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roman - Page 26

  • Les deux manières de lire Driven

    driven,bromberg,new romance,sexeIl y a sans doute deux manières de lire Driven. La première pourrait être réservée aux millions de fans de cette trilogie de new romance : poursuivre la lecture des aventures sulfureuses de Rylee Thomas et Colton Donovan à travers un quatrième opus (ou plutôt une saison 3.5 pour reprendre le sous-titre de Driven – Raced). Ce tome rassemble en effet des scènes complémentaires des trois premiers volumes, Driven, Fueled et Crashed, que les amoureux de K. Bromberg retrouveront avec plaisir.

    La seconde manière pourrait être celle d’un nouveau lecteur désireux de découvrir cette trilogie à succès : Raced peut en effet être parcouru chapitre par chapitre parallèlement lors de la lecture de chacun des trois tomes précédents. Voilà une manière originale de se plonger dans cette oeuvre de new romance. Et pourquoi pas ? Après tout, "la vraie vie commence au-delà de la limite de ta zone de confort", pour reprendre une citation de la romancière américaine.

    Soyons clair. Raced n’est pas stricto sensu un roman. Il s’agit autant d’une parenthèse littéraire à destination des fans de Driven que d’un projet éditorial autant qu’artistique. K Bromberg a choisi, dit-elle en préambule, d’écouter ses lecteurs – ou ses lectrices pour être plus exact : "J’ai décidé de me lancer un défi à moi-même… J’ai fait une sélection drastiques des scènes à réécrire." L’auteure américaine a pioché dans Driven, Fueled et Crashed ses scènes favorites, ainsi que celles de ses admiratrices consultées via son blog. À l’instar de Grey de EL James, K Bromberg revisite des passages de sa trilogie en se plaçant du point de vue du personnage principal masculin, Colton Donovan.

    Fans de Driven, vous vous retrouverez plongés dans un univers familier. Nouveaux lecteurs et curieux, Raced offrira une manière alternative de découvrir la trilogie à succès de K Bromberg, best-seller sur la liste du New York Times et de USA Today.

    K Bromberg, Driven, Raced, saison 3.5, éd. Hugo Roman, 2016, 230 p.
    http://www.kbromberg.com
    K. Bromberg sur Instagram

  • Layana et ses mecs

    Dans Black Lies, Layana Fairmont, sémillante et ambitieuse trentenaire californienne, avoue sortir avec deux hommes. Jusque-là, rien d’exceptionnel. Un roman ayant pour thème le triangle amoureux est un des classiques de la littérature au point que, sur ce sujet, tout semble avoir été dit. Mais attendez un peu la suite car cette histoire savamment épicée réserve son lot de surprise : "Si vous croyez avoir déjà lui une histoire comme la mienne, vous vous trompez" prévient Layana dans un prologue qui fleure bon la manipulation et le mystère.

    Brant et Lee sont donc les deux amants de la narratrice, deux amants aussi différents l’un que l’autre. Le premier est un brillant et fringant informaticien devenu directeur milliardaire de BSX, une multinationale que gère avec une main de fer la directrice financière Jillian Sharp. Le second mec de Layana, jardinier de son état (et l’on sait depuis Desperate Housewives le potentiel érotique insoupçonné de cette profession), est aussi rustre et brutal que son adversaire ne se montre attentionné et gentleman – trop gentleman ? Le feu couve sous la braise, et ce n’est pas dû qu’à cette relation amoureuse aussi compliquée qu’aventureuse. Entre ces deux hommes, qui choisir ? Et faut-il choisir ? "Allez-y. Jugez-moi. Vous ne pouvez pas imaginer les conséquences que cette situation entraîne."

    "Une montagne de mensonges" : tel est le cœur du roman d’Alessandra Torre qui cache derrière les scènes pimentées de Black Lies une intrigue savamment dissimulée que le bloggeur se gardera bien de dévoiler. Chacun des protagonistes dissimule une part d’artifice, y compris chez la narratrice qui prend chair comme rarement. Layana Fairmont a beau parfois tenir des propos faciles et entendus, elle ne devient jamais plus passionnante que lorsqu’elle est placée dans des situations extrêmes. Tour à tour, malmenée, aimée, dissimulatrice et manipulatrice, elle n’en devient que plus attachante parce que plus humaine. Là est la grosse réussite de ce roman. Le lecteur peut également se féliciter qu’Alessandra Torre ait pris soin de faire tomber les barrières de la new romance pour proposer une fiction mêlant sexe, mensonges, folie, thriller et bien entendu passion amoureuse. Une réussite dans le genre qui a permis à Black Lies de figurer dans la liste des meilleures ventes du New York TimesSi vous ne devez lire cette année qu’un seul ouvrage de la new romance, c’est celui-ci.

    Alessandra Torre, Black Lies, éd. Hugo, Paris, 2016, 422, p.
    www.Alessandratorre.com

  • Nos oiseaux, nos frères

    portillo,tzigane,roman,oiseauC'est un voyage dans une culture que nous connaissons si mal que nous propose Chantal Portillo: celui des tziganes. Son roman, Tsigane-Oiseau, commence par un combat de coqs, une lutte à mort symbolisant les relations conflictuelles entre trois frères, le Zébré, le Rouquin – des jumeaux aux dissemblances qui finiront par se faire jour – et le narrateur, l'Oiseau. Après son refus de devenir oiseleur comme ses frères, son oncle Tchirklo prend sous ses ailes le garçon de 10 ans. Il le charge de s'occuper d'un chardonneret, un tzigane-oiseau, Danseuse, et de la dresser à chanter.

    C'est une autre voie qu'ont choisie les jumeaux : coqueleurs et duettistes via des bêtes de combats réputées, les Géants des Flandres. Chantal Portillo propose d'intéressantes pages sur cette tradition aussi fascinante que cruelle et machiste: "Le monde des coqs c’est le monde des mecs, et c’est un monde de vrai. Le vrai monde. Tu dois accepter que tu vas faire mourir un coq que t’aimes et que t’aimes si fort, parce que c’est comme ça la vie, y’a toujours un gagnant et un perdant. Et qu’on ne peut pas faire autrement que de vouloir être le plus fort. C’est l’épreuve du sang qui fait devenir un homme."

    Un combat de coq entre ces deux frères va faire de l'Oiseau l'épicentre d'un conflit cruel entre les deux frères, jusqu'à la tragédie finale qui cueille à froid le lecteur mais qui, à bien y réfléchir, était inéluctable : "Le destin va bientôt nous frapper Qu’il vienne / Cela n’a pas d’importance / Qui peut nous empêcher d’aller sur les chemins."

    Tsigane-Oiseau est un hymne mélancolique à la liberté autant qu'un roman tragique à la sourde tension. Il s'agit également d'un véritable chant d'amour, sans dialogue, pour un peuple mal aimé : "Nous étions Sintis ou Manouches, Gitans, Roms, peu importait nous étions Tsiganes et nous étions La Musique...L'esprit tzigane est partout dans ce roman : dans les traditions, dans la religion (avec le Père Yoska, alias André Barthélémy à qui est dédié ce livre), dans les voyages, dans la mauvaise réputation des "voleurs de poules", dans la vie difficile des camps tziganes, dans la culture, la musique et les danses, dans la solidarité de clan tzigane, dans la fierté des hommes et dans l'effacement des femmes.

    Un effacement tout relatif avec ces deux personnages féminins centraux que sont la figure tutélaire de Chaga la Pithie ainsi que la Mariée, femme fatale que l'on croirait sortie d'une tragédie grecque.

    Tsigane-Oiseau séduit par ses tableaux picaresques : les combats de coqs, bien sûr, mais aussi le mariage aux Saintes-Marie-de-la-Mer, le dressage et les chants de Danseuse, les jeux d'enfants dans l'église Saint-Jean-le-Vieux de Perpignan, la vie autour des décharges ou les errances imposées : "Nous pouvions laisser humiliations, cris, menaces, et partir sur le chemin. Étions-nous Gitans, Yéniches, Manouches ou Sintis, nous étions Voyageurs. Nos pères avaient été marchands, brocanteurs, saisonniers, peintres ou maçons, artistes. Mais avant tout ils étaient Voyageurs."

    Il s'agit d'un roman sur les vaincus de la terre, les oubliés, les rejetés, que ce soit L'Oiseau le narrateur, le chardonneret Danseuse ou le coq Dark Vador : "Le chemin miroite à ceux qui n’ont rien" dit le narrateur.

    Chantal Portillo, Tsigane-Oiseau, Arcadia Éditions, 2016, 155 p.

  • Roman-feuilleton 3.0 sur un air de tango

    lcntdr-cover-ch1.jpgDans la grande tradition des romans-feuilletons du XIXe siècle, Céline Guarneri propose de renouveler ce genre sur le web grâce à un polar disponible gratuitement sur son site.

    Le Ciel ne te doit rien, dont les premiers chapitres sont en ligne ici, peut être qualifié de roman-feuilleton 3.0 et de "work in progess" dont l’ambition artistique mérite que l’on s’y arrête.

    La démarche de l’auteure est au départ de s’émanciper des moyens de publications classiques, que l’artiste elle-même juge "très décevants". L’Internet offre à cet égard de multiples avantages : universalité, gratuité et facilité d’utilisation.

    Depuis la mi-février, Céline Guarneri propose chaque semaine un chapitre supplémentaire de son polar Le Ciel ne te doit rien. Pour une fois, le bloggueur parlera d’un roman qu’il n’a pas terminé – et pour cause : la publication est en cours et va s’étaler sur plusieurs mois, en attendant une publication à la demande.

    Le roman a pour cadre Lyon, une ville que connaît bien l’auteure et qui, dit-elle, "se prête bien aux enquêtes policières". L’histoire – dont on devine qu’elle naviguera entre Lyon et l’Argentine – commence par un attentat et l’enlèvement non moins mystérieux d’une femme. Tony Hujarova, un capitaine de police désabusé est témoin de l’événement, tout comme Amélie, une femme qu’il a houspillée quelques minutes plus tôt. Au même moment, dans un hôpital psychiatrique, Camille, une jeune patiente atteinte d’une lourde dépression et d’amnésie, défie les psychiatres. Lorsqu’elle croise par hasard Estefan Belén, un danseur de tango, un déclic s’opère chez la jeune femme. La suite, le lecteur le découvrira tout au long des semaines qui verront la mise en ligne des chapitres de ce roman mené tambour battant.

    Dans les premières lignes de cet article, il était question de work in progress. Nous pourrions préciser : "work in progress augmenté". Céline Guarneri se lance en effet dans une aventure artistique inédite qui entend dépasser le strict cadre du roman policier : "Le but... est d'inviter d'autres artistes (photographes, dessinateurs, danseurs) à interagir avec le texte et à créer une autre matière à partir de l'histoire. La co-création sera ainsi au cœur de ce nouveau projet", explique l’auteure. Son pedigree lui offre d’ailleurs de sérieux atouts pour une telle démarche car, non contente d’avoir publié de manière traditionnelle romans, théâtre, contes pour enfants et d’avoir été remarquée pour plusieurs nouvelles (lauréate en 2000 du concours "Lire en fête" pour son texte Les femmes et le XXème siècle et primée pour Le héros en littérature dans le cadre de l'émission littéraire "Vol de Nuit" animée par Patrick Poivre d'Arvor), Céline Guarneri est une artiste dotée de multiples facettes : comédienne, réalisatrice, danseuse de tango (le tango tient d’ailleurs une place importante dans Le Ciel ne te doit rien), journaliste ou community manageuse.

    Umberto Eco avait traité d’œuvre ouverte dans un de ses premiers essais (L'Oeuvre ouverte, 1965). C’est également d’une œuvre ouverte dont il est question ici. Céline Guarneri voit ce roman policier, à la facture classique qui ne décevra pas les amateurs du genre, le premier jalon d’une œuvre totale mêlant musiques, photos (par exemple via une ou plusieurs expositions), danses (le tango, toujours), vidéos (un teaser est en ligne) voire – c’est un souhait affirmé de l’auteure – patrimoine historique à travers des visites de la ville de Lyon. Le texte lui-même est appelé à se transformer au fur et à mesure de la publication sur le web grâce au concours des internautes qui souhaitent le faire évoluer dans un sens ou dans un autre. Céline Guarneri "revendique ainsi une démarche éditoriale qui vise à faire bouger les lignes pour montrer qu'édition traditionnelle et autoédition ne sont pas incompatibles, s'enrichissent et se servent l'une l'autre. Une façon de les réconcilier à travers de nouvelles formes de passerelles et de collaborations".

    Ce roman-feuilleton enrichi, work in progress augmenté, n’attend plus que toi, lecteur et internaute, pour vivre et devenir une œuvre totale.

    Le ciel ne te doit rien, web-Feuilleton de Céline Guarneri
    https://www.celineguarneri.fr
    © Tous droits réservés, 2016
    Photo © Heaven Line

  • La soumission, ça s’apprend tôt

    la-petite-barbare-pave.jpg"La soumission, ça s’apprend tôt", dit, dans les dernières pages du roman d’Astrid Manfredi, La petite Barbare, celle qui se fait appeler ainsi. Elle n’a ni prénom ni nom. Toutefois, les lecteurs attentifs reconnaîtront derrière ce personnage fictif celui de l’appât ayant conduit Illan Halimi entre les griffes du Gang des Barbares. En 2006, le jeune homme avait péri après trois semaines de captivité et de tortures. Quelques années plus tard, la fille de ce gang avait été au centre d’un autre fait divers : emprisonnée à Versailles, elle aurait fait l’objet d’un traitement de faveur après avoir séduit un gardien de prison puis le propre directeur de la prison !

    S’agit-il d’un roman sur cette double affaire ? Non.

    L’auteure relate la séquestration et le décès dIllan Halimi en quelques pages. Et si les avances sexuelles de la petite barbare sont développées, il s’agit moins de relater un fait divers sordide que mettre en relief les motivations d’une jeune femme paumée.

    Ce dont il est question dans La petite Barbare c’est bien de misère matérielle et intellectuelle ainsi que d’une lutte des classes contre toute forme d’oppression, qu’elle soit économique ou machiste. On sort groggy de ce roman coup de poing, cri de haine d’une fille dont le seul espoir réside dans la violence et le mépris du genre humain – et masculin.

    Astrid Manfredi, La petite Barbare, éd. Belfond, 154 p.
    http://laisseparlerlesfilles.com

  • Elles sont parties pour le Nord

    cover79746-medium.png1917. Wilma, onze ans, se réveille par un glacial matin d'hiver dans la cabane qu'elle habite avec son père, trappeur dans le Grand Nord canadien. Celui-ci, de retour d'une expédition vers la ville, lui rapporte un cadeau : un étrange livre à la couverture de cuir, finement illustré, Le Merveilleux Voyage de Nils Holgersson à travers la Suède. La vie simple et rude de la jeune fille, rythmée par les saisons, en sera à jamais bouleversée, car c'est dans les pages du roman qu'elle rencontre pour la première fois Akka...

    Dans le Canada sauvage du début du XXe siècle, Wilma, courageuse et déterminée, mène un combat héroïque pour la sauvegarde du plus grand oiseau migrateur de l'Amérique du Nord.    

    Inspiré de l’histoire vraie de la grue blanche, une espèce en voie de disparition, Patrick Lecomte tisse dans son premier roman, Elles sont parties pour le Nord, les destins croisés d’une jeune femme passionnée et d’un oiseau mythique, symbole de calme, de pureté et de loyauté.  

    Un récit envoûtant, promesse d’évasion, où la poésie de la nature – les grands espaces, le ciel immense – rencontre la magie de la lecture. 

    Patrick Lecomte, Elles sont parties pour le Nord, éd. Prélude 2016



  • Umberto Eco, un mélange

    Umberto Eco disait : "Celui qui ne lit pas, arrivé à soixante-dix ans, n’aura vécu qu’une vie : la sienne. Celui qui lit en aura vécu au moins cinq-mille". L'intellectuel, universitaire, essayiste, romancier et journaliste italien, décédé le 19 février 2016, vouait une vénération absolue pour la connaissance et la littérature. Jean-Christophe Buisson, du Figaro, était allé à sa rencontre il y a cinq ans, à Bologne, et parlait des rayonnages faramineux de sa bibliothèque personnelle de Bologne. Eco y conservait plusieurs dizaines de milliers d'ouvrages, conservés avec amour.

    Umbero Eco est mon auteur fétiche, et cela depuis des années. Il risque bien de le rester encore quelque temps. Pour ce billet, et parce que je tenais à parler de lui, j'ai choisi de compiler un mélange de critiques sur quelques-uns de ses principaux livres.

    L’Oeuvre ouverte

    eco,umberto eco,essai,roman,chroniquesAvec cet essai, paru en 1964, le jeune Umberto Eco s'ouvre les voies de la notoriété en s’intéressant à l'art d'avant-garde, au langage, à l'information, au signe et à la communication. Dans cette étude, austère et aride pour certains passages (notamment sur la différence entre information et communication), l'auteur italien s'avère passionnant dans sa vision de l'ouverture des œuvres d'art (modernes et contemporaines). Il est surtout convaincant dans son approche des romans de James Joyce : il parvient à montrer pourquoi les livres Ulysse et Finnegans Wake ont révolutionné la littérature en même temps qu'ils se situent dans la droite ligne de la culture occidentale. Il nous fait découvrir en quoi s. Thomas d'Aquin peut être considéré comme une référence capitale dans l'oeuvre de Joyce. Un essai lumineux.

    Umberto Eco, L’Oeuvre ouverte, éd. Seuil, Point, Essais, 314 p.

     

    Le Nom de la Rose

    eco,umberto eco,essai,roman,chroniquesLe Nom de la Rose, son premier roman (1982), qui est aussi son plus célèbre, a comme vampirisé le reste de sa production romanesque. Un moine franciscain et son jeune secrétaire sont chargés de résoudre les mystères de crimes qui ensanglantent un monastère. Il semble que ces meurtres ont pour origine l'imposante bibliothèque des lieux. Un polar médiéval devenu un classique qui est aussi un plaidoyer pour la tolérance et le savoir. Reste cette question que le lecteur peut se poser : qu'est-ce que la rose ? La bibliothèque de l'abbaye ? Un livre en grec tant convoité ? La jeune fille rencontrée et aimée par Adso de Melk ? Ou tout simplement la vie terrestre ? 

    Umberto Eco, Le Nom de la Rose, éd. Grasset, 543 p.

     

     

    Le Pendule de Foucault

    eco,umberto eco,essai,roman,chroniquesEn 1988, vingt ans avant Dan Brown et son Da Vinci Code (mais en plus subtil et plus ambitieux), le célèbre auteur italien proposait une relecture originale de la religion et des sciences occultes. L'histoire ? Trois amis italiens travaillant dans l'édition décident, par amusement, d'imaginer un vaste complot mené par une société secrète pour la domination du monde. Bientôt cette supercherie les dépasse complètement : et s'ils n'avaient pas réveillé des forces souterraines à force de les inventer ?  La lecture de ce livre est quelque chose d'assez unique, une vraie expérience en soi - pour peu que l'on dépasse les cinquante premières pages. Un must.

    Umberto Eco, Le Pendule de Foucault, éd. Grasset, 543 p.

     

     

    À reculons, comme une écrevisse

    eco,umberto eco,essai,roman,chroniquesSémiologue et romancier internationalement connu, Umberto Eco était également connu en Italie pour être un observateur attentif du monde contemporain. Ce livre est un recueil d'articles qu'il a publiés de 2000 à 2005. Avec un sens aigu de l'analyse, Ce spécialiste des signes, qui se fait aussi intellectuel engagé contre Berlusconi, interroge notre monde dit "post-moderne" : les néo guerres, le terrorisme, la paix mondiale, la dernière chance de l'Europe, l'intolérance ou la manipulation médiatique de Silvio Berlusconi. Un ouvrage intelligent et engagé qui appel au sursaut de l'intelligence et de la tolérance pour sortir des nouvelles barbaries.

    Umberto Eco, À reculons, comme une écrevisse, éd. Grasset, 420 p.

     

     

    La mystérieuse Flamme de la Reine Loana

    eco,umberto eco,essai,roman,chroniquesVoici un roman peu connu du maître italien mais qui mérite d'être redécouvert. La mystérieuse Flamme de la Reine Loana (2004) nous prouve qu'Umbero Eco n'était pas cantonné à la littérature scientifique. Nous suivons le personnage principak, Yambo, qui se trouve amnésique suite à un choc. Pour retrouver son passé, il part quelques jours dans la demeure de son grand-père où il a passé une partie de son enfance durant le fascisme italien et la seconde guerre mondiale. Là, Yambo découvre les lectures qui berçaient son enfance et son adolescence. Cette production d'Eco a été fraîchement accueilli à sa sortie. C'est injuste car voici un roman émouvant et érudit à la fois sur les thèmes de la culture populaire, des remords, des blessures de l'enfance, du sens de l'honneur et de l'idéal féminin. Seul regret : la fin du livre a tendance à tourner en rond.

    Umberto Eco, La mystérieuse Flamme de la Reine Loana, éd. Grasset, 489 p.

     

    Le Cimetière de Prague

    eco,umberto eco,essai,roman,chroniquesLe quatrième de couverture de ce livre paru en 2010 induit le lecteur en erreur en plaçant Le Cimetière de Prague dans la droite lignée du Nom de la Rose. En réalité, cette sixième production romanesque a bien plus de points communs avec Le Pendule de Foucault, fabuleux roman traitant avec maestria d'un complot universel des Templiers. Il est question dans Le Cimetière de Prague d'un complot imaginaire : celle de Juifs réunis un soir dans un cimetière de Prague et se mettant d'accord pour dominer le monde. Un thème hautement sulfureux qui a fait polémique en Italie. Le narrateur principal, Simon Simonini, brillant faussaire et antisémite notoire, raconte son travail de rédacteur qui aboutira à "l'évangile" antisémite des Protocoles des Sages de Sion. À la fois extraits de journaux intimes et de lettres, cette production littéraire s'apparente aux romans-feuilletons du XIXe siècle. Bien plus baroque que dans ses livres précédents, et non sans audace, Umberto Eco multiplie chausse-trappes, fausses pistes destinées à perdre le lecteur (qui est qui ?), conspirations fumeuses mettant en scène jésuites, franc-maçons, sectes diaboliques et d'authentiques personnages historiques (Alexandre Dumas, Garibaldi, Dreyfus ou le jeune Sigmund Freud). Un roman intéressant qui n'est sans doute pas le meilleur de notre plus brillant écrivain européen mais qui a le mérite de démonter avec talent la manière dont se créent des légendes comme celle des Protocoles de Sion.

    Umberto Eco, Le Cimetière de Prague, éd. Grasset, 551 p.

    Confessions d'un jeune Romancier

    eco,umberto eco,essai,roman,chroniquesLe quatrième couverture de ce nouvel essai d'Umberto Eco est trompeur et risque fort de conduire nombre de lecteurs dans l'erreur. Sans doute parce que c'est plus vendeur, l'éditeur présente Confessions d'un jeune Romancier (2013) comme d'une sorte de vade-mecum pour écrivain en herbe. C'est faire insulte à Umberto Eco, tant cet essai est moins un manuel pratique pour jeune écrivain en quête de succès, qu'une brillante présentation de la carrière de "jeune" romancier d'Umberto Eco (seulement sept romans à son actif, en comptant Le Cimetière de Prague publié après les conférences à l'origine de ce livre). Il y livre également sa vision du roman dans l'histoire de la littérature tout en répondant à quelques questions essentielles : comment lui vient son inspiration ? Quelles sont les contraintes de ses romans ? Quels sont les liens entre les intentions de l'auteur et les interprétations du(des) lecteur(s) ? Quelle est la réalité et la vérité des personnages romanesques (une question moins anodine qu'il n'y paraît) ? En quoi la sémiotique peut-elle s'intéresser aux personnages fictionnels ?  Eco termine cet essai par une partie étonnante et passionnante sur la place des listes dans son œuvre comme dans la littérature en général. Finalement, voilà un essai passionnant qui confirme qu'Umberto Eco reste l'un des plus passionnants intellectuel et artiste de notre époque.

    Umberto Eco, Confessions d'un jeune Romancier, éd. Grasset, 232 pages

    Site officiel d'Umberto Eco

  • Mes hommes

    nathalie cougnyAmour et Confusions... : le titre du dernier livre de Nathalie Cougny pourrait faire passer son dernier livre pour un roman sentimental convenu. Ceux qui suivent l'auteure de cette autofiction savent que cela serait très mal la connaître.

    C'est hors des sentiers battus que Nathalie Cougny, peintre, écrivain et femme engagée, entraîne le lecteur – qui est tutoyé, tel un ami et confident – dans une série d'aventures amoureuses. La narratrice, Aurore, nous parle de sa soif d'émancipation amoureuse, de sa recherche de l'amour et de ses hommes.

    Le roman commence par une fuite et une émancipation : un soir, une femme quitte son mari pour rejoindre son amant. Aurore tire ainsi un trait sur son passé, sans pour autant entamer une nouvelle histoire "sérieuse" car cette relation restera éphémère. Elle le sait. Après cet homme, elle en rencontrera d'autres, tous différents, tous marqués par des souffrances parfois indicibles, tous aimants aussi, à leur manière. Faut-il choisir entre eux ? Aurore refuse et va de bras en bras, à la poursuite d'une liberté érigée en cheval de bataille. Cette liberté passera par des expériences érotiques acceptés et assumés, parfois jusqu'à la souffrance : "On projette toujours un manque. Chez moi, c'était un gouffre, un précipice dont je ne voyais pas le fond : aimer." Après tout, entre le mot "aimer" et le mot "amer" il n'y a qu'une seule lettre de différence.

    Amour et Confusions... ne conte pas seulement une course au désir. Les confidences d'Aurore portent sur un sujet central : les hommes. La narratrice en parle avec acuité, dureté parfois, mais toujours avec tendresse et compréhension. Nathalie Cougny tourne autour des personnages masculins en observatrice passionnée et avec tact, comme pour ne pas les blesser. Roman érotique, dans Amour et Confusions... il est également question de séduction, de corps, de lâcher-prise, de sensualité, de "dépendance sexuelle sans limite" ou de jeux amoureux décrits sans fard. Pour Aurore, l'enjeu reste la quête de soi et du bonheur à travers les autres, ces hommes. La philosophie, et en premier lieu Friedrich Nietzsche, sont sollicités et cités pour décrire les tenants et les aboutissants de cette aventure amoureuse dans ce qu'elle peut avoir de confuse.

    Il y a également, dans le roman de Nathalie Cougny, de longues pages sur les thèmes de la recherche de l'amour, du père disparu qui nous a été enlevé, de la dépression, du poids insoutenable des traditions patriarcales, des "souffrances de ces hommes", de la cruauté du désir lorsqu'il est capable de nous terrasser, de la séparation et de l'expérience amoureuse dans ce qu'elle peut avoir de plus excitante mais aussi, parfois, de plus aliénante. L'expérience est justement l'ultime pied de nez – digne d'X-Files – de cette autofiction qui nous fait voyager dans la grande aventure de l'amour, de soi et des hommes.

    Nathalie Cougny, Amour et Confusions..., éd. Sudarènes, 151 p.
    Editions Sudarènes
    http://www.nathaliecougny.fr

    Exposition "Encore troublé", Le Julia, Paris 3e, 23 janvier 2016