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roman - Page 15

  • Amour éternel

    "Quand tout meurt, seul amour survit" : cette phrase prononcée par un bouquiniste pour un jeune couple du Second Empire pourrait être le point de départ du dernier roman de Kim Chi PhoÀ Jamais à Nous (éd. Lemart). Grâce à une intrigue se déroulant sur plus de 150 ans, l’auteure raconte un drame mêlant Histoire, tragédie et fantastique.

    De nos jours, à la terrasse d’un hôtel huppé, Xavier, agent immobilier parisien, plutôt beau gosse ("Il n’y a qu’elle qui trouve que Bradley Cooper me ressemble. Sur une échelle de beauté d’un à dix, je me situe entre le six ou peut-être le sept, dans les bons jours") croise le chemin d’une mystérieuse jeune femme qu’il suit jusqu’à la chambre d’un hôtel. Rêve ou réalité ? Tout porte à croire que cette inconnue, qui est l’amoureuse qu’il "cherche depuis la nuit des temps", ne semble être que le fruit de son imagination. Une fois chez lui, où l’attend son amie Mei Gui Xïn/Tiger, des griffures dans son dos trahissent une étreinte passionnée, suscitant la colère de sa fiancée, mais aussi son désarroi.

    150 ans plus tôt, dans la France de Napoléon III, le marquis Edmond Fabel d’Estremeau partage sa vie entre sa femme ("Un mariage (...) d’un ennui sans nom") et sa maîtresse Louise Martin ("Grâce à Louise, sa vie misérable devint de moins en moins pitoyable"). Cependant, l’idylle entre leurs enfants respectifs, Aurore et Henri, bouleverse le destin de deux familles vivant l’une en face de l’autre. Cette histoire d’amour impossible est appelée à finir dans la tragédie. À moins que l’amour survive à tout, même à la mort.

    L'influence des classiques du XIXe siècle

    À Jamais à Nous est une irrésistible love story dans laquelle Kim Chi Pho insuffle du surnaturel, que ce soit l’apparition d’Aurore "au teint de porcelaine", sa rencontre étrange avec Xavier et la certitude que se joue une histoire d’amour fantastique traversant les siècles. À l’instar des romans de Tatiana de Rosnay, les lieux ont aussi leur importance, comme s’ils étaient eux-mêmes imprégnés de ces "âmes errantes" et qu’ils gardaient en mémoire la présence de celles et ceux qui y ont habité. Le lecteur pourra ainsi trouver des correspondances avec Rose, le roman "pré-haussmannien" de l’auteure d’Elle s’appelait Sarah.

    Mais les influences les plus visibles de Kim Chi Pho sont bien à chercher du côté des classiques du XIXe siècle. Que le cocher du marquis se nomme Flaubert n’est pas un hasard, et la scène du Bon Marché renvoie bien entendu au Bonheur des Dames de Zola. Il y a aussi ce parfum orientalisant dans ces détails que parsème l’auteure avec gourmandise : Le pavillon de Rose-thé, un poème de Liu Yuxi (IXe siècle), le chapitre à Macao, sans oublier la présence de Mei Gui Xïn (le nom signifie "aurore").

    Histoire sur l’amour éternel, hommage aux romans du XIXe siècle et intrigue fantastique dans laquelle les fantômes viennent rappeler aux mortels qu’ils ont un destin à suivre : À Jamais à Nous est un vrai page turner, à garder en tête pour un cadeau de Noël.

    Kim Chi Pho, À Jamais à Nous, éd. Lemart, 2020, 160 p.
    https://www.editionslemart.fr
    https://www.facebook.com/kimchiphoauteure

    Voir aussi : "Kim Chi Pho : "Ma vie est en transit tant que je ne termine pas mon roman"

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  • Du couvent à la Régence

    L’Histoire de France est riche de personnages secondaires ayant contribué à leur manière à écrire des périodes particulièrement agitées. Claudine Alexandrine de Tencin est indubitablement l’une de ces figures. Madeleine Mansiet-Berthaud conte le récit de sa vie dans son roman historique, La Défroquée (éd. Ramsay).

    Cette fille de cinq enfants, née d’une famille grenobloise de la noblesse de robe durant le règne de Louis XIV a, dès son enfance, l’assurance de faire partie de ses grandes oubliées. Femme dans une culture patriarcale, avec un frère aîné qui est promis à un riche héritage et un autre frère poussé vers une carrière dans le clergé, la jeune fille est envoyé au couvent de Montfleury pour une vie de prière. Son existence est promise au silence, ce qu’elle ne peut admettre. Madeleine Mansiet-Berthaud la fait s’exprimer ainsi, alors qu’elle se morfond dans un couvent où son père l’a enfermé : "Si je quitte un jour ce voile et le monastère pour la vie civile, j’emploierai mon temps à bâtir une fortune." Une promesse de reprendre en main sa vie et de s’échapper d’une véritable prison, mais qui est aussi la marque d’une défiance envers les hommes : "Si Alexandrine ne tuait pas son père, elle tuerait tous les hommes qui l’approcheraient."

    En fait de meurtre, c’est plutôt de revanche et de vengeance dont elle va user. Cela va d’abord passer par une manœuvre juridique de longue haleine : obtenir du pape la fin des ordres et retourner à la vie civile. Sa bataille va durer onze ans et se terminer par sa libération : un cas "unique dans les annales de l’Église". Contre toute attente, dans une France où la religion catholique pèse de tout son poids sur la vie, Madame de Tencin devient celle que l’on surnomme "la défroquée" : "Ne serait-je jamais qu’une nonne / A qui faux pas l’on ne pardonne ?", versifie-t-elle lors des derniers jours du Roi Soleil.

    Ce n’est qu’une première étape vers son destin exceptionnel dans une époque traditionnelle et patriarchale. La jeune femme ne veut pas se contenter d’une existence régie par le mariage et une famille traditionnelle. S’occuper d’un enfant ? Au risque qu’il "vienne anéantir des rêves de gloire" ? Jamais ! Car si elle a bien eu un enfant, elle ne le reconnaît pas, et c’est finalement son amant de l’époque qui s’occupe de lui – qui deviendra plus tard le philosophe et encyclopédiste D’Alembert.

    Une féministe avant l’heure

    C’est d’abord auprès de sa sœur Marie-Angélique, devenue Madame de Ferriol, que l’ancienne nonne se frotte au grand monde, via un salon littéraire où les plus brillants esprits sont invités : Fontenelle, la tragédienne Mademoiselle Duclos, le jeune Voltaire, mais aussi toutes ces figures politiques qui, après la mort de Louis XIV, allaient être les têtes pensantes de la Régence. Mme de Tencin devient même la maîtresse de Dubois, le second en France après le Duc d’Orléans. Puisque la société interdit aux femmes tout pouvoir, elle multiplie les intrigues pour placer tel ou tel au plus haut sommet, souvent ses amants, et sans oublier les membres de sa famille. Alexandrine continuerait à fabriquer des candidats à l’immortalité dans son usine à idées, tout simplement parce que c’était sa vocation, sa vie, d’élever les grands esprits aux plus hauts sommets, comme de moquer ceux qu’elle estimait médiocres." Vers la fin de sa vie, elle se lance également en littérature, avec des romans qui auront un succès certain à l'époque.

    En suivant le destin incroyable de la Défroquée, l’auteure fait un tableau passionnant de la France du début du XVIIIe siècle : les luttes d’influence pour la succession de Louis XIV, les troubles anglais, le miracle économique du système de Law puis la crise qui s’en suivit, sans oublier l’arrivée au pouvoir du jeune Louis XV. Madeleine Mansiet-Berthaud fait de Madame de Tencin une brillante et insatiable manipulatrice qui s’appuie aussi sur sa propre famille. L’auteure capte bien cette époque, tout en glissant quelques pages d’une écriture classique, voire sensuelle, lorsqu’elle entre par exemple dans les intérieurs bourgeois de cette fille de noble provinciale devenue une aristocrate influente : "Le taffetas glissa sur le parquet ; la jupe étalée restait gonflée, comme toujours habitée. Les dessous de coton blanc échouèrent sur une méridienne. La chambre baignait dans une demie-pénombre."

    Car la famille est l’autre pierre saillante de son existence, avec un frère dont elle est éprise et qu’elle aidera sans faille dans sa quête de pouvoir ecclésiastique car "garder des relations avec les hauts personnages susceptibles de servir la carrière de son frère passait avant une aléatoire gloire personnelle". La quête de reconnaissance n’est pas absente des motivations de l’ancienne religieuse, jamais épargnée par son passé de nonne.

    L'auteure ne cache pas la grande part d’ombre d’Alexandrine de Tencin qu’est sa relation avec d’Alembert. On peut dire qu’elle s’avère être une féministe avant l’heure, qui a assumé ses choix privés jusque dans ses excès, en refusant "d’être l’esclave d’un homme" : "Quand la femme serait-elle l’égale de l’homme ?". C’est sa sœur qui a sans doute eu la réflexion la plus définitive sur elle : "Votre génie pour le calcul et l’intrigue me stupéfie." Ce que l’auteur résume de cette manière : "Quelle revanche prise sur le destin qui aurait dû être le sien !"

    Madeleine Mansiet-Berthaud, La Défroquée, éd. Ramsay,2020, 430 p.
    https://ramsay.fr/dd-product/la-defroquee

    Voir aussi : "Héros, salauds et intellos sous l’Occupation"

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  • Kim Chi Pho : "Ma vie est en transit tant que je ne termine pas mon roman"

    Kim Chi Pho sort en ce moment son dernier roman, À Jamais à Nous (éd. Lemart). L’occasion était trop belle pour lui poser quelques questions. À raison d’un roman par an, Kim Chi Pho est en train de se construire une œuvre littéraire passionnante.

    Bla Bla Blog – Bonjour, Kim. Tu sors en ce moment ton dernier roman, À Jamais à Nous. Peux-tu nous le présenter en quelques mots ?
    Kim Chi Pho – Bonjour. C’est l’histoire de deux amoureux, séparés par la mort et qui se sont jurés de se retrouver dans une prochaine vie. Cette quête placée sous le signe de la réincarnation se déroule au fil d’un récit où les espaces temps s’entremêlent.

    BBB – Après Sista, qui était beaucoup plus sombre, tu as choisi ici de parler d’amour. Du grand amour, même. Est-ce que c’était une respiration nécessaire pour toi ?
    KCP – Sista se déroulait dans la poussière et le sang d’Afrique, cependant cette violence ne m’a pas marqué ni laissé de trace. En fait, j’ai une bibliothèque à écrire dans la tête, je laisse des histoires sortir au fur et à mesure l’une après l’autre. C’est donc un hasard que Sista soit sortie avant À Jamais à Nous. À cet instant précis où je réponds à tes questions, j’ai le sixième roman qui bouillonne et veut sortir de ma tête, alors que l’écriture du cinquième roman n’est pas encore terminée.

    BBB – Te souviens-tu du moment où tu as t’es dit : "Ça y est ! J’ai mon sujet !" Qu’est-ce qui a été l’élément déclencheur ?
    KCP – Non, malheureusement car il suffit que je surprenne une conversation pour qu’une histoire germe. Et il arrive que plusieurs me tombent sur la tête le même jour. Il me semble impossible de tracer par l’ordre chronologique, quel élément déclencheur m’est venu en premier lieu.

    BBB – Tu parles d’amour et d’un coup de foudre déclencheur de ton récit. Mais, au fait : tu y crois, toi, au coup de foudre ?
    KCP – Bien sûr, parce que j’y crois ! Et je continue à chercher ! Depuis la nuit des temps, je suis à la recherche de l’homme de ma vie, je sais qu’il m’attend quelque part, il attend que je vienne le chercher. Si je ne le trouve pas dans cette vie, je le trouverai dans la prochaine.

    "Le confinement a anéanti toute ma créativité"

    BBB – Tu t’es mise, je crois, dans la tête d’un homme pour écrire ton récit. Pourquoi avoir fait ce choix ? J’image aussi que cela doit être particulièrement intéressant pour une femme écrivain.
    KCP – Tu as raison. Dans mes trois précédents romans, Mademoiselle Numéro 11, Le Clos des Diablotins et Sista, le personnage principal est toujours une femme. Pour À Jamais à Nous, c’est un homme ! Comme je l’ai expliqué plus haut, depuis longtemps je cherche l’amour, mais sans succès. Alors, en attendent cette retrouvaille, j’ai décidé de l’inventer, avec ma plume.

    BBB – Comment travailles-tu tes livres ? Fais-tu partie de ces auteures qui font un plan, qui savent où elles vont, ou bien te laisses-tu porter par ton récit ?
    KCP – Avant de commencer l’écriture, j’ai déjà l’histoire dans la tête, du commencement jusqu’au dénouement. Je m’installe devant mon laptop et je laisse les mots coucher sur les pages. Quand mon ordinateur est à court batterie, j’écris à la main. Il m’arrive d’écrire pendant des jours sans jamais m’arrêter. J’oublie même de manger, de boire. Ma vie est en transit tant que je ne termine pas mon roman.

    BBB – J’imagine que le confinement a dû quelque peu changé tes habitudes, y compris dans ton travail d’écriture.
    KCP – Le confinement a anéanti toute ma créativité. En moyenne, il me faut deux à trois mois pour écrire un livre, depuis avril 2020, je n’ai écrit aucun.

    BBB – Quels sont tes prochains projets ? Un autre roman peut-être ? Ou une série de romans ?
    KCP – Mon cinquième roman est en cours d’écriture, un thriller, une vengeance sanguinaire. Et puis après, j’aimerais vraiment passer à la réalisation, porter mes romans à l’écran.

    BBB – Pour terminer notre blabla, peux-tu nous parler de ta dernière lecture, du dernier film et de la dernière série que tu as vu et du dernier album que tu as écouté ?
    KCP – Ma dernière lecture : la biographie du plus grand peintre indien S.H. Raza de Soufiane Bensabra. L’art est mon refuge contre les impacts psychologiques néfastes du confinement. Les œuvres des grands peintres m’aident à m’évader en dehors des quatre murs. Côté cinématographique, j’ai visionné toutes les séries sur Netflix.

    BBB – Merci, Kim. Et on rappelle que ton roman À Jamais à Nous, aux éditions Lemart, sort en ce moment, à quelques semaines des fêtes de Noël.

    Kim Chi Pho, À Jamais à Nous, éd. Lemart, 2020
    https://www.editionslemart.fr
    https://www.facebook.com/kimchiphoauteure

    Voir aussi : "La voix de Mademoiselle numéro 11"

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  • "Rock'n'Love" d'Arsène K., toujours disponible

    Rock’n’love d'Arsène K. (éd. HQN) est toujours disponible au format numérique uniquement, et sur toutes les plateformes.

    De sa carrière de brillante avocate à son quotidien de maman dévouée, Lucrèce a toujours réglé sa vie comme du papier à musique. Sans l’ombre d’un doute, cet équilibre était la clé de son bonheur. Mais, en quelques jours à peine, celui-ci a volé en éclats. Alors que sa fille a fugué sans laisser de trace, son ex-petit ami, Alessandro, réapparaît sans prévenir. Ce chanteur célèbre au corps d’Apollon, à qui elle n’a pas parlé depuis vingt ans, est empêtré dans une affaire de plagiat qu’elle seule peut démêler. Prête à le défendre, Lucrèce doit pourtant rester prudente. Car, elle le sait, si elle se laisse de nouveau charmer par le rockeur, la partition qui accordait sa vie ne sera plus jamais la même.

    Rock’n’love paraîtra chez Harlequin au format numérique à partir du 1er juillet 2020.

    Arsène K., Rock’n’love, éd. Harlequin, coll. HQN, 2020, 237 p.
    au format numérique

    https://www.harlequin.fr/livre/13167/hqn/rock-n-love

    Voir aussi : "Sortie de mon prochain roman sous le pseudo d’Arsène K."

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  • Retour à l’éther

    C’est d’un retour à la terre dont il est question dans le roman d’Éric-Louis Henri, La Souciance (éd. du Panthéon). Un homme, au parcours professionnel brillant comme consultant, plus habitué aux long-courriers en première classe qu’aux promenades en pleine campagne, se prend d’amour pour un village perdu dans un arrière-pays du sud de la France - en Corse peut-on apprendre par ailleurs ("D’un côté, la mer à perte de vue. Et de l’autre, abrupt, un désordre de profondes vallées creusées par le temps.").

    En posant ses valises dans un lieu perdu, peuplé de villageois à la fois taiseux, bourrus et attachants. Le "lieu de villégiature" devient rapidement le havre de paix où s’installe cet homme qui y trouve ses vraies racines (l’auteur dévoilera en quelques pages une enfance difficile et sa rupture familiale).

    Il s'agit là, pour lui et sa compagne, d'un renouveau et d’une authentique aventure humaine : "Il y a tout un monde entre ce que l’on nous projette d’un lieu la nuit, et ce que l’on découvre aux premières lueurs du jour ensuite." L’installation de cet ancien citadin, ne prend cependant pas, dans La Souciance, la forme d’une description enchanteresse, légère – et insouciante. Éric-Louis Henri développe, en deux parties – "Il y eut un avant et un après…" et "La sagesse est un futur en soi car elle se joue de nos plans" – le parcours intérieur d’un homme qui, tel Ulysse dans L’Odyssée, parvient au bout d'un long parcours sur des terres qui deviennent finalement les siennes ("Mes cailloux, mes gisants. Ils furent mon arbre, cette nuit-là. En creux, ils m’ont murmuré : « C’est ici... »").

    L'art de faire un café à l’ancienne

    Homme sans doute aussi taiseux que les villageois qui vont l’accueillir comme un des leurs, le narrateur fait des pages qu’il écrit une confession autant qu’une série d’observation sur sa vie, sur le monde, sur la société de consommation et de communication mais aussi sur les quelques personnes marquantes qui ont croisé sa vie. Éric-Louis Henri délivre quelques pages sur ces petits riens : l’art de faire un café à l’ancienne, le souvenir marquant d’une voisine polonaise, une conversation sur un vol vers la Nouvelle-Zélande ou la rencontre avec des personnes âgées du village où il a fini par acheter une maison.

    "Moi, je demeure un irréductible amant du sens. Mon addiction ! Ma seule confession !" L’auteur veut voir derrière ses souvenirs, ses observations et des choses qu’il a vues des enseignements sur la condition humaine. Des passages peuvent aussi bien s’intéresser à ces héros invisibles et silencieux que sont les diplomates et les négociateurs de paix qu’à un ouvrage de développement personnel qu’il a digéré avec passion (Cinq Secondes pour changer la Vie de Mel Robbins) ou alors à une petite bibliothèque, "une maison aux livres ouvertes à tous".

    Cette découverte est le point de départ de la deuxième partie du roman, qui est consacrée à un projet qui est sensé lui apporter du sens : "L’exigence se nourrit en fait d’utilité et de raison, impérieuse souvent." La quête du narrateur dans ce village – l’île – se nourrit de rencontres pour atteindre enfin un objectif : "Nous avions jeté l’ancre au village, certes. Mais non pour y enfouir nos incertitudes, justement. Le village était notre socle. Chaque départ était un événement. Chaque retour, une fête."

    Passé, présent et futur : La Souciance est le récit d’un cheminement intérieur, presque éthéré, apportant un souffle d’air pur en contant l’histoire d’une vie qui repart.

    Éric-Louis Henri, La Souciance, Ici & maintenant, éd. du Panthéon, 2019, 120 p.
    https://elhenri.com
    https://www.facebook.com/LaSouciance

    https://www.editions-pantheon.fr/catalogue/la-souciance

    Voir aussi : "Quatrième dimension"

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  • Où es-tu ?

    On entre dans un roman de Modiano comme on voyage dans une ville familière. On parlant de ville, on serait d’ajouter que celle dont il s’agit est le Paris du Prix Nobel 2014. Encre sympathique (éd. Gallimard), n’échappe pas à la règle : Patrick Modiano propose là aussi une pérégrination littéraire sous forme d’une enquête énigmatique.

    La personne recherchée par le narrateur, Jean – comme le premier prénom à l’état-civil de Patrick Modiano –, se nomme Noëlle Lefebvre. C’est assez mystérieusement que celui qui a travaillé pour une agence spécialisée, décide de s’y intéresser : "Pourquoi ce « dossier » plutôt qu’un autre ? A cause des blancs sans doute." Et on verra qu’en effet beaucoup d’éléments manquent dans la vie d’une femme qui semble avoir disparu comme un fantôme. Voilà donc notre homme parti à la recherche d’une femme mystérieuse au sujet de laquelle il possède peu de choses : un nom, une photo et une adresse, à Paris, bien sûr.

    La pérégrination commence, et avec elle la rencontre avec des personnes qui s’avèrent au fur et à mesure du récit aussi transparents que cette inconnue dont les informations parcellaires, lorsqu’il y en a, rendent la jeune femme de plus en plus mystérieuse, à telle enseigne que Jean semble tourner en rond.

    Enquête sur une disparue

    Enquête sur une disparue, mais aussi enquête sur une enquête : car le narrateur n’a de cesse, des années après cette affaire, de reconstituer le cours de son travail mais aussi les dialogues avec quelques témoins ("Je compte les années et je tente d’être le plus exact possible"). Des noms et des prénoms refont surface, et avec eux des professions, des personnages interlopes, des questions, mais aussi et surtout des lieux : le cabinet d’un médecin, un dancing quai de Grenelle ou un fleuriste dans le 16e arrondissement, et alors même que le temps semble échapper à l’auteur de ces lignes : "Impossible sur un si long espace de temps d’établir un calendrier. Je crois qu’il est préférable de laisser courir ma plume. Oui, les souvenirs viennent au fil de la plume. Il ne faut pas les forcer, mais écrire en évitant le plus possible les ratures. Et dans le flot ininterrompu des mots et des phrases, quelques détails oubliés ou que vous avez enfouis, on ne sait pourquoi, au fin de votre mémoire remonteront peu à peu à la surface."

    Encre sympathique s’enrichit ici et là de courriers, listings, de pièces à conviction venues de nulle part qui obscurcissent plus qu’ils n’éclairent le parcours de cette Noëlle – que Patrick Modiano finit par mettre en scène dans un dernier chapitre. Il a lieu loin de Paris, à Rome, où se conclue le récit, cette fois à la troisième personne. Cette enquête apparaît aussi comme étant celle du narrateur lui-même, lorsqu’il apparaît que des lieux et des figures de la vie de Noëlle, font écho au passé de Jean.

    Ce récit d’une enquête somme toute anodine permet à l’auteur d’impressionner de révéler une autre histoire qu’une sorte d’encre sympathique rendait jusqu’alors invisible, d’où l’explication du titre du roman : "Il me semble que tout était écrit à l’encre sympathique… Peut-être, au détour d'une page, apparaîtra peu à peu ce qui a été rédigé à l'encre invisible, et les questions que je me pose depuis longtemps sur la disparition de Noëlle Lefebvre, et la raison pour laquelle je me pose ces questions, tout cela sera résolu avec la précision et la clarté des rapports de police. D'une écriture très nette et qui ressemble à la mienne, les explications seront données dans les moindres détails et les mystères éclaircis. Et, en définitif, cela me permettra peut-être de mieux me comprendre moi-même."

    Patrick Modiano, Encre sympathique, éd. Gallimard, 2019, 137 p.
    http://lereseaumodiano.blogspot.com

    Voir aussi : "Modiano : l'anti-Le Clézio"

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  • À la place du mort

    Retour à David Foenkinos et au hors-série que nous lui consacrons sur Bla Bla Blog, avec cette chronique sur La Délicatesse ( éd. Gallimard, Folio). Ce n’est pas son premier roman, mais c’est celui a marqué la reconnaissance critique et publique d’un auteur devenu incontournable dans la littérature contemporaine.

    L’intrigue relativement tenue du récit tout comme le choix de personnages qui pourraient être des voisins ou des collègues de travail font de ce livre un vrai petit miracle.

    Nous suivons Nathalie, une jeune femme pétillante, légère, délicate mais aussi à la vie ordinaire et heureuse. Lorsqu’elle croise sur sa route François, avec qui elle décide de vivre sa vie, on se dit que tout réussit à cette Parisienne ("Ils étaient le maillot jaune de l’amour"). D’autant plus qu’un alignement des planètes favorable lui permet d’entrer dans une grande société suédoise, au service de son directeur, Charles Delamain, qui l’a recruté pour son rayonnement ("Il trouvait que cette femme semblait sage") mais aussi pour son attraction.

    Un vrai petit miracle

    Le drame surgit sans prévenir : un accident de la route provoque le décès de François, et voilà Nathalie tétanisée, enfermée dans un chagrin indicible et que personne ne semble pouvoir mettre fin : "Elle ne voulait plus sentir ce regard apitoyé sur elle. Elle voulait se terrer, s’enfermer, vivre dans un tombeau." La jeune veuve parvient à revenir au travail et reprendre un peu de vie sociale, mais le cœur n’y est plus. Charles Delamain, son directeur, mais aussi Chloé, une collègue un peu trop envahissante, tentent de faire sortir Nathalie de son deuil. En vain. Le déclic viendra pourtant d’une autre personne, Markus, un homme effacé, presque invisible, pour tout dire assez ordianire. Un geste gratuit, délicat et inexplicable bouscule subitement l’existence de cet homme et de cette femme si différents.

    Lorsque David Foenkinos a sorti La Délicatesse il y a un peu plus de 10 ans, le terme de résilience était inconnu du grand public. Il s’agit pourtant bien de cela : l’histoire d’une reconstruction en dépit d’un drame insupportable. L’auteur parvient à parler de cette tragédie grâce à un récit singulièrement léger, écrit avec une grande délicatesse, et où les effets de surprise ne manquent pas : passant d’un personnage à un autre (on pense à ces pages consacrées à Charlotte, la conductrice à l'origine de l'accident mortel), il suit pas à pas la route de Nathalie mais aussi de l’irrésistible Markus. David Foenkinos ponctue son roman de digressions sous forme de listes ou de notes de bas de pages – qui seront bientôt une marque de fabrique dans la suite de son oeuvre.

    La Délicatesse a été adaptée au cinéma deux ans plus tard par Stéphane Foenkinos et David Foenkinos en personne, avec Audrey Tautou et François Damiens dans les rôles principaux.

    David Foenkinos, La Délicatesse, éd. Gallimard, coll. Folio, 2009, 210 p.
    @DavidFoenkinos

    Voir aussi : "David Foenkinos, son œuvre"
    "La bibliothèque des auteur·e·s inconnu·e·s"

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  • Lorsqu’un François en cache un autre

    Avec Le Manuscrit de Quimper, le premier roman de François Lange, ancien policier reconverti en écrivain de polar historique, nous voilà dans une atmosphère sombre et une intrigue rocambolesque qui ne sont pas sans rappeler la série Vidocq. Sauf que, cette fois, l’histoire se déroule non pas durant le premier Empire puis la restauration mais en 1858, durant les premières années du règne de Napoléon III. Quant au protagoniste, l’inspecteur François Le Roy, il exerce non pas à Paris mais en Bretagne. Voilà pour camper ce roman publié par les éditions Palémon.

    Le manuscrit de Quimper est cet objet qui est au cœur d’une histoire sur fond de conspiration mais aussi de vols ourdis par une troupe insaisissable. Lorsqu’un antiquaire est retrouvé sauvagement assassiné chez lui, l’émoi est à son comble chez les notables mais aussi les autorités locales, la préfecture en tête.

    Un exutoire

    L’inspecteur Fañch Le Roy – dont on devine que l’auteur, qui porte le même prénom que son héros, a mis beaucoup de lui-même – est chargé de retrouver le ou les criminels. Bientôt, il apparaît qu’un étrange manuscrit, qui conduit tout droit à une société secrète, pourrait être la solution de ce mystère. Et pendant ce temps, il y a aussi cette affaire de vols à grande échelle : une autre épineuse affaire à régler au cœur de la Bretagne bigoudène.

    Roman historique se déroulant durant le Second Empire, Le Manuscrit de Quimper est un agréable polar régional, dans un pays que François Lange connaît bien. À bien des égards, ce roman – le premier que l’auteur a écrit, et qui a bien failli rester dans un tiroir –, était un exutoire lorsqu’il exerçait comme officier de police : " Je l’ai commencé en 2005. J’ai ressenti le besoin d’écrire en raison d’une mésentente avec la procureure de la République en poste à l’époque," dit-il dans une interview pour Côté Quimper. Redécouvert 13 ans plus tard, Le Manuscrit de Quimper est finalement publié et devient le premier tome d’une série sur ce policier pugnace, courageux et dévoué qu’est François Le Roy, avec "ce même regard transparent et apparemment vide de tout sentiment."

    François Lange, Le Manuscrit de Quimper, éd. du Palémon, Quimper, 2018, 189 p.
    https://www.palemon.fr
    Page Wikipédia de l’auteur

    Voir aussi : "La femme est l'avenir de l'homme planqué"

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