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  • Une autre Amérique

    C’était en 2007. L’écrivain américain Philip Roth décrivait dans Le Complot contre l'Amérique une uchronie. Il imaginait la prise au pouvoir en 1940 de Charles Lindbergh, le héros de la traversée de l’Atlantique (1927). Alors que l’Europe plongeait dans la catastrophe nazie, les États-Unis s’enfermait dans un neutralisme coupable, attisés par des relents d’antisémitisme et de complicité avec l’Allemagne du IIIe Reich.

    The Plot Against America est l’adaptation en mini-série de cette réécriture de l’histoire, sur le modèle du Maître du Haut Château de Philip K. Dick. Que se serait-il passé si, au lieu du deuxième mandat de F.D. Roosevelt, les Américains avaient choisi le "héros de l’Atlantique" et de personnalités respectées, à l’exemple d’Henry Ford ? La question n’a rien d’absurde, tant l’opinion américaine était à l'époque partagée au sujet de l’interventionnisme. Ajoutez à cela la peur du communisme et l’antisémitisme bien présent. Le terme de "complot" prend tout son sens, et le spectateur de 2020 verra dans cette histoire écrite il y a plus de dix ans de troublantes analogies avec les soubresauts du monde moderne : la peur, les "aventuriers"en politique ou les extrémismes de tout bord. Ça ne vous rappelle rien ?

    Uchronie

    Pour cette uchronie dont le récit s’étale sur six épisodes, les showrunners Ed Burns et David Simon font le choix de la fidélité au roman de Philip Roth. Charles Lindbergh est singulièrement peu présent dans la mini-série, ce qui peut être regrettable, car il y avait sans doute matière à booster cette uchronie grâce à l’histoire tragique de l’enlèvement médiatisé de son fils.

    Cette Amérique imaginaire mais plus vraie que nature est vue sous l'angle d'un petit garçon juif, Philip – comme l'auteur. La mini-série HBO reconstitue avec soin l’Amérique des années 40, tout en déployant avec soin une histoire familiale, qui est aussi le récit d’une enfance.

    Y figurent en bonne place les parents de Philip, Alvin (Anthony Boyle) et Elizabeth Levin (Zoe Kazan, formidable). Mais il convient de dire que ce sont deux autres personnages, bien que mis au second plan, qui sont les plus intéressants : John Turturro  dans le rôle du rabbin Lionel Bengelsdorf et Winona Ryder. Cette dernière irradie, fascine et exaspère à chaque plan dans son rôle de compagne admirative et aveuglée d’amour pour cet homme influent d'obédience juive qui a choisi, contre toute attente, le camp de Lindbergh.

    Ces deux protagonistes sont sans doute les deux grands atouts d’une série qui nous interroge – parfois maladroitement et de manière trop appuyée – sur ces complots qui menacent nos démocraties et sur la manière dont un pays peut se déshonorer.

    The Plot Against America, série uchronique américaine d’Ed Burns et David Simon,
    avec Winona Ryder, Zoe Kazan, Morgan Spector,
    John Turturro et Anthony Boyle, saison 1, 6 épisodes, 2020, sur OCS et Canal+

    Philip Roth, Le Complot contre l'Amérique, éd, Gallimard, 2007, 476 p.
    https://www.hbo.com/the-plot-against-america
    https://www.ocs.fr
    https://www.philiprothsociety.org

    Voir aussi : "Matthew Rhys sur les pas de Raymond Burr"

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  • Matthew Rhys sur les pas de Raymond Burr

    On l’a sans doute un peu oublié, mais Perry Mason fait figure de monument télé depuis une cinquantaine d’années. L’avocat américain créé par l'écrivain Erle Stanley Gardner a fait l’objet de plus de 80 romans policiers avant de devenir célèbre dans le monde entier grâce à une série télé dans les années 60, incarnée par le non-moins légendaire Raymond Burr. Un Raymond Burr qui reviendra presque vingt ans plus tard pour rempiler dans une trentaine de téléfilms, jusqu’à la mort de l’acteur.

    HBO a eu la bonne idée de redonner vie à Perry Mason, tout en choisissant de propulser notre avocat particulièrement obstiné, dans les années 30. Les fans de Raymond Burr s’en étonneront sans doute, mais, réflexion faire, ce choix paraît judicieux pour un personnage qui a été créé en pleine Dépression américaine.

    Pour jouer le rôle de Perry Mason, il fallait un acteur d’envergure qui puisse faire oublier l’acteur qui lui a donné vie pendant cinquante ans. Pour la série sortie cette année, c’est Matthew Rhys qui se colle à l’exercice, et l’on est bien obligé d’admettre qu’il incarne avec justesse et talent le rôle de cet avocat, qui n'est plus la figure aristocratique incarnée par Raymond Burr mais un homme blessé par son passé et un écorché vif.

    Monument télé

    Celui qui n’est au début de la série qu’un détective privée attaché au service du cabinet d’avocat d’EB Jonathan peine à se remettre de son expérience sur le front français pendant la Grande Guerre.

    Dans le Los Angeles des années 30 pourri par la crise et la misère, un enfant est tué après avoir été enlevé à ses parents, deux fervents croyants d’une secte chrétienne, menée par une gourou illuminée, sœur Alice McKeegan (Tatiana Maslany). Cette histoire de meurtre sordide devient bientôt une affaire dans laquelle se mêlent politique, religion, business, règlements de compte mais aussi les rumeurs les plus folles puisque le père puis la mère du petit Charlie sont tour à tour accusés de la mort e leur propre enfant. Perry Mason suit l’affaire qui va bientôt avoir des conséquences inattendues.

    Dans cette série estampillée HBO, la qualité est au rendez-vous pour ce qui s’apparente à une superproduction avec costumes d’époque et reconstitution fidèle du Los Angeles des années 30. Matthew Rhys, qui avait été révélé dans cet autre chef d’œuvre qu’est The Americans, parvient à faire oublier Raymond Burr en donnant à son Perry Mason l’épaisseur d’un antihéros pugnace, perspicace mais aussi fragile. À noter aussi la présence de Della Street, interprétée par la formidable Juliet Rylance.

    J’oubliais : on apprend cette semaine qu’une deuxième saison de Perry Mason est déjà programmée. Chic.

    Perry Mason, série dramatique américaine de Rolin Jones et Ron Fitzgerald,
    avec Matthew Rhys, Tatiana Maslany, John Lithgow,
    Chris Chalk, Shea Whigham et Juliet Rylance,
    HBO, saison 1, 8 épisodes, 2020, sur OCS et Canal+

    https://www.hbo.com/perry-mason
    https://www.canalplus.com
    https://www.ocs.fr

    Voir aussi : "Le paradis d'Hollywood"

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  • Sacré Graal

    Nous avions parlé il y a quelques semaines de La légende de Carmarthen. Honneur à une autre websérie arthurienne, Le Grall, du réalisateur quimpérois Corentin Mourier Gervy – également à la musique. La première saison est disponible sur YouTube et a déjà cumulé plus de 27 000 vues en un an et demi.

    Arthur – pas le célèbre Roi mais un homonyme – vit entouré de ses fidèles amis chevaliers malgré eux, dans une petite contrée. Après avoir découvert l’existence du Graal dans la saison 1, tous partent à la recherche du précieux sésame dans la saison 2. Et si le chemin les menait vers un tout autre graal ?

    Avec 8 épisodes de 4 à 5 minutes par saison, la saison 2 du Graal est déjà en ligne et entend bien poursuivre sur sa veine humoristique "à la Kaamelott" : "Le but n’est pas de faire de la web-série Le Graal une reconstitution historique parfaite. C’est une légende complexe, déjà traitée par de grands noms. Et puis après tout… c’est une comédie, non ?", commente son créateur.

    Le Graal est né sur le papier en février 2018. Le tournage de la première saison débute en juin de cette même année au Château de la Motte Glain (44). Une équipe d’une vingtaine de techniciens pour la plupart étudiants en cinéma, ainsi qu’une dizaine de comédiens, professionnels ou non, se réunissent bénévolement pour donner vie au projet. L’écriture de la saison 2 des aventures d'Arthur reprend au printemps 2019, pour un tournage en automne, financé grâce à un crowdfunding Ulule. Les techniciens sont maintenant presque tous en dernière année d’école de cinéma.

    À découvrir.

    Le Graal, websérie française de Corentin Mourier Gervy
    Avec Thomas Gautreau, Vincent Renevey, Énora Le Cornec,
    Valentin Bahuaud, Julien Stanek et Jérémy Sanagheal
    https://www.youtube.com/c/LeGraallawebsérie
    https://www.facebook.com/legraal.web

    Voir aussi : "Arthur, Merlin et compagnie sur Ulule"

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  • Le paradis d'Hollywood

    Des louanges ont été dressées pour la série Hollywood, créée par Ryan Murphy et Ian Brennan. Une vraie superproduction, particulièrement soignée, à la gloire de l’Âge d’Or d’Hollywood. Des années 30 aux années 50, le pouls du cinéma mondial bat du côté de Los Angeles. C’est le règne du divertissement, des films à gros budget, des nouveautés techniques (cinémascope, films parlants, couleur) mais aussi du star system. Les vedettes de l'époque se nomment Buster Keaton, Louise Brooks, Charlie Chaplin, Paulette Goddard, Franck Cappra, Marlene Dietrich ou George Cukor, et les chefs d’œuvre se multiplient : Le Kid, Citizen Kane, Autant en emporte le Vent ou Freaks. Après la seconde guerre mondiale, cependant, l’étoile de Hollywood commence à pâlir, et c’est justement le thème de la série que propose Netflix.

    Démobilisé après avoir servi sous les drapeaux en Europe, Jack Castello (David Corenswet) s’est installée avec sa femme enceinte à Los Angeles, où il rêve de gloire et de percer dans le cinéma. Désargenté, il traîne ses espoirs entre les salles obscures et les studios de la prestigieuse compagnie Ace, à la recherche d’un petit rôle. Il finit par se faire alpaguer par un certain Ernie (Dylan McDermott), qui le remarque pour son physique avenant. L’homme, qui dirige une station-service, lui propose de travailler dans son établissement, qui est aussi et surtout un lieu couru du proxénétisme (plus poétiquement appelé "paradis" par Ernie). Jack accepte de se prostituer pour le gratin de Hollywood, ce qui va lui ouvrir bien des portes. En route vers le succès, il croise la route d’autres jeunes ambitieux: le metteur en scène Raymond Ainsley (Darren Criss), le scénariste Archie Coleman (Jeremy Pope), les actrices Claire Wood (Samara Weaving) et Camille Washington (Laura Harrier), mais aussi le jeune premier Rock Hudson (magnifique Jake Picking !).

    Un gros bémol

    Il y a du bon et du moins bon dans cette série brillante, clinquante et à bien des égards très enlevée. Les showrunners ont mis le paquet pour reconstituer cet Hollywood d’après-guerre : costumes, décors, coiffures, reconstitutions des studios et scènes tournées en noir et blanc. L’hommage est presque à chaque image de ce qui reste un superbe hommage à une époque révolue, pour le meilleur et pour le pire.

    Car, loin d’être une reconstitution dithyrambique de cet âge d’or, les créateurs ont choisi de tirer à boulet rouge sur l’hypocrisie qui régnait à Hollywood. Racisme, machisme, homosexualité refoulée ou condamnée : les acteurs doivent se battre avec leurs armes pour faire valoir leur talent, quelque soit leur couleur de peau, leur sexe ou leur sexualité. Les artistes et producteurs, en marge - ou tout simplement ignorées - s’associent pour monter un film, Meg, écrit par un scénariste noir (et gay), Archie, et réalisé par le cinéaste métis Raymond, avec une actrice noire, Camille Washington, lorgnant le premier rôle, sans oublier un acteur gay tout juste débutant, un certain Rock Hudson. Pour financer ce film, la société Ace voit débarquer par accident une femme, devenue fortuitement productrice : Meg pourra-t-il être tourné ? Et quel accueil va-t-on lui faire ? 

    Hollywood séduit pour cette manière de montrer comme jamais cette facette de "la machine à divertissement", grâce à des personnages très forts, purement fictifs ou alors inspirés par des vraies vedettes (Rock Hudson, bien sûr, mais aussi Hattie McDaniel ou Anna May Wong).

    Il y a pourtant un gros bémol dans cette série qui, dans les derniers épisodes, fait le choix du happy-end, en refaisant notamment l’histoire des oscars, grâce à un savant mixte entre les cérémonies de 1947 et de 1948. Shocking ! Ainsi, les passionné·e·s de cinéma remettront à la bonne année les récompenses des films Miracle sur la 34e rue (1947) et Sang et Or (1948), rassemblés pour les besoins de la série dans la même soirée. On pourra y voir une facilité de scénariste ou une facétie destinée à laisser passer un message. À vous de décider.

    Hollywood, série dramatique américaine de Ryan Murphy et Ian Brennan,
    avec David Corenswet, Darren Criss, Laura Harrier, Darren Criss,
    Joe Mantello, Samara Weaving, Jeremy Pope,
    et Dylan McDermott, saison 1, 7 épisodes, Netflix

    https://www.netflix.com/fr/title/81088617

    Voir aussi : "Cours, Etsy, cours"

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  • Lutte des classes au Chastain Hospital

    Encore une série médicale, me direz-vous… Il est vrai que depuis les aventures de inénarrable docteur House, que l’on aimait détester, il semblait que la télé n’avait plus grand-chose de neuf à raconter autour des hôpitaux… américains – en attendant bien sûr que la crise sanitaire inspire les showrunners et autres scénaristes. Et c’est pourtant dans cette période de confinement et d’urgences réelles dues au Covid-19 qu’est arrivée sur TF1 la série The Resident.

    Cette production de la Fox avait un insolent parfum de provocation, à telle enseigne que TF1 aurait pu programmer pour des jours meilleurs cette histoire de blouses blanches. C’était bien mal les connaître, et on peut les remercier d’avoir non seulement tenu bon, mais en plus d’avoir anticipé la programmation de la saison 2.

    The Resident suit l’équipe urgentiste du Dr Conrad Hawkins, aussi beau gosse que non-conformiste. Dès le premier épisode, en tant que référent à l’hôpital Chastain d’Atlanta il prend sous son aile le fraîchement diplômé Devon Pravesh, un premier de la classe qui va vite déchanter. La tension maximale est garantie dans un établissement où travaille le très influent chirurgien Randolph Bell, dont la réputation est salie par des erreurs à répétition et qu’il tente de cacher tant bien que mal. Au cœur de cet hôpital, qui est autant un centre de santé qu’une machine à fric, il y a aussi l’infirmière idéaliste et têtue Nicolette (Emily VanCamp), l’interne hyper douée Mina Okafor (Shaunette Renée Wilson), la directrice impitoyable Claire Thorpe (Merrin Dungey) et l’inquiétante et manipulatrice oncologue Lane Hunter (Melina Kanakaredes) qui est au cœur de la saison 1. Et puis, il y a tous ces malades et ces patients, de tous âges, de toutes origines, de tout revenu, et de toutes affections...

    Machine à fric

    Si vous aimez les courses dans les couloirs, les dialogues musclés avec un sabir médical auquel personne ne comprend, les opérations gores, les symptômes qui vous soulèvent le cœur, les diagnostics étonnants – pour ne pas dire improbables – ou les romances entre internes et infirmières, vous serez servis.

    Mais les scénaristes ont également choisi un autre angle pour une création télé populaire qui, mine de rien, tire à boulet rouge sur le système médical à l’américaine. L’argent est à chaque virage d’une série bien plus critique qu’il n’y paraît : faut-il soigner tel ou tel malade ? Cette patiente est-elle assurée ? Comment faire des bénéfices et des économies ?

    Ce n’est bien entendu pas la préoccupation des sémillants résidents du Chastain, mais ces questions semblent guider chacun de leur geste, comme si une lutte des classes venait s’immiscer jusque sur les tables d’opération. Et lorsqu’une oncologue utilise une jeune femme cancéreuse pour faire fonctionner sa clinique – privée, bien entendu – on peut faire confiance à Nicolette et Conrad pour faire éclater la vérité.

    The Resident, série médicale américaine d’Amy Holden Jones,
    Hayley Schore et Roshan Sethi,
    avec Matt Czuchry, Emily VanCamp, Manish Dayal,
    Bruce Greenwood et Shaunette Wilson, saison 2, TF1

    https://www.fox.com/the-resident
    https://www.tf1.fr/tf1/the-resident

    Voir aussi : "Cours, Etsy, cours"

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  • Cours, Etsy, cours

    Unorthodox a été la série à succès inattendue de cette période de confinement. Une mini-série en réalité : avec quatre épisodes cette création Netflix n’impose pas un temps interminable de binge-watching. Là est sans doute l’une des raisons du succès d’Unorthodox. Mais pas que.

    À vrai dire, la série allemande avait tout pour faire fuir de nombreux spectateurs : le récit a priori aride d’un déracinement et d’une séparation, une plongée dans l’univers peu connu des hassidiques, des acteurs inconnus et le refus du spectaculaire.

    Esther Schwarz est Etsy, une jeune New-yorkaise élevée dans un milieu orthodoxe extrêmement pieux, si pieux que le respect des rituels juifs vire à l’obsession jusque dans la vie quotidienne. Etsy a été élevée par sa grand-mère et sa tante après la séparation de sa mère, Alex, partie vivre en Allemagne. Le père, lui, est incapable de l’élever. Alcoolique et aussi croyant que les autres membres de sa famille, il a laissé sa mère et sœur le soin de s’occuper de sa fille. Et s’occuper d’elle signifie surtout la marier.

    Sa famille lui trouve un homme, Yanky Shapiro, aussi respectueux des traditions qu’il peut être doux et très réservé. Mais les relations entre Esther et Yanky s’aggravent en raison de la pression sociale pour qu’elle devienne mère. Un an après les noces célébrées en grande pompe, Etsy décide de fuir pour rejoindre Berlin. Sa mère y vit toujours, mais entre les deux femmes les liens ont été coupés depuis longtemps, car Alex elle-même a dû se séparer de son mari peu de temps après la naissance d’Essther. Pendant ce temps, le rabbin de la communauté hassidique demande à Yanky de partir en Europe récupérer son épouse. Pour l’accompagner, on lui impose la présence de son cousin Moishe. Les deux hommes s'envolent pour Allemagne pour retrouver celle qui a fui leur communauté.

    Il faut la voir débarquer à Berlin, à la fois éblouie, fascinée et apeurée

    Unorthodox est l’adaptation du récit autobiographique de Deborah Feldman, The Scandalous Rejection of My Hasidic Roots (2012). Pour raconter cette histoire d’une fuite et d’une libération, les showrunneuses ont insisté sur la construction intérieure d’Esty, se trouvant du jour au lendemain livrée à elle-même dans un monde qu’elle ne connaît pas. Il faut la voir débarquer à Berlin, à la fois éblouie, fascinée et apeurée. Une baignade, un concert de musique classique ou une soirée en boîte de nuit prennent des allures de découvertes ahurissantes et déstabilisantes. Esty y découvre à cette occasion l’amitié, l’amour, une vocation mais aussi la grisante incertitude de la liberté.

    Esther est interprétée par Shira Haas, impressionnante de bout en bout et littéralement métamorphosée lors de son arrivée en Europe. Elle endosse avec un naturel désarmant cette femme déracinée d'un milieu toxique et bien décidée à se battre pour exister. Mais cette quête pour son identité en cache une autre : celle d’une jeune femme juive se reconstruisant sur les lieux mêmes où la Shoah a pris corps. La série multiplie les références et les symboles de ce traumatisme : la fameuse baignade dans le lac en face de Wannsee (le lieu de la tragique conférence du 20 janvier 1942), la tête rasée d’Etsy, des conversations sur le nazisme et même une chemise rayée que porte un moment la jeune femme.

    On ne racontera pas la fin de cette série, qui fait d’un concours de musique la conclusion d’un récit intelligent et émouvant sur la liberté, les racines, le féminisme mais aussi la réconciliation.

    Unorthodox, mini-série dramatique allemande d’Anna Winger et Alexa Karolinski
    avec Shira Haas, Amit Rahlav et Jeff Willbursch
    une saison, 4 épisodes, 2020, Netflix

    https://www.netflix.com/fr/title/81019069

    Voir aussi : "Mando, l'autre Boba Fett"

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  • Arthur, Merlin et compagnie sur Ulule

    Intéressons-nous à une série qui est seulement en projet : La légende de Carmarthen, du nom de cette ville près de laquelle serait né Merlin, met en scène Léah et son voisin geek, Arthur. Grâce à un étrange appareil, le disparelle, ils se trouvent projetés des siècles en arrière, à l’époque médiévale : décalages et anachronismes garanties pour une série de Michaël Capron, avec Michaël Capron, Cassandre Barbier, Hugo Cagliani, Georges Pawloff et Loïc Escorihuela dans les rôles principaux.

    Cinq saisons sont prévues pour cette série arthurienne qui promet, à l’instar de la websérie Le Trône des Frogz, des clins d’œil appuyés en direction de Kaamelott. Michaël Capron a choisi de situer l’action 30 ans avant l’avènement du roi Arthur, avec deux ingrédients fondamentaux : l’humour et le fantastique.

    Les créateurs de La légende de Carmarthen expliquent sur leur son compte Ullule que, ne bénéficiant pas de subventions, ils ont choisi le financement participatif pour mener à bien cette série. Les internautes seront les principaux producteurs grâce à Ulule. Le teaser est déjà en ligne.

    Vous savez donc ce qu’il vous reste à faire.

    La légende de Carmarthen, série comique de de Michaël Capron
    Avec Michaël Capron, Cassandre Barbier, Hugo Cagliani, Georges Pawloff et Loïc Escorihuela
    Saison 1 en production, 2020
    https://www.ulule.com/web-serie-la-legende-de-carmarthen
    https://www.facebook.com/lalegendedecarmarthen

    Voir aussi : "Le Trône Des Frogz : Game of Thrones passé à la moulinette"

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  • Mando, l'autre Boba Fett

    Je ne sais pas si vous avez été comme moi frustrés par la dernière trilogie de Star Wars. Mettons déjà de côté les spin-offs, très inégaux pour être gentils (Rogue One et Solo), et remontons des années en arrière. En 2015, la franchise Star Wars entre dans l’escarcelle des studios Disney qui entendent bien décliner la saga imaginée de George Lucas avec une bonne vitesse de croisière. L’idée est d’utiliser la très riche galerie de personnages tournant autour de Luke Skywalker et de multiplier les productions – et les recettes.

    Rapidement, Disney imagine des spin-offs pouvant intéresser les fans, et parmi ces spin-offs, une rumeur insistante indique que Boba Fett pourrait devenir l’un de ses personnages, après la sortie de Rogue One en 2016. Il est aussi question d’une autre déclinaison, cette fois d’un personnage beaucoup plus essentiel, Obi-Wan Kenobi – mais ceci est une autre histoire, si j’ose dire.

    Bref, voilà Boba Fett intronisé comme le futur héros d’une Star War Story. Sauf que le projet patine, comme nous l’expliquions sur ce blog. Et bientôt, ce projet mort-né rejoint le cimetière des films que les spectateurs ne verront jamais.

    Fin de l’histoire ? Pas tout à fait, car entre-temps le monde du divertissement a connu une double révolution : celle des séries et celle des plateformes à la demande – l’une n’allant pas sans l’autre. Et voilà la firme aux grandes oreilles bien décidée à participer à ce grand mouvement, à l’instar des Netflix, Amazon et autres géants d’Internet. En 2020, elle lance elle aussi sa chaîne en ligne, Disney+. Et c’est là que réapparaît Boba Fett. Ou plutôt Mando.

    Mettons nous d’accord : The Mandalorian, la nouvelle série phénomène estampillée Star Wars ne reprend pas stricto sensu le personnage devenu emblématique de la première trilogie des Skywalker. Figure secondaire, muet, au costume cheap et n’apparaissant que quelques poignées de minutes tout au long de la saga de George Lucas, Boba Fett est pourtant devenu, presque par miracle, une de ces figures familières des rassemblements de cosplayers Star Wars. Pour The Mandalorian, c’est ce modèle qui a été choisi par Jon Favreau, dans les petits papiers de Disney depuis des remakes réussis de ses grands classiques que sont Le Livre de la Jungle et Le Roi Lion.

    "Bébé Yoda", Stormtroopers, Empire : pas de doute, nous sommes bien dans "un" Star Wars

    Le Mandalorien, c’est Din Djarin, chasseur de primes retors et pugnace envoyé aux quatre coins de la galaxie pour capturer des hors-la-loi qui ont pullulé depuis la fin de l’Empire de Dark Vador. La série se situe en effet peu de temps après la fin du Retour du Jedi. Celui que l’on surnomme Mando est chargé par un commanditaire de lui ramener un mystérieux personnage, mission dont se charge le Mandalorien au cours du premier épisode. Il découvre que sa cible, âgé de cinquante ans, est en réalité un tout jeune enfant, qui a été rapidement surnommé par le public et la critique "bébé Yoda." La dernière mission de Mando, la plus simple, est de le ramener auprès de son client, entouré de redoutables Stormtroopers tout droit sortis de l’armée de Dark Vador. Mais contre toutes les règles de sa profession, le chasseur de primes se ravise et prend la fuite en compagnie du mystérieux Bébé Yoda.

    "Bébé Yoda", Stormtroopers, Empire : pas de doute, nous sommes bien dans "un" Star Wars. Mais pour cette série événement, au budget bien moins conséquent que les trilogies d’origine, Jon Favreau a réussi le tour de force de leur faire de l’ombre. Le Mandalorien muet et solitaire rappelle à bien des égards les héros blessés et désabusés des westerns. Les scénaristes imaginent dans la dernière partie de la série une enfance tragique, tout en construisant par touche ce qui pourrait s’apparenter à une mythologie mandalorienne. Car là Là où JJ Abrams récitait le bréviaire Star Wars avec application, sans fausse note mais sans non plus grande surprise (épisodes VII à IX), Jon Favreau agrandit l’univers de la Guerre des Étoiles comme jamais auparavant. Que l’on pense à cette invention géniale du "bébé Yoda", au fabuleux personnage de Kuiil (Nick Nolte), à la figure héroïque de Cara Dune, aux créatures extraordinaires (les Blurrgs) ou aux incontournables droïdes, dignement représentés par IG-11.

    Et puis, il n'est pas possible de passer sous silence la formidable bande originale de Ludwig Göransson, qui vous tient scotché jusqu'aux dernières images du générique de fin (à ne pas manquer, lui non plus). Le compositeur suédois a imaginé une BO qui fait complètement oublier John Williams en mêlant avec aplomb néo-classisme, musique tribale, percussions et électronique. 

    The Mandalorian est un bijou de SF qui prouve que Star Wars n’est pas qu’une saga à la légende tétanisante : elle peut aussi être une source d’inspiration inépuisable. À telle enseigne qu’une deuxième saison est déjà sur les starting-blocks et qu’une troisième est déjà en préparation.

    The Mandalorian, série Star Wars, space opera de Jon Favreau
    avec Pedro Pascal, Gina Carano et Nick Nolte,
    saison 1, 8 épisodes, Disney+, 2020

    https://www.starwars.com

    Voir aussi : "Boba Fett, toute une saga"

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