump laissera-t-il son pays après quatre années d'un mandat déjà marqué par un nombre incalculable de décisions ubuesques, de scandales et de tweet rageurs ? Le plus imprévisible des dirigeants de l'histoire des États-Unis pourra-t-il être réélu ?
Intransigeant
William Karel retrace quatre années d'une présidence hors-normes qui a laissé l'Amérique profondément divisée. Pour raconter Donald Trump au pouvoir, de l'intérieur, William Karel a interviewé plusieurs de ses anciens proches collaborateurs, comme John Bolton, ex-conseiller à la sécurité nationale, et Anthony Scaramucci, ex-directeur de la communication de la Maison-Blanche, mais aussi des journalistes vedettes qu'il a pris pour cible dans sa croisade contre la presse. Le réalisateur a également rencontré des psychologues et des psychiatres qui ont étudié la personnalité de Trump et aussi les responsables sanitaires, une militante de Black Lives Matter et un pasteur évangélique qui, lui, le soutient sans réserve.
William Karel (Le Monde selon Bush, Opération Lune ou Poison d'avril) propose au final un portrait engagé, implacable et sans concessions sur le plus controversé des présidents américains, à quelques jours d'une élection décisive pour l'avenir des États-Unis.
Le hasard est parfois bien fait : alors qu’il y a quelques jours je découvrais le podcast d’Affaires sensibles consacré à l’histoire de la plus grosse arnaque dans le monde du vin, cette semaine je tombais sur le film Sour Grapes consacré au même sujet, et qui est disponible sur Netflix.
Le protagoniste de cette affaire s’appelle Rudy Kurniawan. Un pseudo en réalité, qui est aussi un hommage à un joueur de badminton indonésien. Notre Rudy Kurniawan vient lui aussi de ce pays, d’une famille à l’histoire compliquée pour la faire brève, et que le film de Jerry Rothwell explique dans les dernières vingt minutes de son documentaire.
Lorsque le fringant jeune homme asiatique apparaît dans la communauté des collectionneurs de vin à partir de 2000, il se montre évasif sur sa fortune. Il se présente comme un héritier passionné de bons flacons, capable de dépenser une fortune dans des bouteilles d’exception, la plupart françaises, et dans des millésimes rarissimes : Mouton Rothschild 1945, Chambolle-Musigny 1962, Vosne-Romanée-Conti, Château Petrus 1947 ou des Clos-saint-denis millésimés de 1945 à 1971. Et sur à cause de ces derniers vins qu’il va se faire pincer.
Omerta
Rudy Kurniawan est doué d’une connaissance encyclopédique en œnologie et il impressionne ses nouveaux amis collectionneurs. En quelques années, il devient un personnage emblématique des salles de vente et il s’associe avec le commissaire-priseur new-yorkais John Kapon qui se charge de revendre les vins de sa collection. Non seulement Rudy Kurniawan gagne beaucoup d’argent, mais il contribue aussi à bouleverser le marché du vin et à faire grimper les prix. L’escroquerie va être dévoilée parallèlement par le milliardaire et collectionneur Bill Koch et le viticulteur bourguignon Laurent Ponsot qui s’aperçoit que certains crus… n’ont jamais existé.
Pas la peine d’être un spécialiste du vin pour apprécier Sour Grapes (comme d’ailleurs le numéro d’Affaires sensibles). Le spectateur sera fasciné par l’histoire d’une arnaque savamment organisée qui a tellement roulé dans la farine des hommes d’affaire roublards qu’aujourd’hui encore on estime que près de 10 000 faux crus de Rudy Kurniawan sont encore en circulation dans le monde. Et personne ne semble vraiment tenir à ce qu’on les déniche.
Une vraie omerta qui a tout de même conduit derrière les barreaux un brillant spécialiste et fraudeur en vin, sans que l’on sache complètement toutes les complicités. Le milieu des collectionneurs de vin n’a pas été le moins gêné par cette escroquerie exceptionnelle. Et dans un milieu régi par le bling-bling, le fric et les signes extérieurs de richesse, on pourrait résumer ainsi les réactions des acheteurs des vins made in Kurniawan : "Qu’importe si mon Domaine de la Romanée-Conti à 85 000 dollars la bouteille est faux, du moment que l’étiquette indique que c’est un Domaine de la Romanée-Conti…"
Sour Grapes, documentaire américain de Jerry Rothwell, avec Laurent Ponsot, Jay McInerney, Jefery Levy, Maureen Downey et Rudy Kurniawan, 2016, 85 mn, Netflix https://www.netflix.com "Le vigneron et le faussaire", Affaires sensibles, France Inter, 2017, en podcast https://www.franceinter.fr/emissions/affaires-sensibles