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Je pensais à mon métier d’avocate, au prétoire, à mes talents reconnus de plaideuse. J’avais défendu avec succès des voleurs à la tire, des escrocs professionnels et des maris prenant leur femme pour des punching-balls, mais j’étais incapable de maîtriser une dispute ordinaire dans ma propre maison.
— Quel est ton projet, exactement ?
Plus calme, la voix de Nina redescendit de quelques octaves.
Sortie prochaine de Rock’n’love d'Arsène K., chez Harlequin au format numérique.
De sa carrière de brillante avocate à son quotidien de maman dévouée, Lucrèce a toujours réglé sa vie comme du papier à musique. Sans l’ombre d’un doute, cet équilibre était la clé de son bonheur. Mais, en quelques jours à peine, celui-ci a volé en éclats. Alors que sa fille a fugué sans laisser de trace, son ex-petit ami, Alessandro, réapparaît sans prévenir. Ce chanteur célèbre au corps d’Apollon, à qui elle n’a pas parlé depuis vingt ans, est empêtré dans une affaire de plagiat qu’elle seule peut démêler. Prête à le défendre, Lucrèce doit pourtant rester prudente. Car, elle le sait, si elle se laisse de nouveau charmer par le rockeur, la partition qui accordait sa vie ne sera plus jamais la même.
Rock’n’love paraîtra chez Harlequin au format numérique à partir du 1er juillet 2020.
Appréhender le premier roman de Valérian Guillaume, Nul si découvert (éd. De l’Olivier) peut rebuter, en raison du double choix stylistique de l’auteur : proposer le long discours intérieur d’un narrateur sous la forme de phrases sans ponctuation.
Certes la forme n’est pas une nouveauté (que l’on pense à L’Automne du Patriarche de Gabriel García Márquez), mais cela reste tout de même suffisamment rare pour le signaler et pour décontenancer le lecteur. Quant au monologue à la Molly Bloom, s’il nous plonge dans le cerveau du narrateur grâce à ces flow de pensées, il a la particularité de nous donner peu d’informations sur lui. Tout juste sait-on que ce narrateur pour le moins déséquilibré est un jeune homme issu d’un milieu défavorisé, vivant seul (sa mère est morte et ses cendres sont conservée chez lui dans une urne), et dont les journées se passent essentiellement au cœur d’une cité sans âme.
C’est là justement la grande puissance de ce roman qui met le style au service d’un message sur notre monde contemporain, à plus d’un égard déshumanisé.
Cette déshumanisation est en effet au cœur du propos de Valérian Guillaume qui propose ici son premier roman. Il faut noter à ce sujet que l’artiste est également dramaturge (Désirades, Eclipses– et c’était quand même très bon, La Course), acteur (Les Oubliés de Julie Bertin et de Jade Herbulot à la Comédie Française), mais aussi scénariste pour la bande dessinée (prix Jeunes Talents 2018 du Festival International d’Angoulême avec le dessinateur Thibault Le Page).
Un roman qui met le style au service d’un message sur notre monde contemporain
Nul si découvert est une plongée dans un coin de France comme il en existe des milliers, avec ces zones périurbaines, ces parkings immenses, ces centres commerciaux sans âme et ses enseignes franchisées. Un de ces habitants, ce jeune homme paumé, vit là, se contentant de cet environnement froid, y voyant même une forme de poésie : "le complexe vient d’ouvrir il y a à peine deux mois c’était long mais ça en valait la peine parce que tout est hyper neuf et très joli il y a même des palmiers tropicaux à l’entrée ce qui fait que c’est vraiment immersif tout est éclairé avec une lumière bleu foncé et des étoiles de mer des dauphins et des baleineaux sont suspendus au plafond ce qui fait qu’on entre dans LaBaleine comme on entre dans une histoire."
Une "petite vie" bien à lui, comme il le dit lui-même, avec ces longues promenades au milieu de rayonnages de biens de consommation, mais aussi ces instants de bonheur, lorsque par exemple il croise au centre nautique une jeune caissière, Leslie, qui finit par l'obséder : "j’imaginais Leslie partout dans la douceur j’imaginais Leslie de toutes les façons avec des coupes marrantes et des tenues charmantes le matin est le temps de l’invention et du ravissement." De trop brefs moments de plaisirs, vains en réalité, car tout est morne, gris ou tout simplement noir dans cet univers de PMU sordides, de rayons d’hypermarchés vendant quelques mirages de plaisir (que l’on pense à la grinçante scène de l’opération commerciale pour un jeu-concours), de prétendus amis et surtout de solitude abyssale.
La détresse du personnage est à chaque page de cet impitoyable roman. Un roman aussi et surtout sur l’abandon : abandon de la mère, abandon du jeune homme dans une zone déshumanisée, abandon même de sa personnalité lorsque son "démon" prend le dessus sur lui.
Valérian Guillaume déroule, impitoyable, son message pour sauver ce qui peut l’être dans notre société de consommation. Il le fait avec une écriture qui abandonne elle aussi toute ponctuation, comme s’il y avait un caractère d’urgence dans ce court roman, cinglant comme une gifle.
Nul si découvert a été le lauréat de l'aide nationale à la création de texte dramatique – ARTCENA et sélection du prix Première de la RTBF et prix du premier roman de printemps 2020.
Catherine Dufour propose avec Entends la Nuit (éd. L’Atalante) un singulier roman de fantasy urbaine dont le premier intérêt réside sans doute dans l’univers choisi par l’auteure : une entreprise de veille média au cœur de Paris. Myriame y est embauchée en CDD après un parcours personnel et professionnel des plus chaotiques. Parce qu’elle de retour des Pays-Bas et désargentée, c’est sa mère qui l’héberge les premiers temps. La modeste chargée de veille découvre son bureau, ses nouveaux collègues, une manageuse perverse et le petit monde d’une multinationale, la Zuidertoren. L’entreprise est dirigée par Coleraine, Normanby et Clare, des actionnaires anglais richissimes, inquiétants et mystérieux.
L’entreprise dispose d’un logicien d’espionnage interne, Pretty Face : cette sorte de Facebook filme en interne ses employés, dont le visage est affiché en continu sur les écrans de la société. C’est dans cette ambiance paranoïaque à la Big Brother que, via ce réseau social, Myriame est contactée par un certain Duncan Vane. L’individu, qui s’avère être un cadre haut place, s’intéresse à la jeune femme et se montre d’une extrême courtoisie, voire d’une civilité très "old school".
Après lui avoir sauvé la vie après un mystérieux orage, il lui trouve un logement qui a la double particularité d’être contigu à la Zuidertoren et d'avoir été aménagé en luxueux studio meublé de style victorien. Duncan Vane dévoile sa véritable identifié : Lord Angus. Intriguée et séduite, Myriame, qui n’a communiqué avec lui jusqu’alors que virtuellement, est bien décidée à rencontrer son protecteur, soupirant et ange-gardien en chair et en os. Quoique l’expression "en chair et en os" n’est sans doute pas des plus appropriée.
Avec ce roman de fantasy, Catherine Dufour s’empare du mythe du vampire, sans pour autant que ce terme soit vraiment approprié, comme l’indique un dialogue : "Vous êtes… un vampire ? Ou une goule ou… un zombie ?... — Non je ne le suis pas. Je suis un mur." Cette réponse énigmatique va s'éclairer par la suite.
L’intrigue se précise à partir du premier tiers du livre, à la faveur d’une visite de l’Institut par une héroïne dont le moins que l’on puisse dire est qu’elle n’a pas froid aux yeux. En enquêtant, elle découvrira l'existence de légendes urbaines, de lémures, de mânes et de défunts pas tout à fait morts. Et parmi ces êtres surnaturels, qui ont pris possession de lieux habités par les vivants, il y a ce Duncan Vane ("Je suis un spectre. Je hante. Je suis un dieu. Je crée et je détruis. Je suis un démon. Je possède et je dévore"). Il entraîne sa "fiancée" – si l’on peut employer ce terme – dans des univers à fois funèbres, dangereux mais aussi plus vivants qu’on ne le penserait a priori. Myriame suit Lord Angus au cœur de Paris, un Paris étrange, sombre et même gothique.
Vrai roman de fin de siècle
Vrai roman de fin de siècle, à l’image du titre qui reprend un vers de Baudelaire ("Sois sage, ô ma Douleur, et tiens-toi plus tranquille. / Tu réclamais le Soir ; il descend ; le voici : / Une atmosphère obscure enveloppe la ville… / Entends, ma chère, entends la douce Nuit qui marche"), Catherine Dufour fait déambuler le lecteur dans une ville peuplée d’êtres surnaturels, la plupart des mort-vivants. Son livre est une œuvre étrange mêlant polar, fantastique et romance surnaturelle. L’auteure y insuffle aussi une voix contemporaine à travers le personnage de Myriame, jeune femme obstinée, impertinente, plus romantique qu’il n’y paraît et cachant des failles que la rencontre de Lord Angus mettra au grand jour.
S’y ajoute un message sous-jacent à cette histoire de puissants se cachant entre les murs, d’"hommes à bonnes fortunes", de "démolisseurs" et d'êtres inquiétants luttant pour le pouvoir - ou tout simplement pour exister. En entrant dans une multinationale au fonctionnement à la fois mystérieux et familier (la hiérarchie, le travail de bureau ennuyeux, le discours corporate ou les fêtes d’entreprise clinquantes), Myriame devient l’élément déclencheur d’une guerre souterraine entre puissants, guerre contre laquelle elle finit par s’insurger pour sauver sa peau : "Qu’est-ce que vous attendez de moi ?", dit-elle à son supérieur Coleraine, "Mais moi, je suis une travailleuse précaire ! Et mortelle, en plus ! Une smicarde doublée d’un éphémère. Traitez -moi de pute, si ça vous soulage. Mais c’est un métier exigent et utile, pute ! Alors que moi… un moucheron, voilà !"
Entends la Nuit, roman de fantasy urbaine à cheval entre le XXIe siècle et le XIXe siècle (l’auteure de l’essai sur Ada Lovelace fait par exemple intervenir brièvement le père de la mathématicienne, Arthur Byron), prouve que le mythe du vampire (pardon : du lémure) reste une source inépuisable d’inspiration.
Entends la Nuit a été récompensé par le prix Masterton 2019.
À quelques heures du déconfinement, il est encore temps de vous présenter le polar qu'a écrit Nicolas Feuz pendant cette crise sanitaire et qu'il a mis en ligne sur sa page Facebook.
Restez chez vous est le titre de son roman en ligne, et aujourd’hui terminé : 70 chapitres et un épilogue écrits tambour battant par l’auteur suisse, qui fait se dérouler l’action à Neuchâtel. L’histoire – vous l’aurez deviné –est celle d’une épidémie qui part d’une grotte et d'animaux sauvages, et cette fois il n’est pas question de pangolins mais de chauve-souris.
Nous avons posé quelques questions à l’auteur. Et d’abord, d’où est venu l’idée de ce challenge littéraire ? Verbatim : "À la base, plusieurs réflexions ont accompagné cette idée. Je me suis dit que les gens chercheraient probablement quelque chose à lire en cette période de fermeture des librairies et que tout le monde ne commande pas en ligne. L'idée de surfer sur la situation actuelle s'est vite imposée, mais dans deux ou trois mois, elle aurait été dépassée, car de nombreux auteurs vont surfer sur ce thème" dit Nicolas Feuz, avant de prévenir que les éditeurs vont très vite faire une overdose de livres sur le confinement ("Il va y en avoir une avalanche", prévoit-il, non sans raison). Message spécial pour les auteurs qui pensaient avoir fleurer le bon sujet...
Il n’est pas question ici de pangolins mais de chauve-souris
Mais comment Nicolas Feuz a-t-il travaillé sur ce polar, écrit en un peu d’un mois, du 27 mars au 28 avril ? Voici ce qu’il nous a répondu : "Durant cette période, j'ai écrit tous les jours, entre un et trois chapitres par jour, pour une publication d'en moyenne deux chapitres par jour. J'avais en moyenne cinq ou six chapitres d'avance sur les publications du soir. J'ai dû construire le scénario très rapidement (4 ou 5 jours), puis attaquer l'écriture."
Le roman prend pour point de départ une intrigue imaginaire mais largement crédible, intrigue qui a été enrichie et documentée grâce à l’actualité du moment. L’auteur nous éclaire à ce sujet : "Je me suis tenu informé tous les jours, en suivant notamment les conférences de presse du Conseil fédéral suisse et les interventions d'Emmanuel Macron et d’Édouard Philippe, pour coller au plus près de la réalité."
Nicolas Feuz était déjà sur les starting-blocks pour un prochain polar, L’Engrenage du Mal à paraître aux aux éditions Slatkine & Compagnie, le 15 mai en Suisse et le 27 mai en France. Restez-chez vous sera également bientôt disponible en librairie, pour découvrir cette historie de pandémie qui en rappelle une autre.
Au final, le défi artistique a été rondement mené, ce dont se félicite l’écrivain helvète : "Restez chez vous a été un sacré marathon, mais il m'a permis de ne pas m'ennuyer une seule seconde durant ce confinement."
Les ouvrages sur les violences aux enfants ne manquent pas. Pensons par exemple à l’indépassable Vipère au Poing d’Hervé Bazin. Sur un sujet aussi douloureux que celui-ci, il est difficile pour un ou une auteure, reconnaissons-le, de faire œuvre de littérature.
Isabelle Vouin parvient pourtant dans son dernier roman, Qui aime bien (éd. Talents Hauts), à faire une lecture singulière de la violence aux enfants – en parlant d’un autre acte de violence. C’est en effet d’une gifle dont il est question, la gifle d’une adolescente, Valentine : "C’est parti tout seul. Aujourd’hui, j’ai giflé ma mère." Une gifle d'autodéfense.
Dans ce court récit – bref roman ou longue nouvelle – écrit à la première personne, la jeune fille revient sur l’histoire d’une éducation rude qui semble, hélas, trop bien illustrer le proverbe : "Qui aime bien châtie bien."
Valentine décrit son chemin de croix d’une violence trop ordinaire par une mère que très peu verraient en tortionnaire : "Le chic absolu", "pas du tout grosse ni vulgaire", qui "a dû en faire tourner des têtes", avec son "tailleur impeccable et ses talons hauts pour aller bosser au tribunal..." Car, ironie du sort, cette Folcoche du XXIe siècle, est une greffière et habituée des cours de justice.
En devenant son double Colombine, Valentine parvient à devenir ce qu’elle est
Cette fameuse gifle est l’élément déclencheur autant que l’aboutissement d’un processus de libération d’une jeune fille qui a compris sur le tard qu’il se passait quelque chose d’anormal avec ces coups domestiques, ces "roustres" qu’elle trouve, pendant des années, "normales", et ces humiliations quotidiennes. Si Isabelle Vouin parle de son père, c’est pour parler d’un autre drame : celui d’un deuil, qui explique également la démarche de Valentine : "Pour moi, Papa c’était Dieu, alors il ne risquait rien. Du coup, moi aussi je lui ai dit d’y aller. Mais Dieu a glissé."
La libération de l’adolescente passera par son amour pour Lorenzo mais aussi par un projet artistique et professionnel : devenir clown. En devenant son double Colombine, Valentine parvient à devenir ce qu’elle est : "Quand je mets mon nez rouge, c’est instantané, je passe direct dans une autre dimension, un autre espace-temps. Et là, je suis dans ma vraie vie."
À bien des égards, Qui aime bien est l’histoire d’une série de dévoilements : de la violence domestique, d’un rêve de spectacles, d’un secret familial (admirablement mis en scène dans la scène du cimetière), et finalement de la mise au grand jour ("J'écarte le tissus et je les vois assis autour de la piste") de cette mère violente, dans un avant-dernier chapitre où tout se noue et se libère.