En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.
A Barcelone, dans les années 20, David Martin, jeune écrivain à la recherche du succès, est contacté par un mystérieux mécène pour l'écriture d'un livre religieux. David accepte ce juteux contrat avant de le regretter.
J'ai été déçu par ce thriller historique d'un des meilleurs écrivains espagnols actuels (l'auteur de L'Ombre du Vent, son premier livre, beaucoup plus réussi à ce qu'il paraît).
Certes, Le Jeu de l'Ange est bien écrit et bien mené, avec des chapitres courts qui rythment bien ce roman et des personnages bien construits (Isabella, Vidal, Sempere, Cristina). Cependant, j'ai été frustré par une histoire (de damnation ou d'immortalité) qui semble se perdre en cours de route : l'intrigue du cimetière des livres, bien imaginée, tombe à plat à la fin ; les motivations du criminel m'ont semblé en partie obscure ; l'identité du mécène est laissée (volontairement ?) dans l'ombre ; quant au dernier chapitre, il m'a laissé dubitatif.
Par contre, ce livre est à lire pour ce voyage dans le Barcelone des années 20 !
Le moins que l’on puisse dire est que Noé Margolis sait accrocher le lecteur et parler à sa corde sensible. Le premier chapitre de son roman Ça fera des souvenirs (éditions Michalon) interpelle le lecteur directement tout autant qu’il l’interroge : "Ce n’est pas seulement l’histoire de ce livre que vous découvrez. C’est votre propre histoire. Vous nagez dans le temps, vous replongez en vous-même pour vous rappeler ce qui a eu lieu, ce qui n’a pas eu lieu, ce qui aurait pu avoir lieu".
Mais de quelle histoire parlons-nous au juste ? Il s’agit de celle de Darius, un adolescent de dix-sept ans, un peu dégingandé du haut de son mètre quatre-vingt deux, pas forcément bien dans sa vie ("Grandir à la bonne place"), sans être forcément paumé, un peu en manque de reconnaissance dans sa famille, et avec les filles, ce n’est pas forcément très simple.
Lorsque le roman commence, Darius assiste, avec sa famille, aux funérailles d’Alain, un ami de son père qui a compté pour l’adolescent. Un soutien mais aussi un jalon important dans sa jeune vie. Alors que la cérémonie se déroule au cimetière du Père-Lachaise, avec son lot de discours et de musique (l’auteure en fait d’ailleurs le métronome de son roman), Darius se replonge dans son passé, au sujet duquel Alain disait : "Au moins, ça te fera des souvenirs".
Ce ne sont pas les parents ni même le frère de Darius qui forment le cœur de ses réflexions, mais trois personnes qu’il a connues, trois adultes, à la fois exemplaires, édifiants et bouleversants. Ils forment l’armature des souvenirs du jeune homme, appelé à grandir et vieillir.
Ça fera des souvenirs est un des plus beaux livres écrits sur la manière d’être adulte dans notre société moderne
Ça fera des souvenirs est une très jolie surprise littéraire de ce printemps. En dépit de ce que pourrait penser de ce récit plein de mélancolie, on en sort bizarrement ragaillardi, après avoir parcouru les quelques dizaines d’années du personnage principal, de l’adolescence jusqu’au mitan de sa vie.
La compassion que le lecteur a pour Darius vient paradoxalement de sa simplicité, de ses failles et de ses défauts. Les premières idylles, les amours déçus ("Désir ou amour, tu le sauras un jour", cite l'auteure qui reprend les paroles d'une chanson d'Axelle Red), la rencontre avec un lycéen venu d’une famille huppée – où l’on découvre que les concerts des Enfoirés peuvent prendre une tournure métaphysique ! –, les rêves déçus (la danse) ou au contraire en construction (une librairie) ou la rencontre avec la femme de sa vie deviennent des aventures en soi.
Mais là où Noé Margolis se montre sans doute la plus clairvoyante est dans sa manière de mettre la mort au centre du récit – car trois enterrements ponctuent le récit – et surtout de faire de trois adultes, en âges plus ou moins avancés, à la fois des références (Alain), des exemples bouleversants (Charline) et des personnages mystérieux aux lourds secrets (Gilbert).
La vie, l’amitié, les rêves, le temps passé qui ne reviendra plus et, finalement, les souvenirs. Il faut ajouter à cela l’amour, le désir, les histoires jamais abouties (Charline et Alain) ou les souvenirs que l’on ne racontera jamais. Tels sont les thèmes du roman de Noé Margolis. Mine de rien, Ça fera des souvenirs est un des plus beaux livres écrits sur la manière d’être adulte dans notre société moderne (car le roman se déroule des années 80 à notre ère technologique), avec, comme observateur et acteur, un Darius grandissant, observant, expérimentant et vivant. Non sans mélancolie et nostalgie, car, comme le dit l’auteure : "Vieillir, c’est s’éloigner de soin époque, comme on s’éloigne du rivage".
Fatherland est une uchronie, c'est-à-dire une fiction inventant des événements historiques passés.
Dans ce roman du célèbre auteur de thriller britannique, nous sommes à Berlin en 1964. L'Allemagne a gagné la seconde guerre mondiale et les Etats-Unis, gouvernés par un Kennedy (Joseph !), cherchent un modus vivendi avec Adolf Hitler qui s'apprête à fêter ses 75 ans. L'Europe est unifiée, mais sous l'égide de l'Allemagne hitlérienne. Voilà pour le décor très impressionnant de ce roman.
Dans un Berlin méconnaissable (reconstruit par l'architecte nazi Speer), un policier est chargé d'identifier le cadavre d'un homme. Son enquête le mène rapidement vers des révélations fracassantes. Les masques tombent les uns après les autres.
Un excellent thriller qui se lit d'une traite. Et qui n’est pas sans rappeler Le Maître du Haut-Château.
Mais qui est ce mystérieux Robert Galbraith, qui a déboulé il y a près de 10 ans dans la littérature du roman policier ? Son identité – pour celles et ceux qui ne la connaissent pas – promet de surprendre.
L’Appel du Coucou, brillante intrigue criminelle et enquête de détective, est le premier volume d’une saga autour d’un anti-héros blasé et bousculé par la vie.
Cormoran Strike a servi dans l’armé britannique, en Afghanistan, où une attaque l’a laissé amputé d’une jambe. Invalide de guerre, c’est comme détective privée qu’il s’installe. Avec d’autant moins de succès que sa femme le quitte. Le jour de sa rupture fracassante, alors qu’il est au fond du trou, débarquent tour à, tour Robin Ellacott et John Bristow. La première est une jeune femme postulant pour faire de l’intérim comme assistante. Le deuxième est un futur client. Il est persuadé que sa sœur, Lula Landry, une mannequin renommée, retrouvée morte quelques mois plus tôt, ne s’est pas suicidée mais a été assassinée.
Cormoran ne peut pas ne pas refuser l’affaire, d’autant plus qu’il est maintenant épaulé par la brillante Robin.
Il y a une vie après Harry Potter
Derrière le nom de Robert Galbraith se cache JK Rowling. L’auteure de la saga Harry Potter s’est visiblement amusée à s’emparer des codes du roman policier à énigme : une mort étrange, des indices troublants, des suspects nombreux, un enquêteur – ici, deux enquêteurs – pugnaces et finalement un dénouement surprenant.
Vous l’avez deviné : on est dans de l’Agatha Christie des années 2010. Le traumatisme de l’Afghanistan, le bling-bling de la jet-set, les nouvelles technologies. Il y a tout cela, mais aussi et surtout deux personnages attachants. D’un côté un inspecteur blasé tentant de s’accrocher et de recoller les morceaux ; de l’autre, une jeune femme à qui l’avenir sourit, mais qui doit gérer une carrière professionnelle chaotique et un futur mari à qui rien ne manque, mais qui finit par porter sur les nerfs. Entre Cormoran et Robin, qui auraient dû ne jamais se croiser, l’entente va s’avérer plus fructueuse et productive que prévue.
Au final, bien entendu, le lecteur découvrira à la fois ce qui s’est passé le soir du meurtre de la mannequin et l’explication du titre du roman. Voilà qui, au final, donne envie de découvrir la suite des aventures de Cormoran et de Robin, et qui prouve par dessus le marché que JK Rowling n’en finira jamais de nous surprendre. Oui, il y a une vie après Harry Potter.
C’est avec l’adaptation de Fondation, la saga d’Isaac Asimov, qu’Apple+ a fait son entrée dans la production de séries. Et, pour le moins, ce projet ne manquait pas d’ambition. Comment les scénaristes allaient-ils se sortir d’une histoire de hard SF se situant au XIIIe millénaire, avec des technologies scientifiques avancées, des vaisseaux spatiaux en veux-tu en voilà, des planètes colonisées aux confins de l’univers que l’on atteint à la vitesse de la lumière et des cultures imaginées grâce au cerveau fertile d’un écrivain génial ? Apple+ avait mis la barre très haut. Pour quel résultat ?
Plus de vingt mille ans dans le futur, un empire galactique règne sur des millions de planètes peuplées par des milliards d’humains qui ont oublié jusqu’à l’existence de la Terre, reléguée à une lointaine légende que personne n’a pu ou su vérifier.
Le premier volume écrit de Fondation, en 1951 (Prélude à Fondation et L'Aube de Fondation ont été écrits sur le tard, entre 1988 et 1993), est constitué de cinq nouvelles s’étalant sur plusieurs siècles. Sur Trantor, la capitale de l’Empire, Hari Seldon, brillant psychohistorien – la psychohistoire est une science mêlant histoire, sociologie, statistiques et mathématiques –, prévoit que l’Empire doit bientôt s’écrouler, une décadence qui sera suivie de près de 30 000 ans de barbarie, avant la naissance d’un nouvel Empire. Le savant a cependant un plan pour réduire les temps sombres à quelques centaines d’années.
Affolées par ces prédictions, les autorités impériales l’exilent, lui et son équipe, dont une brillante tête en mathématiques, Gaal Dornick, sur la planète Terminus. C’est ce qu’avait prévu Hari Seldon. La colonisation de Terminus, planète de savants et de psychohistoriens, peut commencer, avec des voisins pour le moins turbulent.
Au fur et à mesure que la série se déploie, le bon et le moins bon se succèdent
La première saison de Foundation, la série d’Apple+, reprend dans les grandes lignes les cinq premières nouvelles de Fondation. Les moyens financiers de cette adaptation sont évidents. La planète Trantor a été imaginée avec soin. De ce point de vue, les lecteurs d’Asimov ne seront pas trahis.
Ils le seront sans doute un peu plus avec les deux personnages principaux, Gaal Dornick et Salvor Hardin. Deux actrices (dans le roman, ce sont des hommes - mais pourquoi pas ?) endossent, pour l’une le rôle du mathématicien rejoignant Hari Seldon, pour l’autre le Maire de Terminus des décennies plus tard. En réalité, dans la série, Salvor Hardin devient la "Gardienne" de la planète colonisée et elle a plus le profil d’une tête brûlée que d’une stratège ou d’une politicienne. Quant à Jared Harris, il incarne le savant génial avec conviction – au point que les scénaristes se sont refusés de le voir disparaître trop vite. Ce qui est paradoxalement dommage.
La modernisation de Fondation pour le petit écran pose sans aucun doute quelques problèmes. L’aspect politique et scientifique laisse la place à des scènes d’action sur Terminus, assez classiques mais qui ternissent l’aspect novateur d’Asimov.
Au fur et à mesure que la série se déploie, le bon (les manœuvres du trio impérial) et le moins bon (les pérégrinations peu crédibles de Gaal Dornick dans l’espace-temps) se succèdent. En voulant raccrocher les wagons des premières nouvelles de Fondation, Foundation perd beaucoup de la saga originelle, jusqu’aux dernières minutes de la saison, où l’on assiste à une rencontre tirée par les cheveux et pas du tout convaincante.
Certes, on peut saluer l’adaptation risquée et ambitieuse de l’une des plus grandes sagas de la SF. Mais pour pleinement goûter à Fondation, il faut sans aucun doute préférer les livres à la série. Cependant, si la version filmée donne envie de lire les livres, pourquoi pas ?
Une deuxième de saison de Foundation est de toute manière déjà en chantier, preuve que l’adaptation a, au final, su convaincre beaucoup et trouver son public.
Isaac Asimov, Fondation, éd. Folio, 1951, 256 p. Foundation, série de science-fiction américaine de David S. Goyer, avec Jared Harris, Lee Pace, Lou Llobell, Leah Harvey, Laura Birn, Terrence Mann et Cassian Bilton, saison 1, 10 épisodes, 2021 http://www.asimovonline.com/asimov_home_page.html https://tv.apple.com/fr
L'Espion qui venait du Froid, l'un des premiers romans d'espionnage de John Le Carré, a révolutionné le genre. A l'antipode des James Bond, les histoires de John Le Carré sont complexes, les personnages ne sont pas des héros mais des hommes et des femmes ordinaires et souvent désabusés, l'espionnage n'est plus qu'une activité professionnelle, voire ennuyeuse et les enjeux (idéaux politiques et stratégiques) n'ont finalement aucun intérêt.
L'Espion qui venait du Froid débute par le démantèlement à Berlin, en pleine Guerre Froide, du réseau d'Alec Leamas par le service du contre-espionnage est-allemand dirigé par un certain Mundt. De retour à Londres, Leamas est grillé et mis sur la touche. Jusqu'à quand ? Voilà un roman intéressant par son parti-pris de désacraliser le roman d'espionnage.
J'ai trouvé ce livre vraiment passionnant pendant les 100 premières pages. J'ai moins accroché pour la suite : on se perd dans les magouilles d'espionnage (c'est voulu par l'auteur). Par contre, le personnage de Liz, la petite amie d'Alec, donne un vrai beau supplément d'âme. Un classique du roman d'espionnage à découvrir.
Non, vous ne rêvez pas. Ce sont bien les très sérieuses éditions Larousse qui proposent la version roman du film Donjons & Dragons, actuellement dans les salles. Évidemment, le livre est, lui, disponible, dans toutes les bonnes librairies.
C’est le public adolescent (ou "young adult" pour reprendre la terminologie anglo-saxonne) que vise les éditions Larousse, qui proposent d’ailleurs trois autres déclinaisons en livres de Donjons & Dragons – La voie des druides, le préquel du film, le roman graphique L'Appel du Jeu (tome 1) et La Légende de Drizzt, le guide officiel des royaumes oubliés.
Donjons & Dragons est au départ un jeu de rôle imaginé dans les années 70. Jeu interactif avec des règles précises, des cartes à jouer, des plateaux illustrant des décors moyenâgeux, des dés et des personnages bien caractéristiques (un magicien, un voleur, un druide ou un guerrier), que l’on retrouve dans le film de Jonathan Goldstein et John Francis Daley. Un maître du jeu est chargé de mener la partie, tout en faisant office de conteur.
Le livre de David Lewman pourrait se caractériser comme un produit dérivé du film dérivé du jeu
Directement inspiré du jeu d’origine – re-popularisé par la série Stranger Things – Donjons & Dragons : L’honneur des Voleurs joue la carte de l’heroic fantasy autant que de l’humour. Chris Pine, Michelle Rodriguez ou Hugh Grant dans un rôle à contre-emploi, prennent un grand plaisir à jouer dans ce film de Fantasy malin et plutôt drôle pour un film américain.
Le livre de David Lewman pourrait se caractériser comme un produit dérivé du film dérivé du jeu. Le spectateur pourra y retrouver sur papier le récit du film, jusqu’à la scène de la Mer des Épées, après que la communauté autour d’Edgin et d’Holga ait récupéré le Heaume de Disjonction.
On retrouvera dans ce roman qui se lit avec plaisir tout ce qui fait l’attrait d’un roman de Fantasy : des héros que rien n’arrête en dépit de leurs faiblesses, une quête, un univers fantastique, sans oublier des elfes, des magiciens (bons ou mauvais), des guerriers et des dragons.
Un bon moment de lecture pour les passionnés de Donjons & Dragons mais aussi pour le jeune public. En ouvrant son catalogue à cette littérature dite "facile", les éditions Larousse prouvent leur ouverture à un genre – la Fantasy – qui a été trop souvent considérée de haut.
Il existe deux versions de Justine ou les Malheurs de la Vertu (1791) : une, condensée et plus ancienne, Les Infortunes de la Vertu (1787) ; et une écrite sur le tard (1799), La Nouvelle Justine, qui développe jusqu’à son paroxysme les thèmes les plus sulfureux des deux ouvrages précédents.
Ces versions prouvent l’attachement de Sade pour cette histoire de crimes, de sexe et de morale : deux sœurs, Justine et Juliette, séparées à leur naissance, se retrouvent des années plus tard dans une auberge de Montargis alors que des soldats conduisent la première vers son lieu d'exécution pour des crimes qu'elle aurait commis.
Or, paradoxalement, la plus vertueuse des deux sœurs n'est pas Juliette (qui a trempé dans des meurtres et des affaires peu recommandables) mais Justine qui a choisi toute sa vie les chemins de la vertu et de l'honnêteté, ce qui lui a causé les pires torts. Celle-ci nous raconte ses aventures jusque dans les détails les plus sordides.
À la lecture de ce livre - si sulfureux que la lecture en devient difficile - il n’est pas évident de se faire une opinion sur les réelles intentions de Sade : fausses confessions d’une vertueuse et vraies revendications d’un libertin au passé peu avouable ?
Énumérations de crimes et de supplices écrit par un Sade brisé par des années de prison et de frustration (à certains égards, son ouvrage le plus noir, Les 120 Journées de Sodome, n'est pas loin) ? Roman philosophique sur le libertinage ? Œuvre moderne avant l’heure qui entend ne se donner aucune limite à la littérature et au langage ? Ou bien conte moral comme le laissent entendre les dernières pages ? A chacun de se faire sa propre opinion.