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thriller - Page 5

  • Le club des coureurs à la fin du monde

    D’emblée, le livre d’Adrian J. Walker, The End of the World Running Club (éd. Hugo), pourrait se placer dans la lignée du roman apocalyptique de référence, La Route de Cormac McCarthy : un pays plongé dans le chaos après un cataclysme planétaire (ici, une pluie de météorite), un homme contraint de survivre et tentant également de préserver son humanité grâce à un lien familial tenu.

    Là pourtant s’arrête la comparaison. Car lorsque McCarthy fait de son roman de science-fiction une œuvre métaphorique sur la condition humaine, Adrian J. Walker bâtit un thriller prenant à partir d’une idée simple mais diablement efficace : la lutte pour la survie se transforme en course à pied dantesque.

    Rien ne prédestinait pourtant le personnage principal, Edgar Hill, père de famille banal, débordé, sans grande ambition, et surtout pas sportif, à devenir à la faveur d’un désastre continental un héros capable de traverser l’Angleterre pour rejoindre femme et enfants.

    Le livre démarre de manière classique, à la manière de La Guerre des Mondes : une pluie de météorites s’abat sur une partie de la planète, plongeant du jour au lendemain la Grande-Bretagne dans un chaos inédit. Ed, informaticien de son état, réussit à mettre sa famille sous protection. Une caserne près d’Édimbourg abrite une poignée de survivants, s’organisant avec leurs moyens. Mais Lorsque Ed apprend qu’une évacuation est organisée vers la Cornouailles d’où doivent partir des bateaux, il est trop tard : sa femme et ses deux enfants sont partis avant lui en hélicoptère. Il prend la décision, avec quelques camarades d’infortune, de les rejoindre à pied : une course de 800 kilomètres à travers une Grande-Bretagne en ruine, peuplée d’habitants perdus ou de survivants regroupés en clans violents.

    Ce voyage apocalyptique dans un paysage à la Mad Max est un thriller efficace autant que la découverte des capacités d’un homme que rien ne destinait à vivre de tels événements.

    Adrian J. Walker, The End of the World Running Club, éd. Hugo Thriller, 2016, 558 p. 

     

  • Bourreaux et victimes

    Le bourreau.JPGUne auto-stoppeuse aux abois est recueillie par un automobiliste : voilà le début du Bourreau de Sergueï Belochnikov. La scène se passe près de Saint-Pétersbourg au début des années 90. Le lecteur comprend vite que celle qui se prénomme Olga a été victime d'un viol collectif. Elle trouve d'abord refuge et assistance auprès d'un ami et ancien amant, qui est aussi médecin. Après de premiers soins, il lui conseille de porter plainte et de se rendre à la milice, mais la jeune femme, journaliste-photographe, n'a qu'un seul objectif : se venger, par tous les moyens. Après une première traque de ses quatre agresseurs, Olga parvient à s'acheter le concours d'un parrain de la mafia russe. Puisque la vengeance est un plat qui se mange froid, la victime se transforme en bourreau. La machine à broyer ses tortionnaires est en marche, pour le meilleur et pour le pire.

    Ce polar russe, rugueux et implacable a été un peu oublié. Il est pourtant intéressant à plus d'un titre.

    D'abord par l'histoire proprement dite : celle d'une femme refusant de rester victime et choisissant de se faire justice elle-même, seule et contre l'avis de tous. Ensuite, par le portrait de l'héroïne : Olga est une femme attachante, une Russe émancipée sous la perestoïka, reconnue par ses pairs grâce à ses reportages (signalons au passage une incursion passionnante dans l'Afghanistan en guerre, au début des années 80). Elle se trouve plongée du jour au lendemain dans un cauchemar absolu – un viol au sujet duquel l'auteur prend subtilement le parti d'en dire le minimum. Or, ce cauchemar, la brillante jeune femme choisit de l'entretenir en s'acoquinant avec un mafioso inquiétant.

    Sergueï Belochnikov écrit ceci au sujet de son roman et du personnage principal : "Je ne considère pas Le Bourreau comme un roman policier... Il représente l'âme féminine russe, qui m'a attiré toute ma vie. Olga est une femme forte... Forte et indépendante. L'agression qu'elle subit lui donne un désir de vengeance aussi fort qu'elle."

    Je vois un autre intérêt dans ce roman : son traitement littéraire. L'auteur a astucieusement choisi de changer de narrateur à chaque chapitre, faisant de ce polar une oeuvre polyphonique et subjective.

    Sergueï Belochnikov, Le Bourreau, éd. France Loisirs, 1995, 320 p.