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  • À Beethoven, l’humanité reconnaissante

    Peu connu mais archidoué, virtuose et romantique (son look sur la pochette d’album finit de nous convaincre), le pianiste Nikolay Khozyainov revient cet année avec un nouvel opus, Monument to Beethoven (Rondeau Production). Pourquoi, d’ailleurs, cette expression ? Il faut revenir aux années 1830-1840, soit quelques années après la mort du compositeur allemand. Franz Liszt entreprend de rendre hommage à son illustre aîné en faisant bâtir une statue à Bonn. Robert Schumann, Félix Mendelssohn et bien entendu Liszt sont sollicités pour composer des œuvres directement inspirés du répertoire de Beethoven, et en particulier de l’Allegretto de sa Symphonie n°7.

    Ce sont ces morceaux créés ad hoc que Nikolay Khozyainov a choisit d’enregistrer, en commençant par l’Allegretto originel, ici transcrit au piano par Liszt. C’est à un Everest que s’attaque le pianiste, dont la virtuosité n’écrase jamais la puissance dramatique ni la densité. Les respirations sont les bienvenues et viennent insuffler ce souffle que l’on appellera plus tard romantisme. Beethoven a fait de cette marche funèbre un mouvement allegretto, comme pour se jouer de la mort et donner à ce deuxième mouvement le pouvoir de la vie. Nikolay Khozyainov la rend dans un mélange d’ardeur, de passion et de gravité.

    Suit Robert Schumann avec ses Études en forme de variations sur un thème de Beethoven. 15 variations, rarement de plus d’une minute 30, s’approprient le thème principal de l’Allegretto de la 7e de Beethoven en variant les tempos, du Moderato au Prestissimo, en passant par le Passionato.

    Nikolay Khozyainov s’empare de cette œuvre rare de Schumann en prouvant le panel de son jeu, y compris des variations les plus sombres (Ohne Titel n°5) ou les plus techniques (Presto n°6). Schumann fait œuvre d’une grande liberté dans son appropriation du thème original (A11. Legato teneramente), ne s’empêchant pas des revisites franchement épatantes (B4. Ohne Titel) et transformant la marche funèbres en chants populaires (B5. Cantando), voire d’une singulière modernité (B7. Ohne Titel). Ces études se terminent de la plus belle des manière, avec la variation la plus longue de l’opus, tout en pudeur et en légèreté. Bref, un bel hommage à Beethoven. 

    Un bel hommage à Beethoven

    Plus courtes, les Variations sérieuses de Felix Mendelssohn Bartholdy prennent à la fois plus de liberté et plus de gravité avec l’Allegretto de Beethoven. Le Thema et les Variations balancent entre la luxuriance et romantisme fou.

    Beethoven est de retour avec une transcription par Liszt du lied An die ferne Geliebte ("À ma bien aimée"). L’histoire retient qu’il s’agit du premier cycle de lieder de l’histoire de la musique. Il est difficile de rester insensible à ce court morceau dont le pianiste rend toute la profondeur et toute la justesse sentimentale.

    La Fantaisie, op. 17 de Robert Schumann a ceci de particulier qu’elle fait partie des œuvres majeures du compositeur allemand. Cet opus autonome, en trois parties, n’a figuré que tardivement dans le programme hommage à Beethoven – en réalité les deux derniers mouvements – pour la souscription destinée à la construction de son monument à Bonn. La Fantaisie est au départ une déclaration à Clara Wieck, future Clara Schumann. Nikolay Khozyainov s’en empare avec délectation. Il y a du Beethoven dans la puissance évocatrice du 2e mouvement et la richesse de l’opus devient un envol du romantisme dans le dernier mouvement.

    Nikolay Khozyainov ne pouvait terminer ce Monument à Beethoven autrement que par une création, car il est lui-même compositeur. Avec son morceau Petals of Piece. Son hommage au compositeur allemand est aussi un chant de paix que lui avait commandé l’ONU en novembre 2022. dans cette œuvre contemporaine et post-romantique, c’est avec gravité que l’instrumentiste russe lance ses "Pétales de la Paix". Plus que jamais d’actualité pour cet artiste résolument engagé pour le pacifisme. 

    Nikolay Khozyainov, Monument à Beethoven, Rondeau Production, 2024
    https://www.nikolaykhozyainov.com
    https://www.rondeau.de

    Voir aussi : "Beethoven, Intégrale, Première"

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  • Sacrés romantiques !

    Sublimes romantiques que ces cinq là ! Je veux parler de Richard Strauss, Frédéric Chopin et Franz Liszt, bien entendu, mais aussi de leurs interprètes de cet enregistrement Indésens, à savoir David Louwerse, au violoncelle, et François Daudet, au piano.

    C’est Richard Strauss, le dernier des grands romantiques (il est décédé en 1949), qui ouvre ce programme consacré à un style qui fit les beaux jours de la musique classique au XIXe siècle. La Sonate pour violoncelle en fa majeur, op. 6 a été composée en 1883. Il flotte sur cette œuvre un parfum de légèreté et d’insouciance (l’Allegro con brio) que David Louwerse et François Daudet transmettent avec passion, dans une conversation violoncelle-piano passionnée mais non sans instants mélancoliques ou enflammés.

    Le deuxième mouvement lent débute de manière funèbre. Strauss fait preuve de simplicité dans cet Andante ma non troppo, d’autant plus frappant après la fougue de la première partie. C’est simple. Il semble que le piano et le violoncelle chantent de concert. Les lignes mélodiques se déploient avec élégance, dans une économie de moyens singulière. La jeunesse et la fougue ont laissé place aux regrets, à la nostalgie et à la tristesse, sans que ces sentiments ne soient jamais appuyés.

    Le livret parle d’espièglerie en évoquant l’ouverture du troisième mouvement (Finale – Allegro vivo). Il est vrai que l’on retrouve ici de la joie de vivre et la jeunesse d’un compositeur de 19 ans seulement lorsqu’il écrit cette sonate incroyable. Le génie de Strauss est déjà à l’œuvre. Violoncelle et piano s’amusent autant qu’ils dialoguent, dans une série de conversations (de "questions-réponses" dit le livret) à la fois légères, séduisantes et passionnantes.  

    "Le meilleur des critiques, c'est le temps"

    Frédéric Chopin prend la relève avec sa Sonate pour violoncelle en sol mineur, op. 65 en quatre mouvements. Écrite en 1846, il s’agit de sa dernière œuvre publiée de son vivant. On retrouve la touche du compositeur polonais, notamment dans les premières minutes du long Allegro moderato. Cependant, rapidement elle suit une direction qui a pu déconcerter les contemporains de Chopin. Le "roi des romantiques" a énormément travaillé cette œuvre, ce qui se sent à l’écoute du premier mouvement, complexe et comme torturé.

    On applaudira la technicité des deux interprètes dans le jeu de cette sonate pour violoncelle et piano aux nombreuses lignes mélodiques. Chopin avait ces mots au sujet de cette pièce : "Je suis tantôt content, tantôt mécontent de ma sonate avec violoncelle. Je la jette dans un coin et puis je la reprends. La réflexion vient ensuite et l'on rejette ou l'on accepte ce qu'on a fait. Le meilleur des critiques, c'est le temps ; et la patience le meilleur des maîtres." Plus enjoué et dansant, le Scherzo se veut à la fois lyrique et vivant. Dans la grande veine romantique, le Largo se déploie avec une majesté des plus sombres. C’est un Chopin à la fin de sa vie qui s’exprime ici – il a pourtant à peine 36 ans ! La Sonate op. 65 se termine avec un Finale luxuriant et aux nombreuses lignes mélodiques. David Louwerse et François Daudet y déambulent avec bonheur, assurance et virtuosité. Voilà un Chopin tardif étonnant et d’une grande modernité.

    L’album se termine avec la troisième des Consolations, Lento quasi recitativo de Franz Liszt. La poésie, les lumières et les couleurs du génial pianiste et compositeur hongrois baignent cette pièce jouée avec délicatesse et profondeur par deux interprètes décidément romantiques dans l’âme. 

    David Louwerse (violoncelle) & François Daudet (piano), Les sublimes romantiques,
    Strauss, Chopin et Liszt
    , Indésens Calliope, 2024

    https://indesenscalliope.com/boutique/les-sublimes-romatiques
    https://www.david-louwerse.com
    https://francoisdaudet2.wixsite.com

    Voir aussi : "Bouquets de Fauré"

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  • Contre Mike Diana

    Si Mike Diana est entré dans l’histoire de l’art et de la justice c’est en raison d’un procès singulier survenu il y a un peu plus de 30 ans. Nous sommes en mars 1994 en Floride, dans le comté de Pinellas. Mike Diana a à peine 25 ans et produit une série de dessins et de BD pour plusieurs fanzines confidentiels, dont la revue Boiled Angel ("Ange bouilli" en français) qui peine à dépasser quelques dizaines de lecteurs. Une production underground amenée à tomber dans l’oubli sans un policier trouvant des liens entre des dessins de ce fanzine et des meurtres particulièrement horribles dans la région.  

    Finalement, le procureur de l’époque retient la plainte d’obscénité, une première dans un pays libéral comme les États-Unis, premier producteur en outre de matériaux pornographiques.

    Dans Disgrâce en Amérique, paru aux éd. White Rabbit Prod, Pierre Dourthe revient sur cette affaire hors-norme et sur les 10 ans de la production de Mike Diana, entre 1988 et 1997. ajoutons que l’artiste est toujours en activité aujourd’hui.

    La monographie s’intéresse à l'artiste américain underground grâce à de nombreuses illustrations et planches à ne pas mettre entre toutes les mains. L’art de Mike Diana est en effet volontairement provocatrice et ne s’empêche aucun interdit. Sexe, violence, tortures, mutilations et toutes les perversités possibles et imaginables constituent cet univers singulier. Le dessin est "rudimentaire" comme le précise Pierre Dourthe. La facture du dessin est naïve, les traits réduits à leur plus simple expression et les décors quasi inexistants. 

    À ne pas mettre entre toutes les mains

    Le grotesque le dispute au morbide et les personnages apparaissent comme des caricatures soumises à toutes les perversités. La religion – le christianisme en l’occurrence – en prend pour son grade, avec ses symboles détournés. Monstres, extra-terrestres et animaux viennent compléter ce bestiaire parfois difficilement supportable.

    Le procès en valait-il cependant la chandelle ? C’est là que la question se pose de manière pertinente. Au début des années 90, Mike Diana est un adolescent inconnu proposant ses œuvres à des magazines confidentiels, parfois photocopiés et agrafés sommairement – maintenant des objets culturels à la valeur marchande certaine. Cependant, l’Amérique traditionnelle et puritaine est bien décidée à ne pas laisser passer ce qui ressemble à une série de créations qu’elle considère comme obscène.

    Pierre Dourthe s’interroge longuement sur la question à la fois du jugement moral et de l’utilité sociale d’un tel procès. "Que fait le dessin de Mike Diana ?" se demande-t-il. La brutalité des crimes, leur gratuité, leur absence de justification et, plus que tout, leurs violences sans limite font dire que l’artiste fait de la dérision et de la raillerie le cœur de son œuvre. Le lecteur aura d’ailleurs en-tête la participation à un projet postérieur, celui d’un jeu de société, The Rape Game! Ce faisant, Mike Diana se pose en pourfendeur de la morale traditionnelle, ce que les accusateurs de l’artiste ne pouvaient ou ne voulaient pas admettre. Pire pour eux, c’est aussi aux rituels et aux institutions chrétiennes que s’attaque le dessinateur dans plusieurs créations.

    Pierre Dourthe souligne, tout comme Nicolas Le Bault dans la préface, que le premier amendement de la constitution américaine sur la liberté d’expression ne pouvait protéger Mike Diana des foudres de la censure. Au final, les outrances de Mike Diana n’ont pas été freinées par la décision judiciaire de 1994, loin s’en faut. Pour autant sa condamnation interroge sur la notion d’œuvre d’art, sur la place de la morale, sur la capacité d’une cour de justice de rendre des décisions esthétiques et, plus généralement sur la notion de liberté d’expression. Il est au final frappant que de telles questions ont été posées à cause de fanzines confidentielles qui auraient très bien pu rester complètement oubliés.  

    Pierre Dourthe, Disgrâce en Amérique, Dix ans de l'art de Mike Diana (1988-1997),
    éd. White Rabbit Prod, 2024, 176 p.

    https://www.whiterabbitprod.com/product/pierre-dourthe-mike-diana-disgrace-in-america
    https://www.facebook.com/story.php?story_fbid=955285119971830&id=100064710515208
    https://www.instagram.com/mikedianaboiled
    https://mikedianacomix.com

    Voir aussi : "Rêves violents"
    "Visages de la peur"
    "Au-delà du miroir"

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  • 3 est un chiffre impair

    Séduction garantie dès les premières notes de Wanderer pour le poétique album Valse en U du trio Espace impair.

    Espace impair, "impair" comme le chiffre 3, c’est Gérald Lacharrière à la flûte, Matthieu Buchaniek au  violoncelle et Frédéric Volanti au piano et au mélodica. Impair également comme les rythmiques impaires données aux 9 morceaux de l’opus. Les 3 artistes ont fait le choix de l’instrumental et d’une musique croisant le jazz, le contemporain, la  pop et la musique du monde.

    Wanderer, qui ouvre l’opus, est en soi un univers mixant avec bonheur rythmes jazz et pop, sons de musique de chambre et dépaysement comme seuls les musiques du monde peuvent se le permettre.

    Espace impair rend très pop-rock ce formidable opus. Dépaysement garanti avec le méditerranéen Pizza di Spagna mêlant astucieusement jazz et musique contemporaine.

    C’est la nostalgie qui domine Malinconico, tout aussi jazz. Plus court mais tout aussi passionnant, il déploie de jolies lignes mélodiques, servies par le trio de musiciens dialoguant en parfaite harmonie. 

    Dépaysement garanti

    Valse en U, qui donne son titre à l’album, s’approche plus de la création contemporaine que du traditionnel ou du jazz. Voilà une valse digne de figurer dans tous les concerts de musique de chambre. Les trois musiciens font preuve ici d’audace dans le travail sur les sonorités et les rythmes et où l’improvisation n’est pas absente. Toundra se déploie sur la même facture, avec un enthousiasme certain et le sens du swing.

    L’auditeur sera touché par les vagues harmoniques de Mer morte, morceau jazz à la fois méditatif et mélancolique. Dans le court Ségolène Swing, c’est le minimalisme qui prévaut, dans un morceau qui n’est pas sans adresser un clin d’œil appuyé au courant répétitif américain. Flûte, violoncelle et piano viennent dialoguer avec bonheur.  

    Pour Uzivaj, nos trois compères font le choix d’un alliage contemporaine-traditionnel, avec des rythmes tout droit venus des Balkans mais là aussi dopées au jazz, avec le piano incroyable de Frédéric Volanti.

    Silencio vient clore l’album de la plus belle manière. Le morceau se déploie avec nostalgie et mélancolie, pour ne pas dire tristesse (félicitations particulières pour la flûte de Gérald Lacharrière). Aussi pop que jazz, Silencio est une lente déambulation dans lequel s’exprime tout l’esprit d’indépendance du groupe Espace Impair. À découvrir absolument. 

    Espace impair, Valse en U, Booster Music, 2024
    https://www.facebook.com/profile.php?id=100066700990993
    https://www.instagram.com/espaceimpair

    Voir aussi : "Pas de réserve pour Paris Orly"

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  • Pas de réserve pour Paris Orly

    Il y a comme un parfum années 80 dans le dernier EP de Paris Orly, La réserve. Dès le premier morceau Il va falloir déménager, on est dans le grand bain avec cette chanson électro-pop à la fois survitaminée et aux accents désabusés sur nos existences.

    Derrière Paris Orly, se cache un homme, Stéphane Loisel. Aux manettes de A à Z dans cet album autoproduit, l’artiste propose un univers à la fois vintage et ultramoderne, dans une pop acidulée dominée par des sons synthétiques et une voix humaine qui tente de se faire sa place (Lotus Elan).

    Il y a autant de de la poésie dans cet opus singulier ultrasophistiquée (Le jardinier systématique) que de l’engagement.

    Engagement

    Bien dans son époque, Paris Orly se fait le critique de la société de consommation, à l’instar du titre parlé-chanté Je suis unique chez Prisunic. Grande distribution, consommateurs choyés, magasins achalandés jusqu’au dégoût, services clients, "identités visuelles" ou "niveau de contestation". L’artiste vilipende la culture autant que la novlangue de notre société mercantilisée, avec une voix robotisée. Implacable.  

    Tout aussi sombre, Paris Orly s’attaque aux dangers environnementaux avec le sombre et lourd Paris sous 50 degrés. Le désenchantement est là, dans cette french pop bricolée avec amour (Joueur de fond de court), même si ça et là percent des sons presque réconfortants (l’harmonica bienvenu des Éléments).

    Le titre éponyme vient conclure La Réserve. Accents eighties là encore pour un morceau pourfendant les ordres et la discipline.

    Pas de réserve pour cet album qui vient confirmer tout le bien que l’on pense de Paris Orly. 

    Paris Orly, La Réserve, 2024
    https://www.facebook.com/music.parisorly
    https://www.instagram.com/parisorly_music
    https://parisorly.bandcamp.com/album/dans-les-espaces-interm-diaires

    Voir aussi : "Dans la ronde du blues-rock"
    "BT93 ou le miracle d’une résurrection"

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  • Dans la ronde du blues-rock

    Place au rock, plus précisément au blues rock, avec le groupe Circle of Mud, de retour avec leur deuxième album Inside the circle.

    Dès le premier morceau, nommé le plus simplement du monde The Circle, les guitares font le show dans une ronde à la fois inquiétante et séduisante. Voilà qui nous met tout de suite dans l’ambiance d’un style intemporel, les pieds bien ancrés dans le sol poussiéreux du sud américain.

    Ce qui nous mène au deuxième morceau, Six Feet Under Ground, à la forte odeur de diesel et aux sons poussés bien hauts, comme si le groupe de Flo Bauer nous entraînait avec lui dans son vieux pick-up sur les routes entre la Louisiane et le Mississippi.

    Qu’on ne s’y trompe cependant pas. Le groupe Circle of Mud, tout entier tourné vers les racines du blues-rock américain, est bien français. Son jeune et charismatique leader, Flo Bauer, peut se targuer d’une participation à The Voice 3 et d’un Prix révélation Blues sur Seine. On peut saluer à la fois l’audace de ce nouvel opus confirmant tout le bien que l’on pense de Circle of Mud.

    Labourer les terres du blues

    Inside The Circle mord s’agrippe furieusement aux oreilles, à l’instar de Snake, l’un des meilleurs morceau de l’opus.
    L’auditeur sera pareillement séduit par le son pop-rock de Since You’re Gone, preuve que les quatre musiciens de Circle of Mud – Flo Bauer, Gino Monachello, Franck Bedez et Matthieu Zirn – ne se contentent pas de labourer les terres du blues, même s’il n’est jamais mis de côté par la bande à Flo Bauer (Perfect Kinf Of Guy).

    À l’écoute de cet album, impossible de ne pas avoir en tête l’influence de leurs brillants aînés ZZ Top. Les guitares accrochent, ronflent et "riffent" avec enthousiasme (Wrong, Deep Inside Of Me), portées par la voix de l’ex candidat de The Voice. Le blues se trouve au passage modernisé par des sons pop (Stop Praying, You’re Planning Me), permettant à un large public de se retrouver et de découvrir les attraits et la puissance du blues. Fédérateur : tel est l’objectif des quatre artistes, bien décidés à sortir le blues de sa zone de confort. Séduisant, comme le titre qui conclut l’album, Where We Belong.    

    Circle Of Mud, Inside The Circle, Dixiefrog, 2024
    https://www.circleofmud.fr
    https://www.facebook.com/CircleOfMud
    https://www.instagram.com/circleofmudmusic

    Voir aussi : "La Norvège, l’autre pays du blues"
    "Vivre malgré tout"

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  • Vers l’apaisement

    Digne d’une véritable BO pour film à grand spectacle, Mt. Mundame, le dernier opus du compositeur néerlandais Stephen Emmer s’écoute les yeux fermés. On prend sa respiration et on se laisse entraîner par ce voyage épique autant qu’intérieur (que l’on pense au second mouvement In search for meaning).

    L’opus a été écrit pour grand orchestre, défiant l’habitude de faire du contemporain minimaliste er vite ténébreux. Ici, tout est plus vaste (Belvedere’s exotic garden), comme si l’on se trouvait face à un panorama à couper le souffle, voire à un voyage intergalactique dans une bulle apaisante, bercée par un majestueux piano (Don’t force the path). Tout cela donne des morceaux d’une belle puissance expressive (Everyman’s journey). Il faut préciser que Stephe Emmer s’est entouré de beau monde pour sa création, que ce soit Anthony Weeden (Le Seigneur des anneaux : Les anneaux de pouvoir) ou Andrew Dudman (la trilogie du Seigneur des anneaux).

    Véritable BO pour film à grand spectacle

    Voyage musical et intime, écrivions-nous. En effet, Stephen Emmer a beau faire le choix de l’harmonie et de constructions mélodiques, il sait aussi se faire méditatif (The here and the now).

    Avec de tels moyens symphoniques (30 musiciens pour un album enregistré dans les prestigieux studios Abbey Road) Sphen Emmer aurait pu choisir la démesure. Il n’en est rien. La priorité est laissée à des morceaux brefs et denses (Expedition of the self), voire néoromantiques (Scotch Rose). L’auditeur trouvera dans cet opus ambitieux matière à se réconcilier avec une musique contemporaine aux fortes qualités sonores… et visuelles, que ce soit l’exotique et vibrant Personal Shangri-la, l’étrange Monsieur Chroche, l’inquiétant Imaginary Climbing ou le sombre Mirror of distraction.

    Mt. Mundame est présenté par son compositeur comme le fruit du dépassement d’une crise personnelle. La gravité est là, tout le long de l’opus, que ce soit dans les cordes et les percussions de Seven Storys, la ronde envoûtante de Travels of a young man ou le formidable dernier morceau, Reaching the peak, mélange de retenue et de majesté qui vient conclure en beauté ce formidable opus. 

    Stephen Emmer, Mt. Mundame, Electric Fairytale Recordings, 2024
    https://stephenemmer.com/audio/mt-mundane

    Voir aussi : "Caroline Leisegang ressort de l’ombre"

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  • Vivre malgré tout

    Un premier opus est souvent un autoportrait. Celui d’Axel Zimmermann, Exister, ne déroge pas à la règle. Dès les premières mesures, dans un morceau qui donne son titre à l’album, l’artiste s’y dévoile avec sincérité et dans un son pop-rock : "J’voudrais sentir ce que ça fait d’avoir le frisson de l’excès / D’avoir une vie, une vraie", Exister). L’impression d’étouffer dans une existence morne et grise trouve sa réponse dans l’extrait suivant, Justine, dans lequel Axel Zimmermann, sur un rythme envolé, se félicite d’être sous l’emprise d’une drogue planante et bien vivante : "Je suis comme sous morphine, / Je suis sûr, je suis sous Justine").

    Comment vivre vraiment sa vie ? C’est la question centrale de cet album. Axel Zimmermann interroge son propre art tout autant que la vanité de nos existences et le temps qui passe (Rien n’a changé). Le titre plus léger, l’estival et dansant Summer Santana, cache mal un album sobre et sombre, imaginé par l’ancien guitariste métalleux du groupe BlackRain. Le titre Buy n’Obey, l’un des meilleurs sans doute de l’opus, fait d’ailleurs la part belle aux riffs de gratte dans un morceau où le chanteur ne cache, là encore, ni son mal-être ni son amertume face aux faux-semblants, y compris dans les relations humaines et amoureuses ("Il faut se faire adopter pour avoir ton numéro / La seule chose qu’on te donne, c’est du mauvais porno").

    Exister se termine ainsi, sur des notes personnelles

    L’auditeur sera sans doute attendri pas cette singulière page de tendresse qu’est La reine du Queen. Il y fait le portrait d’une artiste de la nuit, avec sincérité, sensibilité et sans cacher la noirceur de ces existences festives et nocturnes : "Elle n’est plus si fraîche, quant au petit matin / Elle retrouve un lit vide, personne pour lui tenir la main / Elle veut se persuader qu’elle s’est bien amusée / Elle finira quand même par pleurer dans son oreiller".

    "N’abandonne jamais tes rêves d’enfant", chante-t-il encore dans le très joli titre Mon père m’a dit qui est aussi un remerciement et un hommage à son paternel ("Je peux lui dire merci").

    Artiste sans fard et brut, Axel Zimmerman sait se dévoiler avec grâce, à l’instar du formidable Une fleur en hiver, une déclaration touchante à une femme partie mais que le chanteur ne veut pas oublier : "Mais moi, j’y croyais, à tes yeux clairs / Mais toi, tu te fanais, comme une fleur en hiver". Il y a aussi cet autre portrait tout autant attachant, celui de son enfant (Petit rubis).

    Exister se termine ainsi, sur des notes personnelles, comme si la vanité du début de l’opus laissait place à l’essentiel : les proches, la famille et les êtres que l’on aime. Rien ne s’éternise, le dernier titre est d’ailleurs un autre portrait, celui d’un homme simple et ordinaire, le propre grand-père de l’artiste. Un dernier hommage en forme d’apaisement.  

    Axel Zimmerman, Exister, Single Bel, 2024
    https://www.facebook.com/AxelZimmermanMusic
    https://www.instagram.com/axelzimmermanmusic
    https://www.single-bel.com/axel-zimmerman
    https://push.fm/fl/u0kxzbme

    Voir aussi : "Vraies rencontres vraies"
    "Calmos !"

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