Musique ••• Contemporain ••• Caroline Leisegang, Comes The Night, A reintroduction of Caroline Leisegang
Tous Charlie ?
Une forme d'unanimité a suivi l'attentat du 7 janvier 2015 contre Charlie Hebdo, unanimité qui a été illustrée par ce slogan quasi spontané : "Je suis Charlie".
Une unanimité que les survivants de la revue satirique ont salué avec émotion mais aussi aussi avec une amertume compréhensible. La journaliste Zineb, qui n'était heureusement pas présente lors du tragique comité de rédaction, n'a pas manqué de se féliciter de ce soutien universel, tout en regrettant qu'il vienne bien tardivement et après la mort de douze personnes dans les conditions tragiques que l'on sait. Un des autres rescapés, le dessinateur Luz, va plus loin, considérant que les manifestations monstrueuses vont "à contre-sens de Charlie".
"Je suis Charlie" ont proclamé des millions de personnes en France et dans le monde ; or, force est de constater que cela n'a pas été toujours le cas.
Il est certain que dans la période pré-7 janvier, l'hebdomadaire s'est trouvé bien seul dans son combat quotidien pour la liberté de la presse. Ainsi, lorsque Charlie Hebdo a publié en 2005 les caricatures de Mahomet du journal danois Jyllands-Posten, un certain nombre de voix ont critiqué son "manque de responsabilité". Hommes publiques, organisations religieuses et même l'Union européenne, ont pu être coupables d'une forme d'aveuglement et de mansuétude pour les adversaires (religieux) de Charlie. Le procès de 2007 contre le journal, intenté par le Conseil Français du Culte Musulman (CFCM), n'a pas conduit à voir les représentants publiques et républicains se lever vent debout pour défendre Charlie. Loin s'en faut !
Lors du procès de 2007, ce qui était demandé par les accusateurs du titre était un respect des croyances religieuses (dit autrement, un délit de blasphème !). Or, ces respects, un journal laïc et satirique au nom de l'impertinence, du rire et de l'engagement contre les idéologies, ne pouvait et ne peut pas l'accepter ! Comme le soulignait lors de sa plaidoirie Richard Malka, l'avocat de Charlie, le magazine d'information satirique s'est en tout temps attaqué aux idéologies religieuses, qu'elles soient chrétiennes, juives ou musulmanes. Or, il démontrait que non seulement l'Islam n'avait pas été – et de loin – la religion la plus moquée mais qu'en outre elle demandait une forme de "régime d'exception"... Inacceptable!
La publication en novembre 2011 du hors-série Charia Hebdo a été marquée par un cran supplémentaire dans la violence à l'encontre du journal : incendies des locaux, piratage de son site Internet, menaces de mort de ses responsables. "Tous Charlie" après ce nouveau coup contre la liberté de la presse ? Pas totalement. Ainsi, à l'époque, tout en condamnant cet attentat et en proclamant le principe de laïcité et de liberté de presse, le premier ministre de l'époque, Jean-Marc Ayrault, mettait en garde contre "tout excès" et en appelant à "l'esprit de responsabilité de chacun". Suivez mon regard...
Un peu plus de trois ans plus tard, un stade inédit a été franchi, plongeant notre pays dans l'effroi et la colère. "Je suis Charlie" ont – enfin ! – proclamé quasi unanimement les citoyens et responsables du pays. Quasi unanimement car, outre un groupe minoritaire intitulé "Je ne suis pas Charlie", un homme politique s'est désolidarisé du mouvement général. Jean-Marie Le Pen, le fondateur et président d'honneur du Front National a déclaré publiquement : "Et bien moi, je suis désolé, je ne suis pas Charlie. Et autant je me sens touché par la mort de douze compatriotes français dont je ne veux même pas savoir l'identité politique, encore que je la connaisse bien, qu'elle soit celle d'ennemis du FN qui en demandaient la dissolution par pétition il n'y a pas tellement longtemps."
Preuve supplémentaire que le parti d'extrême-droite n'est pas tout un fait un parti comme les autres. Mais ceci est une autre histoire.
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