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  • Voleurs de fétiches

    Le dernier livre que propose Patrice Guérin aux éditions 1000 Sabords – consacré, on le devine à Tintin – est constitué en réalité de deux courts essais. Le premier et principal, Hergé face à son Fétiche, propose une analyse de L’Oreille cassée, le sixième album des aventures du reporter belge. Le second, plus étonnant, revient sur un fait divers peu connu et toujours non élucidé : le vol du vrai fétiche fétiche d’Hergé en 1979 lors d’une exposition bruxelloise du Musée imaginaire d’Hergé.

    On peut remercier au préalable Patrice Guérin de de se pencher L’Oreille cassée, un titre d’Hergé souvent considéré avec, au mieux de l’indifférence. Il est vrai qu’il n’a pas la saveur et la puissance évocatrice de chefs d’œuvres tels que Les Bijoux de la Castafiore (dont nous avions parlé sur Bla Bla Blog), de Tintin au Tibet ou du Lotus Bleu. Le Lotus Bleu, justement. Celui qui reste l’un des tout meilleurs albums d’Hergé, pour ne pas dire un des livres majeurs du XXe siècle toute catégorie confondue, précède immédiatement L’Oreille cassée. Difficile ensuite de rivaliser après cette aventure en Extrême-Orient.

    En travailleur infatigable, le jeune dessinateur belge se lance donc dès 1935 dans cette nouvelle histoire qui entraîne Tintin et Milou jusqu’en Amérique du Sud, à la recherche d’un fétiche de la tribu – imaginaire – arumbaya, volée dans un musée. Au menu : un couple de bandits, un objet historique apparaissant et disparaissant, un coup d’état mené par le Général Tapioca, une tribu autochtone, un explorateur au look darwinien et un courageux reporter passant plusieurs fois à deux doigts de succomber.

    Alors, album secondaire, cette Oreille cassée ? C’est ce qui est souvent admis, y compris chez les amoureux du journaliste blond à la houppette. Il semble même que le seul apport dans l’œuvre d’Hergé est cette géniale invention du fétiche, un objet qui fait partie des reliques préférées des amoureux et amoureuses de Tintin, presque à l’égal de la fusée lunaire. Et ne parlons pas de l’utilisation de la fétiche arumbaya dans les produits dérivés, chère au cœur des ayant-droits d’Hergé… 

    L’Oreille cassée est également une réflexion sur l’œuvre d’art, le vrai, le faux et la copie

    La lecture de l’essai de Patrice Guérin sur le sixième opus de Tintin, outre qu’elle encourage à relire L’Oreille cassée, détaille planche après planche la singulière course pour retrouver un objet rare, invendable mais aussi esthétiquement discutable. Mais quel est l’intérêt de ce vol ? On le découvre dans les dernières pages du livre. Patrice Guérin souligne également avec justesse qu’à certains égards la recherche du fétiche sert de prétexte à une aventure rocambolesque hors de l’Europe.

    On reste impressionné par l’exégèse de l’auteur qui entend ne rien laisser dans l’ombre et expliquer la genèse de cette aventure : les origines de cette histoire plongeant dans l’Amérique du sud, les modèles qui ont inspiré Hergé – notamment un fétiche de la tribu chimù des XXe et XVe s. ap. JC, mais aussi Giorgio de Chirico ou… l’oreille de Van Gogh. La vie intime d’Hergé n’est pas passée sous silence, tant il est vrai que Hergé est Tintin et Tintin est Hergé ! Ses tourments intimes, sa vie privée, les secrets de son enfance, son hérédité et même sa santé – cette fameuse jaunisse évoquée par le Général Tapioca – sont également évoqués. Mais L’Oreille cassée est également une réflexion sur l’œuvre d’art, le vrai, le faux et la copie, sujet fondamental pour le dessinateur génial passionné par l’art moderne et contemporain.

    Voilà qui nous amène au deuxième essai du livre, 1979, le vol du vrai fétiche d’Hergé : quand la réalité rattrape Tintin. À l’occasion des 50 ans de la saga Tintin, un Musée imaginaire est exposé à Bruxelles – avant de devenir itinérant. Les spectateurs peuvent retrouver des objets figurant dans les albums, que ce soient des masques africains rappelant Tintin au Congo, une momie évoquant le terrifiant Rascar Capac, une pierre lunaire ou encore une chaise design aperçue dans Le Lotus Bleu. Et il y a, bien entendu, le fétiche arumbaya, du moins une création de l’artiste Maurice Lemmens.

    Or, le 1er août 1979, ce fameux fétiche est volé. Le fait divers entre dans la légende puisque c’est exactement ainsi que commence L’Oreille cassée. L’enquête commence. Patrice Guérin nous fait entrer dans les secrets de cette histoire étonnante, tout en proposant des suspects potentiels, dont un certain Juan d’Oultremont. Mais qui a volé – réellement – le fétiche arumbaya ?

    Voilà qui vient clore de manière inattendue ce passionnant essai sur L’Oreille cassée, un album revisité et réhabilité par Patrice Guérin.      

    Patrice Guérin, Hergé face à son Fétiche, Allers-retours entre réalité et fiction,
    éd. 1000 Sabords, 2024, 144 p.

    Hergé, L’Oreille cassée, éd. Casterman, 1937, 64 p.
    https://www.editions-1000-sabords.fr/index.asp?navig=catalogue&obj=livre&no=80696
    https://www.patriceguerin.fr
    https://www.tintin.com/fr/albums/l-oreille-cassee

    Voir aussi : "Casta Diva"

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  • 2014-2024 : Top 10 de Bla Bla Blog

    Pour marquer les 10 ans de Bla Bla Blog, le bloggeur a souhaité faire un top 10 des articles ayant fait le plus de buzz. 
    Au programme, de la musique, des livres, de l’audace – et même beaucoup d’audace – et… une lampée de whisky – avec modération…  

    10/ "Fishbach, Y crois-tu ?"

    Fishbach.jpgEn attendant son prochain concert à La Cigale le 14 mars prochain, Fishbach, l'une des révélations dont nous avions parlé il y a peu sur Bla Bla Blog, s'est produite pour les sessions Son & Lumière de Télérama.

    Elle y interprète Y crois-tu, le premier titre de son nouvel album A ta merci…

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    9/ "Haddock et Loch Lomond"

    C'est de whisky dont il sera question dans cet article. De whisky mais aussi de bande dessinée. 

    Boisson longtemps confinée dans des cercles de connaisseurs, plus ou moins snobs, jamais le whisky ne s'est aussi bien porté qu'aujourd'hui. Alors que vingt ans plus tôt les distilleries peinaient à rester rentable, elles sont aujourd'hui confrontées à une révolution culturelle autant qu'à une vraie crise de croissance : difficulté à satisfaire la demande mondiale (+ 3 % par an), consommateurs de plus en plus ouverts aux whiskies autres que le sacro-saint blend ou le single malt écossais (boissons venues du Japon, des États-Unis, d'Australie ou de France), rachats de distilleries par de grands groupes (Diageo ou Pernod Ricard). La France se classait en 2013 premier pays consommateur au monde devant le Royaume-Uni et les États-Unis avec deux litres par personne et par an ! Il est aussi à noter que le premier pays producteur au monde de ce divin breuvage est... l'Inde ! Ce qui n'est pas forcément gage de qualité, les tords-boyaux y faisant florès…

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    8/ "Adrineh Simonian comme à la maison"

    Adrinehsimonian.jpgCette information est sortie de manière relativement confidentielle il y a une dizaine de jours.

    Nous apprenions que la mezzo-soprano autrichienne Adrineh Simonian a choisi une reconversion inattendue, passant de l’univers feutré et bienséant de l’opéra pour celui, plus sulfureux du porno... féministe.

    Après ans de carrière dans l’art lyrique, de Vienne à Nice en passant par Munich, la chanteuse lyrique a sauté le pas et s’est engagée dans une voie inattendue. C'est via son site Arthouse Vienna qu'elle  propose un catalogue de films X…

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    7/ "Aurélie Dubois unmakes sex"

    Aurelie dubois.jpg"Qui es-tu pour ne pas te reconnaître ?" annonce le site Internet d’Aurélie Dubois. La citation de Daniel Androvski, psychanalyste et écrivain, annonce la couleur : les œuvres qui sont proposées par l’artiste risquent d’en dérouter plus d’un et nous tendre un miroir dérangeant sur le corps, le désir, le fantasme et le sexe. Une démarche revendiquée par Aurélie Dubois, "artiste de garde", qui affirme ceci : "Je considère que je ne fais que traduire la météo des pulsions."

    Graphiquement, l’influence de la bande dessinée est flagrante dans les œuvres de l'artiste datées de 2006. Il y a aussi de l’Egon Schiele dans cette manière de représenter ses nus et ses scènes de couples : corps contorsionnés, visages grotesques, scènes de sexe caricaturales, travail sur les cadrages. Mais qu’on ne s’y trompe pas : Aurélie Dubois reste une artiste au talent de portraitiste indéniable, comme le prouvent ces portraits de 2007 et 2012, ainsi que ces autres dessins de 2008 à 2010 d’une élégante maîtrise graphique – ce qui n’exclut pas son travail sur la déstructuration des corps…

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    6/ "Grey et sa secrétaire"

    Lasecretaire.jpgUne jeune Américaine mal dans sa peau tombe sous le charme vénéneux et érotique de Grey, son patron. Vous aurez bien sûr deviné le pitch du film... La Secrétaire.

    Alors que sort cette semaine le second volet de Cinquante Nuances de Grey, l'adaptation du best-seller de new romance de EL James , il n'est pas inutile de reparler de l'autre long-métrage notable sur le SM, sorti il y a une quinze d'années et qui prenait à bras le corps ce sujet sulfureux.

    À sa sortie en 2002, La Secrétaire de Steven Shainberg, avec Maggie Gyllenhaal et James Spader dans les rôles principaux, a été accueilli par des critiques flatteuses et une fréquentation honorable pour une œuvre qui faisait de la soumission sexuelle son thème de prédilection. Un effet collatéral de l'affaire Clinton-Lewinsky qui venait à peine de s'achever et qui faisait à l'époque les gorges chaudes des médias ? On peut s'interroger…

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    5/ "Le petit monde d’Élodie Suigo"

    elodiesuigo.jpgOn ne parle pas assez de la radio, ce média ouvert, protéiforme et souvent inventif. J’ai envie de vous parler d’Élodie Suigo et de son émission quotidienne Le Monde d’Élodie, diffusé sur France Info.

    Mine de rien, cette série de chroniques a la capacité de vous accrocher très rapidement et de devenir un rendez-vous familier grâce à des qualités finalement très simples : des interviews courtes et sensibles, sans esbroufe ni sens de la provocation. La journaliste de France Info écoute ses invités et évite de se mettre en avant. C’est ce qui fait la richesse de ses chroniques. Une richesse telle que le catalogue de ses invités est impressionnant de richesse…

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    4/ "Où es-tu, Berry ?"

    Berry.jpgOn avait quitté Berry en 2012, avec l’album Les Passagers. La chanteuse avait choisi le fil conducteur du voyage pour des chansons délicates et pudiques, portées par une voix caressante, l’une des plus belle sans doute de la scène française. Est-elle revenue de ses voyages ? Où est-elle aujourd’hui et quelle est son actualité ?

    Il convient au préalable de faire quelques rappels sur la carrière de Berry, commencée en 2008 avec un premier album, Mademoiselle, remarqué par la critique et le grand public. Disque d'or, il a été suivi de plusieurs centaines de concerts en France comme à l'étranger (Brésil, Corée du Sud ou Serbie). Mademoiselle ce sont 10 joyaux musicaux que la chanteuse a sculpté avec ses acolytes Manou et Lionel Dudognon…

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    3/ "Différenciation de la vitesse d’évolution intellectuelle"

    Parlons pub avec cet excellent spot proposé par EDF et l’agence BETC/Havas Paris, Eva et Violette. Le film a été réalisé par Réalité, de l’agence Big.

    La vénérable entreprise nationale d’électricité choisit l’humour et le contre-pied pour parler de son énergie vertueuse ("97 % sans CO2, grâce au nucléaire et aux énergies renouvelables").

    L’héroïne est Eva, chargée de surveiller sa nièce Violette, une enfant aussi surdouée que sa tante peut être bordélique, blasée et complexée par cette gamine trop parfaite. Eva ne peut que constater "qu’intellectuellement, on n’évolue pas tous à la même vitesse", sans se bercer d’illusion sur son propre compte. Sauf que grâce à EDF, la jeune femme va pouvoir avoir sa revanche sur une gamine décidément bien tête-à-claque : "Heureusement, de temps en temps, la vie fait bien les choses"…

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    2/ "Union TV : un nouveau média pour une nouvelle révolution sexuelle"

    Florecherry.jpgLe vénérable Union entrerait-il dans une nouvelle ère ? Créé en 1972, le magazine érotique et libertin fait lentement mais sûrement sa mue. Après l'édition web, c'est une chaîne de télévision qui vient de naître fin janvier (disponible sur la box SFR). Nous avons rencontré Flore Cherry, responsable de la transformation digitale à Union, pour en savoir plus sur ce nouveau média.

    Union TV a la spécificité par rapport à ses concurrents (Dorcel TV, XXL ou Pink TV) de ne pas proposer que des programmes hard. Ils sont certes visibles de minuit à 5 heures du matin, mais, plus tôt dans la nuit, de 23 heures à minuit, Union TV propose aussi des rubriques plus sérieuses mais tout aussi alléchantes. Des conseils de sexologues, sexothérapeutes confirmés, artistes et youtubeurs (Jessica Pirbay, M'sieur Jérémy ou Clémity Jane) proposent un "autre discours sur la sexualité" , indique Flore Cherry…

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    1/ "Deborah de Robertis l’ouvre"

    Deborahderobertis.jpgÇa s’est passé au Louvre le 15 avril 2017. Deborah de Robertis, artiste franco-luxembourgeoise féministe, engagée et aux performances sulfureuses, pose dénudée au milieu d’un parterre de touristes venus mitrailler et filmer La Joconde. Devant ce public médusé et vite acquis à sa cause, Deborah de Robertis expose son sexe, comme elle l’avait d’ailleurs fait au Musée d’Orsay en 2014 devant le tableau L’Origine du Monde de Gustave Courbet. La scène, brève et violente, est interrompue par les gardiens du musée et par l’auguste établissement qui choisit d’évacuer le public...

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    Voir aussi : "Bon anniversaire, Bla Bla Blog (10 ans !)"
    "Top 10 de Bla Bla Blog en 2023"

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  • Casta Diva

    De toute la galerie de personnages secondaires des aventures de Tintin, la diva Bianca Castafiore est sans aucun doute l’un des plus insaisissable. Pour tout, rire, à la lecture de l’essai de Pierre Bénard, Bianca Castafiore, Celle qui rit de se voir si belle (éd. 1000 Sabords), il est probable que l’on sortira perturbé et avec une tout autre image de la mal surnommée "Le Rossignol milanais".

    D’une écriture alerte et avec la passion du tintinophile de la première heure qu’il est, Pierre Bénard retrace le parcours de la seule femme d’importance entourant le reporter à la houppette. Un singulier chapitre se nomme d’ailleurs "L’éternel féminin".

    De sa rencontre avec Tintin et Milou dans une forêt syldave à sa détention arbitraire dans Tintin et les Picaros, en passant pas son rôle prépondérant dans la résolution dans L'Affaire Tournesol, sans oublier le chef d’œuvre que sont Les Bijoux de la Castafiore, la chanteuse d’opéra, dont le répertoire semble se limiter à l’Air des Bijoux dans le Faust de Gounod traverse la saga d’Hergé d’une manière singulière. Présente bien avant même l’arrivée du Capitaine Haddock et du professeur Tournesol, elle ressemble une "revenante", telle une diablesse en boîte, ou plutôt une "sorcière". Ces réapparitions sont des ressorts humoristiques à chaque fois. Elle est absente de plusieurs albums sans jamais tout à fait disparaître (un poste de radio diffusant un concert, un spectacle dans Les Sept Boules de Cristal ou en invitée surprise sur le yacht de Rastapopoulos dans Coke en Stock). 

    Aveuglement coupable à côtoyer les pires crapules de la série

    Mais évoquons la singulière rencontre avec Tintin que l’auteur détaille avec justesse. Une rencontre qui "nous est dit, non montré" dans Le Sceptre d'Ottokar. Le lecteur ne peut que s’imaginer comment les deux étrangers ont sympathisé dans une auberge de Syldavie. Le reporter laisse une misérable charrette pour une puissante voiture qui doit le conduire à la capitale Klow. Bianca Castafiore en est l’autre passagère, en route vers un concert royal. Ravie de ne pas voyager seule (hormis son chauffeur), elle ne peut s’empêcher de montrer la puissance de son organe… poussant Tintin à préférer lui fausser compagnie. Voilà une bien étrange entrée en matière, aux antipodes de ces autres figures que sont Haddock et Tournesol dont les rencontres nous ont été montrées.

    Pour faire le portrait de Bianca Castafiore, l’auteur renvoie à des sources aussi disparates que la mythologie celte (Mélusine), Jules Verne (Le Château des Carpates), Edgar Allan Poe (La Chute de la Maison Usher) mais aussi, bien sûr, la musique. Beaucoup de musique. Weber, Gounod, nous l’avons dit mais aussi les chanteuses qui ont influencé Hergé.

    Un chapitre est consacré à ces divas du siècle dernier. Pierre Bénard voit en la Castafiore une parenté avec la soprano américaine Florence Foster Jenkins, "célèbre pour son outrecuidance et ses défaillances artistiques".

    Au final, le portrait de la Castafiore, à la tessiture aussi puissante qu’insupportable pour ses auditeurs – Hergé était un amateur d’art et d’opéra – ne laisse pas sous silence ses caprices de diva ("Ciel mes bijoux"), sa présomptuosité ("Ah, je ris de me voir si belle en ce miroir", chante-t-elle sans cesse) mais aussi son aveuglement coupable à côtoyer les pires crapules de la série, génies du mal, ennemis de Tintin et de ses amis et mêmes dictateurs. Cela lui coûtera d’ailleurs un séjour en prison, plus burlesque que réellement tragique. Immortelle et fascinante Castafiore.  

    Pierre Bénard, Bianca Castafiore, Celle qui rit de se voir si belle, éd. 1000 Sabords, 2024, 144 p.
    https://www.editions-1000-sabords.fr

    Voir aussi : "Dictionnaire amoureux de Tournesol"

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  • Adieu, Tintin ?

    Il a souvent été question de Tintin dans Bla Bla Blog. Ce personnage de bande dessinée, invention géniale du dessinateur belge Hergé, n’en a pas terminé de susciter commentaires, exégèses et études (près de 600 essais depuis la mort d’Hergé en 1983). Voilà ici un nouvel avatar de cette passion incroyable. Il s’agit d’un recueil d’interviews de Renaud Nuttiez. Demain Tintin ?, sous-titré Entretiens avec "7 fils de Tintin" (éd. 1000 Sabords).

    L’auteur a interrogé sept passionnés du journaliste à la houppette. Le plus connu est Albert Algoud. Il y a aussi Jean-Marie Apostolidès, le biographe Pierre Assouline, les moins connus Philippe Goddin et Jacques Langlois, et enfin les références en la matière que sont Benoît Peeters et Numa Sadoul, auteur d’une série d’entrevues avec Hergé devenues essentielles pour connaître l’auteur de BD. L’ouvrage est précédé d’une préface d’un tintinophile célèbre, Hubert Védrine. Que des hommes, donc. Ce qui met déjà en avant un premier point faible de taille dans l'œuvre d'Herge : la quasi absence de femmes passionnées, et même de personnages féminins importants parmi la galerie tournant autour de Tintin – hormis la Castafiore "castratrice".

    Aucun album original et des produits dérivés hors de prix

    L’un des points forts de l’ouvrage est d’interroger ces sept "fils de Tintin" avec des questions identiques : Comment ont-ils découvert Tintin ? Peut-on apprécier Tintin à plus de 40 ans ? Faut-il contextualiser des albums d’Hergé, à l’instar de Tintin au Congo ? Quelle pérennité Tintin peut-il avoir dans quelques dizaines d’années ? S’ajoutent des questions sur la jeunesse d’Hergé, sur des rumeurs concernant sa jeunesse, sans oublier un sujet des plus débattu, celui des droits du dessinateur belge et de l’absence d’albums depuis la mort de ce dernier en 1983.

    Les fans d’Hergé ne manqueront surtout pas se procurer cet ouvrage à la fois nostalgique, vibrant chant d’amour pour un personnage et une œuvre majeure, et en même temps constat que Tintin est devenu un personnage mythique mais aussi figé (nous n'utiliserons pas le terme de "poussiéreux") qui n’a pas su renouveler son public. Les interviewés avouent presque tous qu’il est difficile d’être captés par Tintin passé quarante ans. Faute de nouvelles aventures du reporter belge, les enfants et les adolescents actuels ne sont plus réceptifs à ces livres maintenant datés de plus de 50 ans.

    Pire, les ayant droits ont tellement verrouillés juridiquement une création juteuse, avec aucun album original et des produits dérivés hors de prix, qu’il paraît difficile que Tintin ne devienne autre chose qu’un grand classique de la littérature, sans nouvelle aventure, au contraire de Spirou ou Blake et Mortimer. Il reste peut-être quelques raisons d’espérer : le film Le Secret de la Licorne en motion-capture de Steven Spielberg – certes imparfait – ou les expositions immersives proposées par la Fondation Culturespaces et Tintinimaginatio. Quant à un futur album, seul Numa Sadoul y est favorable et voit une leur d’espoir de ce côté. Espérons qu’il ait raison car il est temps sans doute qu'un nouveau dessinateur prenne la suite d'Hergé pour faire revivre le célèbre reporter belge.   

    Renaud Nattiez, Demain Tintin ?, éd. 1000 Sabords, 2024, 184 p.
    https://www.editions-1000-sabords.fr

    Voir aussi : "Exégèse tintinesque"

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  • Top 10 de Bla Bla Blog en 2023

    Au moment d’entamer l’année 2024, faisons le bilan, comme de coutume, avec les chroniques de Bla Bla Blog ayant le plus buzzé. Et cette année, vous vous rendrez compte que c’est les livres et la littérature qui ont été les plus plébiscités. Avec également une exposition bretonne sur Tolkien, une BD des plus mutines et surtout le retour d’une chanteuse qui tient la dragée haute à tout le monde !

    Voici donc le classement de cette année, par ordre décroissant.

    10/ "Aujourd'hui, maman est morte"

    Zirem.pngL’écrivain Youcef Zirem est une figure importante de la littérature contemporaine algérienne. Il est aussi un opposant au pouvoir en place qui l’a contraint à l’exil, en l’occurrence en France. Journaliste, chroniqueur, écrivain, il anime aussi depuis 2017 le café littéraire l'Impondérable, à Paris.

    Intellectuel, dissident (Algérie, La Guerre des Ombres, éd. Complexe), engagé et humaniste, Youcef Zirem revient en ce début d’année avec un ouvrage des plus personnels, Lâaldja, notre Mère, aux éditons Fauves. Il y parle de sa mère décédée à l’Hôpital de Sidi-Aich, en septembre 2022. Son exil politique l’a souvent éloigné d’elle, au point qu’il n’a pas pu l’accompagner pour ses derniers jours…

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    9/ "Rien n’est écrit d’avance"

    DElphine bell.jpgDelphine Bell sort en ce moment Roi et toi (éd. Le Lys Bleu). Un récit plus qu’un roman sur un homme, un père, trop tôt parti.

    Voilà ce qu'écrit l'auteure : "Un matin, mon père a décidé de partir, nous laissant… Sans un mot, une trace. Où es-tu, papa ? Qui es-tu vraiment ? Toi, le père magnifique de mon enfance, dévoué, libre aussi. Ce livre est une quête, un roman policier et existentiel sur un père que je cherche encore. Il entrelace les écrits de celui qui fut un passionné de l’écriture et de la littérature. Et il pose une question : les êtres que l’on aime nous échappent-ils ? Possède-t-on vraiment ceux qu’on aime ? Qui est-on vraiment ? Papa est parti mais… Je peux écrire"…

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    8/ "Guerres et paix"

    Pecastaing.jpgRoman ? Récit ? Chronique familiale ? Qui que vous soyez, ouvrez ! De Tatiana Pécastaing (paru chez LC Editions) est un peu tout cela à la fois, au point de désarçonner le lecteur dès les premières pages, lorsque la découverte d’une mystérieuse lettre (avec l’énigmatique phrase "Qui que vous soyez, ouvrez !" inscrite sur l’enveloppe) nous fait passer du Kiev soviétique de 1968 à la Russie tsariste de 1912. Cette fameuse lettre aura son explication bien plus tard dans le roman.

    Tatiana Pécastaing suit deux familles, celles précisément de deux de ses grands-parents. Il y a, d’un côté, Gustave, né en Ukraine. Son père était un opposant au régime tsariste, au point de s’approcher d’une organisation terroriste révolutionnaire menée par Alexandre Oulianov, frère de Lénine, arrêté et exécuté après une tentative d’assassinat contre le tsar Alexandre II. Le père de Gustave, Mikaël, est arrêté puis relâché, obligé de se faire discret. Or, c’est le régime tsariste que soutient son fils Gustave, à telle enseigne que lorsque la Révolution de 1917 éclate, le jeune homme s’engage auprès de l’Armée Blanche antibolchévique. En 1924, Gustave s’exile en France, abandonnant en Ukraine sa famille, et en particulier ses sœurs…

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    7/ "Tolkien breton"

    Tolkien.jpgRendez-vous en Bretagne pour vivre pleinement l’univers de Tolkien. Logique, me direz-vous, tant l’auteur du Hobbit et du Seigneur des Anneaux aura su s’inspirer des mythes celtes – mais pas que ! – pour bâtir une œuvre capitale dans la littérature.

    Le magnifique musée de Landerneau consacré au Fonds Hélène & Édouard Leclerc pour la Culture propose, du 25 juin 2023 au 28 janvier 2024, une exposition consacrée à Tolkien et à l’illustrateur emblématique de son œuvre, John Howe. "Cette exposition montre comment à partir de l’œuvre littéraire de Tolkien, un univers pictural est inventé… Puisant dans les mythes médiévaux, [John Howe] crée un imaginaire inédit source de multiples représentations artistiques, jusqu’au cinéma", commente Michel-Édouard Leclerc…

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    6/ "Nature nue"

    Peuple des brumes.jpgC’est une invitation piquante, fantastique, féerique et sensuelle à laquelle je vous invite. Il s’agit de la découverte du dernier volume du Peuple des Brumes, proposé par Katia Even et mis en image par Styloïde. Bla Bla Blog avait déjà parlé de ce cycle il y a quelques mois.

    Dans ce nouvel opus baptisé "Le Bal des saisons", toujours aux éditions Tabou, nous sommes dans un univers de fantasy où la nature a le plus beau des rôle. On y croise des fées, des lutins, des êtres surnaturels, des esprits de la nature – évidemment –, sans oublier des sortilèges, des sorts funestes et un monde de fantasy courant de graves dangers. Mais tout cela est mâtinée de sensualité, d'érotisme et de d'esprit mutin…

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    5/ "Claire Passy : « L’éditeur à part, c’est l’histoire de trois personnages qui se sont rencontrés »"

    Passy.jpgLe monde de l’édition vient de voir naître un nouvel acteur, L’éditeur à part. Christophe Pavlevski, François-Xavier Bellest et Claire Passy sont les heureux parents de ce "bébé". Nous avons voulu interroger Claire Passy au sujet de cet éditeur à part.

    Bla Bla Blog – La naissance d’un éditeur est toujours un événement dans la vie culturelle. Comment présenteriez-vous L’éditeur à part ? Et d’abord, quelle est sa philosophie ?

    Claire Passy – Oui, il est vrai que la création d’une maison d’édition est un évènement particulier dans la vie culturelle. Surtout dans la période actuelle où le monde de l’édition reste très encadré, homogène et prévisible…

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    4/ "Le transhumanisme n’est pas un humanisme"

    Transhumanisme.jpgRadical. Nicolas Le Bault arpente avec obstination les champs de l’art et de la pensée underground. Après ces créations graphiques incroyables (les publications de White Rabbit Dream,), il s’attaque aux travers de nos sociétés contemporaines avec un essai choc, Le Transhumanisme, stade terminal du Capitalisme (éd. La Reine Rouge).

    La première qualité de son livre est de remettre sur la table l’étonnant et prophétique livre de Georges Bernanos, La France contre les Robots. L’auteur de Sous le Soleil de Satan annonçait soixante-dix ans à l’avance l’irruption d’une société robotisée où le statut même de travailleur allait être remis en cause…

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    3/ "L'Yonne célèbre les 150 ans de Colette" 

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    Tour à tour auteure, mime, comédienne, journaliste, elle laisse à la littérature française sa manière exceptionnelle d'évoquer son émerveillement de la nature et ses émotions de jeunesse. Colette fait partie de ces personnalités ayant inévitablement marqué et inspiré l'Yonne. Pour célébrer son nom et son travail, de nombreux événements auront lieu tout au long de l'année dans le Département…

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    2/ "Tintin et compagnie en figurines"

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    Précisions d'emblée que Tintin et ses compagnons constituent l'essentiel des personnages figurés, même si on note la présence de ces autres héros que sont Jo, Zette, Jocko, Quick, Flupke ou l'Agent 15. Cette encyclopédie recense, pas moins de 680 objets…

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    1/ "La plus belle histoire d’amour de Nicole Rieu"

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    Observatrice, sage, engagée, mémoire vivante de la chanson, artiste moderne, philosophe : les qualificatifs ne manquent pour qualifier celle qui se pose en observatrice attentive et en contemplatrice de la vie et du temps qui passe. "Et la vie coulait / de jour en jour / De dune en dune", chante-t-elle par exemple dans "Et la vie coulait", repris en chœur sur la toute dernière piste. Nicole Rieu pose un regard introspectif et plein de sagesse sur son existence et sur le temps qui lui reste ("Et me voilà aujourd’hui près de la rive")...

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    Voir aussi : "Top 10 de Bla Bla Blog en 2022"

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  • Tintin bordelais

    Quelques jours après la chronique de l’essai de Pierre Fresnault-Deruelle sur Le Temple du Soleil, il est de nouveau question sur Bla Bla Blog de Tintin. Cette fois, il sera question d’une exposition, en ce moment à Bordeaux, "Tintin, L’aventure immersive".

    La Fondation Culturespaces, qui s’est intéressée dans l’accueil des publics, la médiation culturelle et les programmes éducatifs, s’est également spécialisée dans l’art numérique et les projections digitales.

    Conjointement à l’exposition sur Dalí ("l'énigme sans fin"), Les Bassins des Lumières,  Bordeaux, située sur l’ancienne base sous-marine de sinistre mémoire, propose une étonnante et envoûtante immersion dans l’univers de Tintin. 

    Pas besoin d’être un fan ni un grand lecteur des aventures du journaliste belge à la houppette pour apprécier le travail de mise en scène autour des 24 albums de Tintin.

    Les reflets de l’eau apportent un supplément d’âme aux projections de lumières, de couleurs, mais aussi de musiques

    Culturespaces et Tintinimaginatio , la société chargée des ayant-droits d’Hergé, se sont associées pour une exposition destinée à un large public. Tintin, Milou, Haddock, Tournesol, Nestor ou La Castafiore sont présentés dans le cadre spectaculaire des Bassins des Lumières, les reflets de l’eau apportant un supplément d’âme aux projections de lumières, de couleurs, mais aussi de musiques, de Gounod aux Beatles, en passant par David Bowie. .

    De nombreuses scènes des albums sont mis en scène : les courses en voiture, le voyage en avion au milieu du Sahara (Le Crabe aux Pinces d’Or), les champignons de L’Île Mystérieuse, sans oublier le voyage sur la lune (le diptyque Objectif Lune et On a marché sur la Lune). Les ennemis, méchants et autres génies du mal ne sont pas en reste, que ce soit Rastapopulos, Allan Thompson, Müller ou Mitsuhirato, offrant une belle galerie de crapules.

    Voilà un voyage bordelais et tintinesque qui mérite un grand détour du côté de l’ancienne base sous-marine. La Fondation Culturespaces prouve ainsi tout son savoir-faire en matière d’expositions pour le grand public.   

    Exposition "Tintin, L’aventure immersive"
    Les Bassins des Lumières, Bordeaux, du 20 octobre 2023 au 7 janvier 2024
    https://www.bassins-lumieres.com/fr/tintin
    https://www.fondation-culturespaces.com
    https://www.tintin.com/fr/tintinimaginatio

    Voir aussi : "Exégèse tintinesque"

    © Culturespaces / J. Toulet © Hergé / Tintinimaginatio – 2023

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  • Exégèse tintinesque

    Le Temple du Soleil d’Hergé, la suite des Sept Boules de Cristal, fait l’objet d’un essai exégétique de Pierre Fresnault-Deruelle que les tintinophiles devraient découvrir avec le plus grand intérêt (Hergé et les Incas ou la malédiction déjouée, paru aux éditions 1000 Sabords).

    Disons pour commencer qu’il faut, sinon avoir cet album de 1948 sous la main, du moins l’avoir (bien) lu pour apprécier la science de Pierre Fresnault-Deruelle, décortiquant cette aventure incroyable du jeune journaliste belge.

    Rappelons que nous sommes au lendemain de la seconde guerre mondiale, au sujet de laquelle il a été beaucoup reproché à Hergé son lourd silence. Le dessinateur avait d’ailleurs choisi pour cette nouvelle aventure d’entraîner Tintin, Milou et Haddock dans une pérégrination déconnectée de l’actualité guerrière des années 40, en mêlant mystique, archéologie, dépaysement, investigation (car le Professeur Tournesol a été enlevé dans l’album précédent) et réflexion sur le choc des civilisations, à travers un inattendu et immortel génie du mal, Rascar Capac.

    Pierre Fresnault-Deruelle entend montrer toute la science de la composition et du rythme d’Hergé

    L’essai Hergé et les Incas propose une étude case par case et planche par planche, décrivant en détail les choix scénaristiques et visuels du génie belge, depuis un commissariat de police péruvien jusqu’à l’hôpital où sont soignés les sept savants atteints d’un mal mystérieux – la malédiction de Rascar Capac.

    Allant au-delà de la simple description, Pierre Fresnault-Deruelle entend montrer toute la science de la composition et du rythme d’Hergé. Une simple case montrant Tintin s’agripper à une chaîne donne l’occasion à l’auteur de s’arrêter sur la mise en scène pleine de sens, mais aussi de parler des références d’Hergé, en l’occurrence, pour cet exemple, l’illustrateur Jules Férat pour une édition ancienne de L’Île mystérieuse de Jules Verne.

    L’essai tintinesque est d’ailleurs riche de sources pouvant expliquer le travail d’Hergé : gravures du XIXe siècle, affiches publicitaires de l’entre-deux-guerres, coupures de presse du début du XXe siècle, peintures (l’étonnant portrait de l’empereur inca Tupac Yupanqui ou celle, plus célèbre, de William Blake, Caïn fuyant la colère de Dieu) ou d’autres bandes dessinées, à commencer par le Zig et Puce d’Alain Saint-Ogan.

    Pour illustrer cette exégèse, pas de reprises de planches ou de vignettes en raison des droits d'auteur de l'œuvre d'Hergé, mais des visuels antérieurs à l'œuvre d'Hergé ou au contraire contemporaines, ce qui donne paradoxalement à cet ouvrage un charme particulier.

    Pierre Fresnault-Deruelle, Hergé et les Incas ou la malédiction déjouée,
    éd. 1000 Sabords, 2023, 170 p.

    https://www.editions-1000-sabords.fr
    https://fr.wikipedia.org/wiki/Pierre_Fresnault-Deruelle

    Voir aussi : "Dictionnaire amoureux de Tournesol"

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  • Dictionnaire amoureux de Tournesol

    Les tintinophiles se précipiteront sans doute sur cet ouvrage, conçu comme un lexique dédié à l’un des personnages les plus fameux de l’œuvre d’Hergé : le Professeur Tournesol, dit Tryphpon Tournesol, un prénom insolite qui fait l’objet d’une entrée à la lettre T.

    Précisons que si on retrouve quelques illustrations dans le livre de Pierre Bénard, Tryphon de A à Z (éditions 1000 Sabords), aucune ne vient de l’œuvre d’Hergé, conséquence – on s’en doute – de ses ayant-droits, connus pour défendre l’héritage du dessinateur belge jusqu’à bloquer toutes les initiatives des amoureux de Tintin. Mais fermons la parenthèse.

    Depuis Le Secret de Rackham Le Rouge (voir "Requin" à la lettre R), le savant fait partie, avec Haddock et Tintin (sans oublier Milou), de la triade partie dans des aventures les plus incroyables : d’une île au trésor à plusieurs péripétie en Syldavie, en passant par la Suisse, l’Océanie et bien entendu la lune.

    À ce sujet, l’auteur note que la plus incroyable aventure de Tournesol, sa "page glorieuse", le voyage sur l’astre lunaire (Objectif Lune et On a marché sur la lune) n’est qu’évasivement évoqué dans les albums suivants, comme si un voile pudique était jeté sur cette épopée, ou "preuve (…) que l’épopée lunaire n’a pas fait grand bruit dans le monde, alors que le portrait de Tryphon aurait dû s’afficher partout".

    Et si Tournesol était un Oppenheimer qui s'ignorait ?

    Qu’en est-il du personnage, si attachant et finalement à la fois humain et insaisissable ? A priori, il reste l’un des moins mystérieux du panthéon tintinesque. Et pourtant, que de contrastes entre l’inventeur doux dingue des débuts – celui du requin sous-marin et de la machine à brosser les vêtements – et l’ingénieur aéronautique capable d’envoyer l’homme sur la lune ! Et que pourrait-on dire du concepteur de l’arme à ultrasons, sans doute aussi terrible que la bombe A (L’Affaire Tournesol) ? Et si Tournesol était un Oppenheimer qui s'ignorait ?

    En tout cas, Tournesol est bien un génie incompris, ce que Pierre Bénard dit dans son article "Panthéon" : "On peut en citer qui eurent, pour moins que ça, les honneurs du tombeau des Grands Hommes".

    Il faut aussi parler de cet homme plus ambivalent qu’il n’y paraît : maladroit, sourd comme un pot jusqu'à être asocial, Tournesol sait aussi se montrer d’une rare violence, lorsque par exemple Haddock touche sa corde sensible – le fameux "zouave", un mot qui a failli mettre le programme spatial à l’eau (Objectif Lune).

    L’auteur de ce dictionnaire amoureux s’étend paradoxalement moins sur les amis de Tournesol – si l’article sur "Haddock" est riche, celui sur "Tintin" est plus maigre, quant à "Nestor", il n’apparaît carrément pas – que sur les modèles de Tryphon. Les savants évoqués sont légion, à commencer par Auguste Piccard qui a servi de modèle. Pierre Bénard s’avère particulièrement pertinent lorsqu’il traite d’autres figures moins connus, à l’instar d’Isidore Isou, de Robert Godart ou Robert Oppenheimer (nous en parlions plus haut)

    Un mot enfin sur ces autres savants des aventures de Tintin, débarqués au moment de l’arrivée de Tournesol – les Calys, Sakharine et autres Halambique – comme s’il fallait pour Hergé avoir ces figures en guise de prototypes avant d’inventer, justement, le génial inventeur.

    Pierre Bénard, Tryphon de A à Z, éd. 1000 Sabords, 2023, 168 p.
    https://www.editions-1000-sabords.fr

    Voir aussi : "Aux sources d’Hergé"
    "Tintin et compagnie en figurines"

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