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roman - Page 25

  • Le top 10 de Bla Bla Blog pour 2016

    Comme l'an dernier, Bla Bla Blog vous présente le bilan 2016, après 208 articles publiés. Littérature, télévision, cinéma, musiques, expositions, bande dessinée, philosophie ou histoire : quelles ont été les publications les plus populaires et les plus marquantes de cette année ? Le bloggeur vous dit tout, sous forme d'un top 10.

     10  Dans l'enfer du Taj Mahal

    Le seul article consacré au cinéma pour ce Top 10 vient d'un film totalement inattendu, un authentique coup de cœur. Taj Mahal, de Nicolas Saada, avec Stacy Martin dans le rôle principal, mérite amplement cette place pour un petit bijou hitchkockien, qui est aussi un drame contemporain consacré au terrorisme. 

    Extrait
    "Beaucoup d’entre nous sont passés à côté de Taj Mahal, sorti il y a un an peu après les attentats du 13 novembre, et qui mérite de figurer parmi les fleurons du suspense français...

    Aucune star pour le deuxième film de Nicolas Saada, auteur du remarqué Espion(s), aucun grand moyen et un film tourné ni en France ni aux États-Unis mais en Inde, une intrigue sèche comme un coup de trique et un sujet d’actualité – le terrorisme – traité avec minimalisme."
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     9  Aurélie Dubois unmakes sex

    Aurélie Dubois est une artiste à suivre absolument. "L'artiste de garde" exposait en avril au salon "Salo IV" et y présentait en avril son oeuvre-phare, Mes tresses s'amusent. Ce dessin représente la quintessence d'une artiste qui a fait du sexe et du fantasme son terrain de recherche.

    Extrait
    "Qui es-tu pour ne pas te reconnaître ?" annonce le site Internet d’Aurélie Dubois. La citation de Daniel Androvski, psychanalyste et écrivain, annonce la couleur : les œuvres qui sont proposées par l’artiste risquent d’en dérouter plus d’un et nous tendre un miroir dérangeant sur le corps, le désir, le fantasme et le sexe. Une démarche revendiquée par Aurélie Dubois, "artiste de garde", qui affirme ceci : "Je considère que je ne fais que traduire la météo des pulsions."
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     8  Une fleur pour l'Orage nu

    Le focus sur Fleur Offwood, une musicienne douée - très douée, même – n'est pas passé inaperçu. Cet article fait sait aussi écho à un concours de NoMadMusic dans le cadre de Normandie Impressionniste dont il sera question plus loin. Fleur Offwood est une découverte de ce label et gageons que l'artiste a une longue arrière devant elle.

    Extrait
    "En janvier dernier, le prix du jury a été décerné à Fleur O., alias Fleur Offwood (Fleur Dupleich pour l'état civil), pour une création originale de 2:17, L’Orage nu.
    La jeune musicienne a fait le choix d’une composition audacieuse, offrant une pièce de musique de chambre contemporaine que le Kronos Quartet n’aurait pas renié : les leitmotivs entêtants, inquiétants et teintés de naturalisme (l’auditeur peut être transporté à la campagne en été, un jour d’orage) semblent faire le pont entre le sérialisme viennois du début du XXe siècle (Schoenberg, Berg et Webern) et le courant répétitif américain, une influence que la musicienne revendique en faisant référence au compositeur contemporain Steve Reich.

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     7  Mes hommes 

    Nathalie Cougny a été une des belles découvertes de cette année 2016. Cela a commencé par son exposition "En Corps !" au Julia le 23 janvier, à l'occasion de la sortie de son roman Amour et Confusions... Cette artiste engagée et touchante méritait bien plusieurs articles sur Bla Bla Blog.

    Extrait
    "Amour et Confusions... : le titre du dernier livre de Nathalie Cougny pourrait faire passer son dernier livre pour un roman sentimental convenu. Ceux qui suivent l'auteure de cette autofiction savent que cela serait très mal la connaître.
    C'est hors des sentiers battus que Nathalie Cougny, peintre, écrivain et femme engagée, entraîne le lecteur – qui est tutoyé, tel un ami et confident – dans une série d'aventures amoureuses. La narratrice, Aurore, nous parle de sa soif d'émancipation amoureuse, de sa recherche de l'amour et de ses hommes.
    Le roman commence par une fuite et une émancipation : un soir, une femme quitte son mari pour rejoindre son amant. Aurore tire ainsi un trait sur son passé, sans pour autant entamer une nouvelle histoire "sérieuse" car cette relation restera éphémère. Elle le sait. Après cet homme, elle en rencontrera d'autres, tous différents, tous marqués par des souffrances parfois indicibles, tous aimants aussi, à leur manière. Faut-il choisir entre eux ?
    "
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     6  Bouées, sardines et jolies poupées

    Le hasard peut offrir des découvertes inespérées. Prenez Patricia LM : c’est dans le cadre d’un séjour estival que le bloggeur est tombé sur sa discrète galerie à Concarneau. Retenez l’adresse : elle se situe au coin de la rue Laënnec et de la rue Dumont D'Urville, à quelques centaines de mètres de la corniche. Un air marin pour une artiste qui faits se rencontrer le folklore breton (filets de pêche, boîtes de sardines, bouées), la photographie et le pop-art. Patricia LM est à découvrir absolument si vos pas vous amènent dans le Finistère sud.

    Extrait 
    "Patricia LM retravaille de la même manière ses modèles féminins. L'artiste a pris le parti de les photographier en gros plan, s’intéressant aux jambes, aux pieds ou aux bustes. Les corps et les vêtements (dont une série sur les jeans) sont mis en valeur avec d’autant plus de respect que les clichés sont là aussi retravaillées et rehaussés de couleurs chaleureuses. Le bleu pastel, le gris velouté et le rose délicat se répondent, au service de photographies qui nous parlent d’intimité, de pudeur, de séduction ou de rendez-vous amoureux secrets dans des lieux interlopes."
    L’atelier de Patricia LM propose, outre les dessins au format à l’italienne de pin-up, d’autres créations étonnantes et qui ne sont pas à manquer."
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     5  Annulation du Carmen de la Fabrique Opéra de Toulouse

    L’invité surprise de ce Top 10 est un article sur un événement – qui n’a pas eu lieu ! La Fabrique Opéra de Toulouse préparait pour le mois de mai dernier un Carmen, un projet de spectacle dont Bla Bla Blog s’était fait l’écho quelques mois plus tôt. L’annulation n’a pas été sans controverse, les organisateurs toulousains s'estimant lâchés financièrement par l'association nationale qui, de son côté, se défend et plaide le non-respect de leur partenariat. Il n’est que dommageable que dans l’histoire ce soit les bénévoles (en majorité des lycéens) qui aient été les victimes de ce couac. Une cinquième place, donc, que nous aurions préféré ne pas voir ici.

    Extrait 
    "Les 3, 4, 8 et 9 mai 2016 le Zénith de Toulouse devait accueillir pour la première fois Carmen par La Fabrique Opéra Toulouse.
    M
    alheureusement, les organisateurs toulousains sont dans l’obligation d’annuler pour des raisons économiques le spectacle à la suite de la décision de La Fabrique Opéra nationale de rompre unilatéralement la convention qui les unissait depuis 2015."
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     4  Mell, on "Danse" ou on déprime ?

    Mell est une musicienne, et une musicienne vachement douée. La Lorraine a posé ses valises au Canada et poursuit une carrière qui a séduit Bla Bla Blog comme ses lecteurs. Son sixième album est sorti en fin d’année. C’est l’occasion de découvrir une artiste pleine de promesse aux influences pop, rock et électro tous azimuts.

    Extrait
    "Mell puise aussi avec énergie dans les années 80 pour des chansons punk-rock coup de poing et enlevées. Hey, Mort de rire et Danse c’est The Clash ressuscité et dopé à l’électro par une musicienne qui n’a pas froid aux yeux. Mell carbure à la new wave dans Au cinéma, transportant l’auditeur dans une salle obscure pour une idylle sucrée et éphémère : "Emmène-moi au cinéma / Que je puisse te toucher dans le noir / Comme si c’était la première fois / Je tremblerai / Tu souriras" : injection de nostalgie garantie.
    Le titre de l’album parle de déprime. Disons, pour être juste, que c’est vers la mélancolie et la nostalgie que penche la majorité des titres. C’est She said, ballade électro, Mon enterrement, une mélodie folk à l’ironie mordante, ou encore Tes yeux verts, titre folk lumineux et minimaliste : "Dans tes yeux clairs / J’ai vu la mer / Dans tes yeux verts / J’ai vu l’enfer… / Non je n’ai pas peur des tempêtes."
    Où te caches-tu ? penche du côté de Nick Drake : "Où te caches-tu mon amour / Dans quel pays / Dans quel faubourg". Cette ballade folk, sur le thème de l’amour et de l’identité, est savamment mise en relief par petites touches, sans dénaturer une mélodie simple, une voix délicatement posée et une guitare sèche lofi."
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     3  Normandie Impressionniste

    D’avril à août 2016, Bla Bla Blog a consacré un dossier de 11 articles sur le Festival Normandie Impressionniste qui se déroulait du 16 avril au 26 septembre. Il était impossible de parler des 800 manifestations proposées. Le focus a été fait sur les événements les plus marquants : l’exposition "Scènes de la vie impressionniste" au Musée des Beaux-Arts de Rouen, les rétrospectives sur Eugène Boudin (MuMa, Le Havre), celle du peintre John Batho (Musée de Normandie - Château de Caen) et la découverte en France du Norvégien Fritz Thaulow. Bla Bla Blog s’est également intéressé à des initiatives plus particulières : Bill Viola à Yvetot, le partenariat de la SNCF et de Normandie Impressionniste, le concours de NoMadMusic au sujet de la Sonate de Vinteuil de Marcel Proust, la vidéo Éclipse de Thibault Jehanne et un focus sur Rineke Dijkstra,une des artistes invitées par la Frac Haute-Normandie pour l’exposition "Portrait de l'artiste en Alter" à Sotteville-lès-Rouen.

    Extrait
    "La 3e édition de Normandie impressionniste revient à partir de ce week-end, et jusqu’à la fin 2016. Comme en 2011 et 2013, la Normandie rend hommage et célèbre l’impressionnisme à travers 800 manifestations réparties sur autant de sites. Signalons que pour la première fois, l’essaimage territorial de Normandie Impressionniste se calque sur la nouvelle grande région Normandie.
    Le thème choisi par le festival est celui du portrait qui est décliné autour d’expositions, de spectacles vivants, de créations contemporaines, de danses, de concerts, de pièces de théâtre, d’opéras, de colloques ou de guinguettes.

    L’impressionnisme a été un mouvement pictural révolutionnaire, admiré autant que décrié au XIXe siècle, et dont les apports dans le monde de l’art ont été incommensurables. Erick Orsenna, président du Conseil Scientifique du festival Normandie Impressionniste, rappelle que les peintres impressionnistes ont eu à cœur le goût de l’innovation (le travail sur les couleurs, sur lumière, sur le travail en plein-air plutôt qu’en atelier…), au cours d’une période foisonnante et tournée vers les révolutions (politiques, sociales, culturelles, artistiques ou industrielles. "Ils ont révolutionné la peinture et ouvert la voie à toutes les audaces. Quel encouragement pour les artistes d’aujourd’hui, pour tous les artistes !" dit Erik Orsenna."
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     2  Alex Varenne et le premier salon de la littérature érotique 

    La deuxième place de ce podium revient à un double événement : l'exposition Alex Varenne à la galerie Art en Transe Gallery et le premier salon de la littérature érotique qui s'y tenait à cette occasion (le 23 novembre 2016). Bla Bla Blog était partenaire de ces deux manifestations. Présenter la peinture d'Alex Varenne (et ses Strip Art) a été aussi l'occasion de parler de son œuvre de dessinateur et de son apport à la BD érotique. Le salon ad hoc était à la fois une parenthèse naturelle à l'exposition Strip Art et un coup de projecteur porté à une littérature audacieuse, dans tous les sens du terme.

    Extrait
    "Dans le cadre de l’exposition "Strip Art" consacrée à la peinture d’Alex Varenne, avait lieu à la galerie Art en Transe Gallery, ce samedi 26 novembre, le premier salon de la littérature érotique. Bla Bla Blog était d'ailleurs partenaire de cet événement.
    C’est dans ce lieu cosy que Flore Cherry, créatrice et animatrice des Écrits Polissons, avait invité la fine fleur de ce genre littéraire, souvent considéré avec dédain, pour ne pas dire pudibonderie. Or, ce samedi, le public se serrait en nombre dans la galerie Art en Transe Gallery, entouré des toiles d’Alex Varenne. Ah, si ses modèles avaient pu parler ! Et bien, s’ils avaient pu parler, ils auraient pu dire bien des choses en somme."
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     1  Alka

    Ce n'est pas un mais plusieurs articles qui méritent la première place de ce top 10 en 2016. La comédienne, mannequin et chanteuse Alka Balbir fait feu de tout bois depuis trois ans. Sur Bla Bla Blog, nous aimons Alka, une des premières chanteuses chroniquées sur ce site pour son disque La première Fois, écrit par Benjamin Biolay. 2016 a vu Alka Balbir sur grand écran (Gaz de France, avec Philippe Katerine dans le rôle principal) avant que l'artiste ne se lance dans plusieurs concerts, annonciateurs, n'en doutons pas, de futures réalisations musicales. Comptez sur Bla Bla Blog pour vous en parler.

    Extrait
    "Alka Balbir a figuré parmi les premiers artistes que j'ai chroniqués sur ce blog en raison de son premier disque, La Première Fois produit par Benjamin Biolay ("Suprême Alka"). Il me paraissait logique de produire un nouveau billet pour signaler sa présence dans la comédie Gaz de France, réalisée par Benoît Forgeard.
    Philippe Katerine est en première ligne dans le rôle d'un Président de la République impopulaire (Tiens, ça vous rappelle quelque chose?) et tentant de remonter dans les sondages grâce à quelques conseillers aussi interlopes. Alka Balbir fait partie de ce casting.
    Gaz de France est présentée comme une fable absurde et intelligente : "Avec une étonnante économie de moyens, un décor minimaliste et une poignée d'acteurs talentueux (...), le cinéaste nous enferme dans un étrange huis clos. En ligne de mire, la politique vidée de son sens et la mainmise de la communication... Dans ce décorticage très caustique du théâtre politicien et de ses coulisses, il donne à voir la peur de la guerre et du chaos, le chacun pour soi" nous apprend Télérama."
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    Le bloggeur mentionnera enfin deux publications déjà anciennes, mais qui continuent à être consultés régulièrement : le dossier "Montargis la Chinoise", consacré à la naissance à Montargis de la Chine communiste au début du XXe siècle et "Lectures au bout de la nuit" sur l'émission maintenant culte Voyages au bout de la Nuit.

  • Inappréciable nounou

    Ce serait une erreur de limiter Chanson douce, le roman de Leïla Slimani, à la simple chronique d’un fait divers sordide : le meurtre de deux enfants par une nounou au dessus de tout soupçon. L'ouvrage, légitimement plébiscité et encensé, s'avère bien plus complexe qu'il n'y paraît.

    Myriam et Paul sont les parents de Mila et Adam, deux enfants choyés. Pris dans ses obligations professionnelles et personnelles, ce couple de la classe moyenne fait appel à Louise, une nounou qui leur a été chaudement recommandée. En peu de temps, la jeune femme, investie, aimante, discrète, efficace et zélée, devient indispensable au couple de bobos – comme à leurs enfants. Louise finit par devenir un membre de la famille à part entière et à faire de la résidence de ses employeurs une seconde maison. Entre les cinq personnages – les trois adultes et les deux enfants – se noue une relation ambiguë dans lequel se mêlent les liens de subordination, la confiance mutuelle, le respect mais aussi la jalousie, la méfiance croissante et la frustration.

    Chanson douce commence par suivre le destin d’un homme et d’une femme étouffés par leur nouveau statut de parents. Il y a ces longues pages touchantes sur Myriam, littéralement aliénée par les journées consacrées à sa fille et à son bébé, et dont le salut viendra d’une inconnue aux qualités inappréciables. Paul lui-même ne peut que se réjouir d’avoir embauché une nounou qui a redonné vie à leur appartement et à leur famille. La gratitude ira jusqu’à les pousser à proposer à Louise de les accompagner en vacances en Grèce.

    Mais par un retournement subtil du roman, Leïla Slimani transforme le tableau idyllique en drame absolu. Elle instille par petites touches le poison qui va faire voler en éclat l’apparente harmonie que Myriam juge elle-même avec une lucidité certes tardive : "Leurs préoccupations leur apparaissent pour ce qu’elles sont : des petits soucis du quotidien, presque des caprices." De longs chapitres s’intéressent à Louise, à son lourd passé, à son quotidien sordide et à ses perspectives peu reluisantes.

    La rencontre entre Louise et ses employeurs est vouée à l’échec malgré les qualités irréprochables d’une jeune femme en grande souffrance – et dont les relations avec sa fille nous esquissées avec tact. Louise est autant coupable d’un crime épouvantable que victime de sa situation.

    Leïla Slimani complexifie à l’extrême son drame en mettant en scène une dialectique du maître et de l’esclave, transformant l’inappréciable et si indispensable nounou en véritable gouvernante régentant la maison jusqu'à en faire son domicile bis : "Plus les semaines passent et plus Louise excelle à devenir à la fois invisible et indispensable. Myriam ne l'appelle plus pour prévenir de ses retards et Mila ne demande plus quand rentrera maman. Louise est là, tenant à bout de bras l'édifice fragile. Myriam accepte de se faire materner. Chaque jour, elle abandonne plus de tâches à une Louise reconnaissante... Louise s'agite en coulisses, discrète et puissante. C'est elle qui tient les fils transparents sans lesquels la magie ne peut plus advenir. Elle est Vishnou, divinité nourricière, jalouse et protectrice. Elle est la louve à la mamelle de qui ils viennent boire, la source infaillible de leur bonheur familial." Un bonheur que l'auteure dépeint comme un vernis prêt à éclater car pollué par des rancœurs qui se font jour : "Une haine monte en elle. Une haine qui vient contrarier ses élans serviles et son optimisme enfantin. Une haine qui brouille tout. Elle est absorbée dans un rêve triste et confus. Hantée par l'impression d'avoir trop vu, trop entendu de l'intimité des autres, d'une intimité à laquelle elle n'a jamais eu droit."

    Avec un sens aigu de la psychologie, Leïla Slimani dépeint un drame intense traitant en filigrane une de lutte des classes qui n’en porte pas le nom. Ce brillant roman est en effet la peinture sociale terrible de ses plafonds de verre incassables et à ses fractures rendant irréconciliable des franges de la population qui se côtoient sans jamais se fondre, l'argent et la position sociale aliénant les individus jusqu'à l'irréparable. Le lecteur aura en tête cette scène de comédie humaine dans le jardin d’enfants où viennent se réunir les nourrices avec les enfants de leurs patrons : "Pendant que les enfants courent sur les graviers, qu’ils creusent dans le bac à sable que la mairie a récemment dératisé, les femmes font du square à la fois un bureau de recrutement et un syndicat, un centre de réclamations et de petites annonces."

    Louise, au départ personnage de polar et nounou aux pulsions criminelles, s'avère être un personnage universel, un archétype des invisibles de la société perdus dans un no man's land sans issue et voués à l'aliénation, jusqu'à l'irréparable.

    Pour ce roman tendu, sans concession et à l'écriture sèche, Leïla Slimani a été récompensée par un mérité Prix Goncourt.

    Leïla Slimani, Chanson douce, éd. Gallimard, 2016, 227 p.

  • Mais que lit donc un geek ?

    Les geeks souriront au nom "404 Factory" : le célèbre code d'erreur informatique "404" a été choisi pour désigner la "plate-forme d'écriture et de lecture créée par des geeks pour des geeks."

    La publication en ligne, déjà bien installée depuis quelques années, est sans doute en passe de prendre un nouveau visage avec l’émergence d’éditeurs numériques et Internet spécialisés. Malin, 404 Factory a choisi de s’attaquer à une niche a priori réceptive : celui des férus et spécialistes en informatique, "no life", nomades numériques, nerds et autres geeks. Créé il y a tout juste un an, 404 Factory revendique d'emblée son positionnement dans la pop-culture, celle de Minecraft ou de la Youtubeuse Andy et son roman en ligne Princesse 2.0.

    Mais que lit au fait un geek ? Et que pourrait-il écrire ? Pour avoir une réponse, le bloggeur a entrepris un tour sur 404 Factory et vous invite à l’imiter pour découvrir d'étonnantes stories, en sachant que cette plate-forme est gratuite.

    Les textes mis à disposition – et dont beaucoup sont à l'état d'ébauche – sont classés en 10 rubriques (ou "univers") : "Fantasy", "Sci-fi", "Objet Littéraire Non Identifié", "Fan Fiction", "In Real Life", "Gaming", Apocalypse", "Super Héros", "Steampunk" et "LOL".

    C'est la fantasy qui constitue le vivier le plus important du catalogue littéraire. Les geeks – et les autres – pourront y trouver des personnages familiers de l'héroïc-fantasy (citons Blanche Diamand et le Secret des Gardiens de Laura Said ou L'Entre-Monde d'Eydal) comme des incursions dans des univers dans la dark fantasy (Bran : Les Gardiens de Londres de Bastien Puech-Cessens) ou des contes d'ailleurs (Six Histoires pas très sages de Nurming).

    La science-fiction est l'autre domaine richement fourni chez 404 Factory : anticipation, voyages spatiaux-temporels, mondes d'ailleurs et créatures extra-terrestres inspirent le monde des geeks, même si nombre de textes restent à l'état d'ébauches comme Aurores d'Antoine Tyson le Maistre. D'autres projets sont plus évolués comme L42 d'EternalBoredorm, voire terminées comme Planète Ourrah d'Eva Colombe.

    404 Factory est une auberge espagnole dont la diversité n'est pas la moindre de ses qualités : à côté des textes plus ou travaillés, plus ou moins maladroits ou de projets arrivés presque à maturité, surgissent de simples pitchs à la faisabilité douteuse, que ce soit un préquel de Star Wars ou un début de spin-off d'Harry Potter mettant en scène le couple Drago Malefoy et Hermione Granger (Un amour haineux d'Elisa Mamet Roussel). Les histoires inspirées d’œuvres existantes font d'ailleurs l'objet d'une rubrique à part entière (Fan Fiction) où se pressent tour à tour le petit sorcier de JK Rowlings, l'Alice de Lewis Carroll, Sherlock Holmes ou les Pokémons !

    Le Objets Littéraires Non Identifiés renferment de petits trésors d'imagination, dont les couvertures ou simples titres font saliver : Je me suis perdu sur Internet de Joseph Bonte, L'envol d'une Cui-Cuillère de Léonardi di Carpaccio (sic), Favolascuro – Vies indépendantes d'Amanda_as ou Comment j'ai épousé mon commandant d'Unité de Sébastien Carré.

    Real Life présente "des stories ancrées dans le réel" : new romance (Amoureuse d'un Bad Boy d'Anastasija), suicide, prostitution ou addiction sont proposés à la "mode geek", avec ce je ne sais quoi d'impertinence mais aussi d'humour, tel le Journal d'une Patate de TheCutestPotato.

    Les univers du gaming et des super-héros s'offrent des places de choix chez 404 Factory. Le geek adore jouer jusqu'à pas d'heures ; le geek adore les personnages de Marvell ou de DC Comics ; le geek dévore les mangas : il se trouvera en terrain familier sur cet espace s'inspirant des jeux de rôles, des livres-jeux, des jeux vidéos ou des figures classiques du super-héros : Les Cauchemars se Peignent haut en Couleurs de Mélodie Wolfheart ou A Marvelous Carnage de Benjamin Beziat pour les deux ouvrages.

    Les sections Apocalypse et Steampunk sont les plus sombres de 404 Factory, que ce soit Apocalypse Doll de June DPZ, Z – Premiers Morts de Sebastien Carré (avec, pour figure à la mode, le traditionnel zombie) ou Chaos³ de MiKL BD. À noter la présence parmi les textes publiées d'une pièce de théâtre, L'Ombrelle de Mme Arriem de Luma.

    La dernière section, symptomatiquement appelée "Lol", rassemble quelques stories – ou plutôt projets de stories – inclassables : textes poétiques, loufoques, absurdes, dialogues décousus et expérimentations pour geek littérateur. Mais il est vrai que 404 Factory dans son ensemble reste un vaste champ d'expérimentations et de works in progress.

    www.404-factory.fr

  • Pour en revenir à Eddy Bellegueule

    La journaliste Catherine Vincent propose dans Le Monde daté du 11 décembre 2016 le portrait éloquent d’Edouard Louis, né Eddy Bellegueulle, ancien fils de prolétaire, issu d’une famille pauvre picarde et devenu en quelques années un des jeunes intellectuels les plus en vue de l’époque.

    Cette trajectoire hors du commun, Edouard Louis l’a retracée dans son premier ouvrage, En finir avec Eddy Bellegueule (2014), un phénomène d’édition (300 000 exemplaires vendus) autant qu’un ouvrage polémique en raison de la manière dont l’auteur décrivait sans fard ses premières années dans le modeste village d’Hallencourt. L’ancien gamin promis à une carrière dans un supermarché ou dans une chaîne d’usine se dévoile autant qu’il décrit l’existence d’habitants oubliés de tous : les conditions de vie indigentes de sa famille, la violence omniprésente, l’abandon de classe, le mépris pour la vie culturelle, la difficulté de se sortir d’un milieu défavorisé ou l’homophobie. Cette homophobie devient l’un des sujets principaux du récit d’Edouard Louis qui commente ainsi les crachats qui lui étaient lancés : "Ils ont été comme un acte de naissance. Ces crachats disaient : « Voilà donc ce que tu seras. Tu es un pédé, tu es différent, et tu seras conditionné par ça. »"

    Les lecteurs du premier roman écrit par le futur docteur en sociologie se souviennent de ces pages hallucinantes où les portraits cruels d’habitants côtoient des scènes d’une rare crudité. L’autofiction du jeune écrivain a fait pousser des cris d’orfraie à plusieurs membres de sa famille comme aux habitants de la cité. Rarement un artiste n’a été aussi loin dans le portrait d’un milieu largement oublié et qu’il a décidé de fuir. Une fuite qui a signé la mue salvatrice d’un jeune homme avide d’accomplissements personnels et intellectuels : cela passera par des études dans un lycée d’Amiens, par l’ENS, par des rencontres avec des personnes d’un milieu plus favorisé, par la rage d’apprendre, mais aussi par une transformation physique et par un changement de nom. Eddy Bellegueule, le gamin incompris et méprisé d’Hallencourt, devient Edouard Louis, l’intellectuel parisien admiré et reconnu. "Je leur avais dit que désormais, je m’appelais Edouard, et ça se passait très mal. « Eddy », c’est le nom que m’a donné mon père : j’étais son premier fils, et il était fou des films et des séries américaines – de l’Amérique en général."

    Autofiction polémique, En finir avec Eddy Bellegueule est aussi la porte ouverte sur des damnés d’une terre picarde et des oubliés des temps modernes. En cela, le premier livre d’Edouard Louis est salvateur et d’un engagement qui sonne juste : "Quand vous parlez des classes populaires, on attend de vous que vous évoquiez l’entraide, la bonne humeur, la solidarité… Mais la solidarité en question, elle existe surtout entre hommes blancs et hétérosexuels ! Les autres souffrent. Cette violence est produite par la domination, et celle-ci est si puissante qu’elle impose aux dominés de la reproduire."

    Un an plus, tard, Edouard Louis sort son deuxième ouvrage, Histoire de la Violence. Le lecteur avait quitté Eddy Bellegueule, sur les chemins d’une résurrection sociale ; il retrouve l’ancien fils de prolétaire picard victime d’un viol dans les beaux quartiers et devant expliquer ce fait divers à la policde, à ses amis et à sa sœur Clara. Voilà l’écrivain contraint de raconter une expérience douloureuse, tombée depuis dans la rubrique des faits divers. Le crime sordide est décrit dans une langue aux multiples circonvolutions. L’auteur ressasse les heures traumatisantes de son agression à coup de flash-back, de monologues et de va-et-vient d’une langue à l’autre : celle de son enfance picarde et celle de son éducation parisienne. Deux langues qui parviennent difficilement à rendre compte de l’histoire de cette violence : "Quand j'écris je dis tout, quand je parle je suis lâche", dit l’auteur. Eddy avait quitté une vie marquée par la violence dans son premier ouvrage ; voilà que, tel un retour du refoulé, cette violence rattrape son alter-ego Edouard, insidieusement, inconsciemment, impitoyablement : "La ruse de la violence est d’être la plupart du temps invisible. Elle se répète de manière tellement systématique qu’elle n’est plus perçue, elle devient normale, elle devient « la vie ». C’est la question de Bourdieu : pourquoi y a t-il si peu de révolte dans un monde si violent ?"

    Edouard Louis, En finir avec Eddy Bellegueule, éd. Seuil, 2014, 203 p.
    Edouard Louis, Histoire de la Violence, éd. Seul, 2016, 229 p.
    "Edouard Louis : Trump et le FN sont le produit de l’exclusion", Le Monde, 11 décembre 2016

  • Le club des coureurs à la fin du monde

    D’emblée, le livre d’Adrian J. Walker, The End of the World Running Club (éd. Hugo), pourrait se placer dans la lignée du roman apocalyptique de référence, La Route de Cormac McCarthy : un pays plongé dans le chaos après un cataclysme planétaire (ici, une pluie de météorite), un homme contraint de survivre et tentant également de préserver son humanité grâce à un lien familial tenu.

    Là pourtant s’arrête la comparaison. Car lorsque McCarthy fait de son roman de science-fiction une œuvre métaphorique sur la condition humaine, Adrian J. Walker bâtit un thriller prenant à partir d’une idée simple mais diablement efficace : la lutte pour la survie se transforme en course à pied dantesque.

    Rien ne prédestinait pourtant le personnage principal, Edgar Hill, père de famille banal, débordé, sans grande ambition, et surtout pas sportif, à devenir à la faveur d’un désastre continental un héros capable de traverser l’Angleterre pour rejoindre femme et enfants.

    Le livre démarre de manière classique, à la manière de La Guerre des Mondes : une pluie de météorites s’abat sur une partie de la planète, plongeant du jour au lendemain la Grande-Bretagne dans un chaos inédit. Ed, informaticien de son état, réussit à mettre sa famille sous protection. Une caserne près d’Édimbourg abrite une poignée de survivants, s’organisant avec leurs moyens. Mais Lorsque Ed apprend qu’une évacuation est organisée vers la Cornouailles d’où doivent partir des bateaux, il est trop tard : sa femme et ses deux enfants sont partis avant lui en hélicoptère. Il prend la décision, avec quelques camarades d’infortune, de les rejoindre à pied : une course de 800 kilomètres à travers une Grande-Bretagne en ruine, peuplée d’habitants perdus ou de survivants regroupés en clans violents.

    Ce voyage apocalyptique dans un paysage à la Mad Max est un thriller efficace autant que la découverte des capacités d’un homme que rien ne destinait à vivre de tels événements.

    Adrian J. Walker, The End of the World Running Club, éd. Hugo Thriller, 2016, 558 p. 

     

  • Tristes fêtes

    En-attendant-Bojangles-follement-attachant_width1024.jpgEn attendant Bojangles d’Olivier Bourdeaut a été le phénomène littéraire surprise de ce début d’année. Aucun bookmaker n’aurait sans doute parié sur ce premier roman d’un illustre inconnu, mais un bouche-à-oreille élogieux a, au fil des mois, consacré En attendant Bojangles et sa couverture délicieusement kitsch comme une œuvre marquante, et sans doute pour longtemps.

    Le titre du roman renvoie à un titre de Nina Simone, Mr Bojangles, dont le narrateur, un jeune garçon, se souvient comme de la chanson préférée de ses parents. De drôles de parents en vérité ! Lui, Georges, a abandonné son travail pour vivre dans une joyeuse oisiveté. Elle, fantasque et imprévisible, a choisi l’insouciance et n’a pour toute règle de vie que le plaisir, la passion pour son homme et la danse : "Mes parents dansaient tout le temps, partout. Avec leurs amis la nuit, tous les deux le matin et l'après-midi. Parfois je dansais avec eux. Ils dansaient avec des façons vraiment incroyables, ils bousculaient tout sur leur passage, mon père lâchait ma mère dans l'atmosphère, la rattrapait par les ongles après une pirouette, parfois deux, même trois. Il la balançait sous ses jambes, la faisait voler autour de lui comme une girouette, et quand il la lâchait complètement sans faire exprès Maman se retrouvait les fesses par terre et sa robe autour, comme une tasse sur une soucoupe."

    Nina Simone accompagne les journées folles de ce drôle de couple et de leur fils, témoin et acteur malgré lui de cette histoire d’amour hors norme. Le plaisir, la fête, la musique, la danse et l’insouciance sont cependant rattrapés en cours de roman par le drame, la folie et la tragédie. Une lutte s’engage pour que la vie et le bonheur reprennent leur place. Est-ce encore possible ?

    Olivier Bourdeaut a été comparé à Boris Vian pour ce premier roman où derrière la fantaisie parfois surréaliste se cache le désespoir. En vérité, il y a du Francis Scott Fitzgerald dans ce premier roman finement ciselé. À l’instar de Tendre est la nuit, En attendant Bojangles est une ode triste à la fête pour échapper à des blessures insurmontables : "Quand la vérité est banale et triste, inventez-moi une belle histoire."

    Olivier Bourdeaut, En attendant Bojangles, éd. Finitude, 2016, 156 p.

     

  • Les deux manières de lire Driven

    driven,bromberg,new romance,sexeIl y a sans doute deux manières de lire Driven. La première pourrait être réservée aux millions de fans de cette trilogie de new romance : poursuivre la lecture des aventures sulfureuses de Rylee Thomas et Colton Donovan à travers un quatrième opus (ou plutôt une saison 3.5 pour reprendre le sous-titre de Driven – Raced). Ce tome rassemble en effet des scènes complémentaires des trois premiers volumes, Driven, Fueled et Crashed, que les amoureux de K. Bromberg retrouveront avec plaisir.

    La seconde manière pourrait être celle d’un nouveau lecteur désireux de découvrir cette trilogie à succès : Raced peut en effet être parcouru chapitre par chapitre parallèlement lors de la lecture de chacun des trois tomes précédents. Voilà une manière originale de se plonger dans cette oeuvre de new romance. Et pourquoi pas ? Après tout, "la vraie vie commence au-delà de la limite de ta zone de confort", pour reprendre une citation de la romancière américaine.

    Soyons clair. Raced n’est pas stricto sensu un roman. Il s’agit autant d’une parenthèse littéraire à destination des fans de Driven que d’un projet éditorial autant qu’artistique. K Bromberg a choisi, dit-elle en préambule, d’écouter ses lecteurs – ou ses lectrices pour être plus exact : "J’ai décidé de me lancer un défi à moi-même… J’ai fait une sélection drastiques des scènes à réécrire." L’auteure américaine a pioché dans Driven, Fueled et Crashed ses scènes favorites, ainsi que celles de ses admiratrices consultées via son blog. À l’instar de Grey de EL James, K Bromberg revisite des passages de sa trilogie en se plaçant du point de vue du personnage principal masculin, Colton Donovan.

    Fans de Driven, vous vous retrouverez plongés dans un univers familier. Nouveaux lecteurs et curieux, Raced offrira une manière alternative de découvrir la trilogie à succès de K Bromberg, best-seller sur la liste du New York Times et de USA Today.

    K Bromberg, Driven, Raced, saison 3.5, éd. Hugo Roman, 2016, 230 p.
    http://www.kbromberg.com
    K. Bromberg sur Instagram

  • Layana et ses mecs

    Dans Black Lies, Layana Fairmont, sémillante et ambitieuse trentenaire californienne, avoue sortir avec deux hommes. Jusque-là, rien d’exceptionnel. Un roman ayant pour thème le triangle amoureux est un des classiques de la littérature au point que, sur ce sujet, tout semble avoir été dit. Mais attendez un peu la suite car cette histoire savamment épicée réserve son lot de surprise : "Si vous croyez avoir déjà lui une histoire comme la mienne, vous vous trompez" prévient Layana dans un prologue qui fleure bon la manipulation et le mystère.

    Brant et Lee sont donc les deux amants de la narratrice, deux amants aussi différents l’un que l’autre. Le premier est un brillant et fringant informaticien devenu directeur milliardaire de BSX, une multinationale que gère avec une main de fer la directrice financière Jillian Sharp. Le second mec de Layana, jardinier de son état (et l’on sait depuis Desperate Housewives le potentiel érotique insoupçonné de cette profession), est aussi rustre et brutal que son adversaire ne se montre attentionné et gentleman – trop gentleman ? Le feu couve sous la braise, et ce n’est pas dû qu’à cette relation amoureuse aussi compliquée qu’aventureuse. Entre ces deux hommes, qui choisir ? Et faut-il choisir ? "Allez-y. Jugez-moi. Vous ne pouvez pas imaginer les conséquences que cette situation entraîne."

    "Une montagne de mensonges" : tel est le cœur du roman d’Alessandra Torre qui cache derrière les scènes pimentées de Black Lies une intrigue savamment dissimulée que le bloggeur se gardera bien de dévoiler. Chacun des protagonistes dissimule une part d’artifice, y compris chez la narratrice qui prend chair comme rarement. Layana Fairmont a beau parfois tenir des propos faciles et entendus, elle ne devient jamais plus passionnante que lorsqu’elle est placée dans des situations extrêmes. Tour à tour, malmenée, aimée, dissimulatrice et manipulatrice, elle n’en devient que plus attachante parce que plus humaine. Là est la grosse réussite de ce roman. Le lecteur peut également se féliciter qu’Alessandra Torre ait pris soin de faire tomber les barrières de la new romance pour proposer une fiction mêlant sexe, mensonges, folie, thriller et bien entendu passion amoureuse. Une réussite dans le genre qui a permis à Black Lies de figurer dans la liste des meilleures ventes du New York TimesSi vous ne devez lire cette année qu’un seul ouvrage de la new romance, c’est celui-ci.

    Alessandra Torre, Black Lies, éd. Hugo, Paris, 2016, 422, p.
    www.Alessandratorre.com