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Klaudia Kudelko, à la bonne heure
La pianiste Klaudia Kudelko sort cet été son premier album, Time, autour de deux compositeurs – Franz Schubert et Frédéric Chopin – et une compositrice, la Polonaise Grażyna Bacewicz que la pianiste entend faire découvrir ou redécouvrir.
L’album commence avec les six Moments musicaux, D. 780, op. 94 de Franz Schubert, des œuvres pour clavier écrites entre 1823 et 1824 dans lesquelles la rêverie le dispute à la fantaisie et au lyrisme.
Le Moment musical n°1, singulièrement léger, est servi avec retenue par une pianiste aux doigts de fée. Comme souvent chez le compositeur romantique, derrière l’apparente légèreté se cachent des douleurs indicibles. Le clavier élégant de Klaudia Kudelko vient entrouvrir la porte de ces tourments que le temps jamais ne vient effacer, à l’image du deuxième, mouvement musical, plaintif et consolateur tout à la fois.
L’auditeur sourira au 3e Moment musical, véritable tube de Schubert en forme de danse, sur un rythme de barcarolle. La pianiste polonaise s’en empare avec un plaisir certain et communicatif, assurément, mais sans surjouer de la virtuosité. Il est encore question de vivacité dans le moins connu 4e Moment musical aux couleurs chaudes, se déployant dans des nappes romantiques et non sans mélancolie amoureuse. La dernière partie du moment musical, allegro, revient vers l’allégresse des premières mesures. Le Moment Musical n°5, plus court (2 minutes 30) se fait plus expressionniste, pour ne pas dire tempétueux.
On retrouve avec le sixième et dernier Moment Musical ce qui fait l’ADN du compositeur Schubert : du romantisme assumé servi par la pianiste polonaise, délicate et toute en retenue. Ce dernier Moment Musical sonne comme un au revoir ou plutôt un adieu bouleversant. Le musicien allemand se laisse aller dans cette "Plainte d’un troubadour", jouant sur la longueur et la lenteur, comme s’il ne souhaitait plus retenir ses larmes.
Nul doute que le choix de cette Étude peut être interprété comme un engagement, en pleine guerre russe contre l'Ukraine
Pianiste classique d’origine polonaise, Klaudia Kudelko ne pouvait pas ne pas faire un sort à son illustre compatriote, Frédéric Chopin. Elle consacre son album Time à trois monuments du répertoire romantique. Pour l’Étude op. 10 n°12 en ut mineur, dite "la révolutionnaire". Klaudia Kudelko démontre toute sa virtuosité dans cette œuvre demandant autant de technique que de qualités d’interprétation. Cette étude a été écrite par Chopin en 1831, soit quelques mois après l’insurrection de Varsovie contre la Russie tsariste puis le bombardement de l’armée russe. Nul doute que le choix de cette Étude peut être interprété comme un engagement de la part de l'instrumentiste, en pleine guerre russe contre l'Ukraine.
Toute différente, l’Étude opus 27 n°7 en do dièse mineur donne tout le loisir à la pianiste de déployer son jeu aérien, mélancolique et onirique, à l’image de la Polonaise-Fantaisie opus 61 de Chopin. Klaudia Kudelko s’y balade avec un plaisir évident.
L’auditeur français découvrira sans doute la compositrice polonaise Grażyna Bacewicz. Considérée par son illustre contemporain Witold Lutosławski comme "une éminente compositrice polonaise du vingtième siècle et l’une des plus grandes femmes compositeurs de tous les temps". Pour Time, Klaudia Kudelko joue sa deuxième sonate. La modernité de cette œuvre, écrite en 1953, se nourrit de toute la tradition classique et romantique. Grażyna Bacewicz a composé une sonate au fort tempérament, servi par une pianiste ne se démontant pas et imposant un jeu robuste ("Maestoso"). Le "Largo" se déploie, lent et sombre, telle une marche funèbre. "Abandonne tout espoir", semblent nous dire la compositrice et la pianiste, jusqu’aux dernières notes s’éteignant dans un dernier souffle. Le mouvement "Toccata" vient clôturer l’album. Le morceau s’égaye avec liberté et gourmandise, comme si l’improvisation était à l’œuvre dans cette composition de Grażyna Bacewicz.
On peut remercier Klaudia Kudelko d’avoir fait connaître cette compositrice polonaise, prouvant par là-même qu’elle est une pianiste à l’univers passionnant et au panel musical très large, bien au-delà de Chopin – qu’elle sert du reste avec justesse.
Klaudia Kudełko, Time, C2 Management, 2022
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"Elise Bertrand, ultra moderne romantique"
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