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Oui, méfions-nous de l’eau qui dort, comme le dit le titre du premier EP de Ferielle. Il faut avoir l’oreille attentive sur le rock décomplexée de cette petite nouvelle de la scène française, franchement à découvrir.
Ferielle gagne à être connu. C’est ce que l’on se dit à l’écoute d’un mini-album personnel, à l’exemple de "JAMAIS", récit amoureux et impossible ("J’ferme les yeux / Mais je ne vois plus que toi"), suivi presque naturellement de "JETER UN SORT", de nouveau une histoire de passion ("Tu m’as demandé / Est-ce que je peux t’embrasser ? / Je me suis laissée tenter / Pour la première fois"). Mais comme les histoires d’amour finissent mal en général, Ferielle chante avec énergie – et presque joie – un appel à l’être qui manque, en maniant l’art des larmes autant que du fiel : "Je voudrais lui jeter un sort / Pour lui montrer qu’il a tort / De rester dans son confort / Au lieu de m’aimer fort".
Au passage, la jeune musicienne fait preuve d’humour et d’auto-dérision lorsqu’elle parle du clip : "J’avais envie de faire un clip rigolo à regarder autant qu’à faire… Propriétaire d’un master en dramaqueen, j’adore ridiculiser ma tristesse pour passer à travers. Me mettre en scène en train de boire de l’eau de javel, me noyer sous un verre de vin ainsi qu’être menaçante avec un diadème et un couteau, c’est le meilleur moyen que j’ai pour rire au lieu de pleurer toutes les larmes de mon corps."
"Dis-moi où on va", plus pop, est entré dans la BO de la série-culte Emily in Paris (saison 3)
Ferielle, au texte et à la musique, propose en six titres un vrai bel univers, rafraîchissant et enthousiasmant. C’est "Face à face", au rock franc et assumé. C’est encore cette jolie ballade, "Aimant" – tout simplement –, introspectif et, quelque part, universel : "Je suis coupable / C’est un délit de fuite / Si c’est moi le problème / C’est que j’ai pas de problème / Je sais que le monde est beau / J’aurai le dernier mot".
Quant à "Riviera", c'est un rock sur l’histoire d’une rupture, propre, nette et (presque) sans bavure : "L’été avec toi c’était l’enfer / pire que d’attendre dans le RER / A A A… / Moi sur la Riviera tu me reverras pas". Voilà qui méritait d’être dit.
La preuve que Ferielle a déjà su taper dans l’œil ? Son titre "Dis-moi où on va", plus pop, est entré dans la BO de la série-culte Emily in Paris (saison 3). C’est assurément le signe que Ferielle est à suivre de manière très, très sérieuse.
Quand on vous disait qu’il fallait se méfier de l’eau qui dort.
Delphine Bell sort en ce moment Roi et toi (éd. Le Lys Bleu). Un récit plus qu’un roman sur un homme, un père, trop tôt parti. Voilà ce qu'écrit l'auteure : "Un matin, mon père a décidé de partir, nous laissant… Sans un mot, une trace. Où es-tu, papa ? Qui es-tu vraiment ? Toi, le père magnifique de mon enfance, dévoué, libre aussi. Ce livre est une quête, un roman policier et existentiel sur un père que je cherche encore. Il entrelace les écrits de celui qui fut un passionné de l’écriture et de la littérature. Et il pose une question : les êtres que l’on aime nous échappent-ils ? Possède-t-on vraiment ceux qu’on aime ? Qui est-on vraiment ? Papa est parti mais… Je peux écrire."
Est on vraiment au contrôle de sa vie Décidons-nous de tout. Et qui sommes nous vraiment ? Le journal fait le balancier entre plusieurs époques, l’une éclairant l’autre. Ce journal tente aussi de retracer historiquement une période définie. Sommes-nous vraiment confinés ou libres ? Première ou dernière liberté ?
C’est un programme ambitieux et passionnant que propose le double album sobrement intitulé Collection Schumann, avec des œuvres pour violon de Robert Schumann et Clara Schumann. L’opus a été enregistrés en public à la salle Elie de Brignac-Arqana de Deauville entre avril et août 2022. La formation de chambre au cœur de cet opus est formée du violoniste Pierre Fouchenneret, du pianiste Théo Fouchenneret et de l’Orchestre Régional de Normandie placé sous la direction de Jean Deroyer pour la dernière œuvre, le Concerto pour violon et orchestre en ré mineur.
Cette Schumann Collection est pour l’essentiel consacrée à de la musique de chambre. Commençons par parler de Robert Schumann et des ses trois Fantaisies pour violon et piano, classiques, élégantes et surtout des parfaits exemples de ce qu’il y a de mieux dans le romantisme. Légèreté n’est pas forcément mièvrerie, aurait-on envie d’écrire à l’écoute du "Lebhaf, leicht". Ces fantaisies ouvrent avec aplomb et enthousiasme le double album.
L’auditeur retrouvera ensuite avec plaisir la Sonate pour violon et piano n°3 en la mineur. Quel tempérament pour cette œuvre aux multiples arabesques sonores (le premier mouvement, "Ziemlich langsam – Lebhaft"), et au romantisme irrésistible ! Pas de doute, nous sommes dans la grande période romantique de ce XIXe siècle (le délicieux "Scherzo""Intermezzo"), avec un compositeur usant de multiples couleurs pour rendre cette sonate d’une richesse et d’une expressivité incroyable.
L’auditeur fondera sans doute sur les délicates et bouleversantes Romances pour violon et piano op. 94, servies par un ensemble au diapason servant à merveille ces pièces finement travaillées. Que l’on pense à la deuxième fantaisie, "Einfach, innig".
La Sonate pour violon et piano n°1 en la mineur op. 105 présente la particularité d’avoir été peu aimée du compositeur allemand qui déclarait en 1853 : "La première sonate ne me plaisait pas, c'est pourquoi j'en ai fait une seconde, dont j'espère qu'elle sera meilleure". Une deuxième sonate qui figure bien entendu dans l’album. Mais revenons à cette première sonate. Sans doute moins lumineuse que ce qu’il aurait souhaité, le compositeur s’inscrit dans un registre très automnal, avec une œuvre moins passionnée que tourmentée (le premier mouvement "Mit leidenschaftlichem ausdruck"). On goûtera avec plus de plaisir le deuxième mouvement allegretto, à la belle légèreté. On trouvera dans cette sonate mal-aimée du compositeur un étonnant et moderne "Lebhaft", singulier mouvement aussi harmonieux que luxuriant, presque festif.
Toujours chez Robert Schumann, saluons la bonne idée d’avoir inclus dans cette collection la Rêverie, Träumerei, tirée des Scènes d’enfants op. 15, par un Robert Schumann proposant une pièce géniale, mettant à l’honneur l’enfance – ce qui est assez nouveau pour l’époque. Simplicité, délicatesse, fragilité : cette Rêverie va à l’essentiel, sans artifice ni sensiblerie. Vous l’avez deviné : cela en fait une œuvre majeure pour cet enregistrement.
L’histoire du Concerto pour violon retiré du catalogue officiel de Schumann mériterait à elle seule une chronique entière
Pour ouvrir la seconde partie de cette Collection Schumann, c’est Clara Schumann qui est mise à l’honneur avec ses Trois Romances pour violon op. 22 dans lequel l’auditeur découvrira ou redécouvrira le génie d’une femme – elle et Robert Schumann étaient amoureux et mariés – s’inscrivant à plein dans le mouvement romantique. La texture de ces Romances – évidemment, le terme n’est pas anodin – laisse deviner, en dépit de leur brièveté, l’univers d’une compositrice subtile, exceptionnelle et capable d’émouvoir, même un siècle plus tard. Que l’on pense au premier mouvement tout en champagne, "Andante molto" mais aussi au formidable "Allegretto".
Nous en parlions : la Sonate pour violon et piano n°2 op. 121, vantée par un Robert Schumann très crique envers la sonate précédente, est incluse dans cette collection schumanienne. On remarquera que le compositeur se déploie avec bonheur, tout en prenant son temps, à l’instar du premier mouvement "Ziemlich langsam Lebhaft" – plus de 14 minutes quand même –, véritable univers dans l’univers. On peut tout aussi bien parler de paysage musical dans le deuxième mouvement, "Sehr lebhaft", enlevé et vivant. L’auditeur sera sans doute surpris par le mouvement suivant, "Leise, einfach", commençant par des pizzicati d’une belle expressivité – modernes, aurions-nous envie d’ajouter – avant de se déployer vers une jolie berceuse. Voilà qui donne une des plus beaux mouvements de ce double album. Le quatrième mouvement, "Bewegt", retrouve une vigueur nouvelle, grâce aux jeux enthousiastes des frères Fouchenneret.
L’opus se termine avec un grand orchestre, celui de Normandie dirigé par Jean Deroyer, pour le Concerto pour violon et orchestre en ré mineur. Après la sobriété et l’intimité des sonates, fantaisies et autres romances, place à une œuvre majestueuse, dense et aux mille teintes, mais que le compositeur n’a jamais vu jouer de son vivant (il est mort en 1856, trois ans après l’écriture du concerto) et qui n’a été redécouverte qu’au milieu des années 30. L’histoire du Concerto pour violon, retiré du catalogue officiel de Schumann pendant des dizaines d'années, mériterait à elle seule une chronique entière, voire un film. L’œuvre se déploie avec majestuosité mais aussi noirceur (le premier mouvement, "In kräftigem, nicht zu schnellem Tempo"), avant un deuxième mouvement, le "Langsam", introspectif, méditatif, voire métaphysique. Le programme se termine avec le troisième mouvement du concerto ("Lebhaft, doch nicht schnell"), brillant et virevoltant.
Les frères Fouchenneret prouvent par cette Collection Schumann leur très grande complicité au service d’œuvres essentielles du répertoire romantique.
Les tintinophiles se précipiteront sans doute sur cet ouvrage, conçu comme un lexique dédié à l’un des personnages les plus fameux de l’œuvre d’Hergé : le Professeur Tournesol, dit Tryphpon Tournesol, un prénom insolite qui fait l’objet d’une entrée à la lettre T.
Précisons que si on retrouve quelques illustrations dans le livre de Pierre Bénard, Tryphon de A à Z (éditions 1000 Sabords), aucune ne vient de l’œuvre d’Hergé, conséquence – on s’en doute – de ses ayant-droits, connus pour défendre l’héritage du dessinateur belge jusqu’à bloquer toutes les initiatives des amoureux de Tintin. Mais fermons la parenthèse.
Depuis Le Secret de Rackham Le Rouge (voir "Requin" à la lettre R), le savant fait partie, avec Haddock et Tintin (sans oublier Milou), de la triade partie dans des aventures les plus incroyables : d’une île au trésor à plusieurs péripétie en Syldavie, en passant par la Suisse, l’Océanie et bien entendu la lune.
À ce sujet, l’auteur note que la plus incroyable aventure de Tournesol, sa "page glorieuse", le voyage sur l’astre lunaire (Objectif Lune et On a marché sur la lune) n’est qu’évasivement évoqué dans les albums suivants, comme si un voile pudique était jeté sur cette épopée, ou "preuve (…) que l’épopée lunaire n’a pas fait grand bruit dans le monde, alors que le portrait de Tryphon aurait dû s’afficher partout".
Et si Tournesol était un Oppenheimer qui s'ignorait ?
Qu’en est-il du personnage, si attachant et finalement à la fois humain et insaisissable ? A priori, il reste l’un des moins mystérieux du panthéon tintinesque. Et pourtant, que de contrastes entre l’inventeur doux dingue des débuts – celui du requin sous-marin et de la machine à brosser les vêtements – et l’ingénieur aéronautique capable d’envoyer l’homme sur la lune ! Et que pourrait-on dire du concepteur de l’arme à ultrasons, sans doute aussi terrible que la bombe A (L’Affaire Tournesol) ? Et si Tournesol était un Oppenheimer qui s'ignorait ?
En tout cas, Tournesol est bien un génie incompris, ce que Pierre Bénard dit dans son article "Panthéon" : "On peut en citer qui eurent, pour moins que ça, les honneurs du tombeau des Grands Hommes".
Il faut aussi parler de cet homme plus ambivalent qu’il n’y paraît : maladroit, sourd comme un pot jusqu'à être asocial, Tournesol sait aussi se montrer d’une rare violence, lorsque par exemple Haddock touche sa corde sensible – le fameux "zouave", un mot qui a failli mettre le programme spatial à l’eau (Objectif Lune).
L’auteur de ce dictionnaire amoureux s’étend paradoxalement moins sur les amis de Tournesol – si l’article sur "Haddock" est riche, celui sur "Tintin" est plus maigre, quant à "Nestor", il n’apparaît carrément pas – que sur les modèles de Tryphon. Les savants évoqués sont légion, à commencer par Auguste Piccard qui a servi de modèle. Pierre Bénard s’avère particulièrement pertinent lorsqu’il traite d’autres figures moins connus, à l’instar d’Isidore Isou, de Robert Godart ou Robert Oppenheimer (nous en parlions plus haut)
Un mot enfin sur ces autres savants des aventures de Tintin, débarqués au moment de l’arrivée de Tournesol – les Calys, Sakharine et autres Halambique – comme s’il fallait pour Hergé avoir ces figures en guise de prototypes avant d’inventer, justement, le génial inventeur.
La jazzwoman Robin McKelle fait son retour tant attendu avec un album gracieux et séduisant, Impressions of Ella, Ella comme Ella Fitzgerald, bien sûr.
C’est l’occasion de découvrir ou découvrir des classiques du jazz qu’Ella Fitgerald a interprété à son époque. Pour ces revisites, Robin McKelle est accompagné d’un orchestre restreint, avec Kevin Barron au piano, Peter Washington à la guitare et Kenny Washington à la batterie, sans compter le featuring de Kurt Elling.
Cet opus marque le grand retour de la chanteuse américaine, sous forme d’hommage à une figure tutélaire du jazz. "Ma voix a mûri, et moi aussi. J’ai senti qu’à ce moment de ma vie, ces paroles avaient un sens pour moi. Impressions of Ella est comme un retour à la maison pour moi. Comme une réunion familiale après des années de séparation. Une reconnexion avec la musique qui m’a nourrie pendant toutes mes années de formation musicale, et qui furent largement influencées par Ella Fitzgerald", confie Robin McKelle, bien décidée à remettre au goût du jour des standards du jazz.
Que l’on pense au "Old Devil Moon", composée par Burton Lane sur des paroles de Yip Harburg pour la comédie musicale Finian's Rainbow (1947), et que Robin McKelle interprète sans coup férir, dans l’esprit des musicaux de Broadway.
Autre grand classique, toujours de l’entre-deux-guerre, "My One And Only" a été d’abord une chanson de George Gershwin et Ira Gershwin pour la comédie musicale Funny Face, avant de figurer dans le répertoire de la Grande Elsa. Et maintenant Robin McKelle, dans une facture des plus simples et efficaces – voix et piano, avec ce swing extraordinaire. Les frères Gershwin ont d’ailleurs une place de choix dans Impressions of Ella, avec le délicat "Embraceable You" et le mélancolique "Soon" qui vient clôturer l’album.
Du jazz, du vrai, du pur
Le lecteur de cette chronique sera sans doute surpris de voir le nom de Lady Gaga cité en référence pour le titre "Lush Life" de Zara Larsson. Il est vraie que l’interprète de "Bad Romance" l’avait chanté pour son album jazz (et oui!), en duo avec Tony Bennett. C’est là l’occasion de se précipiter sur l’opus Cheek to Cheek (2014), aussi velouté et sensuel que la version de sa compatriote. On pourrait dire la même chose de "I Won’t Dance" de Jerome Kern que Robin McKelle interprète avec Kurt Elling, tout en suavité et en complicité.
Il y a incontestablement un swing réjouissant chez Robin McKelle, à l’instar de "How High The Moon" de Morgan Lewis et Nancy Hamilton. Robin McKelle s’épanouit avec un bonheur communicatif, à l’instar du "Do Not Nothing Til You Hear from Me" que Duke Ellington avait écrit dans les années 40. Ella Fitgerald avait chanté cette chanson pour l’album de 1957 (Ella Fitzgerald chante le livre de chansons de Duke Ellington). Dans cette version de 2023, Robin McKelle ne se laisse pas impressionner par ces deux figures de la musique du XXe siècle. On y voit la marque d’une artiste à la voix puissante et capable des plus belles arabesques.
"Robin’s Nest" ne pouvait pas ne pas apparaître dans cet hommage à Ella Fitgerald. Du jazz, du vrai, du pur, là encore. Un titre écrit par la jazzwoman, ainsi qu'Illinois Jacquet et Charles Thomson.
Vernon Duke est à l'honneur à deux reprises à la fin de l’opus, avec deux classiques, le standard de Broadway "Taking a Chance to Love", écrit avec John LaTouche et Ted Fetter et le suave "April in Paris", cette fois avec Yip Harburg. Robin McKelle s’empare de ces classiques avec gourmandise, tempérament et passion.
Est-il utile de dire que le bonheur est à tous les étages dans ce somptueux album ?
Nouvelle voix de la chanson française, Buridane fait partie de ces artistes passionnantes, nous entraînant dans un univers à la fois dense, poétique et autobiographique. Pour ce troisième opus, Colette Fantôme, la chanteuse s’est fait accompagnée par Féloche à la réalisation et à la production, sans oublier des collaborations bienvenues, notamment Pauline Croze, apportant sa facétie autant que sa pertinence pour l’extrait "Pourquoi Tu Me Fais Pas", consacré à la question de l’enfantement.
Dans cet album, Buridane se dépeint avec toute sa fragilité, sa sensibilité, se confessant sur ses doutes et ses échecs, à l’instar du sans concession "Total fiasco".
Le titre qui donne son nom à l’album est des plus pertinents, en cette année de commémoration de l’auteure du Blé en Herbe ou de Sido (nous en parlions ici, sur Bla Bla Blog). "Colette Fantôme" propose ici un singulier hommage, sous forme d’un dialogue entre Buridane et Colette, tout en y insufflant de l’ardeur, de la modernité et un rythme infernal.
La créativité musicale de la chanteuse est tout aussi réjouissante dans le bien-nommé "Slave", romanesque, romantique, brut et amoureux ("Slave est notre âme").
"Tambourine tambourine / Comme un bruit de carabine / Dose d’endomorphine / Un fou que l’on déconfine"
Sans doute peut-on parler de Buridane comme d’une musicienne jamais aussi à l’aise que lorsqu’elle se nourrit d’influences venues d’ailleurs ("Ni Kalifa Ala Ma"), que ce soit les Pays d’Europe centrale ou de l’est, ou encore des Caraïbes ou de l’Afrique, à l’instar également de "Pluie vaudou". Buridane choisit, pour ce dernier morceau, le contre-pied, avec un talk-over gainsbourien et des sons venus d’ailleurs, pop d’eighties et boostés d’électronique. Sans oublier cette voix envoûtante.
L’auditeur sera sans doute happé par "Tambourine", au texte malin, riche, irrésistible et d’une belle pertinence. Il s’agit sans aucun doute d’un des meilleurs titres de l’album. "Tambourine, tambourine / A ma porte à ma poitrine / Un désir amphétamine / Le sang coule de ma marine / Tambourine tambourine / Comme un bruit de carabine / Dose d’endomorphine / Un fou que l’on déconfine".
On aime la simplicité – on pourrait aussi parler d'efficacité – de cet album. Il va à l’essentiel, et dans les paroles, et dans la musique ("Pourquoi tu m’fais pas"), ce qui n’empêche pas la chanteuse de se montrer éclatante, vivifiante et lyrique ("Chasser la nuit"). Quant à "Game Over The Rainbow", il mêle avec bonheur joie, mélancolie et espoir
L’album se termine avec un très beau morceau, voix et guitare. "Tombeau", qui, contrairement à ce que laisserait supposer le titre, n’invite ni à la tristesse ni à la désespérance, mais se veut une déambulation méditative : "L’amour n’est pas un tombeau". La vie avant tout, semble nous dire Buridane tout au long de ce Colette Fantôme.
Burdiane sera en concert le 1er août à Barjac (30), pour "Barjac M'en Chante".
Au jeu des références musicales, Giverny, la création contemporaine de Julian Loidan peut autant renvoyer au courant répétitif américain de Philip Glass ou Steve Reich qu’aux compositions de Yann Kiersen. Mais pas que.
C’est aussi avec les yeux que s’écoute l’album du jeune compositeur américain. L’auditeur pourra naviguer dans les, toiles de Claude Monet qui est le sujet, lui et son jardin, au cœur de l’opus. Ce sont les touches musicales du morceau "Giverny", comme autant de tâches de couleur d’une toile impressionniste. C’est aussi ces couleurs hivernales de "December Dreams", mêlant le gris, le jaune pâle, les teintes beiges et le blanc.
L’ambition de Giverny n’est ni plus ni moins que de voyager et se faire voyager au cœur du Jardin du Val d'Oise. Julian Loidan choisit une palette de sons : piano, vibraphone, percussions, machines, violons, voix éthérée pour naviguer entre la fin XIXe et 2023. Monet, le peintre français sans doute le plus adulé à l’étranger, devient un personnage de notre époque, comme ne le dit paradoxalement pas le mélancolique "You Will Be Missed" ou encore le nostalgique et pas moins triste "Surrender".
Julian Loidan choisit une palette de sons : piano, vibraphone, percussions, machines, violons, voix éthérée pour naviguer entre la fin XIXe et 2023
Cela n’empêche pas le musicien américain de s’emparer d’un classique de la musique française de l’époque de Monet, la fameuse "Gymnopédie n°1" d’Erik Satie, que le compositeur rehausse toutefois de teintes synthétiques. Cela donne un résultat séduisant, sans pour autant dénaturer le chef d’œuvre de l’ami de Claude Monet.
Pour son dernier album, Julian Loida choisit des chemins étonnants et séduisants, un peu à l’image des allées que suit le touriste pour admirer le domaine de Monet. Arrêtons-nous un instant sur "Sphere", mêlant jazz et rock pour un morceau tendant au psychédélisme tellement en vogue dans les années 70. Il y a un incontestable esprit New Age dans ce titre prenant son temps, au même titre sans doute qu’"Ambrosia", infiniment plus court (un peu plus d’une minute) et aussi astral que Giverny est terrien.
Avec "Beautiful Day" et "Collide", nous sommes carrément dans une pop bien dans notre époque, preuve supplémentaire que Julian Loida ne s’entend pas se limiter à une lecture classique de l’œuvre de Monet et de ses jardins.
Retour enfin à la musique contemporaine américaine avec "Waves", s’inscrivant dans la vague – si l’on peut se permettre ce jeu de mot – du mouvement répétitif américain, mais cette fois coloré de jazz et de pop, pour un morceau prenant son temps et choisissant de se perdre dans les jardins de Giverny. L’auditeur sera tout aussi marqué par le choix assumé de l’électronique pour "Look Up" , une nouvelle preuve s’il en est que Claude Monet reste éternel.
N’en déplaise aux grincheux, la musique classique et contemporaine connaît depuis quelques années un sérieux renouveau. Un exemple ? AyseDeniz et son dernier album, Patterns.
La musicienne, originaire de Turquie, s’est fait connaître grâce au bouche-à-oreille et les réseaux sociaux. AyseDeniz cumule des centaines de milliers de fans sur les réseaux sociaux et des dizaines de millions de streams sur les plateformes. Patterns, c’est une foi renouvelée pour le classique et la composition. La pianiste a pour elle l’enthousiasme mais aussi la virtuosité, à l’exemple du singulier "Chaos" qui ouvre son album sorti ce printemps.
La compositrice propose treize titres, relativement courts (de deux à quatre minutes) qui entendent montrer qu’il y a une vie après Bach ("AfterBach") et que le classique connaît un revival assez inattendu en ce début du XXIe siècle. Non, le romantisme n’est pas plus mort ("Enchanted Heart") semble nous glisser à AyseDeniz à l’oreille, grâce à un piano lumineux et un orchestre qui se déploie avec élégance.
L’auditeur pourra saluer un album à la fois riche et aux multiples surprises, à l’instar de "Kelton", à la mélodie mystérieux et romanesque. N’importe quel metteur en scène trouvera dans l’opus de l’artiste turque une bande son d’une incroyable richesse, alternant lyrisme ("The Labyrinth Of Freedom"), poésie ("Sunshine City"), mélancolie ("Sarp"), fougue ("Chaos"), retenue ("Threads Of Sound"), pudeur ("Lunapark") et grands élans symphoniques ("AfterBach").
Coloriste musicale
Véritable concerto pour piano de nos jours (si l’on excepte, à partir de la seonde moitié de l’album des morceaux pour instrument solo), Patterns sait jouer des nuances et prendre l’auditeur par la main, en revenant à l’essence du classique : l’harmonie, la création mélodique et le sens de l’architecture sonore. Écouter "Lunapark", par exemple, c’est entrer dans un monde coloré et lumineux, celui de l’enfance, de l’innocence et de l’insouciance.
Disons-le : la musique d’AyseDeniz touche grâce à sa qualité de provoquer des images, y compris à la personne la plus réfractaire au classique ("Sharp"). Dans "Sunshine City", la musicienne se retrouve seule derrière son piano , au service d’une pièce se déroulant avec élégance et en allant à l’essentiel. Et si cet essentiel n’était pas tout simplement la beauté ?
Patterns abrite quelques jolies surprises, frappant par leur construction sonore, à l’instar du nu et mélancolique "Peace Finally" ou de l’impressionniste "Velvet Piano". Le choix du piano solo permet à AyseDeniz de montrer toute sa virtuosité ("The Labyrinth Of Freedom"), autant que sa justesse et ses qualités de coloriste musicale toute debussyenne ("In My Head"). On quitte comme de l’album comme on sort d’un rêve, avec une très belle valse, "April Waltz"
Il faut enfin noter que suite au tremblement de terre catastrophique qui a frappé le pays natal d'AyseDeniz et la Syrie voisine, l'artiste a lancé Help In Harmony, un mouvement musical au profit de l'organisation Turkish Philanthropy Funds. La pianiste souhaite utiliser sa popularité sur les réseaux sociaux afin de réunir des artistes et mobiliser des dons pour de la nourriture de survie, des soins médicaux et psychologiques, des abris et bien plus encore.