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roman - Page 13

  • La misère serait moins pénible au soleil

    Dee Dee Paradize de Roberto Garcia Saez (éd. Atramenta) est la deuxième partie du roman en deux volets se déroulant dans le milieu des ONG et de l’humanitaire international. Le premier tome, Un Éléphant dans une Chaussette, se déroulait dans les premières années des années 2000 et mettait en scène le fantasque, ambitieux et peu éthique Patrick Roméro.

    Lorsque le roman Dee Dee Paradize commence, nous sommes en 2009 et les choses se sont quelque peu calmées entre ce dernier et Paul Harrisson, le policier anglais qui avait jeté toutes ses forces pour faire tomber l’humanitaire, devenu son meilleur ennemi. Sauf que le scandale autour d’un contrat de traitements médicaux en République Démocratique du Congo n’a pas eu la déflagration qu’espérait le policier, maintenant casé au Foreign Office.

    Près de cinq ans plus tard,  Patrick Roméro s’est refait une virginité en Thaïlande où il œuvre toujours dans l’humanitaire, auprès d’une ONG, dirigée par "une grande dame", Sumalee, spécialisée dans la lutte contre le Sida. Voilà donc notre bouillant humanitaire replongeant dans une autre sombre affaire, ayant à voir avec une étude scientifique et surtout une fondation chrétienne américaine aux objectifs secrets et peu édifiants. 

    Roberto Garcia Saez poursuit son enquête dans le milieu de l’humanitaire international 

    Au même moment, un ancien informateur de Paul Harrisson en République Démocratique du Congo est retrouvé assassiné, après un rendez-vous avec un certain Dee Dee Paradize. Or, cet individu, un travesti haut en couleur, premier suspect dans cette affaire de meurtre que les autorités voudraient bien étouffer, est justement un ami, protégé – et accessoirement amant – de Patrick Roméro. Certain d’avoir une seconde carte en main pour faire tomber ce dernier, Paul Harrisson se lance dans cette affaire.

    Roberto Garcia Saez poursuit son enquête dans le milieu de l’humanitaire international même si ce second tome entre moins dans les arcanes des ONG, des parties diplomatiques et des manigances de l’ONU. La grande et bonne idée de l’auteur est de prendre le prétexte du meurtre d’un journaliste et informateur pour parler des sombres plans d’une église traditionaliste. Le héros de ce roman est là encore Patrick Roméro, toujours aussi complexe, même si l’affaire qui l’a touché des années plus tôt l’a aussi quelque peu humanisé. Voilà qui donne à Dee Dee Paradize un côté crépusculaire.

    Roberto Garcia Saez a construit un récit sur 460 pages – ce qui est finalement assez peu pour une histoire s’étalant sur 20 ans avec de multiples rebondissements et des personnages passionnants. Gageons que les aventures de Patrick Roméro auraient sans problème pu être enrichies de 250 pages supplémentaires sans perdre de leur grand intérêt. En attendant, voici une lecture passionnante pour la fin de cet été, sans oublier bien sûr le premier tome, Un Éléphant dans une Chaussette, toujours aux éditions Atramenta. Je vous en avais parlé ici.

    Roberto Garcia Saez, Dee Dee Paradize, éd. Atramenta, 2021, 230 p.
    https://www.atramenta.net/books/un-elephant-dans-une-chaussette/1054
    https://www.robertogarciasaez.com

    Voir aussi : "Les plus grands sous le plus petit chapiteau du monde"

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  • Sombres Pyrénées

    sylvain matoré,roman,thriller,polar,pyrénées,crime,écologie,spUn personnage inattendu domine le polar de Sylvain Matoré, À l’abri du mal (éd. Le Mot et le reste) : c’est la nature et en particulier le massif pyrénéen.

    L’intrigue se passe dans un coin reculé de cette région, dans la vallée de la Himone où coule la Lisette. On sera bien en peine de trouver trace de ce cours d’eau sur Google Maps, mais à vrai dire ce n’est pas ça le plus important.

    Au milieu de la nature sauvage, une usine a été construite, une forge devenue un atelier de tissage puis, au XXe siècle une entreprise spécialisée dans le lait, Laely. Pour ses activités, les rejets toxiques sont devenus monnaie courante, des pratiques illicites mais faites en toute discrétion. Jusqu’au jour où le cadavre d’une femme est retrouvé sur la rive de la Lisette, non loin de l’usine en question. Sur le corps de la jeune femme, en sous-vêtements déposés non loin de là, on découvre des traces de brûlures au troisième degré. Les soupçons se portent très vite sur l’entreprise agroalimentaire, et en particulier sur son directeur, le cynique et ambitieux Jean-Paul Lanteau.

    L’enquête, menée par la gendarmerie locale et deux agents vaillants mais peu habitués à ce genre d’affaires, font monter la pression sur l’industriel et le personnel de l’usine dont Abdel, un employé parti refaire sa vie dans les Pyrénées après quelques sales coups et un tour en prison de quelques années. Le coupable idéal. Sauf que ce dernier, ainsi que sa compagne Mélanie ne s’en laissent pas conter. Persuadés que c’est du côté de la direction de Laelys qu’il faut chercher la cause de la mort, ils montent une opération punitive contre celui-ci grâce à un autre couple, Marco et Angèle. 

    Simenon pyrénéen

    À partir de la découverte d’un corps trouvé au pied d’une usine, une "malfaisante", Sylvain Matoré s’intéresse aux habitants d’un village perdu : un notable industriel, un ouvrier venu de la région parisienne au passé peu reluisant, un couple de baltringues, sans compter tous ces personnages secondaires pris volontairement ou non dans une histoire mêlant crimes, écologie, vengeance et pulsions.

    En Simenon pyrénéen, Sylvain Matoré semble se désintéresser du meurtre de cette jeune femme qui, "à première vue… s’était baignée au mauvais endroit, au plus mauvais des moments." Son attention se porte plutôt sur la petite société de ce coin enclavé. Les habitants, nous dit l’auteur, sont d’abord dépendants de cette nature impressionnante, pour ne pas dire intimidante : "Les constructions humaines sont plus modestes, mais l’harmonie et l’équilibre y règnent, conséquences du respect des habitants pour la nature… Ici, les hommes n’ont jamais eu la prétention de faire une compétition de la beauté avec la nature, ils savent que ce serait perdu d’avance".

    La mort de cette jeune femme est d’autant plus un choc dans ce village peuplé de gens modestes qu’il semble que la cause en soit une usine, construite comme un défi à la nature.

    On peut lire À l’abri du mal comme un polar écologique, un sous-genre en vogue en cette période où l’environnement est dans tous les esprits. Sauf que Sylvain Matoré brouille les pistes en passant d’un personnage à un autre : la mort d’une jeune femme innocente devient le prétexte à une opération de pieds nickelés qui va vite montrer ses limites, pour ne pas dire qu'elle va s'avérer vaine et destructrice à bien des égards.

    Personne n’est réellement à sauver dans cette histoire dense et crépusculaire où "les cols et les pics se tirent la bourre". Face aux éléments, aux montagnes, à une rivière insaisissable et à une vallée semblant vivre en autarcie, l’homme se révèle dans toute sa cruauté, son égoïsme, ses penchants et, finalement, son animalité naturelle.     

    Sylvain Matoré, À l’abri du mal, éd. Le Mot et le reste, 2021, 312 p.
    https://lemotetlereste.com/litteratures/alabridumal
    https://www.facebook.com/lemotetlereste

    Voir aussi : "Le prix de la misère"

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  • L’esprit de famille

    david foenkinos,roman,sœur,rupture,familleDeux Sœurs (éd. Gallimard), le David Foenkinos cuvée 2019, surprendra moins pour sa noirceur que pour son choix du drame familial se transformant en thriller psychologique implacable. On serait tenté de trouver dans ce livre des similitudes avec plusieurs romans de Tatiana de Rosnay (Le Voisin, Spirales).

    Comme souvent chez l’auteur français, l’histoire se déroule dans un environnement des plus ordinaires. Monsieur et madame tout le monde devenant les héros d’une histoire hors du commun.

    La protagoniste principale ne déroge pas à la règle. Elle s’appelle Mathilde, travaille comme professeure de français dans un gros lycée et vit avec Étienne depuis plusieurs années. Une vie de couple sans ombre, avec la certitude pour celle-ci qu’elle vit une relation fusionnelle solide.

    Grave erreur car au moment où le récit commence, Étienne apprend à Mathilde qu’il se sépare d’elle. Elle apprend un peu plus tard qu’il a renoué avec une ex revenue d’Australie après un mariage raté.

    Voilà donc la jeune professeure de français, admiratrice de Flaubert et en particulier – ce n’est pas un hasard – de L’Éducation sentimentale, obligée de gérer une vie seule. Travail, logement, relations sociales et sentimentales : tout semble partir à vau-l’eau. Lorsque Étienne lui apprend qu’il souhaite prendre possession de leur appartement avec sa nouvelle amie, voilà Mathilde obligée de déménager. Généreusement, sa sœur Agathe lui propose de l’héberger quelques temps chez elle. Et c’est là que tout se grippe.

    Une lente descente aux enfers

    David Foenkinos décrit patiemment le portrait d’une jeune femme qui voit du jour au lendemain le ciel lui tomber sur la tête. La première partie de Deux Sœurs est une lente descente aux enfers de plus de cent pages. David Foenkinos aime son héroïne en dépit de ses failles et met en scène plusieurs personnages secondaires comme s’il souhaitait mettre sur son passage des bonnes âmes – le proviseur de Mathilde, une voisine psychanalyste ou un psychologue – capables de l’aider, ou du moins de lui maintenir la tête hors de l’eau.

    Une seule personne va l’aider : sa sœur, Agathe. Mariée et mère d’une jeune enfant. Entre les deux sœurs, pèse un lourd secret de famille. Sauf que les mois passées dans la sphère privée d'Agathe et de son mari Hugo deviennent au fil des jours de plus en plus lourds et pénibles. Entre Mathilde et sa sœur, les relations deviennent très cite compliquées. 

    On ressort de ce roman de David Foenkinos secoué par cette histoire d’une relation familiale vénéneuse à force de non-dits. Derrière l’écriture simple et subtile de l’auteur, il y a une noirceur indicible qui semble murmurer à l’oreille du lecteur : "Il n’y avait aucun espoir à attendre".

    David Foenkinos, Deux Sœurs, éd. Gallimard Folio, 2019, 191 p.
    http://www.gallimard.fr/Contributeurs/David-Foenkinos
    @DavidFoenkinos

    Voir aussi : "David Foenkinos, son œuvre"
    "Épitaphe pour Charlotte Salomon"

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  • Alors comme ça, vous voulez écrire…

    On aurait tort de prendre l’ouvrage de Lionel Davoust, Comment écrire de la fiction ? (éd. Argyll) comme un vade-mecum imparable pour jeune ou moins jeune écrivain. Son ouvrage est ramassé : 162 pages pour donner les bonnes recettes pour bâtir une histoire c'est assez court. Lionel Davoust n'entend pas être exhaustif dans son projet mais de rappeler quelques fondamentaux. Le premier de ceux-ci concerne l'importance de l'inspiration qui serait le vrai moteur de l'écriture. 

    Première erreur, insiste Lionel Davoust, fort de son expérience et de ses nombreuses publications dans la fantasy principalement : "J’affirme qu’il est non seulement faux, mais prétentieux de soutenir que l’écriture ne s’apprend pas."

    Cette phrase est au cœur de l’essai dont le sous-titre est éloquent : "Rêver, construire, terminer ses histoires". La moindre des qualités de Lionel Davoust est autant de donner quelques pistes et clés que de dédramatiser l’activité littéraire : le travail est au centre de l’écriture et c’est "la seule variable qui se trouve sous notre contrôle". Voilà qui promet d’être rassurant.

    Lionel Davoust se lance dans une enquête finalement assez ardue : d’où viennent les idées, comment être original, qu’est-ce qu’une histoire, où trouver du sens dans une histoire ou pourquoi vouloir écrire ? L’auteur donne son point de vue sur ce qu’est une fiction et sur la place que doivent avoir les conflits intérieurs, les phases scénaristiques ou les scènes d’exposition.

    L’auteur propose au futur écrivain qu’avant de se mettre au travail il s’interroge sur ce qu’il a à dire.  Une étape ingrate, certes, mais indispensable avant de se retrousser les manches, ce que Lionel Davoust exprime avec une phrase qu’il faut relire plusieurs fois pour la comprendre : "Faire descendre l’imperfection imaginée dans l’imperfection inhérente au réel."

    Concilier la volonté de l’auteur et la volonté de l’histoire

    La deuxième partie de l’essai aborde les techniques d’écriture pour faire accoucher la fiction qui deviendra un roman. L’auteur y aborde des concepts plus techniques : les codes de la narration, le tesseract, le concept de la "promesse" et du "paiement" ou celui du point de vue, développé notamment grâce à des graphiques.

    C’est encore avec des graphiques que l’auteur de fantasy s’interroge sur la place capitale des personnages qu’il résume ainsi : "Une histoire, c’est des gens intéressants, qui veulent quelque chose d’important, et c’est compliqué". Au sujet de l’importance de fiches pour créer des personnages, Lionel Davoust exprime son point de vue, à rebours de beaucoup d’auteurs. Son opinion est à la fois simple et complexe : une fiction doit pouvoir "concilier la volonté de l’auteur et la volonté de l’histoire." 

    Comment écrire de la fiction ? n’est pas exempt de pages plus ardues comme celles consacrées aux "scènes" et en particulier aux "scènes unitaires" : "La scène unitaire fait l’objet d’un conflit narratif conduisant à une évolution de l’histoire, mais dont le déroulé dramatique comme le dénouement se répercutent sur les échelles supérieures du récit."

    Même si le lecteur ne trouvera pas dans l’essai de Lionel Davoust un guide exhaustif, l’auteur parvient à donner des clés pour se lancer dans l’écriture d’un roman. Tel un coach averti, l’auteur écrit écrit ceci : "Si vous ne faites rien, il ne va rien se passer". La dernière partie du livre donne quelques conseils pour se lancer : ne pas attendre d’avoir du temps libre mais consacrer tous les jours un peu de temps à son manuscrit ("Vous n’aurez jamais plus de temps libre que maintenant", cite-t-il Robin Hobb). Lionel Davoust aborde la question de la relecture, de la réécriture et de la correction du manuscrit terminé. "Cela s’apprend, et c’est la bonne nouvelle", dit-il enfin au sujet de du jugement esthétique et de la correction. Une phrase qui s’applique avant tout à l’écriture d’une fiction. 

    Lionel Davoust, Comment écrire de la fiction ? Rêver, construire, terminer ses histoires,
    éd. Argyll, 2021, 162 p.

    https://lioneldavoust.com
    https://argyll.fr/produit/comment-ecrire-de-la-fiction
    @ArgyllEditions

    Voir aussi : "L’art d’être polisson"
    "Écrivez puis brûlez-le (ou pas)"

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  • Célestine et Martin

    Le dernier roman en date de Tatiana de Rosnay, Célestine du Bac (éd. Robert Laffont) est aussi l’un des premiers qu’elle ait écrit, "en 1990" comme elle le précise. Refusé par son éditeur alors qu’elle venait de sortir L’Appartement témoin, le manuscrit est resté dans une caisse pendant plus de 30 ans avant que la romancière finisse par le proposer à la publication. Gageons que le nom et la notoriété de Tatiana de Rosnay ont fini par convaincre Robert Laffont de l’éditer, au grand plaisir des fans de Tatiana de Rosnay.

    Le lecteur respirera, dans cette histoire d’amitié et d’émancipation d’un jeune homme, un peu du parfum des années 90. Ni ordinateur, ni téléphones portables, ni omniprésence des réseaux sociaux : ici, l’adolescent au cœur du récit, Martin Dujeu, est simplement obnubilé par les livres et par un rêve d’écrivain. Il habite dans un appartement bourgeois (on ne disait pas encore "bobo" à l’époque), avec un père veuf aussi peu communicatif que son fils. Il y a bien Oscar, le meilleur ami de Martin, lycéen comme lui, et cette jeune femme, Alexandra, la fiancée de son père, intrigante, séduisante et inquiétante : en réalité, le jeune homme survit plus qu’il ne s’épanouit, conséquence de l’absence de sa mère, décédée d’un accident d’avion lorsqu’il était enfant. 

    La personne qui aura le plus à gagner n’est pas celle que l’on croit

    Un autre personnage féminin va alors faire son apparition dans sa vie et avoir une influence capitale : Célestine, dite Célestine du Bac. Derrière ce nom aristocrate se cache en réalité une SDF ayant trouvé refuge sous une porte cochère non loin de la résidence de l’adolescent. Cette vieille dame fantasque, gouailleuse et cabossée par des années dans la rue se révèle, contre toute attente, intelligente, sensible, fine et généreuse. Entre l’adolescent gâté par la vie et la clocharde a priori peu avenante commence une solide amitié. Et la personne qui aura le plus à gagner n’est pas celle que l’on croit.

    Dans ce roman de jeunesse, derrière lequel se lisent les rêves d’une auteure pas encore reconnue, Tatiana de Rosnay délaisse le thème des lieux hantés qu’elle avait abordé dans L’Appartement  témoin. Ce qui l’intéresse est la construction d’un jeune homme que la mort de sa mère a rendu détaché et perdu.

    Dans ce roman alerte et laissant une grande part aux dialogues, Tatiana de Rosnay donne une place importante au père, Victor, un homme sans doute aussi froid et perdu que son fils. Il n’est pas absurde de dire que cette œuvre de jeunesse est un roman sur deux hommes en train de se reconstruire. Les figures féminines – que ce soit Célestine, Alexandra et bien sûr Kerstin, la mère partie trop tôt – traversent le roman telles des modèles, des fantasmes ou des exemples à suivre, jusqu’à un épilogue dans lequel c’est la littérature qui aura le dernier mot.

    Sorti des archives de l’auteure franco-britannique, Célestine du Bac apparaît comme le roman frais et innocent d’une jeune auteure en devenir. Un roman à part aussi car il ne traite pas des mêmes thèmes de Tatiana de Rosnay. Bref, une curiosité à découvrir que tous ses fans auront sans nul doute dans leur bibliothèque. 

    Tatiana de Rosnay, Célestine du Bac, éd. Robert Laffont, 2021, 336 p.
    http://www.tatianaderosnay.com

    Voir aussi : "Tatiana de Rosnay, son œuvre"
    "Premiers fantômes"

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  • Le prix de la misère

    Un Éléphant dans une Chaussette de Roberto Garcia Saez (éd. Atramenta) est la première partie d’un roman aux multiples enjeux et se déroulant dans plusieurs parties du monde. Le second volume déjà paru se nomme Dee Dee Paradize

    Tout part d’un scandale autour du protagoniste principal, Patrick Roméro, un aventurier de l’humanitaire, à la fois globe-trotteur, homme d’affaire et véritable ponte international naviguant comme un poisson dans l’eau dans les hautes sphères du pouvoir.

    Après un début de carrière dans plusieurs ONG, Patrick Roméro obtient un poste de directeur de programme médical de l’ONU en République Démocratique du Congo, pays exsangue et frappé par une guerre aux millions de morts. Nous sommes en 2000. Le fonctionnaire doit se charger de financer et faire venir pour une population désœuvrée des tonnes de traitements contre le sida, la tuberculose et le paludisme.

    La mission du fantasque humanitaire est aussi délicate qu’ambitieuse : c’est comme faire entrer un éléphant dans une chaussette, comme il le fait remarquer à son amie Carlota. Dans un souci d’efficacité (plusieurs millions de dollars sont quand même en jeu), le fringant directeur décide de prendre quelques libertés avec les "process" adoptés par l’ONU.

    Roberto Garcia Saez nous fait entrer dans les arcanes de l’humanitaire mondial et ce n’est pas joli, joli

    Paul Harrisson, Un policier anglais chargé de lutter contre la corruption, vient à s’intéresser à ce programme du PNUD (Programme des Nations Unies pour le Développement) au Congo : le scandale éclate et menace de tout balayer sur son passage. Patrick Roméro est bien entendu le premier protagoniste dans la ligne de mire de l'enquêteur.

    Avec ce roman mené tambour battant, Roberto Garcia Saez nous fait entrer dans les arcanes de l’humanitaire mondial et ce n’est pas joli, joli : omniprésence de l'argent, coups bas, fonctionnaires cyniques et ambitieux, politiciens et diplomates carriéristes. L’auteur sait de quoi il parle : il a alterné des postes de fonctionnaire à l’ONU et d'expert indépendant en Afrique, en Asie, à New York et à Genève avant de diriger aujourd'hui une société de conseils stratégiques. Voilà qui donne à ce livre un parfum de réalisme et de vérité. L'auteur excelle aussi dans le portrait de ses personnages, à commencer par celui, haut en couleur, de Patrick Roméro.

    La suite de ce roman est à découvrir dans le second volume, Dee Dee Paradize, sorti également cette année. Je vous en parlerai bientôt.   

    Roberto Garcia Saez, Un Éléphant dans une Chaussette, éd. Atramenta, 2021, 232 p.
    https://www.atramenta.net/books/un-elephant-dans-une-chaussette/1054
    https://www.robertogarciasaez.com

    Voir aussi : "Les plus grands sous le plus petit chapiteau du monde"

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  • Le retour de Sherlock Holmes (et d’Arsène Lupin)

    Revisite, hommage ou pastiche ? Le lecteur choisira lui-même le terme le mieux qualifié pour le roman de Martine Ruzé-Moëns, Sherlock Holmes contre Arsène Lupin : La Revanche (éditions du Net). Il faut dire que l’auteure connaît son sujet : elle est membre de la Société Sherlock Holmes de France depuis 1995. Avec Martine Ruzé-Moëns, il y a peu de risque de voir le célèbre détective anglais trahi. Au passage, elle a choisi de mettre en scène un autre personnage de la mythologie littéraire et policière : Arsène Lupin, redevenu à la mode depuis quelques mois grâce à une certaine série Netflix.

    Raconter une enquête du flegmatique enquêteur londonien aux prises le gentleman cambrioleur français renvoie évidemment au recueil de Maurice Leblanc, Arsène Lupin contre Herlock Sholmès, sorti en 1908. A l'époque, des raisons juridiques avaient contraint l’auteur français à transformer le nom du héros de Conan Doyle. Martine Ruzé-Moëns n’a pas eu le même problème et elle a pu, elle, utiliser les deux personnages, tombés dans le domaine public.

    L’affaire qu’elle conte se passe un peu plus de 12 ans après leur dernière confrontation. Sherlock Holmes reçoit à Lyon un télégramme venu de Normandie. Une affaire étrange lui est proposée : à Etretat, cité chère à Arsène Lupin, un énième cambriolage a lieu dans la propriété de Maurice Leblanc en personne. L’auteur pourrait bien être Arsène Lupin, la créature de l’écrivain. Intrigué, Sherlock Holmes accepte de sortir de sa retraite, le temps d’une enquête. Un tableau volé, et a priori sans valeur, attire très vite son attention.

    Un voyage sur les terres du gentleman cambrioleur

    En allant sur les pas de Sherlock Holmes, à l’intuition toujours intacte, Martine Ruzé-Moëns entreprend également un voyage sur les terres du gentleman cambrioleur. En réalité, Arsène Lupin, n’apparaît qu’épisodiquement, tel un fantôme insaisissable mais dont beaucoup d’indices renvoient à lui : Maurice Leblanc, l’Aiguille Creuse, la Normandie ou le souvenir de confrontations passées... avec Herlock Sholmès.  

    Roman début XXe siècle et documenté, cette nouvelle aventure de Sherlock Holmes se lit sans déplaisir, comme un vieux policier sorti d’une malle oubliée. Si pastiche il  y a, le moins que l’on puisse dire c’est que l’auteure respecte l’ADN des romans de Conan Doyle : une intrigue retorse, un héros perspicace, un ennemi à sa hauteur et des personnages secondaires nous plongeant dans la Normandie des années 20. Mais l’auteure y ajoute autre chose : très vite l’enquête policière devient une vraie aventure tintinesque, nous plongeant dans une affaire bien plus compliquée qu’il n’y paraît, dont les origines pourraient se situer en Afrique du Sud.

    Tout en revisitant les romans de Doyle et de Leblanc, Martine Ruzé-Moëns apporte un esprit très moderne lorsqu’elle joue à parsemer son récit de références et d’autoréférences volontairement absurdes, à l’instar de ce dialogue : "Mais, professeur, cela est matériellement impossible, Arsène Lupin n’existe pas. C’est un personnage fictif, créé de toutes pièces par Maurice Leblanc."

    Alors, revisite, hommage ou pastiche ? C’est au lecteur de se faire une idée. En attendant, ce Sherlock Holmes écrit en 2021 reste un joli moment de lecture. 

    Martine Ruzé-Moëns, Sherlock Holmes contre Arsène Lupin : La Revanche,
    Les éditions du Net, 2021, 152 p.

    https://www.leseditionsdunet.com
    https://www.sherlockians.com/sshf

    Voir aussi : "Assane Lupin, gentleman cambrioleur"

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  • Vous revoilà, Gens de France

    En ce mois de juin, ressort en librairie le mythique Gens de France et d'ailleurs de Jean Teulé. Il avait été publié une première fois à la fin des années 80, avant de connaître une réédition il y a un peu plus de 15 ans (éd. Ego Comme X). C’est aujourd’hui les éditions Fakir qui proposent de découvrir ou redécouvrir cet album, l’ultime album graphique de Jean Teulé, avant que celui-ci ne se lance avec succès dans le roman.

    Gens de France, c’est un voyage baroque et barré dans notre pays, avec des personnes ordinaires. Loïc Néhou, le directeur de l’éditeur Ego comme X, commente ce livre ainsi : "Dans son œuvre, Jean Teulé est le passeur attentif des individus en marge. Il n’a pas son pareil pour dégoter en France, ou à l’autre bout du monde, de drôles d’allumés en proie à quelques drames, qu’il épingle sur sa page avec une attention délicate et parfois cruelle."

    Du soutien-gorge de Zohra à la soucoupe volante de Jean‑Claude

    À mi-chemin entre la bande dessinée, le roman, et le roman-photo, Gens de France a marqué les esprits et a inspiré pléthore d’artistes et de photoreporteurs grâce à ses personnages hauts-en-couleur  et ses situations ahurissantes, du soutien-gorge de Zohra à la soucoupe volante de Jean‑Claude : "Y y a un mec qui est en train de construire une soucoupe volante en bois pour emmener sa mère mourir sur une étoile…"

    Extrait : "Tout en me parlant de la soucoupe de son fils, la mère crachait dans la cuisine. À chaque fois, elle visait la poubelle, à chaque fois, elle la ratait. À un moment, elle a visé la friteuse. Manque de bol, elle l’a eue du premier coup. Il m’en a fallu de la concentration pour ne pas envoyer des fusées partout en mangeant les frites !"

    Une vraie curiosité. Mieux : un classique. 

    Jean Teulé, Gens de France et d'ailleurs, éd. Casterman, 1988, Ego Comme X, 2005, éd. Fakir, 2021, 272 p.
    https://www.fakirpresse.info

    Voir aussi : "La Guerre des Mondes a-t-elle eu lieu ?"

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