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De sa voix à la Enzo Enzo, Carole Masseport propose, avec son dernier single On se remet de tout, la plus belle des consolations. Le clip a été réalisé par Michaël Terraz.
La musicienne chante les petites et les grandes blessures de la vie : "On dit qu’on se remet de tout / Jusqu’à ce que l’on ne s’en remet plus / On dit qu’il faut se mettre à genoux pour aimer tout ce qu’on a perdu".
Passer à côté de tout, échouer, essayer de comprendre, n’attendre rien de personne, pardonner au risque de ne pas se respecter : de ces faux-pas et échecs, Carole Masseport en fait des incidents de parcours que chacun peut dépasser, avec optimisme : "On dit que la vie n’est qu’un jeu / Que nul part ce sera mieux / Qu’on verra quand on sera vieux / A quoi bon être malheureux."
On se remet de tout est le premier extrait de son nouvel album qui sort en mars, et sur lequel on croise JP Nataf, Albin de la Simone ou Jean-Jacques Nyssen.
A Love Secret, que Mazeto Square ressort en DVD, peut se se regarder comme le film testament du jazzman Siegfried Kessler. Lorsqu’en 2002 Christine Baudillon a choisi de le suivre et de le filmer sur son bateau, elle ne s’attendait certainement pas à ce que le musicien décède 5 ans plus tard en mer, au large de La Grande-Motte.
Grâce à des moyens réduits – la réalisatrice a filmé « Siggy » grâce à une petite caméra DV – on entre dans l’univers d’un artiste hors-norme, finalement autant marin que musicien. De son accent inimitable, avec un bagout et un humour confondants, Siegfried Kessler se confie sur son art, sur le jazz, sur son mode de vie, sur sa santé inébranlable malgré le tabac et sur sa consommation immodérée d’alcool, mais aussi sur la passion pour la mer et son Maïca.
"La musique est un langage", dit-il lors d’un de ses échanges, et cette musique ne se limite pas au jazz dont il a été une figure importante. Le film commence d’ailleurs par la Chacone de Bach, avant que ne résonnent tour à tour un morceau contemporain, des rythmes africains et, bien entendu, des titres jazz de lui-même ("Phenobarbital", "A Love Secret") ou de ses confrères, Ned Washington, Victor Young ou Thelonious Monk. Respecté par ses pairs, le pianiste né à Sarrebruck parle aussi de ses pianistes fétiches : Thelonious Monk, Cedar Walton ou Walter Bishop.
"La musique, il faut que ça voyage"
C’est Archie Shepp qui est le plus longuement évoqué, précisément à la fin du film, avec des souvenirs et l’extrait d’un concert en duo au JAM de Montpellier ("Le matin des noirs"). Le marin Siegfried Kessler devient pianiste, au style alternant âpreté, délicatesse et poésie.
"La musique, il faut que ça voyage", dit encore le jazzman, de son phrasé qui n’est pas sans rappeler celui de Karl Lagerfeld. Tout en évoquant Beethoven, Poulenc, Wilhelm Kempff ou le groupe Art Blakey and The Jazz Messengers, c’est bien d’une métaphore sur la mer dont il est question.
Car, grand voyageur autant que musicien, Siegfried « Siggy » Kessler confie qu’il se sent d’abord comme un "loup de mer" faisant "parfois" de "bons concerts". La réalisatrice l’a suivi pendant un an, de La Grande-Motte au Frioul, en passant par l’Île de Planier.
Le titre du documentaire de Christine Baudillon parle d’un secret amoureux. Il ne s’agit pas de jazz ni de musique mais de bateau et de voyages, précisément du port d’attache de Kessler dans le Frioul. "Je suis très heureux d’être en contact avec mon amour secret" confie-t-il à la réalisatrice. Et l’on voit l’homme à la proue de son Maïca, jouant au clavier, onirique et mystérieux, devant une crique rocheuse et désertique qui est son seule public. Le titre de ce morceau ? "A Love Secret", bien entendu.
Beethoven est célébré cette année, certes assez discrètement : nous fêtons en effet ses 250 ans, précisément aujourd’hui (même si la biographie officielle hésite entre les dates du 15 ou 16 novembre 1750 pour la naissance du compositeur à Bonn). Cet anniversaire méritait bien une chronique.
Et ça tombe bien : pour marquer l’événement, le Trio Sōra propose chez Naïve un premier album rassemblant 6 grands trios avec piano (les opus 1, 70 et 97) du maître allemand.
Le Trio Sōra, ce sont trois musiciennes : Pauline Chenais au piano, Clémence de Forceville au violon et Angèle Legasa au violoncelle, dont l’entente autant que la subtilité et l’audace font merveille. Elles sont régulièrement invitées sur les plus grandes scènes mondiales (le Wigmore Hall de Londres, la Beethoven-Haus de Bonn, le Festival de Verbier, la Philharmonie de Paris, l’Auditorium du Louvre, la Folle Journée de Nantes ou encore le Festival d’Aix-en-Provence) et sont aidées par des instruments exceptionnels : Clémence de Forceville joue un violon Giovanni Battista Guadagnini de 1777 et Angèle Legasa, un violoncelle Giulio Cesare Gigli de 1767. Ils ont été prêtés par la Fondation Boubo-Music.
Avec ces Trios n°1, 2, 3, 5, 6 et 7, nous sommes dans des œuvres essentielles et capitales du répertoire de Beethoven, le premier trio, opus 1 (écrit entre 1793 et 1795) ouvrant même le catalogue du compositeur.
Grand maître du classicisme, le compositeur s’affranchit de certaines libertés en imaginant un premier trio (opus 1 n° 1), long dans la forme et la structure, avec 4 mouvements, vif-lent-vif-vif. Une structure s'éloignant des canons traditionnels et a priori déséquilibrée, mais qui se joue des variations grâce à la subtilité des interprètes et leur indéniable osmose. À l’enthousiasme du mouvement Allegro répond la délicatesse romantique (nous pourrions même dire le romanesque) de l’Adagio cantabile, puis l’énergie communicative du troisième mouvement (Scherzo. Allegro assai). Il faut souligner la virtuosité et les arabesques proprement diaboliques de la dernière partie (Finale. Presto), influencées par les rythmes de danses traditionnelles, dont un mémorable menuet.
Le 2e Trio, composé dans les mêmes dates (et catalogué opus 1 n° 2) comprend lui aussi quatre mouvements. Commençant sur la pointe des pieds, l’Adagio allegro vivace finit par se déployer avec audace, avant un Largo tout en retenue mais aussi en romantisme échevelé. Dans ce trio, Beethoven propose un 3e mouvement (Scherzo. Allegro assai) singulièrement plus bref (un peu plus de 3 minutes), mais d’une luminosité et d’une vivacité audacieuses.
Même période de composition pour le 3e Trio, opus 1 no 3 : entre 1793 et 1795. Les musiciennes se lancent dans une interprétation soyeuse, solide, rythmée, nerveuse (Finale. Prestissimo) et aussi solide que l’airain. Ce trio brille de mille feux. Dans le mouvement Andante cantabile con variazione, nous sommes dans un mouvement d’une infinie délicatesse, à la manière d’une danse amoureuse, joueuse et sensuelle. Le 3e mouvement (Menuetto. Quasi allegro), relativement bref (3:22), est remarquable par sa série de variations et d’arabesques d’une incroyable subtilité et qui en fait l’un des joyaux de l’album.
Un trio de musiciennes au diapason
C’est sans doute dans le 5e Trio que l’osmose des trois musiciennes éclate le plus. Pour la petite histoire, Beethoven l’a composé sur le tard, après la création de le 5e et de la 6e Symphonie (la fameuse Pastorale). Dédiée à la comtesse Maria von Erdödy qui lui avait offert l’hospitalité, l’œuvre, opus 70 n°1, est appelée Trio des Esprits. Il règne dans ces trois – et non quatre – mouvements une atmosphère à la fois tourmentée, mystérieuse et sombre, à l’instar du premier mouvement Allegro vivace e con brio, d’où sans doute le surnom de l’œuvre. Le mouvement suivant sonne par moment comme une marche funèbre peuplée de fantômes (Largo assai ed espressivo), avant une dernière partie qui marque un retour à la vie. Le Trio Sōra prend en main le rythme presto avec gourmandise et même le sens de la fête.
Tout comme son prédécesseur, le Trio avec piano n°6 opus 70 n° 2 est dédié à la comtesse Maria von Erdödy, et a bien sûr été écrit à la même période. Lyrique et virtuose dans son premier mouvement Poco Sostenuto Allegro Ma Non Troppo, il devient somptueux dans la partie suivante (Allegro), telle une danse langoureuse et envoûtante, ponctuée de passages mélancoliques, sinon sombres. Le 3e mouvement Allegretto Ma Non Troppo, magnifique parenthèse enchantée tout autant que mystique, s’offre comme un des plus émouvants passages de l’album, avant le Finale et Allegro rugueux, expansif et d’une folle inventivité.
Le disque se termine par le Trio avec piano n°7 en si bémol majeur, l’un des plus célèbres trios de Beethoven. Il est surnommé Trio à l'Archiduc en raison de sa dédicace à l'Archiduc Rodolphe d'Autriche, élève, ami du compositeur et accessoirement dernier fils de l’empereur Léopold II d'Autriche. C’est le plus tardif des trios, comme l’indique sa recension dans le catalogue (opus 97). Écrit en 1811, il s’intercale entre la 7e et la 8e symphonie. Il s’agit aussi du dernier morceau que le compositeur interprète en public, en raison d’une surdité de plus en plus sévère. C’est dire si ce dernier trio ne pouvait pas ne pas être présent sur l’enregistrement du Trio Sōra. Les musiciennes font merveille avec cet opus alliant virtuosité et puissance dans un Allegro Moderato singulièrement moderne. Une modernité éclatante dans les parenthèses sombres du 2e mouvement Scherzo allegro. Le 3e mouvement, Andante Cantabile Ma Però Con Moto, s’impose comme un des plus sombres et bouleversants qui soit. Nous sommes dans un passage à l’expressivité géniale, servie par un trio de musiciennes au diapason. Comment ne pouvaient-elles finir sinon par ce et dernier mouvement, Allegro Moderato Presto ? Un dessert léger, diront certains ; on préférera parler d’une conclusion faisant se succéder passages virevoltants, danses amoureuses, conversations badines et fuites au clair de lune, dans un mouvement sucré et rafraîchissant.
Joyeux anniversaire donc, M. Beethoven, un 250e anniversaire célébré avec classe par un des trios les plus en vue de la scène classique.
Nous avions parlé de Thomas Cousin à l’occasion de la sortie de son formidable single "À perdre le sommeil". Voilà enfin son premier album solo, Debbie et moi, après avoir travaillé depuis plus de 20 ans au sein de différentes formations (Aron’C, Tax Brothers & the old Racoon ou Shy).
"J’ai passé 25 années de ma vie à « faire chanter » les autres, à m’habiller de leur pensée pour essayer de tailler sur mesure des mélodies et des mots qui les mettent en valeur, qui leur correspondent. Il y a 8 ans, un peu avant la naissance de ma fille, j’ai commencé à ressentir le désir et le besoin d’écrire des textes plus intimes. Des textes que je ne pouvais pas mettre dans la bouche de quelqu’un d’autre. J’ai commencé à accumuler trois puis quatre chansons, cette démarche a ouvert une brèche et je me suis retrouvé à écrire sur mon enfance, mes amours, mes névroses…" explique l’artiste.
De fait, on retrouve l’appétence du chanteur pour des textes travaillés, poétiques, mélancoliques et invitant l'auditeur à se perdre dans l’aventure et la nature, à l’instar de "Voir la mer", qui ouvre l’opus : "A bout de souffle au bout des vents se perdre dans les océans c’est comme nager dans le désert / On pourrait marcher sur des braises ou bien se jeter des falaises et si on allait voir la mer."
Il y a du Gaëtan Roussel dans cette manière de parer sa chanson française de teintes pop rock, avec riffs de guitares garantis ("Dans ma tête", "Jour de braise"), voire d’électro ("Chanson de pluie", "Pas comme tout le monde").
Thomas Cousin fait de son premier album un vrai voyage au long cours et une invitation à jeter les voiles, mais ces escapades sont aussi des promesses de rencontres et d’histoires d’amour : trains de nuit, hôtels discrets pour des rendez-vous amoureux, "dans un dernier sursaut de romantisme usé" ("Chanson de pluie").
Un vrai voyage au long cours
Le terme de "romantisme" n'est pas galvaudé pour un album poétique, plein de spleen, de promesses, mais aussi de constats sur l’inexorable fuite du temps (les chansons bréliennes "Toi tu crois", "La passerelle", "Que se fanent les roses").
Tout en assumant ses influences du côté de ses brillants aînés – Brel, nous l’avons dit, mais aussi Ferré ou Roussel –, Thomas Cousin fait des incursions du côté de l’urbain, à l’instar de "J’crame tout", en featuring avec Aron Cohen. Un titre rap aux influences méditerranéennes. Encore un morceau qui invite à pousser les murs et à "changer d’air", parce que, "pendant ce temps là, le monde avance sans toi."
Dans un album produit avec soin, Thomas Cousin se distingue comme un compositeur capable de faire vibrer grâce à des titres denses ("Parle-moi de nous") et écrits avec grâce ("À nos fenêtres nos solitudes devaient se chanter le prélude avant que l’on ne se fasse la belle / On est partis sous d’autres ciels à la recherche d’autres merveilles à vivre nos vies parallèles", "La passerelle"), sinon déchirement ("Je laisserai bien le temps, tu sais faire les choses / Sans que fanent les roses.").
L’auditeur s’arrêtera avec émotion sur l’un des plus beaux titres de l’album, "La chaise vide", écrite pour le père du chanteur. L’opus se conclue sur un autre titre personnel, "La plantade" : Thomas Cousin y parle d’un des lieux de son enfance : "Au rendez-vous de ma mémoire, moi j’y vais souvent faire un tour / Dans ton jardin et dans l’espoir de pouvoir y cueillir des toujours."
Thomas Cousin, Debbie et Moi, Champ Libre, 2020 https://www.facebook.com/ThomasCousinpage
Flore Cherry, on la connaît bien sur Bla Bla Blog, tout autant que Guenièvre Suryous. Le duo féminin poursuit sa série des Guides de Survie sexuelle (éd. Tabou), avec un nouvel opus consacré aux parents.
Les auteurs – Flore Cherry au texte et Guenièvre Suryous au dessin – gardent l’esprit des précédents volumes qui étaient consacrés à l’étudiant.e, à la buisiness girl ou à la vacancière : un livre pratique, ramassé (moins de 130 pages), alliant chapitres courts thématiques, témoignages, pages fun de culture générale ("Culture Q"), les "listes des top 5" et fiches pratiques. Aborder la question de la parentalité manquait au projet des deux auteures : c’est chose faite avec ce Guide de Survie sexuelle des Parents.
Un vrai vade-mecum faussement léger et qui n’hésite pas à aborder des sujets graves : "retrouver son corps après l’accouchement", l’impact de l’allaitement sur la libido et bien entendu le problème de charge mentale chez les femmes et mères.
Mais qu’est-ce qu’un parent au juste, se demandent les auteures ? "C’est avant tout quelqu’un qui se sent en charge et responsable d’un autre être humain." La réponse a le mérite d'être simple et claire.
Réussir son quickie
Comment conserver une vie sexuelle saine et épanouissante après l’arrivée d’un enfant ? Voilà un sujet capital que beaucoup de parents connaissent et qui est au cœur du livre. En préface, Eve de Candaulie écrit ceci : "Dans nos sociétés, il y a parfois une forme d’injonction au bonheur quand on devient parent, alors qu’il est difficile de s’occuper d’un tout-petit, d’essayer de communiquer calmement par le geste, la parole, de vivre les moments de colère et de frustration d’un enfant." Le bonheur passe aussi par le plaisir, ajoute-t-elle. Et même de l’auto-érotisation, qui peut être une clé pour se retrouver physiquement, comme le dit plus loin Flore Cherry.
Après quelques portraits types de parents, les auteures s’attaquent au sujet proprement dit, avec leurs traditionnelles "fiches de premiers secours" : "Comment être à la fois parents et amants ?", "Comment gérer une infidélité dans le couple ?", "Comment parler de sexe à ses enfants ?", "Comment réussir son quickie ? » D’ailleurs, à ce sujet, savez-vous ce qu’est un quickie ?
Trucs, astuces et conseils (par exemple sur les sex-toys) sont complétées par la rubrique "Marécage des questions relous". Si jamais on vous dit "Et tu laisses ta femme allaiter dans l’espace public", "Et vous l’appelez comment le petit ?"ou "Et vous continuez les soirées BDSM ?", vous saurez quoi répondre à coup sûr.
Et pour finir de faire de ce guide un livre sympa et sexy comme tout, il y a les dessins de Guenièvre Suryous. Flore Cherry écrit ceci : "C’est quoi le sexe ? On ne va pas vous faire un dessin ! (En fait, si. On en a même fait plusieurs)."
NinjA Cyborg, c’est Martin Antiphon et Marc Botte, de retour avec The Sunny Road, un EP au titre aux mille promesses. Pour illustrer leur EP, le duo français a choisi un visuel de Georges Gold Design renvoyant aux affiches de cinéma fantastique des années 70 et 80. Les morceaux du groupe sont majoritairement réalisés en analogique, et mixés dans la Studer 903 de Music Unit, donnant à cet opus un cachet vintage.
Avec "Supramount pictures" et "Psycho Panic", nous sommes dans une entrée en matière, toute en vagues synthétiques à la manière d’une BO de série B,.
De même, "The Sunny Road", qui donne son nom à l'EP, se veut un hommage appuyé aux Robocop, Supercopter et autres monuments cultes de la pop culture. Films de SF et nanars sont assumés grâce à, un son électro eighties régressif. Pour ce titre, le duo a imaginé un vidéo-clip réalisé en stop motion par Jef Dubrana et Olivier Hernandez de Freaks Motion Studio. "The Sunny Road" raconte les aventure de Gordon, un Cyber Ninja suivant les ordres pour aller défier les méchants de la ville de Sun City. Le film a été réalisé image par image, en pâte à modeler.
Un hommage aux Robocop, Supercopter et autres monuments cultes de la pop culture
Avec "A Walk With Jane", NinjA Cyborg montre qu’il est capable de morceaux planants, à la manière de capsules spatiales catapultées à des milliards d’années-lumière et ponctués de respirations extra-terrestres. Tout aussi intersidéral, "Lighting" adresse un clin d’œil appuyé à Jean-Michel Jarre.
Avec "Sky Diving", en featuring avec Wild Fox, les NinjA Cyborg sont sur le terrain d’une pop plus classique, mais qui ne tourne pas le dos pour autant à la facture eighties, avec une voix juvénile à la Kylie Minogue,, lorsque la toute jeune Australienne se faisait connaître dans ses premiers tubes.
On ne peut pas dire que les NinjA Cyborg s’arrêtent à un seul style : "Masters Of Fury" propose un rock échevelé dans lequel les guitares électriques s’enveloppent dans des nappes synthétiques. Ça cavalcade dans un instrumental qui ne se pose pas de questions.
Le EP se termine par un atterrissage en douceur, avec "Gentle Corps", une courte étude sombre à la Mike Oldfield. Et aussi, de nouveau, un hommage à ces chères années 80.
Le public français découvrira avec la plus grande curiosité Marie-Gold, ancienne membre du collectif canadien Bad Nylon. Cette musicienne nous vient du Québec et propose un rap venu de ce coin de l'autre côté de l’Atlantique.
Parce que nos cousins canadiens tiennent à leur langue tout autant que nous, il est passionnant de voir comment Marie-Gold parvient à libérer son flow dans son premier album solo opportunément intitulé Règle d'Or, évidemment en rapport avec son nom. Mais il s'agit aussi d'une référence à une citation de George Bernard Shaw: "La seule règle d’or est qu’il n’y a pas de règle d’or". Vous avez quatre heures pour disserter...
Dans cet opus, conçu en collaboration avec des beatmakers montréalais, français et belges, la chanteuse se livre à corps perdu : "Marie-Gold dans la jungle des animaux / S’accroche à son style comme une anémone / Si tu veux blesser je connais les mots", comme elle le scande dans "JACK". Libre dans sa tête, libre dans son corps, la rappeuse délivre "La seule règle" qui vaille : un album aux rythmes hip hop ("Goélands"), volontiers minimaliste et lorgnant aussi largement du côté de la chanson française ("La seule règle").
Écrit à la première personne, Marie-Gold pousse son travail d’écriture jusqu’à proposer des textes à la langue charpentée et largement mâtinée d’anglais : "Car je passe mes journées à faire des maths / En m'demandant qu'est-ce que je calice à pas faire plus de rap / But I guess que c'est calculé, l'encre still finit par couler / J'ai fais un portrait du futur, je l'ai juste mal cloué" ("Pousse ta luck").
A l’instar de "Crache sur vos tombes", la Québécoise délivre un album rugueux qui plonge dans son quotidien, son passé, ses espoirs, ses rêves mais aussi les déceptions d’une artiste : "J'ai pas manqué de flair, en renonçant à vos sons / So vous m'oublierez, j'espère pis j'irai cracher sur vos tombes". Sans oublier ce foutu argent ("Aucun bling"). Écouter Règle d’or c’est entrer dans la tête d’une fille d’aujourd’hui, avec ses galères, ses interrogations et ses ras-le-bols : "J’peux pas sortir d’mon lit / J’ai l’système démoli / Perico et Molly / La drogue nous fait faire des folies / J’peux pas quitter l’logis" ("Goélands").
Libre dans sa tête, libre dans son corps
"Mémoire" est l’un des meilleurs morceaux, à la composition particulièrement soignée et mêlant rap et chanson, avec un message féministe, à l’instar de sa consœur Samuele : "Les gentilles filles ont aussi le droit d'être en colère / Mais t'oublies de te contenir, il faut le reconnaître / Les gens exagèrent, pardonne-leur… / Rappelle-toi ceux qui t'aiment, t'aiment, t'aiment / Oublie ceux qui te down, down, down / Malgré tout ce que tu donnes, everything's never enough / Au moins tu dormiras bien dans ta tombe."
Marie-Gold assène ses titres avec une rare puissance, ponctuant ça et là son album de titres insouciants, voire aux trouées lumineuses. C’est le cas du duo avec Stone, riche de promesses en weed et en nuits blanches : "J'veux faire tourner la terre / J'veux faire tourner les têtes / Quitte à m'en jeter à terre / Smoke weed ‘til I die - excès, tu adhères / On en reparle plus, on revient à nos affaires" ("s.w.t.i.d."). C’est aussi le cas du titre "Doser", plus électro que rap, au texte dense, surréaliste et poétique : "Je préfère être l’amour qu’être celle qu’on adore / Je vous salue Marie, j’peux-tu croire en Chloé ? / Dans ce pays d’Oz aux idoles krizokal et aux âmes encodées / Où l’espérance se dose / En frappant tous les murs dans la boîte de Pandore? / Démesure ! / Même l’histoire ne m’a pas dosée ! / Au futur, il me souffla ! La vérité".
La vérité, l’amour, le combat quotidien pour être soi, la liberté. La vie selon Marie-Gold, quoi.
L’Histoire de France est riche de personnages secondaires ayant contribué à leur manière à écrire des périodes particulièrement agitées. Claudine Alexandrine de Tencin est indubitablement l’une de ces figures. Madeleine Mansiet-Berthaud conte le récit de sa vie dans son roman historique, La Défroquée (éd. Ramsay).
Cette fille de cinq enfants, née d’une famille grenobloise de la noblesse de robe durant le règne de Louis XIV a, dès son enfance, l’assurance de faire partie de ses grandes oubliées. Femme dans une culture patriarcale, avec un frère aîné qui est promis à un riche héritage et un autre frère poussé vers une carrière dans le clergé, la jeune fille est envoyé au couvent de Montfleury pour une vie de prière. Son existence est promise au silence, ce qu’elle ne peut admettre. Madeleine Mansiet-Berthaud la fait s’exprimer ainsi, alors qu’elle se morfond dans un couvent où son père l’a enfermé : "Si je quitte un jour ce voile et le monastère pour la vie civile, j’emploierai mon temps à bâtir une fortune." Une promesse de reprendre en main sa vie et de s’échapper d’une véritable prison, mais qui est aussi la marque d’une défiance envers les hommes : "Si Alexandrine ne tuait pas son père, elle tuerait tous les hommes qui l’approcheraient."
En fait de meurtre, c’est plutôt de revanche et de vengeance dont elle va user. Cela va d’abord passer par une manœuvre juridique de longue haleine : obtenir du pape la fin des ordres et retourner à la vie civile. Sa bataille va durer onze ans et se terminer par sa libération : un cas "unique dans les annales de l’Église". Contre toute attente, dans une France où la religion catholique pèse de tout son poids sur la vie, Madame de Tencin devient celle que l’on surnomme "la défroquée" : "Ne serait-je jamais qu’une nonne / A qui faux pas l’on ne pardonne ?", versifie-t-elle lors des derniers jours du Roi Soleil.
Ce n’est qu’une première étape vers son destin exceptionnel dans une époque traditionnelle et patriarchale. La jeune femme ne veut pas se contenter d’une existence régie par le mariage et une famille traditionnelle. S’occuper d’un enfant ? Au risque qu’il "vienne anéantir des rêves de gloire" ? Jamais ! Car si elle a bien eu un enfant, elle ne le reconnaît pas, et c’est finalement son amant de l’époque qui s’occupe de lui – qui deviendra plus tard le philosophe et encyclopédiste D’Alembert.
Une féministe avant l’heure
C’est d’abord auprès de sa sœur Marie-Angélique, devenue Madame de Ferriol, que l’ancienne nonne se frotte au grand monde, via un salon littéraire où les plus brillants esprits sont invités : Fontenelle, la tragédienne Mademoiselle Duclos, le jeune Voltaire, mais aussi toutes ces figures politiques qui, après la mort de Louis XIV, allaient être les têtes pensantes de la Régence. Mme de Tencin devient même la maîtresse de Dubois, le second en France après le Duc d’Orléans. Puisque la société interdit aux femmes tout pouvoir, elle multiplie les intrigues pour placer tel ou tel au plus haut sommet, souvent ses amants, et sans oublier les membres de sa famille. Alexandrine continuerait à fabriquer des candidats à l’immortalité dans son usine à idées, tout simplement parce que c’était sa vocation, sa vie, d’élever les grands esprits aux plus hauts sommets, comme de moquer ceux qu’elle estimait médiocres." Vers la fin de sa vie, elle se lance également en littérature, avec des romans qui auront un succès certain à l'époque.
En suivant le destin incroyable de la Défroquée, l’auteure fait un tableau passionnant de la France du début du XVIIIe siècle : les luttes d’influence pour la succession de Louis XIV, les troubles anglais, le miracle économique du système de Law puis la crise qui s’en suivit, sans oublier l’arrivée au pouvoir du jeune Louis XV. Madeleine Mansiet-Berthaud fait de Madame de Tencin une brillante et insatiable manipulatrice qui s’appuie aussi sur sa propre famille. L’auteure capte bien cette époque, tout en glissant quelques pages d’une écriture classique, voire sensuelle, lorsqu’elle entre par exemple dans les intérieurs bourgeois de cette fille de noble provinciale devenue une aristocrate influente : "Le taffetas glissa sur le parquet ; la jupe étalée restait gonflée, comme toujours habitée. Les dessous de coton blanc échouèrent sur une méridienne. La chambre baignait dans une demie-pénombre."
Car la famille est l’autre pierre saillante de son existence, avec un frère dont elle est éprise et qu’elle aidera sans faille dans sa quête de pouvoir ecclésiastique car "garder des relations avec les hauts personnages susceptibles de servir la carrière de son frère passait avant une aléatoire gloire personnelle". La quête de reconnaissance n’est pas absente des motivations de l’ancienne religieuse, jamais épargnée par son passé de nonne.
L'auteure ne cache pas la grande part d’ombre d’Alexandrine de Tencin qu’est sa relation avec d’Alembert. On peut dire qu’elle s’avère être une féministe avant l’heure, qui a assumé ses choix privés jusque dans ses excès, en refusant "d’être l’esclave d’un homme" : "Quand la femme serait-elle l’égale de l’homme ?". C’est sa sœur qui a sans doute eu la réflexion la plus définitive sur elle : "Votre génie pour le calcul et l’intrigue me stupéfie." Ce que l’auteur résume de cette manière : "Quelle revanche prise sur le destin qui aurait dû être le sien !"