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  • RIP URSS

    En 2005, Poutine annonçait que la chute de le l’URSS avait été la plus grande catastrophe géopolitique du XXe siècle. On peut être, comme Christian Mégrelis, sceptique sur ce jugement. Il n’en reste pas moins vrai que la fin de l’Union soviétique au début des années 90 ne s’est pas accompagnée de "gigantesques holocaustes" ni d’un chaos meurtrier : l’empire le plus vaste de l’histoire couvrant 15% des terres émergées (45 fois la France) a sombré "sans qu’un seul coup de feu ait été tiré." Mais non sans mal, comme nous l’explique l’écrivain et ancien businessman.

    Pour conter ce virage géopolitique autant qu’idéologique, Christian Mégrelis a fait le choix de chroniques, de témoignages (ces "choses vues" du sous-titre), d’articles (les "intermèdes") et même d’une correspondance privée, avec cependant des lacunes, notamment sur la catastrophe nucléaire de Tchernobyl, d’étonnants clashs ("Chirac et Mitterrand, vieux complices qui avaient franchi ensemble les marches du pouvoir en éliminant les plus compétents") ou des raccourcis critiquables ("[03/10/90] : Anschluss de la RDA par la RFA").

    Ce mélange classé par ordre chronologique constitue le récit plus vrai que nature de Naufrage de l'Union soviétique (Transcontinentale d'éditions) par un homme, amoureux de la Russie, qui se trouvait au bon endroit au bon moment, comme il le dit lui-même. Cet homme d’affaire français au CV long comme le bras commence la première partie de son livre ("Le voyage") par nous faire entrer dans ce qu’il appelle le "barnum", chargé dès 1989 de convertir en profondeur l’Union soviétique à l’économie occidentale et à la privatisation de pans entiers d’un pays moribond.

    La Perestroïka de Mikhaïl Gorbatchev (qui est cette réforme socialiste de l’URSS) a rapidement son pendant économique : le fameux "Plan des 500 jours", auquel a participé Christian Mégrelis et qui a été accepté en août 1990 non sans difficulté par le parti communiste de l’époque : moins d’un an après la chute du Mur de Berlin, on acte donc dans l’empire soviétique le retour au capitalisme et une assistance technique européenne, qui va rapidement se transformer en une version "hard" téléguidée par les États-Unis et par un véritable apprenti-sorcier économique, Jeffrey Sachs.

    La suite, c’est un désastre à l’échelle d’un continent ("Tout le monde avait oublié le plan des 500 jours !") : le coup d’État manqué d’apparatchiks communistes à l’été 1991, l’arrivée au pouvoir de Boris Eltsine, la réforme ambitieuse de "l’économie soviétique en 500 jours" qui se transforme en dépravation à grande échelle et le règne des oligarques (Roman Abramovitch ou Mikhaïl Khodorkovski), mais aussi la pléthore de profiteurs prenant à leur compte la privatisation de pans entiers de l’économie du pays.

    Période grise

    Le rappel de cette période grise est l’occasion pour l’ancien homme d’affaire de brosser une histoire de la Russie mais aussi de la longue période communiste, "Aujourd’hui, les Russes sont unanimes pour dire que le communisme a été la pire imposture du XXe siècle." Christian Mégrelis en parle grâce au récit de ses voyages comme dans ces portraits hallucinants de hiérarques communistes se débattant dans une URSS crépusculaire dont ils sentent la fin. L’auteur se fait cinglant lorsqu’il parle de la manière dont le régime communiste a pu exister ("La grande illusion") et se construire grâce au Goulag et à ce qu’il convient de nommer "l’esclavagisme" à grande échelle. Sans parler des absurdités d’un régime que l’auteur décrit avec une ironie cinglante lorsqu’il décrit une série de voyages en Sibérie à Saint-Pétersbourg, dans l’Oural ("L’URSS construisait des routes pour les interdire au trafic…") ou dans ces anciennes républiques soviétiques se battant pour exister à l’ombre de la Russie.

    Plus que des récits de voyages ou d’expériences, Le Naufrage de l'Union soviétique peut se lire comme un plaidoyer pour une Russie que l’auteur appelle à respecter. Et le lecteur sera sans doute surpris de lire une défense plutôt rare de Vladimir Poutine : "Le premier dirigeant russe à se préoccuper du bien-être de ses concitoyens et du partage des fruits de la croissance depuis Alexandre II", après une présidence de Boris Eltsine jugée inepte. Christian Mégrelis rappelle qu’à contre-courant des démocraties occidentales, le pouvoir est jugé de manière plutôt positive par l’ensemble des citoyens, mais très sévèrement par les hommes et les femmes d’affaire, ce qui pose bien sûr des problèmes d’investissement dans le pays et de confiance dans son économie.

    Le Naufrage de l'Union soviétique fait partie de ces documents bruts d’un témoin et acteur de l’ombre qui est aussi un message en direction de la France et des Français, afin que la Russie ne serve plus de "punching-ball", malgré ses faiblesses. Respect donc : l’URSS est morte, vive la Russie !

    Christian Mégrelis, Le Naufrage de l'Union soviétique : Choses vues,
    éd. Transcontinentale d'éditions, 2020, 261 p.
    https://fr.wikipedia.org/wiki/Christian_M%C3%A9grelis

    Voir aussi : "Tintin, back in the USSR"

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  • Énervée, mal élevée et engagée

    Faire du rock engagé n’a rien de vraiment évident. Celui d’Ambre, aux manettes de son premier EP, Sale temps sale futur, a à la fois la franchise des artistes indépendants et le sérieux des productions personnelles qui n’entendent pas oublier la qualité artistique sous prétexte de messages imparables.

    Et ces messages sont dits et chantés avec une belle audace, pour ne pas dire de la rugosité : le féminisme (Je biaise si), le patriarcat (À Troyes), l'environnement (Sale temps sale futur, qui don,ne le titre à l'opus) ou la sexualité (Backchich).

    Le talent et la puissance, Ambre en a, et elle mérite de figurer parmi les artistes à suivre.

    Ambre, Sale temps sale futur, 2019
    https://imusiciandigital.lnk.to/2vumj

    Voir aussi : "Qu’est-ce que Carole Pelé a à nous raconter ?"

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  • Tarzan par Russ Manning

    Dans l’histoire de la bande dessinée, Tarzan, devenu également dans les années 30 un mythe du cinéma grâce à Johnny Weissmuller, est une véritable icône, souvent imitée mais jamais égalée, même si son aura a faibli ces dernières années. Cela dit, une question pertinente peut être posée : qui a jamais lu une des nombreuses aventures de Tarzan en bande dessinée ?

    Les éditions Graph Zeppelin proposent de revenir aux sources mêmes de l’homme-singe, grâce à la réédition de l’intégrale de ses récits en comic-strips (Edgar Rice Burroughs & Russ Manning, Tarzan, l’Intégrale, Volume 4 : 1974-1979, éd. Graph Zeppelin). Ce quatrième et somptueux volume propose les exploits de Tarzan et de son fils Korak par le scénariste et dessinateur Russ Manning, chargé de faire revivre de 1974 à 1979 le héros créé par Burroughs, décédé il y a tout juste 40 ans.

    Il faut lire la préface de Henry H. Franke III pour se rendre compte du défi qu’a demandé la création de strips quotidiens, à quoi se sont ajoutées pour le dessinateur des planches dominicales pour une autre saga légendaire, Star Wars. "[Aucun] autre strip d’aventures n’a suscité autant d’attention et de respect que mes strips de Tarzan ; sans parler des revenus de leurs réimpressions, qu’en a tirées ERB Inc… Aucun autre strip américain d’aventures n’a autant été réimprimé, sans parler de la fréquence à laquelle cela s’est fait, que Tarzan", a commenté Manning à la fin de sa vie. En vérité, son œuvre reste très lié à la créature de E.R. Burroughs. Décédé en 1981, Russ Manning aura travaillé en tout 12 ans sur Tarzan, jusqu’à la dernière histoire, singulièrement plus légère que les précédentes : Tarzan et les jeux d’Ibizzia. "Tout au long de sa carrière artistique, peu importent les hauts et les bas, Manning fut fasciné par le héros de la jungle créé par Edgar Rice Burroughs – le sang de Tarzan coulait dans les veines de Manning", écrit encore le préfacier.

    Ce quatrième et dernier volume de l’intégrale Tarzan propose neuf histoires qui peuvent être lues en continu, tel un véritable feuilleton populaire, ponctué de rebondissements incessants (à l’exemple du récit nerveux, Tarzan et la révolution de la jungle). Parce qu’il fallait ne pas perdre en route les lecteurs de l'époque, les aventures de Tarzan, de Jane et de de Korak ont moins été conçues comme des histoires séparées (si l’on excepte toutefois la première aventure, intrigante, Tarzan retourne à Castra Sanguinarius), que comme un récit unique se déployant librement au gré de l’imagination de Manning.

    Pin-ups glamours catapultées au cœur de la jungle

    Héros légendaire et intemporel, Tarzan n’en est pas moins, dans ce volume, un personnage inscrit dans une période précise, celle du milieu des années 70, avec des préoccupations et des messages modernes pour l’époque. Dans Tarzan dans la Vallée des Brumes, l’homme-singe est confronté à une mystérieuse brume lumineuse "qui modifie [les] cerveaux… Les instincts s’effacent..." Un sérieux problème environnemental en quelque sorte... Nkima, la sémillante jeune femme qui lui en parle, tient des propos typiques de ces années beatniks et peace and love  : "Bientôt, la brume lumineuse rayonnera sur le monde. Alors, les soldats et tout ce qu’ils représentent seront aussi obsolètes que les dinosaures !" Dans Tarzan et les émigrants, le récit sur fond d’affrontements entre autochtones et colons délivre un message environnemental, voire pacifiste – mais non teinté de racisme : "Ces fermiers sont des hommes rudes et bornés. Ils sont persuadés d’être dans leur droit pour préserver leurs récoltes ! Ce sera très difficile de les convaincre qu’ils sont dans l’erreur !" Il est encore question d'écologie dans Tarzan et les émigrants.

    Pour Tarzan et les insectes géants d’Opar, Manning propose une histoire trépidante qui mêle aventure, tensions sociales, fantastique et même science-fiction. Science-fiction encore avec Tarzan et la lune morte de Pellucidar, qui est un récit largement inspiré de Jules Verne, avec un voyage au centre de la terre peuplé de créatures extraordinaires ("Hommes-troglodytes de Lohar… Horribs montés sur de grands lézards… Guerriers montés sur de puissants mammouths… Tout cela sous le commandement de Von Horst et Jen-qua Reyna de Sari, juchés sur un Dinosaure !").

    Stylistiquement, Russ Manning respecte les canons d’Edgar Rice Burroughs, grâce à son coup de crayon précis et son sens du cadrage. Une place importante est également donnée aux héroïnes, souvent des pin-ups glamours catapultées au cœur de la jungle : elles s’appellent Luz (Tarzan et la Vallée des brumes), Lela (Korak et le lac sacré de Krackao), la reine Lâ ou la sauvageonne Nettle (Tarzan et les insectes géants d’Opar). Les féministes hurleront en découvrant ces représentations d’une autre époque : les femmes – à l’exception notoire de Jane – sont souvent représentées comme des personnages naïfs et falots, comme l’exprime la bouillante, courageuse et sexy Reyna : "Tu m’as dit que, dans ton étrange contrée, les hommes et les femmes jouent à des jeux excitants dans le noir !… Je savais que ça arriverait… Que Je serai assez bête pour être aussi douce et idiote… Que les autres filles…"

    Dans cette série d’histoires, il convient de s’arrêter sur la toute première, qui est sans doute la plus originale. Dans Tarzan retourne à Castra Sanguinarius, Russ Manning transporte malicieusement le roi de la jungle au cœur de l’empire romain. Le lecteur peut être surpris, tout comme Gino, un compagnon de Tarzan qui vient comme lui du XXe siècle : "J’y crois pas ! Il y a forcément une caméra cachée quelque part ! On tourne un film, n’est-ce pas ?!… Mais ils n’ont pas le droit de nous garder captifs. C’est interdit par la loi !" Tarzan se sortira bien entendu de ce piège spatio-temporel. Comme d’habitude.

    Edgar Rice Burroughs & Russ Manning, Tarzan, l’Intégrale,
    Volume 4 : 1974-1979
    , éd. Graph Zeppelin, 2020, 296 p.

    https://www.facebook.com/GraphZeppelin
    http://tarzan.org

    Voir aussi : "L’expérience Jimi Hendrix en concept album"

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  • Billie Eilish est-elle une bad girl ?

    Le 26 janvier dernier, la 62e cérémonie des Grammy Awards récompensait de cinq prix une gamine de 18 ans, moins d’un an après la sortie de son premier album, When We All Fall Asleep, Where Do We Go? : artiste révélation de l’année, chanson de l’année, enregistrement de l’année et meilleure prestation pop solo pour Bad Guy, meilleure album pop et album de l’année pour son premier opus : n'en jetez plus ! Billie Eilish marquait de son empreinte la scène pop-rock, tout en devenant la première star milléniale, puisque la jeune femme est née en Californie le 18 décembre 2001.

    Dans la biographie qu’Adrian Besley consacre à la chanteuse (Billie Eilish, La biographie non officielle, éd. Albin Michel), c’est autant la précocité que l’importance de l’Internet et des réseaux sociaux dans la révélation de cette chanteuse qui frappe les esprits.

    Certes, l’enfance et la famille de Billie Eilish Pirate Baird O’Connell ont une importance capitale dans sa carrière, puisque ses parents sont tous les deux des artistes et que la jeune star travaille étroitement avec son frère Finneas, lui aussi récompensé lors des Grammy Awards (Adrian besley lui consacre un chapitre entier, preuve de son importance). Pour autant, l’auteur insiste sur l’éducation "ordinaire" de Billie Eilish, si l’on oublie toutefois une scolarisation à domicile par un père et une mère, artistes mais modestes.

    Sa précocité ahurissante a été soulignée à de multiples reprises : "Son histoire fait désormais partie de la grande histoire de la pop, et sera répétée un million de fois", avance Adrian Besley, non sans ostentation. À l’âge de 14 ans, suivant les pas de son frère de quatre ans son aîné, Billie Eilish publie sur Soundcloud les morceaux sHE’s brOKen, Fingers Crossed, puis Ocean Eyes. Ils portent déjà l’empreinte de la chanteuse : textes personnels et sombres, rythme électronique, accompagnements minimalistes et voix fragile, presque murmurée. Ocean Eyes se fait remarquer sur les réseaux sociaux et le morceau reçoit en quelques mois un accueil enthousiaste, tant de la part des professionnels que du grand public.

    "Son histoire fait désormais partie de la grande histoire de la pop, et sera répétée un million de fois"

    La suite est un engrenage de concerts électriques, de collaborations artistiques prestigieuses, de clips tous aussi originaux les uns que les autres et d’une ascension irrésistible. Son succès passera par les États-Unis mais surtout, singulièrement, par la Nouvelle Zélande et l’Australie, qui ont accueilli avec enthousiasme ses premiers concerts dès 2017.

    L’ouvrage d’Adrian Besley est évidemment destinée avant tous aux fans de l’artiste américaine, membre emblématique de la génération Z. Adolescente starisée, Billie Eilish apparaît aussi comme une jeune femme n’ayant jamais caché ses fragilités et sa longue période de dépression, tout en assumant pleinement son nouveau statut, grâce à des looks toujours plus extravagants les uns que les autres – une vraie bad girl –, sans oublier ses engagements (le droit des femmes et l’écologie notamment). Adrian Besley ne met pas de côté ses autres passions : la danse, la réalisation de clips, la mode (nous l’avons dit), mais aussi le rap (XXXTentacion, Drake, Mehki Raine), qui continue d’influencer sa musique, avant tout pop (surnommée "gloom pop", "pop dépressive", pour ses détracteurs).

    Un chapitre entier est consacré à l’album phare de sa jeune carrière, When We All Fall Asleep, Where Do We Go?, que le journaliste intitule tout simplement : "Quatorze œuvres d’art" : "une collection soigneusement composée de pistes [titres] qui, si elles fonctionnent indépendamment, s’alimentent les uns des autres pour créer un ensemble harmonieux." Cet opus sera suivi de concerts marquants qui vont finir d’asseoir son statut : "Billie est la nouvelle reine de la pop, mais il lui reste à procéder à son couronnement. Et peut-on rêver mieux pour célébrer sa réussite que Coachella ?" C’est lors de l’édition d’avril 2019 du prestigieux festival américain, au cours de deux soirées, que Billie Eilish finit de s’imposer, avant ses récompenses quelques mois plus tard aux Grammy Awards.

    La biographie d’Adrian Besley a été terminée en mars 2020, alors que le Grand Confinement obligeait à mettre à l’arrêt l’essentiel de sa vie musicale. Il faudra attendre cet automne pour la découvrir finalement dans un autre rôle : celle d’auteure et d’interprète du titre phare du prochain James Bond, Mourir peut attendre. Le plus célèbre des bad boys sera célébré par celle qui les a chantés avec génie, mais qui n’est pas, à coup sûr, une bad girl, elle.

    Adrian Besley, Billie Eilish, La biographie non officielle, éd. Albin Michel, 2020, 245 p.
    https://www.youtube.com/channel
    https://www.albin-michel.fr/ouvrages/billie-eilish-la-biographie-non-officielle

    Voir aussi : "Quatre filles dans le Levant"

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  • Qu’est-ce que Carole Pelé a à nous raconter ?

    Avant la sortie à l’automne prochain de son premier EP, Carole Pelé commence à déployer son univers musical et artistique résolument urbain.

    Le rap de Carole Pelé est vif, rude et à nu. Elle s’y livre avec sincérité mais sans cette affectation que l’on retrouve parfois trop souvent dans le milieu hip hop.

    Dans son titre R à Raconter, elle s’exprime – non sans un certain paradoxe – sur la difficulté de se livrer musicalement et de sortir de la page blanche et de créations qui ne seraient pas vaines : "J’ai pas de refrain / J’ai rien à vous raconter" chante-t-elle sur un rythme syncopé où les larmes rageuses ne sont jamais loin.

    Carole Pelé est une combattante "compulsive" du mal-être, comme elle le prouve dans Nuit blanche, qui est un monologue contre ces nuits alcoolisées, vaines et dérisoires armes contre la désinhibition et la déprime. La réponse de la chanteuse est cinglante : "Je laisserai cette noire douleur m’atteindre / Maintenant c’est fini !" Combative encore dans Faut que j’te parle, qui est, sous forme de confession intime, une explication franche et tranchante après une rupture douloureuse. 

    L’ancienne étudiante aux beaux-arts ne pouvait pas ne pas faire de sa musique un "art total", mêlant musique, vidéo, stylisme, performance et art plastique (Faut qu'j'te parle). Pour mieux connaître cette rappeuse à découvrir (elle a quand même été programmée en 2019 au Jump ! Guro Festival 2019 en Corée du Sud !), le passage par Soundcloud et son témoignage pour Crealiance est quasi obligatoire !

    À noter que le 5 septembre, prochain, Carole Pelé jouera au festival Essonne en scène par les Francofolies en première partie de Roméo Elvis et Aloïse Sauvage. Et elle dégainera son six titres dans la foulée, à l'automne.

    Carole Pelé, Carole Pelé, EP, 2020
    https://www.facebook.com/carolepelemusique

    Voir aussi : "Eskimo, entre France, Scandinavie et Japon"

    © Alice Mouchard

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  • Coquette comme Tuck

    Dès les premières notes de Coquette, le dernier EP de Hailey Tuck, la grâce, l’élégance et la magie sont là. Cette découverte promet d’être à marquer d’une pierre blanche, tant la musicienne impressionne par sa simplicité, sa fraîcheur et finalement son audace.

    Avec son look à la Louise Brooks, pas de doute : nous sommes dans les années 20. La musicienne nous entraîne vers un univers mêlant jazz, folk, pop et cabaret, d’une fraîcheur délicieuse et au goût acidulé. Son premier album est composé de reprises de Rufus Wainwright (A Bit Of You), de Kent (Juste quelqu’un de bien), de Peter Sarstedt (Where Do You Go to?), mais surtout de nouveautés (SeaBird, Every Over Night, Every Other Night, Talking Like You).

    Hailey Tuck a produit avec une très grande classe un opus que n’importe qui devrait avoir dans sa discothèque, tant la chanteuse s’impose avec sa voix à la fois mutine et sexy (A Bit Of You), avec ce je ne sais quoi d’esprit français (Where Do You Go to?, Juste quelqu’un de bien), comme le prouve aussi le titre de l’album.

    Un opus que n’importe qui devrait avoir dans sa discothèque

    Disons-le ici : Coquette, ce sont six petits bijoux capables de défier les années par une artiste au caractère d’ores et déjà si affirmé que l’on ne peut qu’attendre le meilleur pour elle (la native d’Austin a d’ailleurs été nominée aux Grammy Awards en 2019 pour son premier album remarqué, Junk).

    Oui, nous avons bien là une œuvre musicale hors du commun, à telle enseigne que lui coller l’étiquette "jazz" paraît bien trop restrictive. Folk (Seabird, Talking Like You), pop (A Bit Of You), ballades (Where Do You Go to?, Every Other Night), et même chanson française (Juste qu’un de bien) ont leur place dans cet EP pluriel mais, au final, très cohérent.

    Pour le public français, il faut signaler que la chanteuse propose au passage une reprise de Juste quelqu’un de bien, dans une version d’une mélancolie déchirante.

    "Je me suis souvent laissée  aller à la rêverie et j’espère que les arrangements apportés et l’ambiance générale de Coquette traduisent cet état" dit Hailey Tuck au sujet de son dernier opus. Elle ajoute ceci : "Je recherche constamment les expériences de ma propre vie, et de celle des autres qui me fascinent, pour créer une histoire, une anecdote amusante, un tableau. J’ai décidé de canaliser tout ceci dans l’écriture, qui pour moi est la seule chose qui m’intimidait, de choisir également les morceaux en fonction des paroles que j’aurais aimé écrire, et enfin dans une perspective, certes ironique,  de faire un album avec un budget illimité !"

    Coquette est l’une des plus belles découvertes de ces derniers mois : qu'on se le dise.

    Hailey Tuck, Coquette, Hailey Tuck Music, 2020
    https://haileytuckmusic.com
    https://smarturl.it/Buy-Listen-Coquette

    Voir aussi : "Chaud, fort et bon"

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  • Électro twerk jamaïcain

    Un peu de légèreté en cette période estivale avec le Mash Up Di Place du musicien et producteur congolais Jam Fever, en featuring avec la star jamaïcaine Cé'Cile.

    Un titre à écouter à plein volume avec vos meilleur.e.s ami·e·s pour se vider la tête, à grand renfort de rythmes caribéens, de piste de danse chaude comme la braise, de collés-serrés et ce qu’il faut de twerks.

    Ce mélange d’électro, de tempo jamaïcain et de sons urbains métissés s’avère comme la recette idéale pour cet été.

    Jam Fever, Mash Up Di Place, feat Cé'Cile, 2020
    https://www.facebook.com/JamFeverofficiel
    https://www.instagram.com/jamfeverofficiel

    Voir aussi : "La Baie animée"

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  • De larges et étranges horizons

    Si le jazz du XXIe siècle pouvait être attribué à un album, sans doute pourrait-il choisir le futuriste Wallsdown d’Enzo Carniel. Pour preuve, l’illustration en couverture de l’album imaginée par Laure Nicolaï : un paysage sorti tout droit d’un roman de Franck Herbert.

    Dans le groupe House of Echo, figure en premier lieu Enzo Carniel. Il est au piano, aux synthétiseurs et à l'électronique. L’accompagnent Marc Antoine Perrio à la guitare et à l'électronique (il est également à la composition pour le titre Winds). Il y a aussi Simon Tailleu à la contrebasse et Ariel Tessier à la batterie et aux percussions.

    Wallsdown est un album organique et à bien des égards novateur dans sa manière de faire du jazz une musique du futur, tout en puisant largement dans des influences tous azimuts, à l’exemple du titre Dreamhouse, avec ses rythmiques tribales ou Ruines circulaires, se nourrissant de pop-rock.

    Avec l’électo-jazz – le mot est lâché – de Rituel Horizon, nous sommes dans une musique des sphères, et presque new age ("Break the wall / open your mind"), dans lequel le piano étincelant d’Enzo Carniel se mêle à des sons électroniques et planants (Wallsdown, Winds ).

    Une réincarnation du jazz cool au XXVe siècle, dans l’univers de Buck Rodgers

    Mais l’univers SF du musicien sait se faire aussi sombre que Blade Runner (Tones of Stones), une gravité traversée dans d’autres morceau d’espaces sonores lumineux, à l’exemple de Traya ou de Lune, un titre aux accents debussyens, comme si le compositeur de Pelléas et Mélisande venait s’asseoir quelques minutes devant un clavier de synthétiseur.

    L’auditeur se laissera porter par Unwall, aux arabesques de couleurs, de sons, de rythmes et de flux et reflux, comme une réincarnation du jazz cool au XXVe siècle, dans l’univers de Buck Rodgers.

    Pour marquer la sortie de l'album Wallsdown, Enzo Carniel a décidé de confier la vidéo à l’artiste plasticien Louis-Cyprien Rials. Celui-ci nous emmène dans l’intérieur des appartements abandonnés du complexe Al-Sawaber bâti en 1981 par l’architecte Arthur Erickson, et qui fut l’un des endroits les plus multiculturels du Koweït, mélangeant des habitants de toutes les confessions et origines lorsque le bâtiment fut abandonné après la guerre du Golfe en 1990.

    C’est dire l’ambition universelle de Wallsdowsn, poussant les murs de tout côté et élargissant les horizons bien au-delà du jazz :  "J’ai imaginé une relation entre les différents plans sonores de cette musique, allant de la Terre à l’Esprit (de la pierre à l’électronique) : comme une connexion intemporelle où la matérialité et la spiritualité se fondent l’une dans l’autre..."

    Enzo Carniel & House of Echo, Wallsdown, Jazz&People, 2020
    https://www.enzocarniel.com
    https://www.facebook.com/jazzenzo

    Voir aussi : "Jazz Méditerranée"

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