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quebec - Page 2

  • Les chaudes eaux de La Bronze 

    Dans les 13 titres de Vis-moi, le très bel album de La Bronze, l’auditeur pourra y trouver la trace, la facture et, pourquoi pas, les influences de Laurie Darmon. Comme l’auteure de Femme Studio, La Bronze enfourche le tigre et parle d’amour, de sensualité, de séduction, de corps en fusion, d’étonnement devant les émois, mais aussi, d’humanisme et de féminisme. Dans son nouvel album Vis-moi, L’artiste canadienne s’y dévoile sans fard, vibrante, brillante, forte, capable de férocité autant que d’abandons sensuels  ("Viens / Je te détruirai les ailes / Sous mes baisers de fiel / Et on finira au ciel / En statue de sel", "Viens").

    Dans une pop très actuelle, l’artiste allie mélancolie, tensions musicales et textes à fleur de peau : "J’ai assez de lucidité pour croire en la magie" chante-t-elle par exemple dans "Toi". "Tous les mots sont morts / C’est l’épidémie / On a survécu / C’est pour l’épiphanie / J’ai toué tous les monstres du placard / J’ai fait l’amour à tous les trous noirs". C’est drapée dans un séduisant romantisme noir que la musicienne maroco-canadienne parle de liberté et de féminisme : "Je n’ai peur de rien / Surtout pas de toi / Depuis que je sais / Que tu n’es que moi" "Je n’ai peur de rien / Surtout pas de toi / Depuis que je sais / Que tu n’es que moi".

    Pour "Briller", c’est encore d’émancipation dont il s’agit, dans une facture plus urbaine. Le morceau évoque la pression de plaire à tout prix ("Pour mieux m’évaporer"), au risque d’en oublier qui l’on est.

    L’orchestration complexe et la production soignée servent un album aux multiples influences, à l’instar d’Haram", un titre mixant pop, urbain, world music, chanson française et sons arabes ou de l’électro avec "Sois ferme". Ce titre est le fruit d’une collaboration avec Younes Taleb, alias Mobydick, un grand rappeur marocain avec qui elle a partagé une tournée au Maroc. Il y est question de se défaire des chaînes qu’impose le milieu social pour se connecter à sa véritable essence et oser être pleinement soi-même, explique La Bronze.

    Un superbe cri d’amour, digne des plus grands mythes antiques

    Nous parlions de Laurie Darmon : "Vis-moi" suit la trace de l’interprète de "Laisse-moi t’aimer", avec cette électro-pop envoûtante et ce timbre voilé et sensuel. Il y est question de mort ("Je ne peux pas mourir encore"), de la course contre le temps ("Je croyais qu’une fois que le soleil s’était levé c’était pour de bon / Mais il fini toujours par se recoucher c’est la fatalité"), d’amour et d’abandon : "Je serre le bonheur si fort / Qu’il m’explore / Sur tout le corps".

    La Bronze est capable d’envolées sensuelles : "Ta langue me couche / C’est toujours la première fois… / Je redeviens l’océan", interprète-t-elle avec une tension électrisante. Dans "Eaux" et son électro-pop assumée, elle fait cet aveu à l’auditeur : "Je ne sais pas si j’aime les flots / Mais je veux voguer dans les chaudes eaux". Plus audacieuse encore, dans "Monument érigé", l’électro pop de la chanteuse canadienne parle non sans amertume de cet homme, de sa "beauté" ramenée "chaque soir", sur fond de jalousie amère ("Tu veux qu’elle s’assoit dans ton ciel / Qu’elle te dise « Oh mon, Dieu merci ! »").

    Vis-moi interroge aussi sur le jeunisme et sur l’apparence, des thèmes dans lesquelles les femmes sont très souvent – une fois de plus – les victimes : "Elle blanchit / Elle décline / Il vieillit / C’est sexy / Il mûrit / Elle vieillit / C’est triste", chante-t-elle dans "Sois ferme", avant de déclarer : "La beauté intérieure c’est super / mais pour les autres / Donnez-moi mon laser pour que je m’y vautre"

    "L’habitude de mourir" tranche dans sa facture avec ce piano sobre : "Tu fonces tout droit vers mon amour figé / Mais on a l’habitude de mourir / Une fois de plus pourquoi pas". Dans ce qui est l’un des plus beaux morceaux de l’album, l’amour et la sensualité sont assombries par le voile de l’impasse d’une relation vouée à l’échec.

    On peut saluer le travail de texte de "Quantum parfait". Sous forme de confidences en anglais et en français, La Bronze dépeint des sensations bouleversantes, des visions mystérieuses et déstabilisantes, qui sont comme une introduction au titre suivant, "Je flottais" : "Je ne sais plus qui je suis / Enfin c’est délicieux d’être ici".

    Le déracinement et les adieux à la terre tel est le sujet d’"Adieu", un magnifique titre sur l’amitié et la fraternité entre humains : "Tu viens d’où tu manges quoi l’ami ? / Tes parents ta peau c’est pas d’ici / Dis-moi tout / Mais je me fous / Je veux pas savoir tes visas / Si ça te plaît pas." La chanson, écrite et interprétée en duo avec Sarahmée, aborde avec doigté les micro-agressions au quotidien que peuvent vivre les personnes qui ne sont pas caucasiennes et les jugements nourris par l’ignorance.

    Le morceau "Viens" conclut admirablement bien l’album passionnant et envoûtant de La Bronze : "J’ai le pouvoir de déplacer les montagnes", chante-t-elle avec une belle audace, qui est aussi un superbe cri d’amour, digne des plus grands mythes antiques :  "Viens / Je te détruirai les ailes / Sous mes baisers de fiel / Et on finira au ciel / En statue de sel". 

    La Bronze, Vis-moi, Audiogram / The Orchard, 2022
    https://www.labronze.ca
    https://www.facebook.com/labronzemusique
    https://www.instagram.com/labronze

    Voir aussi : "Laurie Darmon enfourche le tigre"

    © Adrian Villagome

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  • Abominables additions

    Incendies, que ce soit la version théâtrale ou l’adaptation ciné de Denis Villeneuve, est de ces œuvres que l’on ne peut pas oublier. L’œuvre de Wajdi Mouawad, sans doute l’un des meilleurs dramaturges contemporains, officiant aujourd’hui au Théâtre National de la Colline, date de 2003 et a été transposée au cinéma sept ans plus tard, popularisant un drame bouleversant, dont nous ne dévoileront pas la fin.

    Incendies est une œuvre essentielle de notre époque, puisant ses sources autant dans l’actualité récente (dont la Guerre du Liban, le pays dont est originaire l’auteur mais qu’il a quitté pour le Canada) autant que dans les grandes tragédies antiques.

    Le récit commence dans le cabinet d’un notaire de Montréal qui ouvre devant Jeanne et Simon, des jumeaux trentenaires, le testament de leur mère, Nawal Marwan. Née au Moyen-Orient, cette dernière laisse des dernières volontés incompréhensibles à ses deux enfants : " Aucune pierre ne sera posée sur ma tombe / Et mon nom gravé nulle part." Elle demande aussi que sa fille, professeure de mathématiques, recherche son père qu’elle croyait mort et lui remette une enveloppe scellée. De même, elle demande à son fils Simon de chercher son frère, dont ils ignoraient tous l’existence. Comme pour Jeanne, Simon devra lui remettre une lettre. Soutenus par l’ami et notaire Hermine Lebel, Jeanne puis Simon partent à la recherche de  cette parenté et de leurs origines.

    Tout commence en réalité lorsque Nawal avait 14 ans… 

    Monstruosité

    On imagine la difficulté pour adapter au cinéma une telle pièce à la fois passionnante et aux multiples ramifications. Car plusieurs personnages sont en jeu : les jumeaux Jeanne et Simon pour commencer, mais aussi Nawal. Wajdi Mouawad suit l’histoire de sa tragédie, depuis son histoire d’amour avec un réfugié  jusqu’à la révélation de son terrible secret. Le film de Denis Villeneuve parvient à suivre le fil d’une enquête familiale, marquée par les tabous, les secrets et les grandes tragédies de l’histoire, sans que jamais la mention du Liban ("le pays") n’apparaisse.

    Ce choix de ne pas parler du pays d’origine de l’auteur fait d’Incendies une œuvre universelle qui nous parle des bourreaux, de leurs victimes, des innocents érigés en combattants et des anciens soldats devenant les dépositaires d’une mémoire qui finira pas surgir, insupportable, monstrueuse et absurde : "Pourquoi les miliciens ont-ils pendu les trois adolescents ? Parce que deux réfugiés du camp avaient violé et tué une fille du village de Kfar Samira. Pourquoi ces deux types ont-ils violé cette fille ? Parce que les miliciens avaient lapidé une famille de réfugiés. Pourquoi les miliciens l’ont-ils lapidée ? Parce que les réfugiés avaient brûlé une maison près de la colline du thym. Pourquoi les réfugiés ont-ils brûlé la maison ? Pour se venger des miliciens qui avaient détruit un puits d’eau foré par eux. Pourquoi les miliciens ont détruit le puits ? Parce que des réfugiés avaient brûlé une récolte du côté du fleuve au chien. Pourquoi ont-ils brûlé la récolte ? Il y a certainement une raison, ma mémoire s’arrête là."

    Le long-métrage de Denis Villeneuve scénarise avec tact et efficacité une histoire austère qui a surpris et marqué les spectateurs qui ont vu ce film. Le personnage de Sawda, le double et alter-ego de Nawal n’apparaît pas dans le film, ce qui n’enlève rien à la force poétique de la "femme qui chante". De même, la découverte du secret par Nawal elle-même (le tatouage) n'est pas dans la pièce. 

    La monstruosité est bien présente dans ces incendies qui s’embrasent au fur et à mesure de l’histoire, à l’image de la scène de bus attaquée dans le désert. La guerre devient cette chose indicible que les jumeaux doivent apprendre à côtoyer, comprendre, assimiler et intellectualiser, ce qu'illustre le propos final sur cette addition incompréhensible ("Un plus un, est-ce que ça peut faire un ?").

    Incendies est une œuvre fondamentale qui bouscule. Comme le rappelle Charlotte Farcet, en postface de l’édition de la pièce de théâtre proposée par Actes Sud et Leméac, Wajdi Mouawad dit ceci : "Qu’est-ce qu’une œuvre d’art aujourd’hui… L’art doit être cet os, cet événement immangeable sur lequel l’Histoire se brise les dents. Elle l’avale, mais alors l’art commence son œuvre radioactive dans le ventre de l’Histoire qui, empoisonnée, sera forcée de le recracher."

    Mais derrière cette monstruosité, il y a aussi cette porte ouverte vers l’avenir et la nécessaire réconciliation qui n’a nulle part été mieux dite que dans Incendies

    Wajdi Mouawad, Incendies, théâtre, éd. Actes Sud / Leméac, 2003, 120 p.
    Incendies, drame québécois de Denis Villeneuve, avec Lubna Azabal, Mélissa Désormeaux-Poulin, Maxim Gaudette et Rémy Girard, 2010, 130 mn
    https://www.wajdimouawad.fr
    https://www.facebook.com/LesFilmsSeville
    https://www.france.tv/films/2808933-incendies.html

    Voir aussi : "Lignées d’oiseaux"

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  • Irrésistible Beyries

    Dès l’ouverture de son dernier album, Encounter, Beyries accroche l’oreille avec le formidable "What We Have" : les échos de sa voix cristalline et les vagues mêlées de claviers électronique et de guitare emmènent l’auditeur dans un pays merveilleux où la parole est rare mais précieuse : "Meet me on the other side / My love, I'm holding on to what we have." Son premier album, Landing, a connu un vaste succès populaire au Québec, avec 11 500 copies et plus de 15 millions d’écoutes sur toutes les plateformes. La voilà qui revient avec ce nouvel opus irrésistible.

    La chanteuse canadienne revendique l’influence du folk-rock, à l’instar du délicat "Closely", porté par des paroles d’une superbe mélancolie : "I've been waiting / Closely / All night long / Time's up / Heavy breathing / Silent grieving / White hollow tree".
    L’artiste sait aussi parfaitement manier les sons rock et pop à la Bruce Springsteen, autant que nous cueillir à froid avec "Over Me", morceau racé et fuselé, démontrant toute l’étendue du talent autant que des influences de Beyries.

    "Keep It To Yourself", aux sons seventies et planants, est un chant d’amour par une femme blessée réclamant de revenir aux premiers émois et aux premiers serments : "Can we go back / To the very single minute /  I took your hand / Love was all we had." Chanson d’amour également avec "Into You" qui est le chant d’une femme qui s’est retrouvée ("Can you feel it / I'm lost in you").

    Avec "One Of Touch", on retrouve la pop de Beyries, faite de réminiscences psychédéliques des années 70, avec ce sens du spleen autant que de la rêverie : "When the morning comes / I get out of luck / You're my dream, my everything / When I have to go."

    Le sens du spleen autant que de la rêverie

    "Graceless" est plus engagé. La chanteuse propose avec ce morceau un hymne à la paix : "How many more walls will we build / Are we that stupid God forbid / Blinded believers fighting guilt / In the name of Jesus and pretty things / Are you coming to get us."

    Pour "The Story Of Eva" la musicienne québécoise prend le parti d’une folk râpeuse et sombre sur un destin cruel. Un appel à l’aide que la chanteuse exprime ainsi : "Help me / I'm drowning / Help me / I'm dying." Diantre ! Précisons que le vidéoclip de "Graceless" à été conçu par la réalisatrice française Raphaëlle Chovin, à qui l’on doit aussi les précédentes vidéos de "Closely" et d'"Over Me".

    La seule chanson française, « Nous sommes" se révèle, avec la même mélancolie, comme un voyage amoureux, qui est aussi une revendication de liberté : "L'histoire est un voyage /  Entre les forêts /  Et les villages / Du sommet bleu des Alpes / Au creux du Grand Secret / Nous sommes / Des haltes / Des bêtes naïves au cœur du paysage /  Cherchant dans nos failles / Nos rêves et nos batailles / Chevaux sauvages."

    L’album se termine avec "Anymore", qui est le récit d’une descente dans l’enfer de la dépression : "I don't see daylight anymore / I need to rest ashore /  I have lowered my guard / And returned to bed." Beyries y fait le choix du piano-voix.

    Irrésistible, vous disais-je.

    Beyries, Encounter, Bonsound, 2020
    https://www.beyriesmusic.com
    https://www.facebook.com/beyriesmusic

    Voir aussi : "Où es-tu, Berry ?"

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  • À l’ancienne

    Le groupe canadien The Brooks est de retour avec un son nouvel album, Any Day Now, dans lequel  les musiciens québécois menés par Alexandre Lapointe prennent un malin plaisir à sortir un opus funk à l’ancienne.

    À l’ancienne car l’influence de la musique noire des années 70, et en particulier de James Brown, est assumée avec plaisir par les Brooks ("Drinking", "Never Thought", "So Turned On" ou "Turn Up Thne Sound").

    Avec "Zender", nous voilà dans une musique  aux fortes influences afro-américaine et seventies digne de figurer dans une BO tarantinienne.  Les cuivres étincellent particulièrement dans les dernières mesures de ce titre enlevé. 

    Derrière le chanteur, trompettiste et tromboniste Alan Prater, les musiciens savent déconstruire et reconstruire leur funk, capable de faire le lien avec le mouvement hérité de la Blaxploitation et des sons actuels plus planants ("Moombean").

    Une composition futuriste, comme si Jackie Brown avait été catapultée dans l’espace intersidéral

    Avec "Issues" nous voilà carrément dans une composition futuriste, comme si Jackie Brown avait été catapultée dans l’espace intersidéral, avec costume d’astronaute comme il se doit.

    Pour "Gameplay", Les Brooks  ne se privent pas d’utiliser le potentiel du rock dans un titre funk, groove et bigarré, avec un art consommé de l’improvisation, jusqu’à une partie en fin d’album plus courte, rythmée et électro.

    Album plus conceptuel qu’il n’y paraît, Any Day Now est articulé autour de deux courtes interludes de respectivement 46 secondes et 1 minute 06 ("Headband" et "Blue Dream").

    "The Crown", qui arrive en fin d’opus, propose un funk mâtinée de rythme rap, avec des envolées pleines de chaleur et de virtuosité dans un morceau de près de 7 mn 30. L’auditeur saluera la grande richesse stylistique dans un morceau où se mêlent rap, pop, rock, funk et même jazz – Herbie Hancock faisant partie des influences des Brooks. Un album à découvrir absolumentt.

    The Brooks, Any Day Now, Underdog Records, 2020
    https://www.facebook.com/TheBrooksMTL

    Voir aussi : "Brassage musical"

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  • Le talent n’attend pas le nombre des années

    Si je dis que Zoé Morin est une nouvelle voix sur la scène de la chanson francophone, l’expression est à prendre dans les deux sens. Dans son premier EP La flamme, l'artiste frappe par sa voix assurée, singulièrement posée et scandant des textes sombres et engagés sur une musique électro-pop.

    Zoé Morin souffle un vent de fraîcheur, et cette impression se confirme au vu du pedigree de l’artiste : l’adolescente de 13 ans, auteure, compositeur et interprète, seule au clavier et à la guitare, sert des textes engagés, comme elle le dit elle-même : "« Qui prétend faire du rap sans prendre position ? » disait l'autre. La pop 2.0 a la même ambition. C'est pourquoi mes chansons, à la guitare et au piano, parlent de féminisme, d'écologie, de notre société et de comment nous, les jeunes artistes, nous devons réussir à prendre position tout en divertissant. C'est le but de mon projet musical."

    13 ans et quelques

    La mort, la maladie ("La dame en noir"), le féminisme ("Est-ce que tu sais que les flammes / sont souvent du côté des femmes", "Les flammes"), mais aussi l’amour chanté par une jeune fille ("Sous ton aile"). Pas d’enfantillage ni de facilité chez Zoé Morin, capable de lucidité et de noirceur "La pluie et le beau temps", "Casse toi"). Du haut de ses 13 ans et quelques, Zoé Marin parle aussi de l’enfance et de tous les rêves y afférant ("Quand on a sept ans"), avec une rare délicatesse et un sens de la poésie indéniable.

    On sort de cet EP assommé par une telle précocité, dans un EP autoproduit avec une belle audace, une intensité et une assurance remarquable. Une nouvelle voix de la chanson, vous disais-je.

    Zoé Morin, Les flammes, Spinnup, 2020
    https://www.deezer.com/fr/album/182340692

    https://site.spinnup.com/zoemorin
    https://riffx.fr/artiste/zomorin
    https://www.instagram.com/zoemorinchanson

    Voir aussi : "La seule règle qui vaille est qu'il n'y a pas de règle"

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  • La seule règle qui vaille est qu'il n'y a pas de règle

    Le public français découvrira avec la plus grande curiosité Marie-Gold, ancienne membre du collectif canadien Bad Nylon. Cette musicienne nous vient du Québec et propose un rap venu de ce coin de l'autre côté de l’Atlantique.

    Parce que nos cousins canadiens tiennent à leur langue tout autant que nous, il est passionnant de voir comment Marie-Gold parvient à libérer son flow dans son premier album solo opportunément intitulé Règle d'Or, évidemment en rapport avec son nom. Mais il s'agit aussi d'une référence à une citation de George Bernard Shaw: "La seule règle d’or est qu’il n’y a pas de règle d’or". Vous avez quatre heures pour disserter...

    Dans cet opus, conçu en collaboration avec des beatmakers montréalais, français et belges, la chanteuse se livre à corps perdu : "Marie-Gold dans la jungle des animaux / S’accroche à son style comme une anémone / Si tu veux blesser je connais les mots", comme elle le scande dans "JACK". Libre dans sa tête, libre dans son corps, la rappeuse délivre "La seule règle" qui vaille : un album aux rythmes hip hop ("Goélands"), volontiers minimaliste et lorgnant aussi largement du côté de la chanson française ("La seule règle").

    Écrit à la première personne, Marie-Gold pousse son travail d’écriture jusqu’à proposer des textes à la langue charpentée et largement mâtinée d’anglais : "Car je passe mes journées à faire des maths / En m'demandant qu'est-ce que je calice à pas faire plus de rap / But I guess que c'est calculé, l'encre still finit par couler / J'ai fais un portrait du futur, je l'ai juste mal cloué" ("Pousse ta luck").

    A l’instar de "Crache sur vos tombes", la Québécoise délivre un album rugueux qui plonge dans son quotidien, son passé, ses espoirs, ses rêves mais aussi les déceptions d’une artiste : "J'ai pas manqué de flair, en renonçant à vos sons / So vous m'oublierez, j'espère pis j'irai cracher sur vos tombes". Sans oublier ce foutu argent ("Aucun bling"). Écouter Règle d’or c’est entrer dans la tête d’une fille d’aujourd’hui, avec ses galères, ses interrogations et ses ras-le-bols : "J’peux pas sortir d’mon lit / J’ai l’système démoli / Perico et Molly / La drogue nous fait faire des folies / J’peux pas quitter l’logis" ("Goélands").

    Libre dans sa tête, libre dans son corps

    "Mémoire" est l’un des meilleurs morceaux, à la composition particulièrement soignée et mêlant rap et chanson, avec un message féministe, à l’instar de sa consœur Samuele : "Les gentilles filles ont aussi le droit d'être en colère / Mais t'oublies de te contenir, il faut le reconnaître / Les gens exagèrent, pardonne-leur… / Rappelle-toi ceux qui t'aiment, t'aiment, t'aiment / Oublie ceux qui te down, down, down / Malgré tout ce que tu donnes, everything's never enough / Au moins tu dormiras bien dans ta tombe."

    Marie-Gold assène ses titres avec une rare puissance, ponctuant ça et là son album de titres insouciants, voire aux trouées lumineuses. C’est le cas du duo avec Stone, riche de promesses en weed et en nuits blanches : "J'veux faire tourner la terre / J'veux faire tourner les têtes / Quitte à m'en jeter à terre / Smoke weed ‘til I die - excès, tu adhères / On en reparle plus, on revient à nos affaires" ("s.w.t.i.d."). C’est aussi le cas du titre "Doser", plus électro que rap, au texte dense, surréaliste et poétique : "Je préfère être l’amour qu’être celle qu’on adore / Je vous salue Marie, j’peux-tu croire en Chloé ? / Dans ce pays d’Oz aux idoles krizokal et aux âmes encodées / Où l’espérance se dose / En frappant tous les murs dans la boîte de Pandore? / Démesure ! / Même l’histoire ne m’a pas dosée ! / Au futur, il me souffla ! La vérité".

    La vérité, l’amour, le combat quotidien pour être soi, la liberté. La vie selon Marie-Gold, quoi.

    Marie-Gold, Règle d'Or, Les Faux-Monnayeurs, 2020
    https://www.facebook.com/marie.goldgoldmusique
    https://marie-gold.bandcamp.com/album/r-gle-dor

    Voir aussi : "Les filles sages vont au paradis, les autres vont où elles veulent"

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  • Carotté "se lâche louss" à l'Olympia

    Dans la grande famille du rock indépendant, il y a Carotté, un groupe de la Belle Province né en 2013 sous l’égide de Médé Langlois, qui mène la double vie de rockeur... et d’agriculteur : sa famille cultive la même terre à Neuville, au Québec, depuis 1667, soit 12 générations, comme il aime à le rappeler. Le jour, Médé cultive plus de cent variétés de légumes qu’il vend à son "kiosque". Il gère son écomusée et il s’occupe de son troupeau de soixante vaches. Le soir, avec Carotté, "il se lâche louss" et profite de sa passion pour le rock qui le garde bien vivant.

    Carotté a créé son propre style musical qu’il a baptisé le "’punktrad’". Un savant et unique mélange de rythmes punk à l’histoire et aux chansons à répondre typiquement québécoise.

    En février 2015, la formation livre une première moisson sur Punklore et Trashdition. Cet album reçoit un très bon accueil de la critique et se voit nommer au Gala GAMIQ dans la catégorie "Album heavy (Punk & Métal) de l’année." Cinq vidéoclips (Invisible, Tape la bizoune, Veillée chez Médé, Un gars du Far West, Souffrance) en sont extraits. Carotté enchaîne également les prestations, comptabilisant plus de 150 spectacles, y compris dans de grands festivals (Francos de Montréal, Festival d’été de Québec ou le Festival de la Chanson de Tadoussac).

    Ce succès grandissant ouvre aux six protagonistes les tribunes médiatiques. Médé reçoit même sur ses terres l’équipe de Cash Investigation afin d’expliquer la lutte qu’il mène avec la population locale contre l’oléoduc du projet Énergie Est.

    Après une première tournée en France à l’automne 2019, Carotté se lance à l’assaut de L’Olympia le samedi 22 février prochain.

    Carotté à L’Olympia, le samedi 22 février 2020
    Les albums de Carotté sont disponibles en bac en France à partir du 1er novembre 2019
    www.carotte.biz
    www.facebook.com/carottepunktrad

    Voir aussi : "Les filles sages vont au paradis, les autres vont où elles veulent"

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  • Rencontre avec un alter-artiste

    jean-luc bremond,tambour,violon,klezmer,shoah,canada,abitibi-témiscamigue,québec,indiens,tribu indienne,algonquins,romanCette chronique est une rencontre avec un artiste à part. Jean-Luc Bremond est un homme discret et loin des sentiers battus. Il est une vraie figure de ce que l'on pourrait appeler l'alter-culture. Loin du courant mainstream, ses livres sont d'authentiques cheminements intérieurs sur lesquelles souffle l'aventure, la grande. "J’écris pour voyager, libérer les pensées qui naissent dans l’expire de l’imagination et dans le souffle de l’inspiration" dit-il lui-même. Jean-Luc Bremond a publié en quelques mois deux romans, La révolution du Klezmer et Le Chant du Tambour et  (Cinq Sens éditions). Il a bien voulu répondre à nos questions.

    Bla Bla Blog – Voulez-vous vous présenter en quelques mots ?

    Jean-Luc Bremond – Je suis né dans le Pas-de-Calais, sans m’y être fixé. Du nord au sud de la France, villes et villages, avec un détour en Suisse, pays d’origine du côté paternel, j’ai choisi de vivre en communauté, où j’ai maintenant passé plus de la moitié de ma vie. Dans ce collectif, rural et artisanal, j’ai rencontré le Québec au-travers ma compagne, fondé une famille et appris plusieurs métiers, dont celui de boulanger.

    BBB – Pouvons-nous dire que vous appartenez à cette catégorie d’écrivains à la fois en marge, tout en étant engagés ?

    JLB – L’écriture est venue sur le tard. L’engagement pour la justice et la paix, beaucoup plus tôt. Ce que je raconte vient de l’imaginaire, fécondé par des lectures, rencontres, voyages, vie proche de la nature, un intérêt précoce pour les peuples, leur histoire humaine, plus que celle des conflits armés. J’essaie de comprendre ce qui prédispose les hommes à choisir la guerre plutôt que l’entraide et le respect ; j’oppose au racisme, nationalisme, communautarisme, populisme, pacifisme, fondamentalisme (…), enfermant et détruisant pour le seul profit, les simples rapports des humains enclins à la créativité qui ouvre et construit. 

    BBB – Vous avez sorti deux romans à quelques mois d’intervalles, ce qui est assez inhabituel. La Révolution du Klezmer et Le Chant du Tambour. Quand ont-ils été écrits ?

    JLB – Dans l’ordre, il y a environ cinq ans. D’autres ont suivi. 

    DSC_1448.jpgBBB – La révolution du Klezmer se passe en Europe orientale dans l’entre-deux guerres. La première guerre mondiale est terminée et le monde va, dans quelques années, connaître un conflit dévastateur, notamment pour les juifs. Pourquoi avoir choisi les années 20 pour situer votre roman ?

    JLB – J’ai découvert la musique klezmer par la danse. En voyageant dans les pays d’Europe centrale, j’ai pu constater que la recherche d’identité nationale se figeait encore dans ces années de perte de territoire, post première guerre mondiale, pour retrouver le grand pays, la souveraineté culturelle et religieuse. Quand m’est venue l’idée de raconter l’histoire d’un klezmer, un musicien, je l’ai placé dans son milieu juif où, dans les années 20, s’affrontaient ceux qui recherchaient l’intégration pour sortir de la souffrance de la discrimination, quitte à faire des compromis, et ceux qui voulaient y échapper par le sionisme, une possible terre de liberté, sans concession, aveuglés par le nationalisme. Les idéologies séparent ; la musique, ou tout autre expression venant du tréfonds de la personnalité, pourrait résister à la division et empêcher l’histoire de se répéter.

    BBB – En filigrane c’est la Shoah qui se dessine. On pense à cette sinistre Garde de Fer.

    JLB – J’ai très jeune été choqué par la Shoah, révolté contre cette ignominie ; aussi parce qu’un de mes grands oncles s’était porté volontaire comme médecin à la libération d’un camp d’extermination, et qu’un autre était mort comme prisonnier, en tant que résistant, dans un autre camp. En écrivant, je ne pouvais m’empêcher de penser à la fin tragique de mes protagonistes. La garde de fer en Roumanie, la terreur blanche en Hongrie, le fascisme en Italie, le nazisme en Allemagne…Par jeu d’alliance et de collaboration, l’étau se resserrait pour ceux que ces mouvements xénophobes condamnaient. 

    BBB – Il est question dans votre roman de déracinement, de culture, de la place du religieux. Ce sont des notions qui ont marqué votre existence ?

    JLB – Je viens d’une famille où le religieux fait intégralement partie d’un engagement social. Mes ancêtres protestants ont connu la tentative d’éradication par le pouvoir religieux ; peut-être m’ont-ils transmis dans mes gènes la résistance par la tolérance et la culture du respect.

    Je viens d’une famille où le religieux fait intégralement partie d’un engagement social

    BBB – Après le violon d’Elijah, il y a le tambour d’Achachak (Le Chant du Tambour). Vous êtes musicien en plus d’être écrivain ?

    JLB – Je joue de temps en temps du violon et de la flûte. Bien que j’aspire à en faire davantage, je n’ai pas fait de la musique une priorité. Lors des fêtes, je ressors mes instruments ; je regrette de ne pas le faire plus souvent. En revanche, mon épouse joue quotidiennement de la harpe ; je baigne dans un univers musical. La musique accompagne les danses que j’anime hebdomadairement.

    BBB – Le Chant du Tambour (éd. 5 Sens), votre dernier roman paru, se passe au Canada, dans la tribu indienne des Algonquins. Voulez-vous nous dire quelques mots sur cette tribu amérindienne d’autant moins connue que lorsqu’il s’agit d’Indiens on pense plus au territoire des États-Unis ?

    JLB – C’est une tribu vivant dans la région de l’Abitibi-Témiscamigue au Québec. Elle a gardé tant bien que mal sa culture et sa spiritualité ; elle a une prophétie sur la venue des Blancs qui a pris progressivement de la place dans mon roman. 

    BBB – Pourquoi avoir choisi ces Algonquins ? Vous semblez y être très attachés.

    JLB – J’ai choisi les Algonquins, et non les Innus, ou Montagnais, de la région de ma compagne, suite à la lecture d’un livre de Dominique Rankin, "on nous appelait les sauvages." Je n’y suis pas plus attaché qu’à n’importe quels peuples subissant le mépris parce qu’ils sont différents.

    BBB – Qu’ont-ils à nous dire à nous, Européens ?

    JLB – Le respect de la terre et de ses éléments, sous peine d’effondrement de la planète, par notre recherche de profit, sans égard pour les vivants. Une culture qui inclue, même l’ennemi, pour sortir de l’anéantissement.

    BBB – Le Chant du Tambour parle de rite initiatique. C’est un thème capital dans votre roman. Définiriez-vous Le Chant du Tambour comme un roman initiatique, un conte ou bien un roman historique ?

    JLB – C’est un roman initiatique sur fond historique.

    BBB – Il est aussi question de l’exposition universelle de San Francisco, bien moins connue en France que celles de Paris au XIXe et début XXe siècle. Pourquoi en avoir parlé ?

    JLB – J’ai eu connaissance de cette exposition dans un livre, la Bible tchouktche ou le dernier chaman d'Ouelen, de Youri Rytkhèou. En recherchant la documentation sur cette exposition, j’ai été effaré par l’orgueil colonial en pleine guerre mondiale. J’y ai donc placé mon personnage pour montrer l’impitoyable égoïsme des colonisateurs. 

    BBB – La défense de l’environnement est un sujet de plus en plus discuté. Vous en parlez également dans ce roman dont l’histoire nous semble si éloigné.

    JLB – L’histoire n’en est pas éloigné, puisque l’environnement fait intégralement partie de la culture des amérindiens. Respecter et soigner la terre, en se considérant comme un de ses éléments, et non comme distinct d’elle en la dominant, est une solution pour l’humanité puisse cohabiter avec ce qui la fait vivre : oxygène, eau, végétaux et animaux ; ainsi, l’individu, plutôt que de penser à lui-même, son propre intérêt, devrait se relier avec tous les vivants et préserver l’environnement.

    BBB – La Révolution du Klezmer et Le Chant du Tambour sont parus aux éditions 5 Sens. Je crois savoir que cet éditeur est important pour vous.

    JLB – J’ai découvert cette maison quand elle a accepté de publier mon premier roman. J’ai apprécié le travail, tant par la qualité de la relation que de la réalisation du livre. La difficulté est qu’elle n’ait pas de diffuseur ; cela m’a permis de vous contacter.

    BBB – En effet. Et c'était un plaisir d'échanger avec vous. Merci.

    Jean-Luc Bremond, La Révolution du Klezmer, éd. 5 Sens, 2017, 234 p.
    Jean-Luc Bremond, Le Chant du Tambour, éd. 5 Sens, 2018, 202 p.
    https://www.jlbecrit.ovh