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Au Café Gran Tortoni, en plein cœur de Buenos Aires, un jeune homme attend d’être reçu par un maestro du tango afin de devenir son élève. En attendant ce rendez-vous qui va changer sa vie, Mina, une serveuse et danseuse, le prend son son aile en lui présentant les personnages gravitant autour d’elle, dans un café tout entier dévolu à la plus sensuelle des danses.
Le tanguero novice découvre et écoute ces histoires argentines, comme autant de récits d’initiation.
Des récits d'initiation
Dans les 110 pages d’une BD entièrement consacrée au tango, Philippe Charlot et Winoc mettent en image des destins incroyables : dans les années 30, un acteur trouve le succès puis le malheur grâce à un texte révolutionnaire de Jorge Luis Borges ; sur la Plaza de Mayo, un payador, troubadour et chanteur de tango, débarque de la pampa pour défier Carlos Gardel ; un autre chanteur raconte dans quelles circonstances il a gagné un concours hors du commun organisé par une certaine mademoiselle Magdalena ; il est également question d’un bandonéon apporté par une jolie factrice d’accordéon, d’un danseur doué mais désargenté empêtré dans une histoire de vol et d’amour, d’un flirt hors du temps entre deux retraités et d’un fantôme errant dans les salles du Gran Café Tortoni.
Les amoureux du tango adoreront cette bande dessinée au scénario envoûtant. Les autres se laisseront transporter par ces histoires dont le fil conducteur est une danse et une musique, et qui invitent à écouter ou réécouter le Volver de Carlos Gardel : "Volver con la frente marchita / Las nieves del tiempo platearon mi sien / Sentir que es un soplo la vida / Que veinte años no es nada."
Philippe Charlot et Winoc, Gran Café Tortoni, tome 1, éd. Bamboo, 2018, 110 p.
Le Ciel ne te doit rien, dont les premiers chapitres sont en ligne ici, peut être qualifié de roman-feuilleton 3.0 et de "work in progess" dont l’ambition artistique mérite que l’on s’y arrête.
La démarche de l’auteure est au départ de s’émanciper des moyens de publications classiques, que l’artiste elle-même juge "très décevants". L’Internet offre à cet égard de multiples avantages : universalité, gratuité et facilité d’utilisation.
Depuis la mi-février, Céline Guarneri propose chaque semaine un chapitre supplémentaire de son polar Le Ciel ne te doit rien. Pour une fois, le bloggueur parlera d’un roman qu’il n’a pas terminé – et pour cause : la publication est en cours et va s’étaler sur plusieurs mois, en attendant une publication à la demande.
Le roman a pour cadre Lyon, une ville que connaît bien l’auteure et qui, dit-elle, "se prête bien aux enquêtes policières". L’histoire – dont on devine qu’elle naviguera entre Lyon et l’Argentine – commence par un attentat et l’enlèvement non moins mystérieux d’une femme. Tony Hujarova, un capitaine de police désabusé est témoin de l’événement, tout comme Amélie, une femme qu’il a houspillée quelques minutes plus tôt. Au même moment, dans un hôpital psychiatrique, Camille, une jeune patiente atteinte d’une lourde dépression et d’amnésie, défie les psychiatres. Lorsqu’elle croise par hasard Estefan Belén, un danseur de tango, un déclic s’opère chez la jeune femme. La suite, le lecteur le découvrira tout au long des semaines qui verront la mise en ligne des chapitres de ce roman mené tambour battant.
Dans les premières lignes de cet article, il était question de work in progress. Nous pourrions préciser : "work in progress augmenté". Céline Guarneri se lance en effet dans une aventure artistique inédite qui entend dépasser le strict cadre du roman policier : "Le but... est d'inviter d'autres artistes (photographes, dessinateurs, danseurs) à interagir avec le texte et à créer une autre matière à partir de l'histoire. La co-création sera ainsi au cœur de ce nouveau projet", explique l’auteure. Son pedigree lui offre d’ailleurs de sérieux atouts pour une telle démarche car, non contente d’avoir publié de manière traditionnelle romans, théâtre, contes pour enfants et d’avoir été remarquée pour plusieurs nouvelles (lauréate en 2000 du concours "Lire en fête" pour son texte Les femmes et le XXème siècle et primée pour Le héros en littérature dans le cadre de l'émission littéraire "Vol de Nuit" animée par Patrick Poivre d'Arvor), Céline Guarneri est une artiste dotée de multiples facettes : comédienne, réalisatrice, danseuse de tango (le tango tient d’ailleurs une place importante dans Le Ciel ne te doit rien), journaliste ou community manageuse.
Umberto Eco avait traité d’œuvre ouverte dans un de ses premiers essais (L'Oeuvre ouverte, 1965). C’est également d’une œuvre ouverte dont il est question ici. Céline Guarneri voit ce roman policier, à la facture classique qui ne décevra pas les amateurs du genre, le premier jalon d’une œuvre totale mêlant musiques, photos (par exemple via une ou plusieurs expositions), danses (le tango, toujours), vidéos (un teaser est en ligne) voire – c’est un souhait affirmé de l’auteure – patrimoine historique à travers des visites de la ville de Lyon. Le texte lui-même est appelé à se transformer au fur et à mesure de la publication sur le web grâce au concours des internautes qui souhaitent le faire évoluer dans un sens ou dans un autre. Céline Guarneri "revendique ainsi une démarche éditoriale qui vise à faire bouger les lignes pour montrer qu'édition traditionnelle et autoédition ne sont pas incompatibles, s'enrichissent et se servent l'une l'autre. Une façon de les réconcilier à travers de nouvelles formes de passerelles et de collaborations".
Ce roman-feuilleton enrichi, work in progress augmenté, n’attend plus que toi, lecteur et internaute, pour vivre et devenir une œuvre totale.