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  • Angel Art

    Allier l’art et le caritatif : quoi de plus noble ? La maison de ventes Aguttes organise le jeudi 17 février à Neuilly une vente caritative au profit de l'AFSA, Association Française du syndrome d’Angelman.  

    Mais d’abord, qu’est-ce que le syndrome d’Angelman ? Il s’agit d’une de ces nombreuses maladies génétiques rares qui se caractérise par un retard global de développement, une absence de langage oral, des difficultés de motricité et de la marche, une épilepsie, des troubles du sommeil et de l’attention. Les personnes avec le syndrome d’Angelman nécessitent d’un suivi multidisciplinaire tout au long de leur vie et restent peu autonomes même à l’âge adulte. Bien évidemment, ces personnes malades ont besoin d’aide. Voilà pourquoi des personnalités du monde du sport et du spectacle se sont mobilisées pour l’AFSA.

    La perruque de Brice de Nice,  l’iconique marionnette Bobo le bâtard des Tuche 4 ou un clap de cinéma du film Chocolat

    Ce jeudi 17 février, les objets proposés à la ventes par la maison Aguttes ont été confiés pour être mises en vente : souvenirs de tournages, places de concerts, dédicaces ou encore moments privilégiés avec un artiste. Cette vente est avant l'occasion de faire une bonne action.

    Parmi les objets proposés à la vente, la perruque de Brice de Nice, une tenue portée par l’acteur Jean Dujardin sur le film OSS 117, l’iconique marionnette Bobo le bâtard des Tuche 4, un clap de cinéma utilisé lors du tournage du film Chocolat avec Omar Sy, un dîner et une séance photo avec Yann Arthus Bertrand ou encore d’autres archives de célébrités de la scène musicale, comme Grand Corps Malade, Angèle, Amir, Alain Souchon ou encore du monde du sport.

    Cet événement mérite à tout point de vue d'être mentionné : rendez-vous donc à Neuilly chez Aguttes ce jeudi 17 février pour cette vente exceptionnelle et qui promet d'être passionnante. 

    Vente aux enchères caritative "Angel Art", Aguttes
    164 bis, avenue Charles-de-Gaulle

    17 février 2022 à 18h à Neuilly-sur-Seine 
    Également en ligne sur Drouot Live
    https://www.aguttes.com/actualite/84057
    https://www.angelman-afsa.org

    Voir aussi : "Sempé en vente chez Artcurial"

    Photo : Angèle © Aguttes

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  • David Linx invite

    Revoilà le jazzman belge David Linx, dans une série de performances vocales, mais cette fois pour un album de duos et de featurings, Be My Guest. C’est peu dire que, véritable athlète de la voix, David Linx, le plus parisien des jazzmen bruxellois, nous avait tapé dans l’œil avec son précédent album, Skin in The Game, sorti en 2020. Le musicien invite cette fois du beau monde dans un opus produit avec soin et se jouant des frontières musicales. Pensez un peu : le pianiste argentin  Gustavo Beytelmann, le guitariste Nguyên Lê, le pianiste israélien Or Solomon ou le percussionniste belge Bart Quartier. Grâce à de pareilles pointures, le jazzman ne pouvait que proposer des créations ou des reprises d’une incroyable diversité et originalité.

    “Ce projet est venu à moi très naturellement tel un inventaire qui se réclame, un peu comme si je retournais à l’école. Il est un hommage à la transmission, à l’esprit de curiosité indissociable et indispensable à cet apprentissage par soi-même" a expliqué David Linx pour présenter son nouvel album.

    Au minimalisme contemporain et étrange de "Close To You" avec Magic Malik à la flûte répond la mélancolie de "Making Do, Making News" avec Eric-Maria Couturier au violoncelle. La voix de Linx s’empare des lignes mélodiques d’Elgar avec délectation. "My Bee", avec le guitariste Nguyên Lê est un jazz apaisé puisant des inspirations dans un ailleurs que sert admirablement le guitariste français, avec la voix autant en nuances qu’en puissance du chanteur belge.     

    Avec "By The Seine, nous voilà maintenant à Paris dans une création mélancolique du percussionniste Bart Quartier ("By the Seine I walk, I deam / Sitting down, letting off steam…". David Linx retrouve aussi Diederik Wissels pour le titre "The Bystander effect". La complicité des deux artistes est évidente dans cette manière de mixer jazz, électro et musique urbaine, dans une fusion incroyable de jazz et d’électro à la Kraftwerk.

    Écoutons maintenant "Vanguard » avec Ran Blake : là, les qualités de crooner de David Linx font sens, non sans une facture très contemporaine et des expressions sombres et tourmentées, tels des fantômes rôdant autour des artistes : "Soon the night is here / They all reappear / The shadows of thought are real". 

    David Linx a pour instrument une voix aux possibilités presque infinies

    David Linx a pour instrument une voix aux possibilités presque infinies, promettant d’emmener l’auditeur vers des territoires musicaux dépaysants. On pense bien évidemment à "Waves" que le musicien interprète avec Theo Bleckmann.  

    Après "Letter to Trevor", un premier titre slam interprété avec Trevor Baldwin, c’est une reprise de Björk, "Hunter", que le Belge met à la sauce jazz avec le piano d’Or Solomon, tout en nappes irréelles.

    Le jazz de David Linx se pare en vérité de mille couleurs, à l’instar de "Pagina de Dor", en featuring avec Hamilton de Holanda au cavaquinho. Il s’agit là d’une autre reprise, cette fois d’un titre brésilien traditionnel  de Cãndido Das Neves et Pixinguinha.

    L’amateur de jazz retrouvera d’autres visites, dont une pas si étonnante que cela : "Round Midnight". Pour cette reprise de ce standard incontournable, le chanteur belge s’est entouré du pianiste arménien multi récompensé Tigran Hamasyan. La voix posée de David Linx choisit la sobriété, la concentration et la précision au cordeau pour servir ce classique du jazz.

    Revisite encore, avec "Tonight You Belong To Me". Rani Weatherby  accompagne au ukulélé le jazzman donnant tout sa fraîcheur et son exotisme à ce classique de la musique populaire américaine des années 1920.

    Avec "I Think It’s Going To Rain Today", avec le guitariste belge Peter Hertmans en featuring, c’est un autre standard, cette fois de Randy Newman, qui est remis au goût du jour, dans une ballade toute en nonchalance : "Lonely, Lonely, / Tin can at my feet. / Think I`ll kick it down the street, / That`s the way to treat a friend."

    "Emportez-moi" avec Marc Ducret est la seule chanson française de l’album de duos. Elle a été écrite par le guitariste français sur des paroles d’Henri Michaux, sur des notes volontairement discordantes, bienvenues pour mettre en musique le poème surréaliste de l’écrivain belge : "Emportez-moi sans me briser, dans les baisers, / Dans les poitrines qui se soulèvent et respirent, / Sur les tapis des paumes et leur sourire,/ Dans les corridors des os longs et des articulations."

    La chanson argentine emblématique "Como La Cigarra", de María Elena Walsh est reprise avec Gustavo Beytelmann, dans un tango lent et mélancolique terminant magnifiquement cet album d’amitié et de passions : "Tantas veces me mataron / Tantas veces me morí / Sin embargo estoy aquí / Resucitando".  

    David Linx, Be My Guest, The Duos Project, Cristal Records, 2021
    http://www.davidlinx-official.com
    https://www.facebook.com/DavidLinxOfficiel
    https://www.instagram.com/linxdavid

    Voir aussi : "David Linx, trouble-fait"

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  • Johnny chez la psy

    Contrairement à ce que pourrait laisser penser le prologue du livre de Jeanne Boyaval consacré au "Taulier" (Johnny Hallyday sur le Divan, éd. Envolume), Johnny Hallyday ne s’est jamais allongé sur le divan et l’auteure, psychothérapeute de son état, a encore été moins sa praticienne. Malgré tout, elle imagine et propose en annexe une séance de thérapie avec Jean-Philippe Smet, quelques jours avant son décès, le 6 décembre 2017 à l’âge de 74 ans. Pour autant, c’est bien une analyse psychologique dont a droit le musicien, disparu il y a moins de 5 ans.

    C’est peu dire que sa disparition a suscité l’émoi dans notre pays. À l’époque, c’était un hommage spontané, populaire et national qui lui avait été réservé, avec une cérémonie suivie par près de 15 millions de personnes, du jamais vu depuis les obsèques… de Victor Hugo en 1885 : "Il [Johnny] était devenu une religion nationale… Il est parvenu à relier dans ses concerts et il est impressionnant de constater qu’il continue de relier ses fans trois ans après sa mort un dimanche par mois dans l’église de La Madeleine".  

    Jeanne Boyaval rappelle que le chanteur a une relation particulière avec les Français, relation mystérieuse et fascinante, "christique" même, qui transcende de beaucoup son œuvre, par ailleurs importante et ayant traversé les générations. Sans lui faire offense, dit l’auteure, Charles Aznavour, disparu un an plus tard, n’a pas suscité pareille émotion.  

    C’est donc en psychothérapeute que Jeanne Boyaval s’est emparée du personnage à la fois vrai et romanesque de Johnny. Ni fan, ni proche de son entourage, mais citoyenne française attachée à ce chanteur hors-norme, l’auteure a choisi de reprendre les grands jalons personnels de la vie de Jean-Philippe Smet et de s’arrêter sur ses grandes blessures. Pierre Billon, l’ami de toujours qui a signé la préface, met en avant le caractère inédit de cet essai aussi court que pertinent, pour ne pas dire essentiel. 

    Blessure originelle

    La psy et écrivaine rappelle les faces sombres de l’artiste : l’addiction à l’alcool, au tabac et aux drogues, son magnétisme, ses relations mouvementées avec les femmes – y compris avec sa dernière épouse, Laeticia – son caractère à l’emporte-pièce, parfois sa dureté dans les relations humaines, y compris avec ses proches.

    Replongeant dans l’enfance du futur interprète du "Chanteur abandonné", Jeanne Boyaval rappelle la manière cruelle dont le petit Jean-Philippe Smet a été rejeté à l’âge de six mois par son père. Il laisse son enfant seul sur le sol de l’appartement familial, sous une couverture, après avoir emmené tous les meubles pour les vendre et s’adonner à l’alcool. Les deux hommes ne se reverront que des années plus tard, dans des circonstances pas moins cruelles. "Le traumatisme est massif", d’autant plus que c’est sa mère qui le délaisse quelques temps plus tard pour préférer une carrière de mannequin. Jean-Philippe Smet est finalement élevé par une tante, une femme dure mais aimante et avisée, qui pousse son neveu à se lancer dans la vie artistique. Sa nouvelle famille va devenir un jalon capital dans son existence, ses cousines devenant même de vraies sœurs (l’une d’elle, Desta, se marie avec un danseur américain, Lee Ketcham Hallyday, dont la future star reprendra le nom, avec le succès que l’on sait).

    Johnny Hallyday sur le Divan fait de ces premières années la blessure originelle qui explique beaucoup de choix personnels : son hypersensibilité, son besoin de réussir, de se surpasser et de se faire aimer, son rapport avec les femmes et notamment avec Laeticia, jeune femme à la carrière de mannequinat arrêtée net (comme sa mère biologique !), son obsession de la famille et bien entendu l’adoption de ses deux dernières filles, Jade et Joy.

    Le lecteur découvrira d’autres blessures moins connues, comme celle de son premier amour, une actrice, Patricia, décédée accidentellement. L’essai insiste sur ses relations incroyables avec son public, mêlant professionnalisme, engagement personnel et existentiel (l’auteure rappelle le danger qu’il pouvait mettre lors de ses shows, en arrivant par exemple en hélicoptère, alors qu’il avait le vertige) mais aussi et surtout l’amour. Un amour qui pouvait être âpre, puissant et aussi complexe que sa propre vie; johnny le chantait ainsi : "Derrière l'amour il y a / Toute une chaîne de pourquoi / Questions que l'on se pose / Il y a des tas de choses / Les pleurs qu'on garde sur le cœur / Et des regrets et des rancœurs / Des souvenirs éblouissants / Et des visions de néant."

    Jeanne Boyaval, Johnny Hallyday sur le divan,
    préface Pierre Billon, Ed. Envolume, coll. Sur le divan, 2021, 192 p.   

    https://editionsenvolume.com/johnny-hallyday-sur-le-divan
    https://www.facebook.com/jeanne.boyaval.1

    Voir aussi : "Les loups sont entrés dans Paris

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  • Le temps des cerises avec Cecilya

    Cherry Blossom, c’est pour Cécilya l ’album des grands départs, les départs vers ailleurs pour laisser le passé derrière, comme elle le chante dans "Road To Nowhere" : "I’m on the road to nowhere / Just left my past behind". C’est l’album d’une grande voyageuse mais aussi, mine de rien, une introspection sur l’identité de soi ("It’s Not Me") et sur le désir de changements ("Angel"). Logique pour une artiste qui a bourlingué de pays en projets, alternant concerts et festivals en Espagne d’où elle est originaire, participation à The Voice et collaborations diverses (Nacho Ladisa et la Vienna Blues Association).

    Aujourd’hui, c’est à Paris que Cecilya s’est installée pour y écrire son premier album. "Cherry Blossom", le formidable titre qui a donné son nom à l’opus, renvoie au Grand Confinement et à cette période si particulière où le temps était suspendu ("The spring has just started / Life’s a burst of coulours… Birds sing sweet melodies / And bees plan their alibis"), et la liberté mise sous cloche ("I forgot how to fly").

    Les influences américaines sont évidentes dans les 11 titres que propose Cecilya dans son album : pop ("Take Me To The End Of The World"), folk ("Paris Night Has No Stars"), r’n’b ("Tell Me") mais aussi country ("Don’t Buy Me Flowers", en featuring avec Marco Cinelli). 

    Les voyages sont au cœur de Cherry Blossom, mais aussi la recherche de soi

    "Angel", avec ce mélange de pop-folk à l’orchestration acoustique rassurante, a cependant des racines très européennes. L’artiste raconte l’avoir composée en 2013… sur la route de Saint-Jacques de Compostelle. L’ange en question fait référence à une rencontre de la musicienne avec un Français, ce fameux "ange" dont elle parle.

    Les voyages sont au cœur de Cherry Blossom ("Road To Nowhere"), mais aussi la recherche de soi, dans une quête existentielle, à l’instar de "Find Yourself" ou de "It’s No Me". Dans ce morceau, la chanteuse se demande qui elle est réellement : "I just don’t recognize  / Who I am really".

    Tout aussi mélancolique, le morceau "My Own July" à ce parfum de nostalgie qui est aussi un appel aux voyages, aux paysages sauvages et à la liberté : "Take me to the sea / I need to be free / Take me back to my July".

    Avec "Streets Of Tears", une ballade folk mélancolique folk sur une rupture amoureuse ("You left me crying /Thought I was dying"), Cecilya prouve son talent de compositrice, grâce à des lignes mélodiques imparables.

    Voyageuse dans l’âme, Cecilya a bien fait de poser ses bagages en France pour proposer Cherry Blossom, le premier jalon d’une carrière que l’on espère longue et fructueuse.

    Cecilya sera en concert au Triton (Les Lilas) le 12 Février 2022 de 20h00 à 22h00

    Cecilya, Cherry Blossom, Cecilya Mastres, 2021 
    En concert au Triton le 12 février à 20 heures
    Le Triton, 11 bis rue du Coq Français, 93260 Les Lilas 
    https://www.facebook.com/cecilyamestres
    https://www.instagram.com/cecilyamestres
    @cecilyamestres
    https://www.youtube.com/cecilyamestres

    Voir aussi : "Le b.a.-ba de Pamina Beroff"

    Photo : Philippe Poitevin

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  • Pouvoir pour les femmes

    Le moins que l’on puisse dire c’est que Flore Cherry nous prend à contre-pied avec son premier roman Matriarchie (éd. la Musardine). Alors oui : la journaliste, chroniqueuse radio spécialiste des questions sexuelles, créatrice du salon de la littérature érotique et des "Écrits polissons" est dans son domaine de prédilection avec un roman faisant la part belle au sexe, au féminisme et aux rapports entre hommes et femmes. Elle est aussi publiée chez son éditrice favorite, La Musardine, spécialiste historique de la littérature érotique exigeante et engagée. Ceci étant dit, il faut souligner l’audace de l’auteure avec ce roman que l'on peut qualifier de science-fiction, qui ressemble à peu de livres connus et qui risque bien de secouer le lecteur.

    Nous parlions de féminisme. C’est bien le thème central de Matriarchie, un mot qui est bien évident à rapprocher de la patriarchie, ces gouvernements et autorités uniquement détenus par des hommes. Flore Cherry imagine justement une revanche des femmes dans un futur relativement proche.    

    Imaginez, nous dit en substance l’auteure, que la France soit, en 2100, une "matriarchie". Les femmes ont pris le pouvoir sous la pression de mouvements féminismes. Elles ont surtout été bien aidées par une opération de communication et de manipulation "pour faire passer l’envie aux hommes de voter" lors des Présidentielles de 2022, et ce grâce à des parties fines organisées à des fins politiques. Lors de cette année politique et historique, la France bascule dans un nouveau régime, une matriarchie, donc.

    En 2100, une Présidente est chef de l'Etat. Elle se nomme Éléonore et pousse sur le devant de la scène Diane Maurepas. De nouvelles élections présidentielles approchent et un parti concurrent, le Parti Familial, dirigé par Fernand Fuego, entend bien mettre fin à la matriarchie à l’œuvre dans le pays. 

    Un récit où la science-fiction et l’anticipation ont toute leur place

    Mais en quoi consiste cette matriarchie précisément ? C’est là que tout le talent de Flore Cherry s’exprime, à travers un récit où la science-fiction et l’anticipation ont toute leur place. Les femmes sont au pouvoir et ont proposé aux hommes, avec succès, de se défaire librement de leurs droits civiques afin de pouvoir accéder aux "Maisons des plaisirs", des bordels institutionnalisés, fréquentés par des hommes comme par des femmes - qui les dirigent. Parmi les responsables de ces maisons closes d’un nouveau genre figure Athéna Sollipe, l’une des personnages-clés du roman.

    Outre cette tenancière et la figure montante Diane Maurepas, deux hommes, Matrior Marcel, un domestique ("matrior") au service de la politicienne et Fernand Fuego, futur candidat aux Présidentielles, sont les autres voix du récit. Soulignons ici l’ironie de l’auteure qui choisit des prénoms de déesses grecques pour ses héroïnes (Athéna, Diane) et deux prénoms, disons d’un autre âge pour être gentil, pour ces hommes (Fernand, Marcel).

    La multiplicité des points de vue sert à merveille la fluidité du roman alternant luttes politiques pour le pouvoir, histoires d’amour pour le moins contrariées, étreintes épicées et destinées parfois cruelles, à l’image du parcours pathétique (dans tous les sens du terme !) de Marcel, ancien haut-fonctionnaire devenu homme à tout faire, chauffeur et nounou, devant se séparer de sa patronne Diane et surtout de la fillette dont il s’occupe et dont il est attaché.

    Les scènes d’alcôves sont autant de prétextes à mettre en scène les rapports de force entre hommes et femmes, comme des réflexions sur la normalisation sexuelle et la place de la sensualité. Flore Cherry réserve quelques surprises à Diane et Fernand, dans une fin plus ouverte que jamais.

    Avec Matriarchie, Flore Cherry apporte un vent de fraîcheur à la littérature de SF, en y insufflant un souffle sensuel et érotique incroyable, tout en parlant d'amour, avec justesse. L’auteure connaît son sujet et on peut la suivre les yeux fermés lorsqu’elle nous guide par la main dans les couloirs de l’ex-magasin de La Samaritaine, devenue cette luxueuse maison de plaisirs où les orgies ont toute leur place.

    Mais derrière ces scènes où le sexe peut parfois être triste, il y a un discours réfléchi sur le féminisme et sur la place des hommes et des femmes. Athéna l’exprime ainsi : "Matriarchie n’était pas conçue pour que ce genre d’émotions circule librement, sans pouvoir en tirer avantage. Ils avaient tout normalisé : ils m’avaient transformée en poupée et ils l’avaient transformé en client… Ce monde avait tué notre amour."

    Flore Cherry, Matriarchie, éd. La Musardine, 2022, 224 p.
    https://www.lamusardine.com
    https://m.facebook.com/flore.cerise
    https://www.union.fr
     
    Voir aussi : "Union TV : un nouveau média pour une nouvelle révolution sexuelle"
    ”J’incarne en quelque sorte « la maîtresse d’école »”

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  • Quand est-ce que vous nous en faites un ?  

    C’est d’Italie que nous vient Il a dit Papa !, un récit doux-amer consacré à la paternité. Son auteur Davide Caporali, dit Dado, conte cette période où la vie d’un homme bascule, lorsqu’il devient père. Son autofiction dessinée a été mise en couleurs par Chiara Zuliani et est proposé au public français par l’excellente maison d’édition Shockdom.

    Davide vit en couple avec Chiara. Un couple déjà installé, avec chacun un travail, des revenus réguliers et même un animal de compagnie, le chat Filippo. Lors d’un repas chez ses grands-parents, "la" question est lancée par la vieille dame : "Quand est-ce que vous me faites un petit-enfant, Chiara et toi ?"

    Voilà Davide mis soudainement sous pression, d’autant plus que sa compagne Chiara a abordé le sujet quelques mois plus tôt : avoir un bébé, devenir parents, fonder une famille avec un enfant… Le rêve, quoi... 

    Bientôt, le jeune homme apprend, via un test de grossesse, que les prochains mois risquent d’être bouleversés.

    "Oh, allez J’ai fait bien pire que ça dans la vie…"

    En sept chapitres et un postlude, Dado raconte au plus près les neuf mois d’une grossesse vus sous les yeux d’un futur papa tour à tour dans le déni, l’incrédulité, l’incompréhension, la maladresse mais aussi souvent de la bonne volonté à revendre.

    Dado choisit la voix de l’humour et de la dédramatisation, à travers des saynètes qui sentent le vécu : les visites à l’Ikea du coin, l’oubli d’un sac ou l’emprunt d’une voiture sur le parking de la maternité. Sans oublier ces réflexions qui rendent la bande dessinée auto-fictionnelle : "Oh, allez J’ai fait bien pire que ça dans la vie… Comme choisir de devenir dessinateur de BD !"

    Les parents de Davide et Chiara sont singulièrement discrets, l’auteur préférant s’intéresser aux grand-parents. Dans ces scènes, la BD devient poignante autant que drôle, avec un pépé a priori aux abonnés absents mais finissant par prendre une place capitale dans ce récit vivant à plus d’un titre. 

    Dado, Il a dit Papa !, trad. Maria Giulia Lambertini, éd. Shockdom, col. Lol, 2021, 144 p. 
    https://fr.shockdom.com/boutique/lol/il-a-dit-papa
    https://www.facebook.com/davide.caporali

    Voir aussi : "Respect pour les femmes"

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  • Dialectique du maître et de l’esclave

    Redonner vie à des personnages de ses précédents romans : voilà le fil conducteur du recueil de nouvelles d’Eva Delambre, Parfums d’Elles (éd. Tabou). Il n’est nécessaire pas pour autant d’avoir lu les livres précédents de l’auteure pour se plonger dans ces aventures "d’après". Plutôt que des suites, il faut dire que ses six récits (mettons de côté le dernier texte, "Évidence") constituent des histoires à part entière qui sont une bonne introduction à l’univers d’Eva Delambre.

    Cet univers est celle de soumises. Les héroïnes, que ce soit Léna, Cosy, Léna, Ange et même l’auteure ("Elle"), naviguent dans le milieu BDSM. Là est vraiment la première qualité du recueil, qui nous parle avec justesse, précision et sensibilité mais aussi franchise, violence et crudité de ces hommes et de ces femmes assumant une sexualité se jouant des codes sociaux.

    Parfums d’Elles raconte ces femmes ayant choisi d’assumer et de jouer le rôle d’esclaves par plaisir, ce qui peut sembler contre-nature. Ces décisions peuvent surprendre mais elles font presque partie de l'ADN de ces femmes, ce que l’auteure raconte à sa manière dans le premier récit, "« Elle »" : la narratrice vient de donner naissance à un bébé. Sa vie et celle de son compagnon (le "Maître") tourne autour des langes, des nuits blanches, des biberons et de toutes ces contraintes que connaissent les jeunes parents. Une famille ordinaire, en somme. Mais parce qu’il voit sa compagne à bout et miné par un implacable baby blues, celui qui partage sa vie décide de lui offrir un week-end à deux - le bébé est confié aux grand-parents - où ils pourront assouvir des fantasmes qu’elle pensait être du passé : "Désormais, je savais que ces moments autres allaient continuer à exister, et que même s’ils étaient plus rares, ils n’en seraient pas moins intenses."

    Nous n’irons pas jusqu’à dire que ces couples fonctionnent comme ceux dits "classiques", même si tous cherchent un équilibre : "Après tout, le BDSM était différent des relations de couples dits classiques. Pourquoi attendait-elle les mêmes règles ? Les mêmes engagements ?" ("Ange")

    Dans ces jeux où se mêlent complicité, confiance et perversité, il peut arriver que les relations maîtres et esclaves soient renversées

    Les scènes épicées et crues, où ne manquent ni les tortures volontairement données et subies, ni les jeux sexuels parfois extrêmes (la nouvelle "Laura" n’en est pas avare), côtoient de très belles pages sur l’amour, le désir, les fantasmes, les doutes sur le partenaire ("Ange"), les frustrations ("Cosy") et même la jalousie. Dans "Léna", si limite il y a, elle est à voir sous le prisme de l’affection et de la passion, sans que la condition d’esclave ne soit remise en cause par la soumise qui s’interroge sur sa condition lors d’une promenade sur l’île de la Cité.

    Il est encore question d’amour dans "Esther", qui est le récit d’une femme "libérée" d’un ancien amant après une rupture mais qui perd pied, avant de trouver un autre homme avec qui c’est elle qui mène leur relation non sans fiel ni une forme de perversité. Mais qui souffre réellement, ici ?

    Dans ces jeux où se mêlent complicité, confiance et perversité, il peut arriver que les relations maîtres et esclaves soient inversées. Dans "Laura", Eva Delambre parle de "Lien" entre le maître et sa soumise, avec des propos qui risquent bien de déstabiliser beaucoup de lecteurs : "Comme à chaque fois, il sera plus dur que jamais. Et plus que jamais, je serai à ma place."

    Nulle part, sans doute, la complexité, la fascination, le "lâcher-prise" et finalement la "déraison" ne sont décrits avec autant de justesse et de passion communicative que "Cosy" : l’auteure met en scène dans un quartier d'affaires un jeu de séduction dont Cassandre, une cadre supérieure, va être la "victime consentante".

    Dans cette dialectique du maître de l’esclave, Eva Delambre laisse le dernier mot à Maître Tesamo ("Évidence"). Cette parole masculine et sadique parle de relations BDSM, d’amour et d’attachement – dans tous sens du terme – sur fond d’un voyage au Japon. Il y narre des épisodes de la vie d’un couple pas tout à fait comme les autres, comme une évidence.

    Pour public adulte averti.

    Eva Delambre, Parfums d’Elles, éd. Tabou, 2021, 240 p.
    http://www.tabou-editions.com/fr/jardins-de-priape/801-parfums-d-elles-9782363260932.html
    http://www.evadelambre.com
    https://www.facebook.com/eva.delambre

    Voir aussi : "La vie (sexuelle) des jeunes"
    "L’érotisme en littérature à l’honneur le week-end prochain"

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  • En attendant 1988

    Voilà un retour qui fait vraiment, mais vraiment plaisir : celui de Maud Lübeck, que nous avions chroniquée pour son précédent album, Divine. Juste sublime.

    Elle revient cette année, pour son futur nouvel opus, 1988, chronique d’un adieu. Le titre est pour le moins mystérieux.

    La musicienne le présente comme un "roman musical", le long métrage d’une époque, une pièce de théâtre en 11 actes, qui se passe précisément en 1988. Il s’agit de l’histoire d’une adolescente de 15 ans et d’un secret… qui a un prénom féminin, des cheveux blonds et un regard noir… Deux jeunes filles du même âge à quatre jours près, vivent des destins parallèles.

    1988, Chroniques d'un adieu, est un album-concept auquel participent Nicole Garcia, Irène Jacob et Clotilde Hesme. Rien que ça.

    En attendant de découvrir cette histoire, Maud Lübeck propose en ce début d’année le premier single de ce futur album, "Au voleur".

    On retrouve le travail mélodique de la chanteuse et sa voix fragile parlant de nostalgie, de la fuite des temps, ce grand voleur, et de souvenirs perdus à jamais ("Le temps s’enfuit avec toute ma vie / Au voleur").

    Le clip, à la facture eighties, a été réalisé par Marlène Génissel.

    Le prochain album de Maud Lübeck, 1988, Chroniques d’un adieu, paraîtra le 11 février prochain.

    Maud Lübeck, Au voleur, single, 2022
    http://www.maudlubeck.com
    https://www.facebook.com/maudlubeck
    https://www.instagram.com/maudlubeck

    Voir aussi : "La vie à deux avec Maud Lübeck"
    "Célestin a les pieds sur terre"

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