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  • International Chico César

    Chico César propose avec ce nouvel et dixième album qu’est Vestido de Amor son opus le plus international. Il revient avec des chansons aux couleurs multiples, naviguant du forro nordestin au reggae jamaïcain, de la rumba zaïroise aux langueurs du calypso, du coco des pêcheurs côtiers aux électricités du rock urbain.

    Bien entendu, ses racines brésiliennes – à commencer par sa langue – ne sont pas oubliées, à l’instar du doux et sucré "Flor Do Figo". Cette fleur de figuier permet au musicien de chanter la liberté, l’amour et le lâcher-prise : "De novo algo aconteceu comigo / Me sinto vivo, livre, solto no ar / A liberdade é meu melhor abrigo" ("Quelque chose m'est arrivé à nouveau / Je me sens vivant, libre, dans les airs / La liberté est mon meilleur abri").  

    Le titre "Vestido de Amor" permet à Chico César d’habiller ses compositions de sons électroniques, avec une facture pop internationale – mais toujours en brésilien et avec le besoin et l’envie de vivre l’amour avec douceur, légèreté et insouciance : "O que me veste é tão leve / Leva a mansidão de amar / A imensidão de ser vida viva / Para o amor encontrar" ("Ce qui m'habille est si léger / Il faut la douceur d'aimer / L'immensité d'être vivant / Pour trouver l'amour"). Il est encore question d’amour dans la suave ballade "Te Amo Amor".

    Le voyage en Amérique du Sud continue avec le passionnant et envoûtant "Reboliço". Ce morceau de Chico César fait merveille : dansant, rythmé et proposant une revisite de l’amour et de la passion sous l’angle des télénovelas. Osé, malin et bien vu. "Nem a Globo faz / Uma novela como a que vida fez / Eu 'to amando e sou amado outra vez / Esse enredo, esse novelo é bom demais" ("Même Globo ne le fait pas / Un feuilleton comme celui que la vie a fait / Je suis amoureux et je suis encore aimé / Cette intrigue, ce feuilleton est trop bien").

    "Amorinha", une balade mélancolique, est un chant d’amour pour une femme qui n’est, hélas, pas libre. Est-ce grave ? Les amours vaines ne font de mal à personne, chante Chico César ("Amores vãos vêm / Na paz não fazem mal a ninguém").

    Jamais sans doute l’engagement n’a paru aussi captivante et sexy

    Avec "Sobre Humano" l’artiste brésilien ose un savoureux mélange des couleurs grâce à Salif Keita. Nous voilà entre l’Amérique du Sud et l’Afrique dans un titre humaniste dans l’âme : "Quem acha que é maior / E vai comprar pois tem dinheiro / É insano pois a vida é uma só / Um só lugar" ("Celui qui pense qu'il est plus grand / Et l'achètera parce qu'il a de l'argent / C'est fou parce qu'il n'y a qu'une seule vie / Un seul endroit"). Ce voyage de l’autre côté de l’Atlantique, le musicien brésilien le fait avec cet autre morceau, "Pausa", à la très grande poésie : "As lágrimas lavaram o mundo / Mas o pranto não cessou / Era um buraco tão fundo / Que o dilúvio não findou / E a nossa sede era de ser / E era amor" ("Les larmes ont lavé le monde / Mais les pleurs n'ont pas cessé / C'était un trou si profond / Que le déluge n'a pas fini / Et notre soif devait être / Et c'était l'amour").

    Il est question d’engagement encore plus frontal avec le formidable "Bolsominions", pourfendeur des adorateurs de Bolsonaro qui était encore Président au moment de la sortie de l’album du poète, écrivain, journaliste, ancien secrétaire d’État sous Lula et musicien qu’est Chico César. Le moins que l’on puisse dire c’est que l’artiste brésilien ne ménage pas ses coups contre le Président populiste et libéral : "Les bolsominions sont des démons / Qui sont sortis de l'enfer", chante-t-il ("Bolsominions são demônios / Que saíram do inferninho"). On peut remercier et applaudir Chico César de faire de ce morceau engagé un joyau musical (six minutes trente, tout de même), un chef d’œuvre de maestria et de virtuosité et un titre à faire danser les damnés de la terre. Jamais sans doute l’engagement n’a paru aussi captivant et sexy qu’avec ce diabolique "Bolsominions", le meilleur extrait titre de l’album, sans aucun doute.    

    Retour en Afrique avec le tout aussi formidable "Xango Forro e Ali", avec Ray Lema en featuring. L’auditeur verra dans ce séduisant morceau un appel au vivre ensemble, à la joie de vivre et à la main tendue par-delà les frontières.

    Toujours désireux d’insuffler de nouvelles influences dans son opus, Chico César s’avance du côté du reggae avec des sonorités pop-rock pour cette déclaration sensuelle et enflammée qu'est "Corra Linda" : "Corra linda / Tu visse / Eu quero te encher de xêro / De dengo até tu transbordar" ("Corra Linda / Tu vois / Je veux te remplir d'amour jusqu'à ce que tu débordes").

    Vestida de Amor se termine, comme l’on peut s’en douter, dans le rythme, la danse et aussi l’amour. Mais cette fois, avec "Na Balustrada", Chico César désarçonne l’auditeur avec ce qui peut s’écouter comme un hymne à l’amour se jouant du temps qui passe et de l’âge des artères : "O que é um pouco mais de tempo ou de combustível / Se o nível da adrenalina faz a gente ir?" ("Qu'est-ce qu'un peu plus de temps ou de carburant / Si le niveau d'adrénaline vous fait avancer ?"). L’amour est incroyable, conclue le chanteur.

    Et l'on est bien obligé de le croire. 

    Chico César, Vestido de Amor, Zamora Prod, 2022
    https://chicocesar.com.br
    https://www.facebook.com/OficialChicoCesar
    https://www.instagram.com/oficialchicocesar

    Voir aussi : "Thomas Kahn, volcanique !"
    "Chanter dans les forêts de Sibérie avec Jean-Baptiste Soulard"

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  • Aux navets, le Festival de Cannes reconnaissant

    Irrésistible ! Le Réalisateur de Navets qui a remporté le Festival de Cannes, la bande dessinée du trio italien Davide La Rosa, Fabrizio "Pluc" Di Nicola et Chiara Karicola Colagrande ne décevra ni les passionnés de cinéma ni les amateurs de récits gentiment dingues. Le public français sera invité à découvrir ce petit bijou d’humour transalpin proposé par les éditions Shockdom.

    Emiliano Speroni remporte la Palme d’Or du Festival de Cannes des mains de David Lynch. Cette récompense inattendue pour un inconnu jusque là réputé pour des navets improbables ne cesse d’étonner. Reprenant les codes de Citizen Kane (sauf qu’Emiliano a disparu de la circulation mais est toujours vivant), une journaliste propose de revenir sur sa carrière. Une carrière qui a bien mal commencé car Emiliano, né dans une famille pauvre, n’a pour lui que la passion du cinéma chevillée au corps. En dépit de la situation de sa famille, d’une escroquerie et de l’absence de tout soutien, il parvient à réaliser son premier film, qui est un navet tel que les portes du cinéma semblent se fermer pour toujours. Mais le jeune homme ne se laisse pas démonter et repart à la charge. Encore raté ! 

    Les quatre Filles du Docteur March et la Menace de Pluton

    A priori, le lecteur de cette savoureuse BD italienne verra dans cette histoire imaginaire un hommage aux nanars qui ont, à leur façon, nourri et fait avancer le cinéma. Il faut d’ailleurs dire que les planches consacrés aux trois films d’Emiliano sont en eux-mêmes des petits chefs-d’œuvres  de non-sens et de drôlerie. Que l’on pense au titre du deuxième film du réalisateur : Les quatre Filles du Docteur March et la Menace de Pluton…  

    Avec la même drôlerie et la même tendresse, Rosa, Karicola et Pluc s’intéressent aux premiers soutiens inattendus du jeune cinéaste, beaucoup plus ambitieux qu’il n’y paraît. La famille Xu et l’inénarrable sont croqués avec gourmandise. Les autres personnages secondaires sont les propre parents d’Emiliano : dignes et admiratifs, ils restent les soutiens inconditionnels de leur cinéaste de film.

    La dernière partie du film, la plus courte, traite du succès inattendu d’Emiliano Speroni, surfant sur une mode venue de Corée du Sud et qui bluffe son monde. Le résultat est une fameuse Palme d’Or (imaginaire, là aussi), et pour le lecteur de Rosa, Karicola et Pluc un moment de plaisir et d’éclats de rire. 

    Rosa, Karicola et Pluc, Le Réalisateur de Navets qui a remporté le Festival de Cannes,
    éd. Sockdom, 2022, 95 p.

    https://fr.shockdom.com/auteur/fabrizio-di-nicola

    Voir aussi : "BlackBanshee ou la juste cruauté"

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  • Frontières

    Envoûtant, planant, mystérieux, dépaysant : les mots ne manquent pas pour qualifier Missing Island, le nouvel album de Snowdrops. Après leur premier opus Volutes, le collectif composé de Christine Ott et Mathieu Gabry est rejoint par l’altiste Anne-Irène Kempf.

    Loin d’être un opus hors-sol, Missing Island entend au contraire faire un "retour à La terre". C’est d’ailleurs le titre du premier morceau, à la simplicité revendiquée, ce qui n’exclue pas de belles trouvailles sonores et une alliance entre classicisme, musique répétitive et influences traditionnelles, avec cet accordéon aux tonalités envoûtantes.

    Snowdrops cite, au sujet de ce premier morceau, quelques vers du poète Rainer Maria Rilke : "Tout est gestation et enfantement. Laisser chaque impression et chaque germe de sentiment s’accomplir entièrement en soi, dans l’obscurité, dans l’inexprimable, l’inconscient, au-delà de la portée de sa propre intelligence, et attendre avec une profonde humilité et patience l’heure de naissance d’une nouvelle clarté."

    Missing Island a été conçu comme un album entre terre et ciel, terrien et lunaire, à l’image de cet autre titre, "Firebirds", plus grave et plus mystérieux. Grâce aux ondes Martenot, de singulières apparitions viennent planer tels des oiseaux qui pourraient être autant de feu que de nuit et de ténèbres.

    Les trois musiciens de Snowdrops font du plus long morceau de l’album, "Land Of Waves" (un peu plus de neuf minutes), une évocation des quatre éléments. Le mystère mais aussi la contemplation planent dans cet extrait dont l’influence de l’album berlinois Low de David Bowie (1977) peut frapper l’auditeur.

    Ondes Martenot

    La deuxième partie de l’album se veut plus contemplative encore – "métaphysique", précisent les trois artistes – avec notamment ce "Nostalgia de la Luz". Ce morceau est inspiré du documentaire du même nom, réalisé par Patricio Guzmán. Dans son film, des astronomes du monde entier se rassemblent dans le désert d’Atacama pour observer les étoiles. Au souffle de la nature, avec les ondes Martenot jouées par Christine Ott, répond le piano mélancolique de Mathieu Gabry.

    Ne pourrait-on pas entendre, derrière "Radioactive Breath", de sombres prédictions et menaces ? Ce single fait du désert un endroit inquiétant, avec un piano sombre et des vagues synthétiques donnant à "Radioactive Breath" une atmosphère post-apocalyptique.

    Parlons aussi de cet autre extrait, "Et Comme Un Souffle Qui Vient", dans lequel l’auditeur se trouve projeté dans un singulier moment vivant. Christine Ott, Mathieu Gabry et Anne-Irène Kempf font se rencontrer avec audace musiques traditionnelles, classicisme, contemporain et électronique pour ce titre naturaliste et d’une belle mélancolie.

    "Mémoires Élémentaires" vient clore leur programme passionnant dans une jolie douceur. Piano, alto et synthétiseur se rencontrent avec tendresse. Revendiquant le terme de post-folk, les musiciens de Snowdrops repoussent les frontières des genres musicaux pour proposer un dernier morceau subtil et planant. 

    Snowdrops, Missing Island, Injazero Records, 2022
    https://www.facebook.com/snowdropsmusic
    https://www.instagram.com/snowdropsmusic

    Voir aussi : "Elise Bertrand, ultra moderne romantique"

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  • Thomas Kahn, volcanique !

    Il souffle un peu de l’esprit de Marvin Gaye sur This Is Real, le deuxième album de Thomas Kahn. À l’écoute de "More Than Sunshine", le titre qui ouvre l’opus (et le conclue, avec une seconde version "radio edit" à la fin), voilà l’auditeur transporté du côté des États-Unis, période seventies, avec instruments acoustiques, cuivre, chœur et surtout la voix envoûtante du chanteur clermontois. This Is Real est le fruit de deux années de travail. Et ça se voit. 

    La filiation culturelle de Thomas Kahn est à la fois évidente et bluffante, tant le chanteur semble avoir fait ses gammes entre New-York et Detroit, en passant par Memphis. Si l’on parle de la Mecque du rock c’est que le musicien sait aussi se faire avec "Doomed The Start" plus brut, plus tranchant et plus incendiaire. En un mot plus rock.

    Il n’est pas insultant de dire que c’est du vintage pur jus que nous propose Thomas Kahn, si l’on pense au très réussi "Don’t Look At Me", à "Alone" ou à  "Stay Away",  un funk pop enlevé à la jolie construction et au rythme franchement dansant, porté par la voix chaude et puissant de l’interprète.

    Sans nul doute, This Is Real aurait réellement sa place dans une BO de Quantin Tarantino

    Cet autre morceau qu’est "Try To See Further" semble pareillement réveiller les cendres de James Brown grâce au travail mélodique, une interprétation sans faux-pli et une orchestration acoustique à l’avenant. Sans nul doute, This Is Real aurait réellement sa place dans une BO de Quantin Tarantino.

    Régressif et nostalgique, Thomas Kahn sait aussi se faire tendre et sensuel avec ses ballades "Hope" et le slow "It Won’t Be so Long", sans oublier le morceau pop-rock "Out Of The Blue".

    C’est la voix déchirée que Thomas Kahn propose un titre très personnel sous forme de ballade, "Brother I Miss You", avant de se lancer, comme une forme de résilience, dans une chanson d’amour, sucrée comme un baiser. C’est "I’m In Love", plus fort que tout.

    Finalement, c’est un pont entre les volcans d’Auvergne et le New York de Marvin Gaye que Thomas Kahn a su bannir. Et rien que pour cela, il mérite toute notre admiration.

    Thomas Kahn, This Is Real, Musique Sauvage, 2022
    http://thomas-kahn.com
    https://www.instagram.com/thomas_kahn

    Voir aussi : "Grand vent pour Julien Rieu de Pey"
    "À l’ancienne"

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  • Où va Oaio ?

    Oaio a besoin d’amour et de voyages. Elle le chante dans son dernier album Bizarre Monde, aussi poétique que musicalement passionnant.

    À l’image du premier titre "Où ?", Oaio fait le choix d’une pop-folk riche et sensuelle. Sa voix à la Zazie se fait mélancolique lorsqu’elle s’interroge : "Où est-ce qu’on va si on se dit tout ?" Pour ne rien gâcher, l’univers folk se teinte de sons world. Il est vrai que la chanteuse est à la croisée de courants berbères, italiens et ardéchois.

    Les huit titres de Bizarre Monde ont pour fil conducteur, outre l’amour, le voyage, les échanges, les rencontres et les destinations que l’on se donne – ou que l’on s’interdit.

    Sur un rythme enlevé, "Carnaval" mélange les couleurs pour parler d’une relation qui se joue des frontières. Il est vrai que la biographie d’Oaio la décrit comme bourlingueuse. Avec une belle sensualité ("Fais moi une chanson avec ton corps"), "Carnaval" invite à refuser la lassitude de la vie : "A mon âge on est folle quand on nage en hiver et sans drapeau tricolore", chante-t-elle avec pertinence.

    La vie, l’amour, l’espoir : voilà ce qui guide toute entière cette passionnante artiste de la scène française

    La vie, l’amour, l’espoir : voilà ce qui guide toute entière cette passionnante artiste de la scène française. Mais aussi d'autres sujets comme l'environnement et la nature.

    "Bizarre Monde", le morceau qui donne son nom a l’album, est une adresse autant qu’un plaidoyer humaniste et écolo : "T’es pas intéressant / Personne peut te promener à son bras", dit-elle à notre Grande Bleue, en si mauvais état. Rien n’est moins sexy qu’un long discours sur l’environnement, ajoute, en substance, l’artiste, un rien désabusée : "Tout est foutu / Pardon / T’es mal aimé pour un paradis / Bizarre monde arrondi".

    Outre les deux titres en anglais, deux ballades, "That Song" et "Nice Day", "Fort" est un autre très beau morceau de l’opus : "Rêvons la nuit / Le jour oublions", chante Oaio, avant d’ajouter : "As-tu assez vu le monde ?" On l'imagine aisément sur un bateau, voguant à travers l’Atlantique, destination l'Argentine. Cet extrait est aussi la confession d’une forte tête qui, entre le silence et le parler fort, a fait son choix. On vous laisse deviner lequel. D’ailleurs, ajoute-t-elle en l’assumant, pourquoi se taire ? "J’ai assez d’amis / J’ai assez d’amour… C'est court la vie, as-tu assez vu le monde ?"

    Parlons aussi de "Bonbon", porté par le ukulélé chéri de cette dame. "Que la terre est grande", chante-t-elle, à la manière une gamine émerveillée. Elle porte son regard vers ses souvenirs et son enfance. Encore une fois, il est question d’amour mais aussi d’absence.

    Bizarre Monde vaut le détour pour ce mélange entre chanson française, pop-folk et world music, avec de jolies trouvailles dans les sons, à l’instar des chœurs de "Bizarre Monde" ou de "Simple". L’auditeur se laissera tout autant emporté par la concision des textes, leur efficacité et leur poésie.

    Au terme de cette découverte (enrichie par une très belle et très étonnante pochette), que dire, sinon : "Quel caractère !" ?

    Oaio, Bizarre Monde, Acoustic Kitty / Kuroneko, 2022
    https://www.facebook.com/oaiomusic
    https://www.instagram.com/oaio_music
    https://linktr.ee/oaio

    Voir aussi : "Marl’n, en fait oui"
    "Dédales de Sigal"

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  • Junky et sans complexes

    Avec Junky Cable (éd. Shockdom), le dessinateur italien Claudio Avella propose une bande dessinée de SF qui réjouira les amateurs de récits à la fois déjantés et lorgnant du côté de la dystopie. Mais ce serait une dystopie presque joyeuse où se mêlent des humains shootés à l’hornet, une drogue synthétique, robots maléfiques et vamps bioniques. Le tout dans un monde qui aurait le pied droit dans Bad Runner et l’autre dans un univers à la One Piece.

    Allister et Cheap, deux hors-la-loi pourchassés par des chasseurs de prime, aussi défoncés qu’amoureux, vivent de contrebandes de porogoces, de drôles de petites bestioles. Après être partis négocier une vente auprès de Janet, une sculpturale mafieuse, Allister et Cheap se retrouvent dans la cité de New Okinawa, à la recherche de Siri, une enfant dont ils s’occupaient et dont ils ont perdu la trace. Depuis, la jeune fille a bien grandi et est même devenue une figure importante de cette ville importante. 

    Janet, la "reine des insectes ultrasexy"

    La dystopie fait florès en SF. Trop sans doute. Clairement, il faut avoir le moral pour se plonger dans des récits post-apocalyptiques. Claudio Avella prend le contre-pied de cette mode en proposant une BD colorée et un récit vif. Ajoutez à cela deux anti-héros attachants et des personnages secondaires hauts en couleurs. Voilà qui donne une bande dessinée attrayante et audacieuse où l’humour et la sensualité sont bien présents.

    Graphiquement, le dessinateur italien revendique l’influence des mangas. Junky Cable est l’exemple quasi parfait de BD mêlant les écoles européennes (on oserait parler de "ligne claire") et japonais, pour notamment les scènes de combats.

    Une grande attention est portée aux figures féminines (Janet, la "reine des insectes ultrasexy") ou l’inquiétante Suzy. Pour corser le tout, Claudio Avella inclus une histoire de double disparition, que nous ne dévoilerons bien entendu pas ici.

    Pas mal du tout.     

    Claudio Avella, Junky Cable, éd. Shockdom, 2022, 128 p.
    https://fr.shockdom.com/boutique/shock/junky-cable
    https://www.facebook.com/ClaudioAvellaArt
    https://avellart7.wixsite.com/claudioavella

    Voir aussi : "L'art de Loputyn"

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  • Grand vent pour Julien Rieu de Pey

    Pour son premier EP, Seules les vagues, Julien Rieu de Pey montre qu’il faudra aussi compter sur lui dans la grande famille de la scène française.

    Son premier mini-album, riche de six titres, est un univers à lui tout seul. Son écriture précise, évidente dès le premier titre éponyme, est exemplaire de poésie : "Demain est une idée folle, qui reste là, cachée sous les jours".

    On oserait presque évoquer le nom de Dominique A dans cette manière qu’à Julien Rieu de Pey d’allier chanson à texte, rock et pop. Le talent mélodique de l’artiste est tout aussi évident dans cet autre titre, "Là, dans l’infini".  Julien Rieu de Pey sait capter l’auditeur dans des chansons où la mélancolie et la contemplation de la nature sont reines : "Là comme l’air, comme l’eau, le brouillard me mène à zéro / Pour les roses et pour le temps qui reste à bondir dehors".

    On oserait presque évoquer le nom de Dominique A dans cette manière qu’à Julien Rieu de Pey d’allier chanson à texte, rock et pop

    Seules les vagues propose de singulières transgressions sonores, y compris grâce à des sons électros et des rythmiques étranges, à l’instar de l’étonnant et passionnant "Grand vent" ou de l’instrumental planant "Aegiali".

    Ce premier EP est d’une solide cohérence, que ce soit dans l’univers du musicien, dans des textes personnels et tout en retenu ("La forme des nuages"), mais aussi dans le choix d’instruments acoustiques, accompagnant la voix douce et tendre du chanteur.

    Même quand la tristesse affleure, il semble qu’elle est réutilisée et recyclée par l’artiste pour en faire un de ces bijoux minuscules sans prix : "Le verre est brisé, j’ai ramassé toutes les étoiles", chante Julien Rieu de Pey dans son dernier morceau "La longue année". 

    Julien Rieu de Pey, Seules les vagues, Miracos, 2022
    https://www.facebook.com/Julienrieudepeyofficiel
    https://www.instagram.com/julien_rieu_de_pey

    Voir aussi : "Dédales de Sigal"

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  • Le prince de la jungle

    Le personnage de Korak est peu connu, au contraire de son père Tarzan. Le public français connaît très mal le rejeton du fils du roi de la jungle. Il n’aura désormais aucune excuse avec cette intégrale Korak, proposée par les éditions Graph Zeppelin.

    Dans la préface de cette publication qui sera la bienvenue pour les futures fêtes de fin d’année, Stephen R. Bisette rappelle avec précision l’aventure artistique et éditoriale du fils de Tarzan, né bien entendu avec le succès d’un héros mythique de la bande dessinée américaine. Bien que le rejeton du Roi de la Jungle soit apparu dès 1920 (The Son of Tarzan), ce n’est que dans les années 60 que Russ Manning est approché pour créer en comics plusieurs aventures de Korak. Une aventure éditoriale qui, comme souvent, est une affaire de gros sous et de droits juridiques.

    Stephen R. Bisette connaît son sujet et entraîne le lecteur dans les studios où se créent des planches visuellement magnifiques, avec les problèmes revenant souvent : les collaborations, les "géniteurs souvent non crédités", les commandes et les affaires d’argent. Le résultat est ce personnage de Korak, ressemblant comme deux gouttes d’eau à son célèbre père.

    Les aventures du Korak séduisent par la fantaisie des histoires mais aussi un sérieux sens de l’humour

    Stephen R. Bisette insiste sur la manière dont les cultures africaines sont traitées dans les aventures de Korak et de son singe et ami Pahkut. Et il est vrai que l’on sent un soin particulier à faire des histoires du fils de Tarzan des récits de rencontres entre voyageurs et scientifiques occidentaux et peuples indigènes tentant de conserver intacts les cultures locales. "La charge du Rhinocéros !" en est un exemple remarquable, avec cette cité discrète protégée par une mère blanche et sa fille.

    Certes, le colonialisme est bien présent dans ce volume ("Ceux qui vivaient sous terre"). Toutefois, les aventures du Korak séduisent par la fantaisie des histoires mais aussi un sérieux sens de l’humour, à l’exemple de l’étonnant "Le tournage fatidique".

    Parmi les histoires sortant du lot, il faut d’abord citer "L’antre du dragon", riche d’une intrigue à rebondissements multiples, et enrichi de personnages secondaires, dont la pétillante Sally Mansur. Gaylord Dubois, au scénario de ces 10 épisodes sort des sentiers battus avec deux récits sortant des sentiers battus avec "L’invasion de Pal-Ul-Don" et ses animaux préhistoriques. Il est plus audacieux encore avec "L’autre jungle", lorgnant cette fois du côté de la SF, période sixties.

    Avec cet Intégrale Korak, le lecteur trouvera matière à voyager et se dépayser, tant dans l’espace que dans le temps. 

    Russ Maning et Gaylord Dubois, Korak, le Fils de Tarzan, tome 2, éd. Graph Zeppelin, 2022, 200 p.
    https://www.facebook.com/GraphZeppelin
    http://tarzan.org
    @SRBissette

    Voir aussi : "Tarzan par Russ Manning"

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