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Au départ d'Iphigénie d’Europe il y a eu un défi : écrire une pièce de théâtre burlesque en vers de douze pieds sur un sujet très actuel : le libéralisme économique et la mondialisation.
Ce postulat de départ n’est pas si étonnant qu’il n’y paraît : les drames de Racine ou de Corneille n’ont-ils pas pour toile de fond une guerre ? Et aujourd’hui la mondialisation n’est-elle pas une forme de guerre, moins sanglante certes mais tout aussi brutale ?
Le mythe de la Guerre de Troie a été choisi comme modèle pour cette tragi-comédie.
Iphigénie d’Europe se déroule de nos jours dans une entreprise informatique. Achille, son président, se voit proposer la veille de son mariage avec Hélène une alliance avec un de ses concurrents Jan Patrocle. L’objectif est in fine de conquérir le marché chinois. Hésitant d’abord, Achille finira, sous la pression d’Hélène, par accepter une fusion amicale. Ce sera le départ d’une catastrophe qui balaiera sur son passage destins, rêves et espoirs. Emportés par la fièvre de l’argent et du pouvoir, à l’époque du libéralisme triomphant, chaque personnage montrera finalement son vrai visage : le visage de ce que l'on pourrait nommer "des animaux économiques" !
Au cœur de cette lutte, il y a aussi un double triangle amoureux – Achille-Hélène-Jan Patrocle d'une part et Hélène-Iphigénie-Ulysse d'autre part – triangle dans lequel l’argent est l’épicentre.
Cette tragi-comédie est autant une réécriture de la Guerre de Troie qu'un hommage au théâtre, hommage où le pastiche n’est jamais très loin : de la tragédie classique au théâtre de l’absurde en passant par la comédie musicale, la poésie homérique, la création contemporaine (Joyce, Beckett ou Pinget), la danse ou la farce. Le chant épique côtoie la comptine et la lamentation amoureuse peut surgir après une déclaration des plus prosaïques, sur une recette de cuisine par exemple.
Cela se passera le mercredi 11 novembre à La Quincaillerie... Ou, plutôt : non. Crise sanitaire oblige, ce sera sur Internet. Au grand dam des artistes et de tout ce que la France compte de professionnels ou amateurs en spectacle, le nouveau café-théâtre de la cité vendéenne doit fermer ses portes, lui aussi, mais il ne s’arrête pas pour autant.
La troupe locale Tricot Combo s’adapte et proposera un téléspectacle en live le mercredi 11 novembre à 19h30 depuis La Quincaillerie. Une soirée théâtre depuis son canapé, avec plaid, apéro et lumières tamisées ? Et pourquoi pas ? La représentation se produira sur la scène du café-théâtre des Herbiers et sera diffusée en direct live sur les réseaux sociaux de La Quincaillerie.
Pour cette e-aventure théâtrale du 11 novembre, Les quatre compères du Tricot Combo promettent d’embarquer le public dans un univers aussi chaleureux que leur tricot de laine bariolé. Ils ne perdent pas de vue leur mission : trouver le meilleur public au monde. Rien que ça. Musiciens, comédiens, chanteurs… Inclassables, universels, Tricot Combo régale "large" avec une panoplie de gags improbables.
Ce sera à découvrir à la maison… depuis la Quincaillerie des Herbiers.
Il est bien entendu important de parler de théâtre en cette période de crise sanitaire. Et si les scènes restent fermées et confinées, il reste heureusement le livre.
L’un des meilleurs dramaturges contemporains, Wajdi Mouawad, est l’auteur de Tous des Oiseaux (éd. Babel), l’une de ses œuvres les plus marquantes. Découvrir son drame en texte garde sa puissance, même si évidemment rien ne vaut son adaptation sur scène. Il faut d’emblée préciser que Wajdi Mouawad avait prévu d’emblée que sa pièce soit jouée dans la langue de ses personnages – à savoir en allemand, en anglais, en arabe et en hébreu. Ce grand drame sur le thème du choc des cultures, des générations mais aussi des mémoires a été imaginé au début des années 2000, après les attentats du 11 septembre 2001.
Tous des Oiseaux commence comme une histoire d’amour à la Roméo et Juliette : Eitan, l’étudiant juif, et Wahida, une jeune Palestinienne, se rencontrent dans une bibliothèque américaine et tombent amoureux. Tout se brise cependant lors d’un voyage au Moyen-Orient : un attentat terroriste palestinien entre Israël et la Jordanie blesse gravement Eitan. C’est dans une chambre d’hôpital que Wahida vient le veiller alors que le jeune homme se trouve entre la vie et la mort. La famille du blessé est prévenue et se dépêche sur les lieux. Les parents et les grands-parents d’Eitan, des juifs vivant en Berlin, rejoignent la jeune Arabe. Au pied du malade, les personnages parlent et s’affrontent autour de leur identité, de leur passé, de leur culture, de l’amour du jeune couple mais aussi des traumatismes et des secrets de famille.
Pièce de l’universalité à plus d’un titre
Wajdi Mouawad a diviser son drame en quatre actes – "Oiseau de beauté", "Oiseau du hasard", "Oiseau de malheur" et "Oiseau amphibie". Des oiseaux qui sont aussi dans le titre de la pièce. Ces oiseaux perdus sont ces personnages déracinés et meurtris par leur passé – ici, la Shoah ; là, les guerres israélo-palestiniennes – qu’Etgar, le grand-père, énonce ainsi : "J’étais le dernier d’une lignée d’oiseaux sans port, sans branche, sans rien, moi le petit survivant." L’apparition à la fin de la pièce de Wazzân, personnage historique apparaissant tel un fantôme, déclame un conte animalier dans lequel un oiseau se fait amphibie pour se fondre parmi les poissons, ces étrangers ("Je suis l’un des vôtres").
Pièce de l’universalité à plus d’un titre, Tous des Oiseaux entend dépasser l’idée de séparation entre cultures. Wajdi Mouawad a fait le choix de ne pas rester sur cette histoire d’amour entre un Juif et une Arabe, mais d’invoquer les liens familiaux, les aïeux mais aussi les passés. Dans la postface, Sylvain Diaz insiste sur l’importance du dialogue pour "être à l’écoute de ce [que l’ennemi] éprouve… Il ne s’agit pas d’aller contre lui mais d’« aller vers »." En faisant en sorte que chacun des personnages fasse une route douloureuse vers sa propre identité, à travers une tragédie se fragmentant en scènes mêlant des lieux et des scènes différentes, Wajdi Mouawad compose une œuvre symphonique de chair et de sang. Cruelle et formidablement humaine.
Il reste un peu plus de 50 jours avant l’ouverture de La Quincaillerie, le bar-théâtre des Herbiers (85).
En attendant cet événement local très attendu, la nouvelle scène vendéenne (en soi un véritable pari en cette période de crise sanitaire) sera étrennée par Alix, une comédienne qui a fait ses premiers pas sur la scène d’un café-théâtre parisien. Les 11 et 18 juillet, accompagnée de son acolyte Amandine, elle donnera rendez-vous aux adultes et aux enfants accompagnés, pour deux séances d’improvisation théâtrale.
Mais pourquoi avoir choisi de se produire à La Quincaillerie, dans cette petite ville des Herbiers ? À une heure de Nantes et des Sables d’Olonne, et à 7 minutes du parc du Puy du Fou, le centre-ville des Herbiers est un lieu de passage important. On peut parier que le futur bar-théâtre saura trouver sa place et son public.
Le nom du nouveau café-théâtre vendéen a été choisi en hommage au tout premier métier qui se pratiquait dans ce local vieux de 100 ans… Quincaillier ou encore marchand de chaussures : on ne sait plus trop, en fait...
"Comme à la maison"
Dès ce week-end en tout cas, La Quincaillerie prend vie grâce à Alix de Forville et Amandine Perrin. Entourées de leurs proches, et des proches de leurs proches, les deux amies ont imaginé leur scène de A à Z. Du sol à la dernière bougie allumée sur la table, en passant par les tabourets de bar, elle se sont amusées à recréer l’espace dans ses moindres détails pour que chacun s’y sente "comme à la maison".
L’art de l’improvisation : voilà l’objectif des deux artistes, qui entendent bien montrer qu’il peut être pratiqué par tout un chacun, seuls, en couple, ou en famille, en week-end ou en vacances. Après un échauffement, des jeux et des exercices pour se rôder, le public se lancera dans des scénettes encadrées de 30 à 45 minutes : les comédiens en herbe auront un joli aperçu de l’improvisation. Et certains – pourquoi pas – pourraient même se trouver une vocation. Les organisatrices promettent des moments uniques de partages… qui se termineront devant un apéro.
Cela aura lieu à La Quincaillerie des Herbiers les samedi 11 et 18 juillet.
De septembre à juin, Alix poursuivra ses cours d’improvisation théâtrale pour les adultes uniquement, chaque mardi de 19h à 20h30.
Évidemment, faire une chronique sur une pièce de théâtre écrite c’est ne voir qu’un revers d’une médaille : parler d’un texte sans pouvoir évoquer la mise en scène et l’interprétation.
Come back incognito d’Yves Caussiol, cette "histoire […] plaisante, cocasse, grinçante et pleine d’humour", comme le dit Michel Le Royer de la Comédie française, a été adapté sur planche à Paris au Théâtre Montmartre Galabru. Mais puisqu’une pièce de théâtre est d’abord un texte écrit avant d’être joué, intéressons-nous à cette fable d’Yves Caussiol.
Dans un village normand, un ancien interne arrive comme le messie pour s’installer dans un cabinet et remplacer un médecin sur le point de partir à la retraite : cela tombe bien car ce nouveau confrère est précisément le messie ! Jésus s’ennuie en effet et veut revoir les hommes malgré les (mauvais) souvenirs dont il garde de son séjour sur terre : "En bas, au moins, il y a de l’action, des guerres. Ici, je ne sers plus à rien, je m’ennuie."
Réincarné en jeune médecin, sous le nom d’Issa, Jésus découvre la vie d’un cabinet en plein désert médical. Comme abandonné au milieu d’une population de pauvres hères : une secrétaire acariâtre, un agriculteur paralysé – que Jésus, bien entendu, refait marcher – un maréchal-ferrant passablement "vicieux", un enseignant usé, une prostituée et deux agricultrices.
Une comédie à la fois joyeuse et grinçante
Aussi perdu que ces habitants, Jésus se débat pour exercer une médecine plus ou moins orthodoxe, et aux méthodes qui, pour le moins, ne laissent personne indifférent. Mais il a surtout cette capacité de discuter et d’écouter avec bienveillance, en dépit de l'incompréhension manifeste entre le Christ et des humains dans ce trou normand... Grâce à Issa/Jésus, les habitants en ressortent bouleversés : "Ah Seigneur ! Vous m’avez exaucé en m’envoyant ce remplaçant. Mes patients seront entre de bonnes mains, je pourrai enfin me reposer", dit son vieux prédécesseur dans un des monologues du dernier acte. Le Fils de Dieu en sortira lui aussi changé, avec d’autres projets pour ces frères humains.
Il fallait une sacrée audace pour oser proposer une œuvre autour d’une divinité descendant sur terre. Yves Caussiol le fait dans une comédie à la fois joyeuse et grinçante. L’auteur choisit pour décor un lieu qu’il connaît bien : un cabinet au cœur d’un désert médical, lui qui a été dentiste dans le civil avant d’entamer une seconde carrière dans le théâtre, d’abord comme acteur puis comme auteur avec cette première pièce.
Pour Come back incognito, Yves Caussiol choisit la farce et la fable pour parler de conditions humaines. Les calembours, des jeux de mots ou des quiproquos parsèment une pièce dans laquelle les hommes et les femmes sont des pantins, des clowns ou des caricatures mais aussi des êtres de chair et de sang tour à tour perdus , grossiers, déprimés, misérables ou encore plein d’espoir.
Il ne reste plus au lecteur que de découvrir ou redécouvrir cette pièce sur scène.
Nathalie Cougny fait partie des artistes que Bla Bla Blog suit avec intérêt : peinture, romans, théâtre, poésie, engagement. Cette artiste est partout et toujours avec passion. Sa dernière actualité est un roman, Paris Rome, qui imagine la rencontre de nos jours d'une jeune peintre médiatique avec Nietzsche. Rencontre improbable et incroyable qui méritait bien qu'on pose quelques questions à l'auteure.
Bla Bla Blog - Bonjour Nathalie. Tu as sorti ce printemps un nouveau roman : Paris-Rome. Derrière ce titre singulièrement simple se cache une histoire étonnante : celle de la rencontre de nos jours d’une artiste-peintre talentueuse et d’un philosophe bien connu, Friedrich Nietzsche. Finalement, de quoi s’agit-il ? D’une uchronie, d’un conte philosophique ou d’un roman surréaliste?
Nathalie Cougny - Certainement un peu des trois, mais avant tout un roman qui n’a de surréaliste que la présence de Nietzsche à notre époque et qui replace un personnage historique, réel, dans une fiction philosophique. Mais en fait, tout est vrai, même si tout n’est pas réel (sourire).
BBB - L’image de Nietzsche est encore aujourd’hui entachée de nombreux a priori qui n’ont rien à voir avec le personnage comme avec ses idées. Qu’est-ce que Nietzsche a encore à nous apprendre et que pourrait-il dire de nos sociétés?
NC - Je pense que les détracteurs de Nietzsche ne le connaissent pas, ne l’ont pas vraiment lu et se sont arrêtés sur des a priori colportés et une déformation de sa pensée initiale par ceux qui ne pouvaient pas faire mieux. En même temps, c’est difficile et c’est ce qui fait son génie, de comprendre une pensée que lui-même pouvait déconstruire pour montrer que rien n’est fixe. C’est ce que j’aime chez lui car, en effet, rien n’est établi et nous sommes en perpétuelle évolution. Par exemple on lui a prêté une accointance avec le régime nazi alors qu’il était antiantisémite. Mais sans doute que sa sœur y est pour beaucoup, elle qui s’est mariée à un nazi et qui a tenté de falsifier ses écrits après sa mort. La philosophie en général a plus que jamais à nous apprendre ou plutôt à nous replacer au centre de nous-même, dans une société ultra violente qui nous isole, nous rend dépendants, nous empêche de réfléchir à travers une surconsommation toujours plus grandissante et tente à nous faire perdre notre identité, je veux dire par là, qui nous lisse. La peur et la défiance sont des leviers majeurs pour parvenir à éteindre les âmes et en faire ce que l’on veut. Toutes sortes de peurs sont entretenues aujourd’hui pour nous empêcher de faire surface : le chômage, le terrorisme, la montée de l’extrême droite, répondre par une pulsion instantanée, des lois pour tout et n’importe quoi qui nous enferment, alors qu’il suffit parfois de bons sens, de remettre des valeurs en place, de se tenir aux choses, d’être ouvert à la différence et surtout d’éduquer en ce sens. Quand est-ce qu’on nous parle de réussite, de beau, d’amour ? On devrait d’ailleurs introduire la philosophie à l’école dès le plus jeune âge avec des méthodes adaptées. Aujourd’hui, nous avons oublié le sens réel du désir, du courage, du discernement, de la réflexion et donc de la philosophie. Nietzsche pourrait nous dire de ne pas nous laisser prendre à ce piège et de nous dépasser pour combattre ce qui nous tue à petit feu, l’Homme de pouvoir, et devenir ce changement, ce "surhomme", pour construire une autre société, plus juste, plus vraie, sans faux semblants, se départir de la morale chrétienne, notamment, qui est encore bien présente et qu’il tenait pour responsable de notre malheur, de cette négation de soi car elle n’est que souffrance pour l’Homme. De nous fier davantage à notre instinct plus qu’à la connaissance qui reste une interrogation, car nous vivons sur des schémas de représentation de l’Histoire, de ne pas nous laisser aveugler par ces marionnettes qui s’agitent constamment sur la place publique, d’être ami de notre solitude, d’être des créateurs, des bâtisseurs.
BBB - La philosophie est au centre de ce roman. Mais aussi la peinture, car l’autre personnage de ce roman est Charlotte K, une peintre. Toi-même tu es peintre, d’ailleurs. Jusqu’à quel point ce roman est un dialogue entre toi-même et Nietzsche ?
NC - Jusqu’à un point ultime (sourire) de réalité, de projections et de fantasmes. N’ayant pu, et pour cause d’époque, rencontrer Nietzsche, comme d’autres visionnaires ou révolutionnaires dans les codes, je pense à Klimt, Darwin ou George Sand, qui pour moi sont de réelles personnalités qui repoussent nos limites, font avancer les mentalités ou la compréhension du monde, j’ai tenté ce huis clos amoureux, car l’amour, sous plusieurs formes, est le fil conducteur de tout le livre, avec ma pensée aussi, en toute modestie. D’ailleurs, je pense que je n’aurais pas fui, comme Lou Salomé, un peu lâchement, je ne me serais sans doute pas mariée, mais je serais restée avec Nietzsche (sourire). Après, il me semblait essentiel d’amener l’art comme vecteur pour faire face à ce monde, pour nous sauver quelque part de cet engrenage. L’art nous ramène à nous-même tout en éclairant le monde. De plus, Nietzsche aimait l’art et défendait, comme aujourd’hui Boris Cyrulnik que j’ai eu la chance de rencontrer, au moins un (sourire), l’art comme "outil" de contradiction face à l’enfermement de la société, ses travers et ses abus. Les artistes sont essentiels pour, non seulement nous faire prendre conscience de la réalité à travers leurs œuvres, nous toucher, nous donner du bonheur, nous faire réfléchir et c’est valable pour tous les arts, mais leur liberté doit leur permettre aussi d’être des porte-voix, de faire tomber les préjugés et de défendre des causes ouvertement. Pour moi l’artiste est hors monde et en plein dedans, il n’est pas cet être naïf, perché sur son nuage et indifférent à tout, pour moi il est en plein dans la vie et son rôle est de premier plan.
J’aime les auteurs troubles et les personnages forts
BBB - Une question me taraude : plutôt qu’un nom de famille pour Charlotte, tu as choisi l’initiale K. C’est un hommage à Kafka ?
NC - Ça aurait pu être une Métamorphose à la Kafka, que j’ai pas mal lu aussi il y a longtemps, j’aime les auteurs troubles et les personnages forts, marquants, à la psychologie intrigante, à la limite entre la raison et la folie. Mais c’est un pur hasard, je trouvais que ça sonnait bien et j’avais envie de laisser planer un mystère, dont je n’ai pas tiré profit d’ailleurs dans le livre.
BBB - Paris-Rome se lit comme un roman véritablement engagé, âpre et en un sens provocateur comme beaucoup de tes livres. On sent chez toi la femme toujours en mouvement. Quel est ton moteur ?
Plus la société veut nous "enfermer", plus elle nous pousse à être engagé. J’estime que nous vivons des régressions, notamment pour les droits des femmes dans le monde, mais pour les personnes elles-mêmes, la multiplication des violences en tout genre, la liberté d’expression, le droit à la différence. J’ai le sentiment qu’on cherche à nous étouffer dans une société où le jugement gratuit est devenu la norme, notamment à travers les réseaux sociaux. J’avoue ne pas le subir personnellement, mais je le vois tous les jours. Mon moteur c’est la vie, peut-être parce que je suis athée et que je ne crois pas à la vie après la mort, alors c’est ici et maintenant. C’est ce que j’ai appris de Nietzsche notamment, le grand "oui" à la vie et dépasser toute chose, toute souffrance pour en faire quelque chose de positif, ne pas être dans le ressentiment, dans la jalousie, dans tous ces sentiments qui sont des freins à la vie et nous empêchent d’avancer. Ma vie a commencé sans père et a continué à mettre sur ma route des épreuves, encore récemment le décès de ma mère, que je surmonte par la création, l’amour, le partage, le soutien aux autres aussi et par ce sentiment que la vie, qui est gratuite et nous offre tous les possibles, doit être respectée, défendue et surtout vécue. Après, c’est à nous de la rendre acceptable et belle, nous en avons les moyens en nous, mais nous subissons tellement de choses de toute part que nous nous laissons enfermer. Ce roman est engagé car il déconditionne l’amour, pas seulement par l’histoire de Paris-Rome, mais aussi avec Rencontre à risque, à la fin du livre. Il montre différents aspects de l’amour et balaie un peu le schéma classique de la vie à deux sous le même toit, qui pour moi n’est pas une condition au bonheur. C’est déjà ce que j’avais fait dans mon premier roman Amour et confusions, en plus érotique. Il est engagé aussi pour la condition des femmes et c’est récurrent dans mes livres. La société doit accepter que des femmes fassent le choix de rester libres, ce qui ne veut pas dire forcément seules, dominantes ou je ne sais quoi, mais vivre leur vie et leur sexualité comme elles l’entendent, sans jugement. Ces femmes font peur, à tort et à raison (sourire), à tort pour les hommes qui voudraient partager leur vie et à raison pour ceux, qui que ce soit, qui voudraient les diriger.
BBB - Un de tes combats est pour la violence faite aux enfants. Peux-tu nous dire où en est aujourd’hui ton combat ?
NC - C’est un long combat difficile pour plusieurs raisons et il suffit de voir ce que font les associations depuis des années, sans toujours parvenir à leur fin en ce qui concerne la prévention, les lois et l’application des lois. Le plus dur est encore à faire je pense, car il faut absolument remettre de l’éducation, mais le refus de la société à ouvrir les yeux et le renoncement des politiques à mettre en place des actions fortes font que rien ne change ou très peu de choses. D’un côté on a allongé le délai de prescription de 20 à 30 ans, ce qui est très bien et de l’autre les victimes ont toujours du mal à porter plainte parce qu’elles sont seules et peu considérées. On ne veut pas croire la difficulté à entamer une action en justice et tout ce que cela implique personnellement et psychologiquement, par exemple. Comme on ne veut pas croire que des parents maltraitent leurs enfants, jusqu’à la barbarie parfois. Les formations promises auprès des professionnels sont rares ou inexistantes, il n’y a pas assez de moyens à tous les niveaux, alors que les violences sexuelles, par exemple, coûtent 8 milliards d’euros à la sécurité sociale chaque année. Mais il n’y a aucune prévention en France. Donc il faut faire avec. Si je suis arrivée sur ce sujet, c’est d’abord parce que des femmes que je faisais témoigner avaient presque toutes subi une agression sexuelle étant jeune. Je me suis dit alors qu’il fallait commencer par là. Ensuite pour des raisons personnelles de proches qui avaient subi l’inceste et en découvrant dans mon entourage, au cours de discussion même anodines, de nombreuses personnes, des femmes, qui avaient subi un viol étant enfant, et il y en a beaucoup trop. Mon implication contre la maltraitance des enfants est plus récente que celle pour les violences faites aux femmes, même si j’ai, tout au long de ma vie, fait des choses pour les enfants. Elle commence en 2017 avec une pétition qui interpelle les politiques, le clip de prévention des agressions sexuelles sur mineur : C’est mon corps, c’est ma vie !, également visible sur le site de France TV éducation et le projet d’un album jeunesse à destination des enfants du primaire. Je suis en discussion depuis plus d’un an et demi avec le ministère de l’éducation nationale, notamment, pour faire de la prévention dans les écoles via cet album. Mais je ne perds pas espoir, je cherche toujours une maison d’édition pour cet album, car je suis persuadée qu’il faut s’adresser directement aux enfants, qui sont les principaux concernés, pour faire changer les mentalités et libérer la parole. Je suis également membre de l’association StopVeo enfance sans violence, dont la présidente, Céline Quelen, déploie des actions essentielles, notamment via un Kit de prévention intitulé : “Les violences éducatives, c’est grave Docteur ?”. Un outil composé d’une affiche et de dépliants, lesquels sont mis à disposition des familles chez les médecins et les professionnels de santé, et ainsi font prendre conscience des conséquences des violences éducatives ordinaires et que l’on peut/doit élever un enfant sans violence. J’invite d’ailleurs tous les professionnels de santé à se rendre sur le site et à commander ce kit.
BBB - Parlons poésie. Car la poésie fait aussi partie de ton parcours. J’ai l’impression d’ailleurs que c’est quelque chose d’important, que tu y reviens régulièrement et que tu fais de la poésie un moment de respiration. Est-ce que c’est ainsi que l’on pourrait qualifier ton rapport avec ta démarche artistique?
NC - Oui, la poésie est très importante pour moi et oui c’est une grande respiration. Même si c’est une part de moi liée aux hommes et donc avec des souffrances aussi. D’abord, c’est la poésie sensuelle qui m’a fait connaître, à ma grande surprise. Je me suis aperçue qu’elle touchait beaucoup de monde, touchait dans le sens des émotions, du vécu, de l’intime, femmes comme hommes pour des raisons différentes et je reçois quantité de messages pour me dire merci et que ça fait du bien. Quel bonheur ! Ma démarche artistique est une démarche humaniste, qui rassemble. La poésie, c’est mon vent de liberté, un vrai plaisir de partage, alors que la peinture est plus introspective encore. La peinture touche à l’inconscient pour moi et reflète mon ressenti, un besoin urgent d’exprimer souvent une douleur pour m’en libérer. La poésie exprime mes émotions et mes sentiments, jusqu’au plaisir sexuel, dans une grande liberté. C’est sa force d’ailleurs, la liberté. Je crois aussi que tout mon travail a un grand rapport au temps, au temps qui passe trop vite, à l’instant que je veux saisir, à toutes ses minutes qui nous échappent et que je veux figer par les mots ou sur la toile, comme des instants de vie à ne jamais oublier.
BBB - La surprise est toujours au rendez-vous lorsque l’on suit ton parcours. Sur quoi travailles-tu? Un nouveau roman, de la poésie, du théâtre ? Ou bien vas-tu t’essayer à une nouvelle expérience artistique?
NC - Oui, j’aime bien surprendre, sinon c’est pas drôle (sourire) ! Alors, je travaille actuellement en tant que co-auteur sur l’écriture de livres pour deux personnalités avec des sujets qui ont du sens et qui devraient faire parler, c’est un gros travail qui va me prendre beaucoup de temps. Le one-woman-show Sex&love.com qui s’est joué près de 100 fois est actuellement revisité en pièce de théâtre. Nous sommes en train de faire la bande annonce pour une montée sur scène dans les mois qui viennent, avec deux comédiennes vraiment superbes et talentueuses. Je poursuis mon projet sur la maltraitance des enfants avec la recherche d’éditeur pour l’album et je suis invitée par la mairie de Nice pour 3 jours de conférence/débat et d’intervention devant des classes de primaire en novembre prochain. Et puis, il y a toujours une place pour les projets imprévus. C’est ce qui fait aussi tout le charme de ma vie d’artiste …
BBB - Merci, Nathalie.
NC - Merci, Bla Bla Blog.
Nathalie Cougny, Paris-Rome, Et Nietzsche rencontre Charlotte suivi de Rencontre à risque éd. Publilivre, 2019, 234 p. https://www.nathaliecougny.fr
Notre hors-série sur Tatiana de Rosnay se termine (presque) comme il a commencé : par un retour sur les terres de Daphné du Maurier, une artiste fondamentale pour qui veut comprendre l’auteure d’Elle s’appelait Sarah ou de Boomerang.
Nous revoici donc revenu à Manderley, sur les terres de Rebecca, que l’auteure franco-britannique met en scène dans sa courte pièce Rebecca m’a tuée (éd. L'Avant-scène théâtre). Cette œuvre très atypique dans la bibliographie de Tatiana de Rosnay a été écrite à l’occasion de la cinquième édition du festival Le Paris des femmes" qui a eu lieu du 8 au 10 janvier 2016. Neuf auteures (Stéphanie Blanchoud, Alma Brami, Claire Castillon, Léonore Confino, Carole Fréchette, Claudie Gallay, Cécile Ladjali, Valérie Tong Cuong et Tatiana de Rosnay) et un auteur (Christian Siméon) étaient invités à revisiter Crime et Châtiment de Fiodor Dostoïevski à travers des pièces courtes.
Les ombres de papier viennent hanter les vivants jusqu’à la folie
C’est sans surprise que Tatiana de Rosnay a proposé avec Rebecca m’a tuée une plongée dans l’univers de Daphné du Maurier et de son alter-ego romanesque, Rebecca. Dans sa propriété de Manderley – à moins qu’il ne s’agisse de la propriété de Menabilly qu’elle vénérait – l’écrivain traverse une phase de dépression lorsqu’une voix l’interpelle : il s’agit de Rebecca, son célèbre personnage de papier. Comment la faire taire ? "Même si vous avez écrit d‘autres romans, on ne vous parle que de celui-là, Rebecca, Rebecca." Et si tout cela existait réellement ? Et si Manderley n’était pas une simple fiction, contrairement à ce qu’affirme Daphné du Maurier ("Manderley n’existe pas. Vous le savez bien. Et tout ceci n’est qu’un rêve") ?
Dans cette histoire à l’atmosphère hitchcokienne, les ombres de papier viennent hanter les vivants jusqu’à la folie. L’écriture devient un labyrinthe où le vrai se mêle au faux, et où les personnages de fiction s’adressent aux êtres de chair et de sang. Tatiana de Rosnay fait de Rebecca une créature écrasant de sa présence une artiste qui ne peut s’en défaire ("Tu es tout le temps là, Rebecca. Le matin, quand je me lève et que je prends ma tasse de café et ma tartine au miel, je sais que tu me vois"). C’est une lutte qui est racontée et dont la genèse démarre avec le roman de 1937. Une lutte mortelle dont les protagonistes sont les personnages fictifs de Rebecca et de madame de Winter. Daphné du Maurier doit s’effacer et les laisser vivre. Les romans ne meurent jamais, dit aussi en substance Tatiana de Rosnay.
Le théâtre de l’ASIEM (Paris 7e) et la compagnie des 7 de la Cité proposent la pièce de théâtre Le Ravissement d’Adèle de Rémi De Vos, du 28 mars au 12 avril 2019. Cette enquête policière, qui est aussi une satire sociale où l’humour est présent, est produite en faveur de l’association des Enfants du Vietnam.
Dans un petit village de France, Adèle Bertolet, 15 ans, a disparu. Nouvelle fugue ? Kidnapping L’inspecteur Corentin Fallière est chargé de l’enquête. À travers cette histoire où l’intrigue passe très vite au second plan, Rémi De Vos dresse un portrait au vitriol des habitants du village : les commerçants, représentés par un couple de bouchers, l’institutrice et sa fille adolescente, deux ménages en crise, un pilier de bar, un jeune dans la précarité, etc… La boucherie, lieu de circulation des cancans du village, côtoie les intérieurs où se révèle l’intimité des protagonistes. Petit à petit, les accusations succèdent aux soupçons et ce petit monde pittoresque bascule dans la folie. L’enquête n’est pas facile, d‘autant plus que l‘inspecteur n’est pas épargné par cette contagion.
Cette pièce proposée a un but humanitaire autant qu’artistique puisqu’elle est est montée en faveur des Enfants du Vietnam.
L’association Enfants du Vietnam scolarise et apporte une aide alimentaire et médicale aux « Enfants du Vietnam » issus des familles les plus démunies. Elle leur donne une chance de grandir et d’étudier comme des enfants et d’assurer une fois adultes l’autonomie de leur famille.
Un but humanitaire autant qu’artistique
Depuis sa création en 1999 à aujourd’hui l’association a construit soixante écoles et scolarisé plus de deux mille enfants grâce à des programmes de parrainages individuels et collectifs. Actuellement, d’autres projets – écoles sont en cours de réalisation (voir la page Nos Programmes).
Avec 28 € par mois, les parrains et marraines apportent le complément financier nécessaire à une famille pour assurer son minimum vital et payer les frais de scolarité. Les parents peuvent ainsi laisser leurs enfants aller à l’école au lieu de leur demander de travailler dans les champs, dans les rues ou dans les usines. Les enfants mangent à leur faim, vont à l’école et apprennent un métier.
Ce sont les dons et les profits réalisés lors des ventes et diverses manifestations caritatives qui permettent de construire les écoles. La bonne marche de l’association est assurée par un C.A. de 15 personnes et des membres actifs, tous bénévoles.
Le Ravissement d’Adèle de Rémi De Vos, au Théâtre de l’ASIEM Avec la Compagnie des 7 de la Cité Mise en scène d'Alexis Rocamora, assisté de Jean-Nicolas Gaitte Avec : Thonin Kaas, Nicolas Besnard, Caroline Bourguignat, Sophie le Mouellic, Nicolas Sauvaige, Thomas Roquet Montegon, Sylviane Faust, Fabien Guigonnet, Antoine Landon, Frank Roiena, Alyette Mathelin Moreaux, Orane de Chauveron, Louise Loeb, Elisabeth David, Pierre-Olivier Cointe et Hortense Calenge Au Théâtre de l’ASIEM, du 28 mars au 12 avril 2019, représentation à 20H30 6 rue Albert de Lapparent, Paris 7ème Métro : Station Ségur (Ligne 10) http://asiem.fr http://les7delacite.com http://www.enfantsduvietnam.org
* Important : Si vous réservez par le site, bien préciser sur le menu déroulant que vous venez de la part de Thomas Roquet Montegon