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  • Jade Bird prend son envol

    Jade Bird, il en avait été question sur Bla Bla Blog au sujet de son premier EP, Uh Huh. Ce titre est d’ailleurs présent dans son album éponyme. Facture folk, choix de l’acoustique, voix claire et posée capable d’envolées rock à la Alanis Morissette : pas de doute, Jade Bird creuse son sillon sans se poser de questions.

    La toute jeune britannique impose des choix artistiques bien assumés grâce à des compositions solides qui ne transigent pas sur la mélodie (My Motto), les textes (Love Has All Been Done Before) et, singulièrement, la puissance vocale, à l’instar des prodigieux Lottery et I Get No Joy.

    Jade Bird plane sur ce premier album avec une assurance confondante, à faire pâlir de vieux routiers. Son premier album a été produit avec le même soin que son premier EP, qui était déjà si réussi que l’on espérait qu’elle allait transformer l’essai. Pari réussi.

    La chanteuse, également à la composition pour cet envol artistique, insuffle à ses titres pop mélodiques et complexes de bonnes injections de rock grunge, à coup de guitares qu’elle manie comme des armes et s’appuyant sur une voix qu’elle pousse jusqu’à ses derniers retranchements, à l’exemple du spectaculaire Uh Huh.

    De bonnes injections de rock grunge et des guitares qu’elle manie comme des armes

    À côté de ces morceaux de bravoure nerveux et plutôt culottés (Going Gone) et souvent d’une belle construction musicale (Love Has All Been Done Before), l’Anglaise propose des titres plus apaisé, sous forme de confessions intimes, à l’exemple de My Motto et du plus minimaliste Does Anybody Know. Il y est aussi question d’adolescence (17), de la difficulté d’aimer (Lottery) ou de la mort (If I Die).

    Un premier album très personnel donc, écrit avec les tripes autant qu’avec la tête : "Cet album contient tout ce que j’ai vécu. C’est mon expérience directe et non diluée de ces deux dernières années bien remplies. Chaque décision que j'ai prise a abouti à ce processus magique, de la même manière que chaque mot que j'ai écrit a fini dans ces chansons. L’album aborde différents styles, mais la cohérence vient que c'est moi - une jeune femme qui essaie vraiment de comprendre le monde actuel et d'y trouver sa place, qui a tout écrit" dit-elle.

    Une dernière preuve que la musicienne britannique est absolument à suivre ? Depuis l’annonce de la sortie de son album, Jade Bird figure, d’après le New York Times, parmi les 10 artistes à surveiller en 2019.

    Jade Bird, Jade Bird, Glassnote Records, 2019
    http://www.jade-bird.com

    Voir aussi : "Jade Bird, Huh la la !"

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  • Musset, assis sur le rebord du monde

    Christophe Musset propose avec Orion son retour musical, et il s’agit d’un retour apaisé. L’ex de Revolver choisit une orchestration réduite, acoustique et folk dans un EP qui parle de bienveillance et de pardon après une séparation ("Aussi loin / Que tu sois / J’espère bien que tu n’as pas baissé les bras", Aussi loin), d’intimité amoureuse (À l’intérieur), de contemplation céleste (Orion) et d’introspection nietzschéenne (Ce qui ne me tue pas).

    C’est comme assis sur le rebord du monde que Christophe Musset chante "l’immensité" et "le vertige face au grand parcours".

    Il y a ce je ne sais quoi de céleste, d’universel et de métaphysique dans Orion : sans aucun doute, Musset croit aux forces de l’esprit.

    Musset, Orion, Taktic Music, 2019
    https://www.facebook.com/MussetMusic

    Voir aussi : "Les grands espaces de June Milo"

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  • Louons maintenant James Agee

    Il est temps, sans doute, de découvrir James Agee, écrivain, journaliste, critique d’art et scénariste. C’est ce que propose Rodolphe Barry, dans son essai vivant, nerveux et documenté, Honorer la Fureur (éd. Finitude). James Agee a marqué son époque avec son livre Louons maintenant les grands Hommes qui, après une sortie discrète aux États-Unis en 1941, est devenu une œuvre majeure, à la fois reportage journalistique sans concession et création littéraire. Les photographies de Walker Evans sont du reste restées dans les mémoires.

    En 1936, James Agee est envoyé, par le magazine Fortune qui l’emploie, dans le sud des États-Unis afin d’enquêter sur les conditions de vie des métayers blancs. Nous sommes en pleine Dépression américaine et le New Deal de Roosevelt bat son plein. On adjoint au journaliste engagé et anticonformiste un photographe, Walker Evans, son exact opposé, mais avec qui le courant passe très vite.

    C’est en Alabama que les deux hommes entreprennent leur enquête, plus précisément auprès de trois familles, les Burroughs, Tengle et les Fields. De ce qui était un travail de commande, James Agee en sort marqué à jamais, bouleversé par ces compatriotes pauvres (lui-même vient du Tennessee profond et d’une famille croyante) : "Être un des leurs, plus que de n’importe quelle autre communauté d’hommes sur terre, il ne désire rien d’autre. Pourra-t-il jamais leur témoigner sa gratitude ?"

    La gratitude, il la leur offrira, à travers son reportage écrit que Fortune, son commanditaire, choisit pourtant de ne pas publier : trop long, trop engagé, trop de gauche, trop révolutionnaire. "James écrit sans sans plus se soucier des contraintes du journalisme ou d’une foutue ligne éditoriale. Finis les compromis" pour cet "anarchiste en religion autant qu’en politique." Après des années de travail d’écriture et de tractations auprès d’éditeurs, c’est une maison de Boston, Houghton Mifflin, qui accepte de publier Louons maintenant les grands Hommes, deux années après l’autre grand livre sur la Dépression, Les Raisins de la Colère de John Steinbeck. Quelques critiques saluent ce "grand livre de la compassion" ou "l’œuvre la plus morale et nécessaire de notre génération" mais le livre se vend mal.

    L’œuvre la plus morale et nécessaire de notre génération

    James Agee a un peu plus de trente ans et réfléchit à la suite de sa carrière littéraire. Il choisit le cinéma. Ce seront d’abord des critiques, pointues, clairvoyantes et suivies pour le Times et son concurrent, plus marqué à gauche, The Nation. Cette passion pour le cinéma se concrétise avec une nouvelle étape, qui passera par Hollywood. Il y a la rencontre avec Charlie Chaplin, puis avec celle de John Huston. Deux monstres sacrés qui verront dans James Agee, un ami et un des leurs. Lorsque le journaliste écrit au sujet de l’auteur du Faucons maltais que "quel que soit son objectif, [il] se bagarre toujours avec noblesse et ténacité pour l’atteindre. Si jamais il devait se battre pour une question de vie ou de mort… il aurait beaucoup plus de chance de l’emporter que la plupart des gens", sans nul doute c’est aussi le portait en creux de lui-même. Scénariste de The African Queen (1951), c’est un autre chef d’œuvre qu’il va contribuer à créer (même s’il ne sera jamais crédité) : La Nuit du Chasseur de Charles Laughton. Une carrière éclair qui se terminera par son autre grand livre, Une mort dans la Famille, prix Pulitzer posthume.

    Rodolphe Barry retrace la carrière mouvementée de James Agee, sans omettre la vie privée tout aussi tumultueuse d’un homme écorché vif. Il y a les femmes qui ont croisé sa route et, pour certaines, partagé sa vie : Via, Alma, Mia ou Billie. Il y a aussi ses amitiés, en particulier avec le père Flye, avec qui il entretiendra une correspondance nourrie.

    Gros buveur et gros fumeur, James Agess s’éteint à l’âge de 46 ans, laissant l’œuvre d’une vigie de son époque et d’un intellectuel comme "à l’écart du monde, le regard aux aguets, scrutateur" pour reprendre une réflexion de Charlie Chaplin. Lors des obsèques de James Agee, Walker Evans lit un extrait de Louons maintenant les grands Hommes : "Le coup le plus mortel qui puisse frapper l’ennemi de la race humaine, consiste à honorer la fureur."

    Une dernière raison de lire James Agee ? En 1989, son reportage sur les métayers blancs d’Alabama a fait l’objet d’une suite : And their children after them. Leurs Enfants après eux : ce verset tiré de l’Ancien Testament (Ecclésiastique, 44,9) est aussi le titre du roman de Nicolas Mathieu, prix Goncourt 2018. La voix de James Agee continue de crier près de 65 ans après sa mort : "Honorer la fureur ! Toute fureur sur la terre a été absorbée, le temps venu, en tant qu’art, ou religion, en tant que facteur d’autorité sous une forme ou une autre..."

    Rodolphe Barry, Honorer la Fureur , éd. Finitude, 2019, 274 p.
    https://www.finitude.fr/index.php/auteur/rodolphe-barry

    Voir aussi : "Ivre de vers et d’alcool"

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  • Juste quelques minutes d’électro

    9 minutes de Greg Bozo replonge dans une électronique bien loin de ces objets formatés pour pistes de danse et autres plages d’Ibiza. Il s’agit d’une électronique imaginée comme un champ d’expériences acoustiques de Greg Kozo.

    Un vrai retour aux sources vers l’électronique des années 70 et 80 pour l'une des deux têtes de Make The Girl Dance : boucles travaillées, sons découpées avec minutie, rythmique envoûtante et messages subliminaux laissent apercevoir un savoir-faire d’artisan.

    L’influence de Daft Punk est bien présente dans ce premier EP, avec le minimaliste et précis Baangg, dans lequel chaque son semble trouver sa place, avec une belle cohérence d’ensemble.

    Pour Silk, nous voilà dans l’électronique expérimental et sombre des années 70, celle des Kraftwerk. Un signe que Greg Kozo ne dédaigne pas ses classiques. Aride vient délicatement choper un peu de l’influence jarrienne : le sample s’humanise sur des rythmiques familières. Familières et lumineuses, comme le souligne précisément le dernier titre fort justement intitulé Chaleur. 

    Après la parenthèse dorée et hype de Make The Girl Dance, Greg Kozo s’affirme comme un artiste épris de liberté : "J’ai voulu recommencer à écrire seul dans une pièce sans le ping-pong d’écriture avec un(e) chanteur(se). En enlevant les voix, je voulais me rapprocher d’une musique plus intime et spontanée."

    Greg Kozo, 9 minutes, Roy Music / Believe, 2018
    https://www.facebook.com/gregkozo

    Voir aussi : "L'été sera électro dans les maillots"

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  • Les grands espaces de June Milo

    Dans Avril, son dernier EP, June Milo, de sa voix sucrée, aborde des thèmes classiques : l’aliénation amoureuse, l’attente et la séparation. Ce qui l’est moins est la facture pop folk, voire country, à l’instar de Sous l’eau ("Sous l’eau / Arrête l’orage / Il pleut des cordes / À flot / des larmes / Sur ma peau").

    Pour tout dire, ses récits intimes sont autant de déambulations dans les grands espaces américains. Je t’attends brille grâce à l’éclat d’une trompette, donnant à ce joyau sur le thème de l’attente l’allure singulière d’une BO de western. L’aventure sentimentale fait ici figure de terre sauvage et impitoyable à conquérir : "Je t’attends / tu es lent / Tout ce temps que tu prends / Pour me prendre / Vraiment." Sauf qu’il n’y a pas d’issue à cette attente, ou, si issue il y a, elle est au fond de soi et au fond d’un verre. Au sombre et alcoolisé Question d’équilibre de Francis Cabrel, vient répondre l’attente et le "délicieux néant" de June Milo, résignée mais tout autant désespérée : "Quand je bois aux déboires / Je m’accroche au comptoir / Et me noie lentement."

    Si issue il y a, elle est au fond de soi et au fond d’un verre

    La pop enveloppante du titre Avril, qui donne son nom à l’album - et auquel a collaboré Frédéric Lo - parle également de solitude, d’attente mais aussi d’espoir : "S’envolent les saisons / Défilent les idylles /Le soleil j’attends / De juillet en avril."

    Dans la ballade mélancolique L’absent, June Milo chante les séparations ordinaires et déchirantes, mais cette fois à la troisième personne : "Danse avec l’absence / sans son souffle haletant / Dans ton cou brûlant / Ce n’est que le vent."

    Sous L’eau se clôt en douceur sur une dernière ballade plus épurée, De loin. Encore une histoire de d’aventure sentimentale, de voyage sans retour et de grands espaces : "Pour un seul baiser de nous / Je te donnerai ma vie / mais je ne sens que le vent."

    June Milo, Avril, Sixième Étage, 2019
    www.junemilo.com

    Voir aussi : "Chine Laroche, l’outsideuse"

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  • La Norvège, l’autre pays du blues

    La Norvège tient là une réputation assez inédite : celle de nourrir un des plus dignes représentants du blues. Qui ça ? Bjørn Berge, qui vient de sortir son dernier album, Who Else?

    Mine de rien, le musicien venu des fjords a la bouteille de ces hommes à qui rien ne fait peur : une guitare sauvage, une voix sortie d’outre-tombe, un physique de géant tout droit sorti de Game of Thrones. Hourra, l’Europe tient là un bluesman capable de faire la nique aux Américains, pourtant certains d’être l’alpha et l’oméga de cette musique essentielle dans l’histoire du rock !

    Avec Lost Pearl, on vagabonde sur les routes terreuses du Tennessee ou de l’Alabama, sans oublier une bonne rasade de bourbon (Ginger Brandy Wine), idéal pour se délecter de ce voyage proposé par Bjørn Berge.

    Sa guitare sous amphétamines (The sun’s going down) atteint des sommets dans un album porté par ce Norvégien qui a été capable de mettre les États-Unis à ses pieds, grâce à son jeu à la fois virtuose et profond.

    Un physique de géant tout droit sorti de Game of Thrones

    L’histoire retiendra que le projet Who else? a commencé en 2014, interrompu par une parenthèse musicale avec le groupe Vamp, un pilier et une référence en Norvège.

    Outre des reprises de standard (Ace of spades de Motörhead ou Give it away des Red Hot Chilli Peppers, mais qui ne figurent pas dans l’album), Bjørn Berge endosse à merveille le costume de bluesman rockeur américain (The Calling), et ne jurerait pas en face de légendes américaines telles que ZZ Top (Mr Bones).

    Avec cet Européen venu du froid, le blues sort de ses retranchements en se teintant de pop et de country (It just ain’t so) ou rock (Speed of light, The sun’s going down).

    Mais Bjørn Berge sait aussi se faire guimauve avec la ballade Bitter sweet. Un peu de douceur portée par une voix musclée, ronde et rassurante. Du très grand art, mes petits amours.

    Bjørn Berge, Who Else?, Blue Mood Records /[PIAS], 2019
    Page Facebook de Bjørn Berge

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  • La grande Bleue

    Bleue marque le grand retour en français de Keren Ann : un vrai événement musical en soi, avec sa part d’incertitudes, pour ne pas dire de risques pour elle. Allions-nous y retrouver la sombre beauté et la richesse pop-folk de ce diamant pur qu’était La Disparition, sorti il y a plus de dix-huit ans ? Celle qui s’était fait connaître grâce au Jardin d’Hiver d’Henri Salvador avait ensuite choisi l’anglais pour la suite de sa production musicale – jusqu’à ce nouvel opus, donc.

    Bleue est, comme son nom l’indique, un album placé sous le signe de l’eau. Cette couleur imprègne les dix titres, dessinant comme autant de paysages aquatiques mais aussi personnels. Keren Ann chante "Le long fleuve ou on en voit les fous", le bleu de l’Île Prison ("Vu de l'extérieur / Sous mon soleil trompeur / Personne, hélas, ne pleure / Ton île prison"), les bains de minuit métaphysiques ("Nager la nuit / Dans une eau qui dort / S’étendre hors-circuit / Vers une vie off-shore", Nager la nuit), les abysses de la douleur dans Sous l’eau ("C'est beau / Sous l'eau / Quand le soleil splendide / Se jette dans le vide"), la quiétude marine des Jours heureux, sans oublier Bleu, qui donne le titre à l’album – à une lettre près.

    Un réel odyssée musical

    Bleue est un réel odyssée musical, pour reprendre un morceau de l’album (Odessa, Odyssée). Mais ce voyage est aussi et surtout intérieur et sentimental. Keren Ann porte, avec sa grâce délicate, sa voix fragile et des arrangements sonores d’une belle richesse harmonieuse, des mots où il est surtout question d’elle et de ses expériences : l’aliénation amoureuse (Le fleuve doux), la beauté (Bleu), les séparations inévitables (Le goût était acide, qui est une véritable confession parlée-chantée) ou impossibles (Nager la nuit), et finalement le bonheur des Jours heureux ("Ne vois-tu pas / Venir les jours heureux ? / Ils sont bien là / Et dire que l'on vivait sans eux / Jusque-là").

    Impossible de passer à côté du magnifique Ton Île prison qui, derrière le mélancolique rappel d’une séparation, choisit le règlement de compte cruel et acide : "Peut-être que cette terre / Dont tu te sens propriétaire / Est vraiment extraordinaire / Car elle est tellement populaire."

    Keren Ann propose également un étonnant duo mordant avec David Byrne, l’ex-Talking Heads. Reprenant un célèbre dialogue entre Winston Churchill et Lady Astor, le duo chante avec une amertume non teintée d’humour les amours impossibles et l’art "de souffrir en secret" à deux : "Si j'étais votre femme / Je mettrais du poison dans votre verre / Si vous étiez ma femme / Je le boirais" (Le goût d’inachevé).

    Vrai album de retrouvailles, Bleue est aussi l'opus d’une artiste majeure revenue sur les rives familières de celles et ceux qui avaient été transpercées par Le sable mouvant.

    Keren Ann, Bleue, 2019, Polydor, 2019
    http://www.kerenann.com

    Voir aussi : "Clara Luciani, La Femme libérée"

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  • Nous nous sommes tant aimés

    marie rault,roman,love story,histoire d’amour,lisbonneLe titre du premier roman de Marie Rault, Une prodigieuse Histoire d’Amour (éd. Le Lys Bleu), a le mérite d’intriguer en raison de son apparente banalité. Il est en tout cas fidèle à l’intention de l’auteure qui déroule une love story s’étalant sur une dizaine d’années – si l’on oublie le dernier et singulier dernier chapitre.

    Léa, la narratrice, est une manageuse dans un palace parisien. Cette professionnelle aguerrie est aussi et surtout une femme aux fêlures secrètes, à la fois assoiffée d’idéal amoureux mais ne croyant pas aux contes de fée : "Quand avait-elle cessé d’être une jeune femme comme les autres ? D’où lui venait cette inaptitude à la vie ? Ou plutôt cette nécessité du trop-plein de vie ? Cette frénésie de l’exception, cette boulimie de la tachycardie, cette addiction à l’absolu."

    La brillante responsable est envoyée à Lisbonne pour convaincre l’auteur à succès Pierre Capucin de tourner adaptation d’un de ses romans dans l’hôtel où elle travaille. Elle rencontre par là-même son écrivain fétiche ("Ses livres étaient pour elle une bouffée d’oxygène, un repère, une fenêtre nécessaire vers ceux de son espèce"). Entre les deux, le courant passe immédiatement : "Léa avait reconnu Pierre comme un de son espèce."

    Dix ans de la vie amoureuse d’une jeune femme de la génération Y

    Marie Rault aurait pu bâtir une simple histoire de fan concrétisant le rêve absolu de connaître intimement l’objet de sa passion. Au lieu de cela, l’auteure choisit habilement et subtilement d’arpenter les souvenirs de cette femme grande voyageuse et grande amoureuse.

    De Paris à Lisbonne, en passant par Pondichéry ou Barcelone, les temps et les lieux s’entrecroisent dans un bloc espace-temps insécable : la famille, les amis, les amants, les secrets, les maladies, les séparations et la mort sont vus à travers le prisme de la relation passionnelle entre Léa et Pierre.

    Marie Rault a fait le choix de chapitres courts et elliptiques pour écrire en moins de 120 pages dix ans de la vie amoureuse d’une jeune femme de la génération Y.

    L’ écriture délicate, précise et sans ostentation prouve la naissance d’une prometteuse auteure qui sera absolument à suivre : "Au milieu de la foule, elle chérissait le secret qu’elle portait. Elle avait l’impression d’être devenue une ombre, un fantôme. Pas quelque chose d’effrayant et d’étrange, plutôt une âme drapée de soie."

    Marie Rault, Une prodigieuse Histoire d’Amour, éd. Le Lys Bleu, 2019, 119 p.
    https://cassenoisette383.wixsite.com/marierault

    Voir aussi : "À la recherche du diable perdu"

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