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  • Du tempérament

    Du tempérament, il en a Makja, comme il le prouve dans le premier titre de son EP Sessions vivantes II. "Tempérament" c’est du rock engagé à la Saez. Les pauvres, l’argent roi, "politicards en toc" : l’ex de The Voice saison 8 assène ses vérités et ses colères, avec une rage sincère et sans tricherie ("Roi Soleil").

    Makja est une voix avec qui il faut compter qui sait se montrer brut autant que poétique, comme le prouve "Les saveurs du passé", un des meilleurs morceaux de ces deuxièmes Sessions vivantes. "Quand le texte vient de loin / Le silence devient flou / L’infime se faufile sous les feuilles".

    L’hypersensibilité du chanteur est évident chez cet artiste chez qui on sent l’influence de Christophe Maé jusque dans le timbre de la voix ("Nos 2 mains"). 

    Très grande qualité d’écriture de Makja

    Majka propose une revisite inattendue de "Tout va bien" d’Orelsan, dans une version moins urbaine et plus acoustique. C’est, du reste, ce choix musical – violoncelle, guitare, batterie – qui fait le charme immense de cet album. Makja fait un choix musical audacieux dans sa manière de refuser l’électronique, les boîtes à rythme et les machines au profit d’une facture plus traditionnelle ("Yeux de rouille").  

    "Elle tangue" retrouve la fibre engagée de "Tempérament", qui est aussi le portrait d’un homme dont la mémoire vacille. On est là à mi-chemin entre un texte intimiste et un message universel et social : "Où sont tes pavés / Tes livres / Tes idées de France libre / Face à l’oubli rien n’est inné".

    Preuve de la très grande qualité d’écriture de Makja, ce dernier a été lauréat en 2016, du Prix Centre des Écritures de Chanson-Voix du sud aux Rencontres d’Astaffort.

    Makja, Sessions vivantes II, Absilone / Socadisc, 2022
    http://www.makja.com
    https://www.facebook.com/makjaofficiel
    https://www.instagram.com/makjaofficiel
    https://www.youtube.com/c/makja_officiel

    Voir aussi : "Où va Oaio ?"

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  • Le transhumanisme n’est pas un humanisme

    Radical. Nicolas Le Bault arpente avec obstination les champs de l’art et de la pensée underground. Après ces créations graphiques incroyables (les publications de White Rabbit Dream,), il s’attaque aux travers de nos sociétés contemporaines avec un essai choc, Le Transhumanisme, stade terminal du Capitalisme (éd. La Reine Rouge).

    La première qualité de son livre est de remettre sur la table l’étonnant et prophétique livre de Georges Bernanos, La France contre les Robots. L’auteur de Sous le Soleil de Satan annonçait soixante-dix ans à l’avance l’irruption d’une société robotisée où le statut même de travailleur allait être remis en cause.

    Nicolas Le Bault s’appuie sur l’actualité récente et les derniers progrès technologiques pour pointer du doigt les dérives du progrès que l’auteur résume ainsi, en reprenant des analyses du philosophe Jean Baudrillard : "Jean Baudrillard, bien avant l’avènement des réseaux sociaux, incombait à l’omniprésence des images et à la multiplication des répliques du réel la déréalisation progressive du monde". La disparition du monde réel, remplacé par des reproductions plus vraies que nature : voilà qui fait le premier danger de nos sociétés et qui est, selon l’auteur, encouragés par les GAFAM. 

    Un engagement certain et sans renier ses influences du côté de chez Karl Marx

    Le livre de Nicolas Le Bault balaie, en un peu moins de cent pages, les problématiques économiques et sociaux de notre époque, avec un engagement certain et sans renier ses influences du côté de chez Karl Marx. Que l'on pense à cette citation : "[Le] haut-patronat et actionnaires ont réussi la double opération de rendre impossible la réponse des prolétaires à la lutte des classes".

    Il est bien question de lutte des classes dans cet essai, de travailleurs, de prolétariat, d'inégalités et de richesse, mais il y a aussi les avatars de ce néo-libéralisme : l'ubérisation, l'auto-entreprenariat, l'automatisation mais aussi l'intelligence artificielle et le transhumanisme.

    Nicolas Le Bault parle de "révolution culturelle transhumaniste" et comme un nouvel outil au service du capitalisme moderne. Si le lecteur peut être critique sur les pages consacrées au "soulèvement des peuples", Nicolas Le Bault est plus pertinent lorsqu'il parle de la "la civilisation de l'oubli" qu'il compare avec le mythe des Lotophages.

    Évidemment, on tremble à la lecture de sombres prédictions ("[Dans] une économie automatisée, les hommes pourraient être tentés d'exterminer ceux dont le quotient intellectuel est inférieur à un certain niveau") tout autant qu'on se retrouve parfaitement en accord et ragaillardi par un vibrant appel à l'art et aux artistes.

    Nicolas Le Bault, Le Transhumanisme, stade terminal du Capitalisme, éd. La Reine Rouge, 2022, 101 p.
    https://whiterabbitprod.bigcartel.com
    http://www.nicolaslebault.com
    https://editionsdelareinerouge.bigcartel.com

    Voir aussi : "Terribles filles rêveuses"
    "Bernanos, les robots et la jobsolescence"

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  • Mille milliards de mondes

    Delphine Coutant est de retour pour son sixième et nouvel album. C’est un vrai univers en soi qu’elle propose, à l’image du titre de l’opus, 2 Systèmes Solaires. Pour écrire la partition pour octuor de cet opus, elle a étudié durant quatre ans l’écriture musicale, l’arrangement, l’orchestration au Conservatoire de musique de Nantes. Elle a été en résidence au Laboratoire de Planétologie et Géosciences de Nantes, au Planetarium de Nantes et aux réserves muséales du Muséum d’Histoire naturelle de Nantes.

    Onirique et astral, l’artiste l’est assurément et l’assume sans conteste : "Mon manteau d’hiver s’étiole sur moi / Cette année lumière dure des mois", chante-t-elle dans "Mon Manteau d’hiver". Spatiale et terrestre, céleste et terrienne, Delphine Coutant balance, servie par un orchestre classique avec cordes et cuivres. Le texte écrit avec un grand sens de la justesse et de l’économie se joue du temps, des saisons, de l’espace, du minuscule et de l’infiniment petit : "Sous mon pull d’hiver poussent des camélias / Deux systèmes solaires se côtoient".

    Sondant le mystère de la vie et avec une rare poésie, l’originaire de Saint-Nazaire se définissant comme une troubadour ("trobairitz") des temps modernes, fait d’une carrière ordinaire et d’un métier obscur le début d’un mystère : "Va dans la poussière / Tu as cent ans mile ans et l’âge sédimentaire". Et si l’artiste pouvait en être libéré ?

    2 Systèmes Solaires frappe par l’intelligence de son écriture. On quitte l’univers pour aller jusqu’à une carrière et une recherche géologique. Le troisième titre propose de partir de la pierre brute pour aller vers la création du sculpteur, cet artisan travaillant "dans une parfaite gravité" ("La galaxie du sculpteur"). L’extrait suivant, "Méduse Pégase et nous", propose d’entrer dans le cœur de ces créations si loin et si proches de nous : "Et moi qui l’ai bien fréquentée, j’ai une forêt de genêts à mes cheveux noués". La musicienne s’appuie sur un orchestre classique, sauvage et impétueux.

    Pour "La succulente", c’est un piano qui accompagne Delphine Coutant, dans la peau d’une habitante du désert américain de Chihuahua. Ce message sur l’environnement, sur "ce brasier qu’est la vie", est aussi un message d’espoir : "Je mets toute ma transcendance / Mon intelligence / Pour bien aimer cette folie". 

    Delphine Coutant est assurément d’un autre monde ou plutôt de tous les mondes

    "La montagne bouger", plus pop, est de retour en France, avec une ballade dans l’ouest. Une nouvelle fois, la nature est plantée comme personnage principal et fantasmagorique : "Un océan d’eau salée / Sous la surface gelée / On a vu des feux de glace / Sortir des tiger stripes".

    Delphine Coutant est assurément d’un autre monde ou plutôt de tous les mondes. 2 Systèmes Solaires peut se lire comme un grand livre de voyages, au souffle dépaysant, à l’instar du magnifique et magnétique "Le grand morcellement". Magnétique, magnifique et terrible tout à la fois : "Navires brise-glaces icebergs dérivants / Souffle de Neptune vents chocs et courants / Témoins de ma débâcle du grand morcellement". La qualité d’écriture et d’arrangements de la musicienne est évidente à travers ce morceau, tout comme elle se montre audacieuse et culottée dans "1 2 4 3 Ignition". Ce court morceau symphonique (une minute quarante) montre une musicienne nourrie d’influences néo-classiques.

    On imagine Delphine Coutant comme une terrienne ne se sentant jamais aussi bien, à l’instar d’une enfant, que dans la nature, au milieu des éléments : "J’ai laissé l’herbe sécher / Et dans ce corps habité par le froid polaire / J’ai laissé l’herbe sécher" ("J’ai laissé faire"). Mais elle est aussi une grande amoureuse des astres, comme elle le confie dans le spectral "Mes heures d’univers", en français et... en latin : "Horas meas universi / Nares ad auras / Palpebarum pilos imbue" ("Les heures d’univers / Le nez en l’air / Rayonnement fossile / Imbibe mes cils").  

    Delphine Coutant vient clôturer son album avec un remarquable titre néo-classique et jazzy synthétisant en quelques vers une fin de monde et un bond dans le temps.  

    Delphine Coutant, 2 Systèmes Solaires, L’autre distribution, 2022
    http://www.delphinecoutant.fr
    https://www.facebook.com/delphinecoutant.officiel
    En concert : Le 5 janvier 2023, Showcase Musique et Danse, Orvault (44),
    le 10 janvier à la Bibliothèque de Sotteville-les-Rouen (76)
    et le 13 janvier 2023 au Trianon Transatlantique de Sotteville-lès-Rouen (76)

    Voir aussi : "International Chico César"

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  • De l’art de survivre en entreprise

    Un mot, pour commencer, sur l’éditeur. Les Éditions Enrick B s’intéressent depuis 2007 à des ouvrages très sérieux sur l’économie, la société et l’actualité en général : psychologie, droit, réflexions pointues ou non, avec toujours en ligne la vulgarisation pour des sujets a priori peu sexy.

    Un ouvrage est sorti du lot en 2022 :  En Quête de Sens de Thibault Bouëssel du Bourg, sous-titré "Bullshit jobs, burn out et cravates grises". Un "guide de survie en entreprise" écrit et dessiné par un auteur qui sait de quoi il parle. Le jeune homme ambitieux a endossé les habits de Rastignac, au service de grandes entreprises, banques et cabinets d’avocats. La Défense a été son environnement quotidien avec son corollaire : embauches ritualisées, langage globish, métro-boulot-dodo, employés bien identifiés, règne du corporate et déshumanisation à tous les étages.    

    Embauches ritualisées, langage globish, métro-boulot-dodo, employés bien identifiés, règne du corporate et déshumanisation à tous les étages

    Dans cette bande dessinée vraiment très bien vu, le lecteur goûtera les mœurs de nos entreprises modernes, du moins les cultures d’entreprises des groupes cotées en bourse. Il y est question des recrutements, du rythme quotidien, de la vie en openspace, sans oublier les collègues, que ce soit Yasmina, l’hôtesse d’accueil, Jérémy le responsable IT (informatique) ou Josiane de la compta. Plus d’un et plus d’une reconnaîtront des voisins et voisines de bureau.

    Il y en a pour tout le monde dans ce jeu de massacre qui entend brocarder les cultures d’entreprise qui n’ont de culture que le nom.  Les managers ne sont pas épargnés, jusque dans le langage corporate adopté : "proactivité", "résilience", "forwarder", "ASAP". Ces termes parleront sans doute à beaucoup de lecteurs et lectrices.

    Cette suite de chronique est finalement moins un guide de survie en entreprise qu’une mise au point sur des règles artificielles qui régissent la vie professionnelle. C’est très bien vu et bienvenu. 

    Thibault Bouëssel du Bourg, En Quête de Sens, Éditions Enrick B, 2022, 100 p.
    https://www.enrickb-editions.com/en-quete-de-sens
    http://www.facebook.com/enrickbeditions

    Voir aussi : "Aux navets, le Festival de Cannes reconnaissant"

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  • Psycho-pop

    Les psychopompes, ces esprits chargés dans plusieurs mythologies et religions, de conduire les âmes des morts, fait l’objet d’une étonnante bande dessinée de l’auteur italien Fabio Listrani. Son ouvrage Charon, paru chez  Shockdom, est maintenant disponible en français.

    Charon est le nom du passeur chargé de mener les défunts vers les Enfers. La mythologie grecque nous apprend qu’il conduit une barque à travers les marais de l’Archéon, contre un peu d’argent (la fameuse obole). Voilà pour situer le contexte de la BD de Fabio Listrani.

    L’auteur transalpin a choisi de décliner cette légende à travers six histoires qui nous racontent la mort, le passage vers l’au-delà et les missions de ces passeurs à la fois terrifiants et travaillant sans état d’âme – c’est le moins que l’on puisse dire. 

    Virtuosité

    Six histoires composent cette bande dessinée dense et dessinée avec virtuosité. Il y est question d’un malade hospitalisé, entre la vie et la mort, et dont le destin tient à la lutte acharnée entre deux psychopompes ("Contraria Sunt Complementa"). Une autre nouvelle s’intéresse à Raspoutine et à sa légende sulfureuse ("Quatre retours pour l’Hermite"). "La carpe d’or" nous plonge dans un Japon légendaire et dans une histoire de vengeance mêlant honneur, amour, crime et bien entendu mort. Le dessinateur nous entraîne également dans un récit de science-fiction défiant la science, la logique et aussi l’espace ("Per aspera ad").

    La mythologie est un thème ayant repris de la vigueur ces dernières années et il n’est pas rare de le voir traité, comme ici, sous l’angle de la BD. Ce qui l’est moins est la facture de l’ouvrage, très pop et alliant des influences divers : celui de la bande dessinée européenne, tendance Philippe Druillet et Metal Hurlant, du comics américain pour le sens du détail et du manga, si l’on pense à la "Carpe d’or". L’auteur a reçu le tour de force de proposer une bande dessinée plus sombre et gothique que véritablement sanglante (même si quelques scènes restent spectaculaires), avec des psychopompes modernes, décalés et underground.

    Cela donne un ouvrage absolument somptueux qui se lit avec lenteur afin d’apprécier chaque découpage et chaque vignette. 

    Fabio Listrani, Charon – Les Chroniques des Psychopompes, éd. Shockdom, 2022, 208 p.  
    https://fr.shockdom.com/boutique/fumetti-crudi/charon
    https://www.facebook.com/FabioListrani

    Voir aussi : "Conte de coton"

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  • International Chico César

    Chico César propose avec ce nouvel et dixième album qu’est Vestido de Amor son opus le plus international. Il revient avec des chansons aux couleurs multiples, naviguant du forro nordestin au reggae jamaïcain, de la rumba zaïroise aux langueurs du calypso, du coco des pêcheurs côtiers aux électricités du rock urbain.

    Bien entendu, ses racines brésiliennes – à commencer par sa langue – ne sont pas oubliées, à l’instar du doux et sucré "Flor Do Figo". Cette fleur de figuier permet au musicien de chanter la liberté, l’amour et le lâcher-prise : "De novo algo aconteceu comigo / Me sinto vivo, livre, solto no ar / A liberdade é meu melhor abrigo" ("Quelque chose m'est arrivé à nouveau / Je me sens vivant, libre, dans les airs / La liberté est mon meilleur abri").  

    Le titre "Vestido de Amor" permet à Chico César d’habiller ses compositions de sons électroniques, avec une facture pop internationale – mais toujours en brésilien et avec le besoin et l’envie de vivre l’amour avec douceur, légèreté et insouciance : "O que me veste é tão leve / Leva a mansidão de amar / A imensidão de ser vida viva / Para o amor encontrar" ("Ce qui m'habille est si léger / Il faut la douceur d'aimer / L'immensité d'être vivant / Pour trouver l'amour"). Il est encore question d’amour dans la suave ballade "Te Amo Amor".

    Le voyage en Amérique du Sud continue avec le passionnant et envoûtant "Reboliço". Ce morceau de Chico César fait merveille : dansant, rythmé et proposant une revisite de l’amour et de la passion sous l’angle des télénovelas. Osé, malin et bien vu. "Nem a Globo faz / Uma novela como a que vida fez / Eu 'to amando e sou amado outra vez / Esse enredo, esse novelo é bom demais" ("Même Globo ne le fait pas / Un feuilleton comme celui que la vie a fait / Je suis amoureux et je suis encore aimé / Cette intrigue, ce feuilleton est trop bien").

    "Amorinha", une balade mélancolique, est un chant d’amour pour une femme qui n’est, hélas, pas libre. Est-ce grave ? Les amours vaines ne font de mal à personne, chante Chico César ("Amores vãos vêm / Na paz não fazem mal a ninguém").

    Jamais sans doute l’engagement n’a paru aussi captivante et sexy

    Avec "Sobre Humano" l’artiste brésilien ose un savoureux mélange des couleurs grâce à Salif Keita. Nous voilà entre l’Amérique du Sud et l’Afrique dans un titre humaniste dans l’âme : "Quem acha que é maior / E vai comprar pois tem dinheiro / É insano pois a vida é uma só / Um só lugar" ("Celui qui pense qu'il est plus grand / Et l'achètera parce qu'il a de l'argent / C'est fou parce qu'il n'y a qu'une seule vie / Un seul endroit"). Ce voyage de l’autre côté de l’Atlantique, le musicien brésilien le fait avec cet autre morceau, "Pausa", à la très grande poésie : "As lágrimas lavaram o mundo / Mas o pranto não cessou / Era um buraco tão fundo / Que o dilúvio não findou / E a nossa sede era de ser / E era amor" ("Les larmes ont lavé le monde / Mais les pleurs n'ont pas cessé / C'était un trou si profond / Que le déluge n'a pas fini / Et notre soif devait être / Et c'était l'amour").

    Il est question d’engagement encore plus frontal avec le formidable "Bolsominions", pourfendeur des adorateurs de Bolsonaro qui était encore Président au moment de la sortie de l’album du poète, écrivain, journaliste, ancien secrétaire d’État sous Lula et musicien qu’est Chico César. Le moins que l’on puisse dire c’est que l’artiste brésilien ne ménage pas ses coups contre le Président populiste et libéral : "Les bolsominions sont des démons / Qui sont sortis de l'enfer", chante-t-il ("Bolsominions são demônios / Que saíram do inferninho"). On peut remercier et applaudir Chico César de faire de ce morceau engagé un joyau musical (six minutes trente, tout de même), un chef d’œuvre de maestria et de virtuosité et un titre à faire danser les damnés de la terre. Jamais sans doute l’engagement n’a paru aussi captivant et sexy qu’avec ce diabolique "Bolsominions", le meilleur extrait titre de l’album, sans aucun doute.    

    Retour en Afrique avec le tout aussi formidable "Xango Forro e Ali", avec Ray Lema en featuring. L’auditeur verra dans ce séduisant morceau un appel au vivre ensemble, à la joie de vivre et à la main tendue par-delà les frontières.

    Toujours désireux d’insuffler de nouvelles influences dans son opus, Chico César s’avance du côté du reggae avec des sonorités pop-rock pour cette déclaration sensuelle et enflammée qu'est "Corra Linda" : "Corra linda / Tu visse / Eu quero te encher de xêro / De dengo até tu transbordar" ("Corra Linda / Tu vois / Je veux te remplir d'amour jusqu'à ce que tu débordes").

    Vestida de Amor se termine, comme l’on peut s’en douter, dans le rythme, la danse et aussi l’amour. Mais cette fois, avec "Na Balustrada", Chico César désarçonne l’auditeur avec ce qui peut s’écouter comme un hymne à l’amour se jouant du temps qui passe et de l’âge des artères : "O que é um pouco mais de tempo ou de combustível / Se o nível da adrenalina faz a gente ir?" ("Qu'est-ce qu'un peu plus de temps ou de carburant / Si le niveau d'adrénaline vous fait avancer ?"). L’amour est incroyable, conclue le chanteur.

    Et l'on est bien obligé de le croire. 

    Chico César, Vestido de Amor, Zamora Prod, 2022
    https://chicocesar.com.br
    https://www.facebook.com/OficialChicoCesar
    https://www.instagram.com/oficialchicocesar

    Voir aussi : "Thomas Kahn, volcanique !"
    "Chanter dans les forêts de Sibérie avec Jean-Baptiste Soulard"

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  • Aux navets, le Festival de Cannes reconnaissant

    Irrésistible ! Le Réalisateur de Navets qui a remporté le Festival de Cannes, la bande dessinée du trio italien Davide La Rosa, Fabrizio "Pluc" Di Nicola et Chiara Karicola Colagrande ne décevra ni les passionnés de cinéma ni les amateurs de récits gentiment dingues. Le public français sera invité à découvrir ce petit bijou d’humour transalpin proposé par les éditions Shockdom.

    Emiliano Speroni remporte la Palme d’Or du Festival de Cannes des mains de David Lynch. Cette récompense inattendue pour un inconnu jusque là réputé pour des navets improbables ne cesse d’étonner. Reprenant les codes de Citizen Kane (sauf qu’Emiliano a disparu de la circulation mais est toujours vivant), une journaliste propose de revenir sur sa carrière. Une carrière qui a bien mal commencé car Emiliano, né dans une famille pauvre, n’a pour lui que la passion du cinéma chevillée au corps. En dépit de la situation de sa famille, d’une escroquerie et de l’absence de tout soutien, il parvient à réaliser son premier film, qui est un navet tel que les portes du cinéma semblent se fermer pour toujours. Mais le jeune homme ne se laisse pas démonter et repart à la charge. Encore raté ! 

    Les quatre Filles du Docteur March et la Menace de Pluton

    A priori, le lecteur de cette savoureuse BD italienne verra dans cette histoire imaginaire un hommage aux nanars qui ont, à leur façon, nourri et fait avancer le cinéma. Il faut d’ailleurs dire que les planches consacrés aux trois films d’Emiliano sont en eux-mêmes des petits chefs-d’œuvres  de non-sens et de drôlerie. Que l’on pense au titre du deuxième film du réalisateur : Les quatre Filles du Docteur March et la Menace de Pluton…  

    Avec la même drôlerie et la même tendresse, Rosa, Karicola et Pluc s’intéressent aux premiers soutiens inattendus du jeune cinéaste, beaucoup plus ambitieux qu’il n’y paraît. La famille Xu et l’inénarrable sont croqués avec gourmandise. Les autres personnages secondaires sont les propre parents d’Emiliano : dignes et admiratifs, ils restent les soutiens inconditionnels de leur cinéaste de film.

    La dernière partie du film, la plus courte, traite du succès inattendu d’Emiliano Speroni, surfant sur une mode venue de Corée du Sud et qui bluffe son monde. Le résultat est une fameuse Palme d’Or (imaginaire, là aussi), et pour le lecteur de Rosa, Karicola et Pluc un moment de plaisir et d’éclats de rire. 

    Rosa, Karicola et Pluc, Le Réalisateur de Navets qui a remporté le Festival de Cannes,
    éd. Sockdom, 2022, 95 p.

    https://fr.shockdom.com/auteur/fabrizio-di-nicola

    Voir aussi : "BlackBanshee ou la juste cruauté"

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  • Frontières

    Envoûtant, planant, mystérieux, dépaysant : les mots ne manquent pas pour qualifier Missing Island, le nouvel album de Snowdrops. Après leur premier opus Volutes, le collectif composé de Christine Ott et Mathieu Gabry est rejoint par l’altiste Anne-Irène Kempf.

    Loin d’être un opus hors-sol, Missing Island entend au contraire faire un "retour à La terre". C’est d’ailleurs le titre du premier morceau, à la simplicité revendiquée, ce qui n’exclue pas de belles trouvailles sonores et une alliance entre classicisme, musique répétitive et influences traditionnelles, avec cet accordéon aux tonalités envoûtantes.

    Snowdrops cite, au sujet de ce premier morceau, quelques vers du poète Rainer Maria Rilke : "Tout est gestation et enfantement. Laisser chaque impression et chaque germe de sentiment s’accomplir entièrement en soi, dans l’obscurité, dans l’inexprimable, l’inconscient, au-delà de la portée de sa propre intelligence, et attendre avec une profonde humilité et patience l’heure de naissance d’une nouvelle clarté."

    Missing Island a été conçu comme un album entre terre et ciel, terrien et lunaire, à l’image de cet autre titre, "Firebirds", plus grave et plus mystérieux. Grâce aux ondes Martenot, de singulières apparitions viennent planer tels des oiseaux qui pourraient être autant de feu que de nuit et de ténèbres.

    Les trois musiciens de Snowdrops font du plus long morceau de l’album, "Land Of Waves" (un peu plus de neuf minutes), une évocation des quatre éléments. Le mystère mais aussi la contemplation planent dans cet extrait dont l’influence de l’album berlinois Low de David Bowie (1977) peut frapper l’auditeur.

    Ondes Martenot

    La deuxième partie de l’album se veut plus contemplative encore – "métaphysique", précisent les trois artistes – avec notamment ce "Nostalgia de la Luz". Ce morceau est inspiré du documentaire du même nom, réalisé par Patricio Guzmán. Dans son film, des astronomes du monde entier se rassemblent dans le désert d’Atacama pour observer les étoiles. Au souffle de la nature, avec les ondes Martenot jouées par Christine Ott, répond le piano mélancolique de Mathieu Gabry.

    Ne pourrait-on pas entendre, derrière "Radioactive Breath", de sombres prédictions et menaces ? Ce single fait du désert un endroit inquiétant, avec un piano sombre et des vagues synthétiques donnant à "Radioactive Breath" une atmosphère post-apocalyptique.

    Parlons aussi de cet autre extrait, "Et Comme Un Souffle Qui Vient", dans lequel l’auditeur se trouve projeté dans un singulier moment vivant. Christine Ott, Mathieu Gabry et Anne-Irène Kempf font se rencontrer avec audace musiques traditionnelles, classicisme, contemporain et électronique pour ce titre naturaliste et d’une belle mélancolie.

    "Mémoires Élémentaires" vient clore leur programme passionnant dans une jolie douceur. Piano, alto et synthétiseur se rencontrent avec tendresse. Revendiquant le terme de post-folk, les musiciens de Snowdrops repoussent les frontières des genres musicaux pour proposer un dernier morceau subtil et planant. 

    Snowdrops, Missing Island, Injazero Records, 2022
    https://www.facebook.com/snowdropsmusic
    https://www.instagram.com/snowdropsmusic

    Voir aussi : "Elise Bertrand, ultra moderne romantique"

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