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  • Le club des coureurs à la fin du monde

    D’emblée, le livre d’Adrian J. Walker, The End of the World Running Club (éd. Hugo), pourrait se placer dans la lignée du roman apocalyptique de référence, La Route de Cormac McCarthy : un pays plongé dans le chaos après un cataclysme planétaire (ici, une pluie de météorite), un homme contraint de survivre et tentant également de préserver son humanité grâce à un lien familial tenu.

    Là pourtant s’arrête la comparaison. Car lorsque McCarthy fait de son roman de science-fiction une œuvre métaphorique sur la condition humaine, Adrian J. Walker bâtit un thriller prenant à partir d’une idée simple mais diablement efficace : la lutte pour la survie se transforme en course à pied dantesque.

    Rien ne prédestinait pourtant le personnage principal, Edgar Hill, père de famille banal, débordé, sans grande ambition, et surtout pas sportif, à devenir à la faveur d’un désastre continental un héros capable de traverser l’Angleterre pour rejoindre femme et enfants.

    Le livre démarre de manière classique, à la manière de La Guerre des Mondes : une pluie de météorites s’abat sur une partie de la planète, plongeant du jour au lendemain la Grande-Bretagne dans un chaos inédit. Ed, informaticien de son état, réussit à mettre sa famille sous protection. Une caserne près d’Édimbourg abrite une poignée de survivants, s’organisant avec leurs moyens. Mais Lorsque Ed apprend qu’une évacuation est organisée vers la Cornouailles d’où doivent partir des bateaux, il est trop tard : sa femme et ses deux enfants sont partis avant lui en hélicoptère. Il prend la décision, avec quelques camarades d’infortune, de les rejoindre à pied : une course de 800 kilomètres à travers une Grande-Bretagne en ruine, peuplée d’habitants perdus ou de survivants regroupés en clans violents.

    Ce voyage apocalyptique dans un paysage à la Mad Max est un thriller efficace autant que la découverte des capacités d’un homme que rien ne destinait à vivre de tels événements.

    Adrian J. Walker, The End of the World Running Club, éd. Hugo Thriller, 2016, 558 p. 

     

  • Baigneuse sortant des eaux

    Regardez cette photo devenue culte dans l'art contemporain. Qu'y voyons-nous ? Sur ce cliché de la photographe néerlandaise Rineke Dijkstra, une jeune fille est saisie un jour de baignade. L'adolescente, en maillot de bain une pièce, se tient figée face à l'objectif, devant une plage déserte, un paysage aux contours imprécis, une mer agitée et un ciel grisâtre. Elle a l'apparence d'une adolescente frêle et timide. Sur sa peau blanche, des marques de bronzage se devinent et quelques mèches de cheveux s'agitent au vent. Son sourire est énigmatique et sa pose cambrée comme empruntée. À quoi pense-t-elle ? Son regard bleu soutient celui du spectateur sans rien dévoiler de l'expression de cette plagiste.

    Qu'est-ce qui a bien pu faire la postérité de ce cliché, le premier d'une longue série qui a mené la photographe Rineke Dijkstra sur des plages d'Europe et d'Amérique du Nord, sur les traces de jeunes baigneuses comme celle-ci ? Le modèle, une adolescente comme il en existe des millions d'autres dans nos contrées, n'est pas mise en valeur pour sa plastique et le cliché est dénué de tout érotisme.

    La scène racontée par Rineke Dijkstra est banale : la jeune baigneuse photographiée le 26 juillet 1992 sur une plage de Pologne (Kołobrzeg) aurait tout aussi bien pu être photographiée de nos jours, sans qu'aucun détail ne change. Alors d'où vient alors l'irrésistible attraction de cette scène ordinaire si elle ne vient ni du modèle ni de l'histoire racontée ? Peut-être justement à son intemporalité et à son classicisme.

    Classique, justement, est le sujet choisi par Rineke Dijkstra : une scène de bain. À ceci près que les artistes passés ont souvent représenté leur modèle nue et le plus souvent dans des poses érotiques. Tel n'est pas le cas, comme nous l'avons dit, pour cette photographie de 1992.

    naissancedevenus.jpgUne peinture est d'ailleurs emblématique de cette tradition : La Naissance de Vénus de Boticelli. Cette peinture profane représente un personnage mythologique, Vénus, sortant des eaux sur une coquille Saint-Jacques géante. Sous une pluie de roses, elle est accueillie sur une plage par, à sa droite, Zéphyr et sa femme Chloris, la déesse des fleurs, et à sa gauche par une des trois Heures personnifiant le printemps. L'observation de l’œuvre de Botticelli remet en perspective la photographie de Rineke Dijkstra. La fascination pour cette baigneuse polonaise prend ici tout son sens : l'adolescente polonaise en maillot une pièce, c'est Vénus.

    La similitude des deux modèles est flagrante : la pose déhanchée des personnages à la peau blanche, les boucles de cheveux agités par le vent, la main gauche posée sur une cuisse, jusqu'aux pieds de cette baigneuse polonaise reprenant dans un mimétisme troublant la posture de la Vénus renaissante. L'adolescente gracile devient sous l’œil de la photographe néerlandaise une jeune déesse, au milieu d'un paysage désert lui aussi "très renaissance" : l'effet vaporeux de la plage et de la mer n'est pas sans rappeler la technique du sfumato, chère à Léonard de Vinci.

    La jeune baigneuse de Rineke Dijkstra, vue et interprétée sous l'angle du tableau du tableau de Botticelli, devient une œuvre d'art fascinante et, du même coup, un classique de la photographie contemporaine.

    Dans le cadre du Festival Normandie Impressionniste, Rineke Dijkstra est une des artistes invitées par la Frac Haute-Normandie pour l’exposition "Portrait de l'artiste en Alter" à Sotteville-lès-Rouen, du 28 avril au 4 septembre 2016.

    Rineke Dijkstra, Kołobrzeg, Pologne, 26 juillet 1992
    Sandro Botticelli, La Naissance de Vénus, 1486, Florence, Galerie des Offices
    "Portrait de l’artiste en alter", FRAC Haute-Normandie, Sotteville-lès-Rouen
    du 28 avril au 4 septembre 2016, du mercredi au dimanche de 13H30 à 18H30, entrée libre

    © Rineke Dijkstra

  • Thibault Jehanne revisite Frits Thaulow

    thaulow,thibault jehanne,normandie,impressionnisme,caen,contemporainThibault Jehanne propose sa vidéo Éclipse dans le cadre de l'exposition Frits Thaulow, Paysagiste par nature (Musée des beaux-arts de Caen, 16 avril-26 septembre 2016). Cette œuvre d’un artiste contemporain normand propose un jeu de l’eau, de la lumière et du blanc, en référence au peintre impressionniste Frits Thaulow, à l'honneur pour le festival Normandie Impressionniste.

    Thibault Jehanne a choisi de travailler sur le thème des routes submersibles en Manche, filmées au petit matin. Éclipse vient offrir un clin d’œil et un hommage appuyé au travail de Frits Thaulow, le peintre de la lumière, de la neige, du blanc et de l’obscurité.

    Thibault Jehanne, Éclipse, au Musée des beaux-arts de Caen,
    jusqu’au 26 septembre 2016

    dans le cadre de l’exposition Frits Thaulow, Paysagiste par nature
    http://thibaultjehanne.fr
    "Frits Thaulow, un bobo chez les impressionnistes"

  • Frits Thaulow, un bobo chez les impressionnistes

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    Il y a sans nul doute urgence à découvrir l’exposition qui lui est consacrée : Frits Thaulown Paysagiste par Nature, jusqu’au 26 septembre 2016. D’abord parce qu’il s’agit de la plus importante rétrospective en France de cet impressionniste : dans le cadre de Normandie Impressionniste, le musée des beaux-arts de Caen présente 61 œuvres, issues pour la plupart de la Galerie Nationale d’Oslo. Ensuite parce que Thaulow offre le visage d’un artiste à la fois attachant et proche de nous. Son ami et peintre Christian Krohg dit de lui en 1874 : "C’est un type épatant, le seul parmi les peintres ici chez qui on trouve un peu d’humour et d’amabilité. En revanche, les autres sont de tristes sires tout autant qu’ils sont."

    thaulow,monet,boudin,bjørnstjerne bjørnson,christian krohg,oscar wilde,normandie,caen,impressionnisme,carl frederik sørensen,budde,diaghilev,strindberg,bernhardt,montesquiou,quentin de la tour,chardin,nattier,lowell birge harrison,le sidaner,liebermannVisionnaire, sociable, amoureux de la France, Thaulow a été un artiste moderne, travaillant avec un agent et revendiquant un mode de vie à la fois sophistiqué et attaché à une forme d’écologie : un bobo du XIXe siècle, en quelque sorte ! Comme ses homologues impressionnistes, le peintre norvégien représente les petites gens de son époque : ouvriers, pêcheurs, dockers ou bergers. Mais cette société n’est pas peinte avec misérabilisme. Thaulow y décrit le bien-être, l’intimité de ses habitants, la beauté simple de la nature (Journée d’été, 1881) et un certain art de vivre norvégien.

    L’exposition temporaire s’ouvre sur une toile certainement emblématique de l’homme, Sillage d’un Paquebot (vers 1898). Cette huile est moins à voir comme une peinture de marine que comme l’expression d’un voyageur, un artiste ayant parcouru le monde au point d’avoir été internationalement connu à son époque. L’artiste a choisi de représenter, dans cette petite toile, non le bateau en lui-même mais son sillage évanescent : "Je suis resté longtemps à regarder l’océan. Les larges masses d’écume s’élargissaient en lignes merveilleuses et en masses décoratives semblables à des dalles de marbre noir et blanc, polies par les flancs durs du navire" raconte-t-il.

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    Car les influences de Thaulow sont d’abord à chercher du côté de ses compatriotes : Sørensen, je l'ai dit, mais aussi Hans Budde. Le jeune peintre est marqué par le courant naturaliste de ce dernier. Pour ses premières œuvres, il cherche à transmettre le réalisme de ses sujets et de ses matières, utilisant des teintes grises et brunes. En Norvège, Thaulow est également en contact avec un autre de ses condisciples, Edvard Munch. Le musée des beaux-arts de Caen présente une des toiles de l’auteur du Cri : Saxegådsgate (v. 1882).

    En 1872, Thaulow s’arrête dans un modeste village de pêcheur, Skagen, pour représenter la vie simple de ses habitants (Le Cotre Liberté, 1872), à la manière d’Eugène Boudin : larges touches de pinceau, teintes grises du ciel, personnages à peine esquissés. En Norvège, c’est à la vie de ses contemporains qui l’intéresse : Le Retour des Pêcheurs, à Skagen (1879), Rivage (1879) montrant l’embouchure de la rivière Ogna dans la mer à Jæren. Thaulow s’affirme comme un dessinateur et un coloriste hors pair lorsqu’il représente le port de Christiana (Revierhavnen, 1881).

    En 1874, Thaulow découvre la France, un pays qu’il arpentera toute sa vie : Normandie, Bretagne, Picardie ou Paris. Il ramène de ses voyages des représentations de paysages et de côtes : Montreuil-sur-Mer dans le Pas-de-Calais, les rives de la Somme en Picardie, la Dordogne en Corrèze, la Seine à Paris de 1892 à 1893 ou Quimperlé dans le Finistère (Le Soir à Quimperlé, Bretonne sur le Pont, v. 1901-1902).

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    Influencé par l’école pleinairiste, Thaulow suit l’exemple de ses contemporains impressionnistes, Monet en premier lieu : il peint d’après nature, en plein air, et s’impose comme un coloriste passé maître dans l’art de reproduire les teintes aquatiques bleutées : "Je ne vois qu’un homme qui sache dessiner l’eau comme Boecklin, l’architecture des vagues, le remous des ondes. j’ai nommé : Thaulow" dit à son sujet Robert de Montesquiou en 1897. Thaulow impressionne littéralement lorsqu’il représente les remous d’un moulin à eau (Moulin à Eau, 1892) le bouillonnement d’une rivière à Manéhouville (v. 1897) ou l’écume des vagues sur une plage à Dieppe (v. 1899). 

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    Après 1886, s’ouvre une période artistique marquée par le pastel, une technique qui avait été en vogue au cours du XVIIIe siècle (Quentin de La Tour, Chardin, Nattier), avant d’être boudée au tournant du XIXe siècle. Il revient en force grâce à Boudin et Millet. Frits Thaulow s’y intéresse à son tour. L’artiste voit tout l’apport du pastel, moyen d’expression énergique, nerveux et d’une rare expressivité grâce aux contrastes saisissants qu’il offre. Mais Thaulow y apporte sa patte. Il représente des canaux, des vues marines (Un Îlot en pleine Mer, 1890), des paysages enneigés (Effet de Neige, Norvège, 1904) et parvient à traduire les effets de matières, de reflets, de lumières et d’eaux. Il sait jouer des contrastes pour représenter les nuits les plus sombres, éclairées de quelques lampadaires et peuplées d’arbres d’un vert tranchant, ectoplasmes inquiétants.

    thaulow,monet,boudin,bjørnstjerne bjørnson,christian krohg,oscar wilde,normandie,caen,impressionnisme,carl frederik sørensen,budde,diaghilev,strindberg,bernhardt,montesquiou,quentin de la tour,chardin,nattier,lowell birge harrison,le sidaner,liebermannLe royaume de la nuit est d’ailleurs l’univers de Thalow, ce que montre aussi l’exposition de Caen en consacrant une "Section nocturne". Au cours de ses voyages, l’artiste a posé son chevalet dans des lieux plongés dans l’obscurité. Et c’est au clair de lune ou bien éclairé d’une lampe à acétylène, à la lumière blanche caractéristique, que Thaulow a produit parmi les toiles les plus emblématiques de sa carrière prodigieuse : que ce soit cette Bretonne à la coiffe traditionnelle traversant un pont de Quimperlé (1901-1902), ce Cheval blanc sous un clair de lune (v. 1900) ou une vue le Soir à Dieppe (v. 1894-1898).

    Frits Thaulow est présent à Caen jusqu’au 26 septembre, en compagnie d’autres artistes de son époque : Eugène Boudin, Lowell Birge Harrison, Christian Korhg, Henri Le Sidaner, Max Liebermann, Claude Monet ou Edvard Munch. C’est l’occasion de découvrir l’un des artistes les plus attachants du XIXe siècle.

    Frits Thaulow, Paysagiste par nature, Musée des beaux-arts de Caen, 16 avril-26 septembre 2016
    Avec un espace pédagogique et ludique pour les enfants
    Collectif, Frits Thaulow, Paysagiste par nature, éd. Snoek, 2016
    Normandie Impressionniste

    Alfred Roll, Le Peintre Frits Thaulow et sa femme Alexandra, 1890,
    Petit Palais, Musée des Beaux-arts de la Ville de Paris
    Frits Thaulow,
    Une Rue à Christiana (détail), 1880, Oslo, Bymuseum
    Frits Thaulow,
    Monticule rocheux, motif de Kragerø, 1882, Göteborgs kunstmuseum
    Frits Thaulow,
    Le Havre : Marée basse, 1877, Thiers, Musée de la Coutellerie
    Frits Thaulow,
    La Rivière Simoa en Hiver (Modum), 1883, Oslo Nasjonalgalleriet
    Frits Thaulow,
    Le Soir à Quimperlé. Bretonne sur le Pont, 1901-1902, Royaume-Uni, collection particulière

  • Les jeux olympolitiques

    Alors que le compte à rebours vient de commencer avant le début des Jeux Olympiques de Rio de Janeiro, l’essai de Pascal Boniface, JO politiques (éd. Eyrolles), vient nous rappeler la tarte à la crème que constitue le discours sur l’apolitisme de la vénérable institution olympique. L’auteur, directeur de l’IRIS (Institut de Relations Internationales et Stratégiques) affirme en introduction le rôle géostratégique majeur (et inavoué) du CIO qui a démontré, à plusieurs reprises, son influence positive ou négative sur les nations, ne serait-ce que par l’attribution de l’organisation des jeux à tel ou tel pays.

    A ses débuts, la désignation d’une organisation tournante des JO tous les quatre ans n’est pas allée de soi. Lorsque le baron Pierre de Coubertin relance les jeux olympiques après quinze siècles de sommeil (ce n’est du reste pas la première tentative), c’est tout naturellement vers la Grèce que les regards se portent. Le pays de Périclès, très en vogue en raison de fouilles archéologiques qui passionnent le public, organise la première Olympiade en 1896. Le pays de naissance de l’olympisme souhaite, malgré le succès relatif de cette première édition, continuer à organiser les olympiades suivantes, ce que le CIO refuse. Et c’est la ville Paris qui prend la suite en 1900. En 1908, Saint-Louis organise les fameux "jeux de la honte", en raison du refus de la participation de compétiteurs noirs. La question raciale va d’ailleurs être la grande affaire du CIO pendant tout un siècle : quelques décennies après Saint-Louis, viendront les jeux décriés de 1936 à Berlin durant la période nazie, la gestion de l’Apartheid sud-africaine après 1948 ou la revendication du black power lors des JO de Mexico en 1968.

    Pascal Boniface relate les tensions géopolitiques de plus d’un siècle d’Olympisme. Il rappelle aussi que le discours du CIO au sujet de son apolitisme est, dès le départ, erroné voire "hypocrite" : lorsque Pierre de Coubertin créé les JO, "il le fait dans un but d’éducation populaire (…) afin d’aider son pays "à concurrencer l’Angleterre sur le plan sportif" mais également "insuffler aux jeunes Français un esprit de compétition, notamment afin de rattraper l’Allemagne." L’Olympisme est à demi-mot au service d’un certain patriotisme… français.

    Devenus très tôt internationaux (à Stockholm en 1912, selon l’auteur), les jeux deviennent aussi une vitrine des nations. Tous les quatre ans, les jeux constituent moins une période d’apaisement mondial qu’un lieu où peuvent s’exacerber les revendications nationalistes voire politiques : en 1928 aux JO d’Amsterdam, c’est le retour de l’Allemagne sur le devant de la scène après la parenthèse de la première guerre mondiale ; en 1936 à Berlin, Hitler fait de ces jeux populaires un outil de propagande pour le régime nazi (en dépit des performances de l'athlète noir américain Jesse Owens) ; à partir de 1952 à Helsinki, les JO sont organisés en pleine guerre froide et deviennent un terrain d’affrontement idéologique entre l’ouest et l’est ce qui sera le cas pendant quarante ans ; Munich en 1972 est marqué par l’attaque terroriste palestinienne contre des athlètes israéliens et, plus près de nous, en 2008, les JO de Pékin voient la Chine se montrer en superpuissance mondiale sportive mais aussi politique.

    Pascal Boniface s’arrête sur quelques événements majeurs pour étayer sa thèse concluante d’un CIO acteur des rivalités géopolitiques. De passionnantes pages relatent les boycotts successifs que de nombreux pays ont pu utiliser dans le cadre de l’olympisme : le boycott de Moscou en 1980 par les pays alliés des États-Unis seront suivis par ceux des pays sous sphère soviétique lors des JO de Los Angeles en 1984. Pascal Boniface rappelle également que les jeux de Pékin en 2008 voient ressurgir la question du boycott, mais sans succès car au final improductif : "L’attractivité du sport et des JO est telle qu’on est sûr de faire parler de soi en appelant au boycott."

    Véritable soft power, décrié pour son aveuglement voire sa complicité à l’égard de régimes criminels, le CIO véhicule aussi une force d’influence qui peut être positive : après 1945 en mettant la pression sur l’Afrique du Sud et son régime d’Apartheid, durant la décolonisation "comme instrument d’émancipation des colonisés", en 2008 en offrant à la Chine un moyen d’ouvrir la société civile un peu plus au monde ou en 2012 en permettant à des femmes musulmanes (certes voilées, ce qui a suscité une vive polémique) de participer à des jeux.

    Incroyable machine sportive universelle (avec son corollaire : argent, scandales, manipulations politiques, et cetera), le CIO s’affirme comme un véritable État sans frontière, renaissant tous les quatre ans pendant un mois, à chaque fois dans une ville différente.

    Malgré l’absence d’analyse des jeux d’hiver, Pascal Boniface dresse un tableau concluant de l’olympisme politique, alors que les JO de Rio s’annoncent d’ores et déjà menacés par le djihadisme international.

    Pascal Boniface, JO politiques, éd. Eyrolles, 2016, 202 p.

  • Gustave Caillebotte, découverte d’un géant de l’impressionnisme

    1- Gustave Caillebotte, Portrait de l'artiste, vers 1889 -Huile sur toile, 40,5 x 32,5 cm -Paris, musée d'Orsay, RF 1971 14.jpgLongtemps considéré comme un peintre amateur, collectionneur et mécène de ses amis, Gustave Caillebotte apparaît aujourd’hui comme l’une des figures majeures du groupe impressionniste. Célèbre pour ses compositions inspirées du Paris d’Haussmann, il a consacré une part importante de sa production à l’évocation des jardins.

    Au musée des impressionnismes Giverny, une centaine d’œuvres, peintures et dessins, seront réunies pour évoquer cet aspect de son art.

    Exposition organisée en collaboration avec le Museo Thyssen-Bornemisza de Madrid.

    Caillebotte, peintre et jardinier, Musée des impressionnismes,
    Giverny, 25 mars – 3 juillet 2016

    Normandie Impressionniste

    Gustave Caillebotte, Portrait de l'artiste, vers 1889, Paris, musée d'Orsay
    © RMN-Grand Palais, Photo Martine Beck-Coppola

  • Les deux manières de lire Driven

    driven,bromberg,new romance,sexeIl y a sans doute deux manières de lire Driven. La première pourrait être réservée aux millions de fans de cette trilogie de new romance : poursuivre la lecture des aventures sulfureuses de Rylee Thomas et Colton Donovan à travers un quatrième opus (ou plutôt une saison 3.5 pour reprendre le sous-titre de Driven – Raced). Ce tome rassemble en effet des scènes complémentaires des trois premiers volumes, Driven, Fueled et Crashed, que les amoureux de K. Bromberg retrouveront avec plaisir.

    La seconde manière pourrait être celle d’un nouveau lecteur désireux de découvrir cette trilogie à succès : Raced peut en effet être parcouru chapitre par chapitre parallèlement lors de la lecture de chacun des trois tomes précédents. Voilà une manière originale de se plonger dans cette oeuvre de new romance. Et pourquoi pas ? Après tout, "la vraie vie commence au-delà de la limite de ta zone de confort", pour reprendre une citation de la romancière américaine.

    Soyons clair. Raced n’est pas stricto sensu un roman. Il s’agit autant d’une parenthèse littéraire à destination des fans de Driven que d’un projet éditorial autant qu’artistique. K Bromberg a choisi, dit-elle en préambule, d’écouter ses lecteurs – ou ses lectrices pour être plus exact : "J’ai décidé de me lancer un défi à moi-même… J’ai fait une sélection drastiques des scènes à réécrire." L’auteure américaine a pioché dans Driven, Fueled et Crashed ses scènes favorites, ainsi que celles de ses admiratrices consultées via son blog. À l’instar de Grey de EL James, K Bromberg revisite des passages de sa trilogie en se plaçant du point de vue du personnage principal masculin, Colton Donovan.

    Fans de Driven, vous vous retrouverez plongés dans un univers familier. Nouveaux lecteurs et curieux, Raced offrira une manière alternative de découvrir la trilogie à succès de K Bromberg, best-seller sur la liste du New York Times et de USA Today.

    K Bromberg, Driven, Raced, saison 3.5, éd. Hugo Roman, 2016, 230 p.
    http://www.kbromberg.com
    K. Bromberg sur Instagram

  • Sage et libre comme un poisson rouge

    chine,cailliau,lao-tseu,confuciusC’est à l’occidental que nous sommes que s’adresse Hesna Cailliau dans son court essai Le Paradoxe du Poisson rouge. L’auteure précise en début d’ouvrage que cet animal ne désigne pas le poisson que nous avons l’habitude de voir tourner dans un bocal mais la carpe koï, populaire en Chine, omniprésente dans les bassins et les rivières et d’autant plus respectée qu’elle a l’apparence d’un dragon, animal sacré.

    Mais quelles vertus a donc ce poisson rouge qui pourrait nous rapprocher d’une forme de sagesse ? Animal élevé et consommé, symbole de prospérité (poisson se dit chin-yu, littéralement "or" et "prospérité"), la carpe évoque également huit vertus menant à la réussite. À cela s’ajoute la couleur rouge, sensée éloigner les démons et symbole de vie et de force créatrice. Ce poisson rouge personnifie à merveille pour Hesna Cailliau la manière dont le Chinois pense et vit : "comme un poisson dans l’eau", il se meut sans difficulté même dans les mers les plus agitées. Il ondule entre les rochers et peut profiter des vagues porteuses.

    En huit chapitres (un chiffre symbolique, sensé porter chance dans la tradition chinoise, comme il est rappelé), Hesna Cailliau développe ce que sont ces huit vertus de la carpe koï, des vertus qui permettent de comprendre la culture et le mode de pensée chinois : ne se fixer aucun port (le refus de l’attachement à tel ou tel modèle) ; ne viser aucun but et s’adapter ("La carpe koï montre au Chinois que le chemin ne doit jamais être tracé d’avance") ; vivre dans l’instant présent ("Le futur est aléatoire, le passé est dépassé, la seule réalité est ici et maintenant" selon un principe énoncé par Bouddha) ; ignorer la ligne droite, adopter l’art de l’esquive, éviter l’affrontement et préférer la ligne de conduite du compromis (une très belle citation vient illustrer le chapitre qui est consacré à cette vertu : "L’arbre tordu vivra sa vie, l’arbre droit finira en planches") ; se mouvoir avec aisance dans l’incertitude, ligne de conduite pour tracer soi-même son chemin ("Celui qui sait ce qui est bon pour les autres est un être dangereux") ; vivre en réseau à l’exemple des Chinois préférant la conscience collective à l’individu, un mode de vie qui va loin dans la transformation sociale et politique ("Le souverain est comparable à un bateau, le peuple à l’eau. C’est l’eau qui porte le bateau ou le fait chavirer") ; rester calme et serein ("Le plus beau jour de ma vie est lorsque mon âme n’est pas encombrée de pensées parasites" selon Lao-tseu) ; remonter à la source est la huitième de ces vertus, une vertu à la fois pédagogique et métaphysique ("L’homme n’est pas seulement fils de la Terre, mais aussi fils du Ciel" pour Confucius).

    Avec justesse et clarté , l’auteure nous fait entrer dans le cœur du mode de pensée d’une culture que nous connaissons bien mal, lorsque nous n’en pervertissons pas le sens. Le Paradoxe du Poisson rouge est à voir finalement moins comme un livre de développement personnel que comme un ouvrage servant de passerelle entre deux univers : le monde occidental d'une part, modelé par la Raison, l’individu et une philosophie de combat et la culture chinois d'autre part, multimillénaire invitant à l’adaptation permanente dans un monde agité, l’échange, le refus de l’attachement à une vérité immuable mais aussi la sérénité et l’altruisme.

    En illustrant ses propos de citations venues d’Asie mais aussi de textes religieux chrétiens et de philosophes occidentaux (Nietzsche, Edgar Morin ou Descartes), Hesna Cailliau invite le lecteur français non à renier sa culture mais regarder du côté d’une civilisation plus ancienne que la nôtre pour trouver des solutions aux crises qui secouent le monde et nos existences : se donner la possibilité d’observer et de changer loin d’un modèle pré-établi afin de pouvoir évoluer librement et se mouvoir.

    Pour citer l'auteure, il est sans doute utile de réveiller le Chinois qui sommeille en nous.

    Hesna Cailliau, Le Paradoxe du Poisson rouge (Une voie chinoise pour réussir),
    éd. Saint-Simon, 2015, 140 p.
    "Confucius, l'anti-Hegel"