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Bandes dessinées et mangas

  • Tintin, retour aux sources

    Depuis la mort d’Hergé en 1983, aucune nouvelle aventure de Tintin n’est sortie. Frustrés, les tintinophiles se rabattent sur l’œuvre passée du dessinateur belge, comme sur des essais dont Bla Bla Blog s’est largement fait l’écho et sur des publications d’inédits. Les éditions Moulinsart ont fait aussi le pari de nourrir les fans d’Hergé avec une collection l’exégèse et l’histoire de l’œuvre d’Hergé, album par album.

    Voici donc les premiers livres consacrés à Tintin au Pays des Soviets et Tintin au Congo, publiés respectivement en 1929 et 1931. Philippe Goddin s’est attelé à la tâche en s’intéressant à ces deux livres mythiques quoique mal-aimés, pour ne pas dire sous-évalués avec le temps.

    Le premier, Tintin au Pays des Soviets est l’œuvre d’un jeune dessinateur de 22 ans, déjà archidoué. Contre toute attente, le feuilleton en bande dessinée qu’il imagine pour Le Petit Vingtième, le journal qu’il l’emploie, obtient un succès inattendu en Belgique. Hergé imagine un reporter de son journal partir dans la Russie soviétique – l’URSS – pour y relater les méfaits du communisme car Le Petit Vingtième revendique son appartenance au conservatisme et au catholicisme.

    Voilà donc le jeune Tintin, pas plus âgé que son créateur, parti en direction de Moscou. Il y découvre la propagande soviétique, les élections truquées, les procès arbitraires et la violence d’un pays lancé dans la folie du bolchévisme. De cette aventure, Tintin et son fidèle compagnon Milou en ressortent sains et saufs, avec, par dessus le marché, une houppette qui ne quittera plus la tête du jeune héros. Un an plus tard, fort de ce succès, c’est dans le Congo belge qu’Hergé amène son héros. C’est une Afrique colonialiste aux forts relents racistes que le petit journaliste découvre avec une naïveté dont il lui sera beaucoup reproché. 

    Hergé invente deux jeunes héros farfelus, Quick et Flupke, comme si l’hypothèse Tintin pouvait être levée à tout moment

    Philippe Goddin retrace l’histoire de chacun de ces albums, le premier volume étant le plus intéressant en ce qu’il revient sur la genèse de l’œuvre d’Hergé. Crayonnés, reproduction de planches en noir et blanc ou en couleur, couvertures inédites et photos rares enrichissent ce Tintin au Pays des Soviets. On découvre un dessinateur génial à la plume incroyablement sûre – ah, ce couple de danseurs de tango ! Créateur de la fameuse ligne claire, Hergé démontre qu’il a été fortement influencé par les comics américains. À ce sujet, l’ouvrage reproduit de superbes illustrations tirées du Triomphe de l’Aigle rouge.      

    Tintin au Congo n’était certes pas l’ouvrage le plus simple à mettre en exégèse. Très daté, colonialiste, raciste, aussi peu écolo que possible (le nombre d’animaux tués inutilement est légion), l’album reste mal-aimé. Philippe Goddin ne cache pas ses défauts. Mais il souligne aussi ses qualités. Le dessin est plus travaillé et le scénario moins confus que la première aventure russe. L’humour omniprésent est typique des années 30, alors même qu’Hergé invente deux jeunes héros farfelus, Quick et Flupke, comme si l’hypothèse Tintin pouvait être levée à tout moment.

    On sait qu’il n’en saura rien et qu’après la Russie puis le Congo c’est en Amérique que le détective belge se rendra. 

    Philippe Goddin, Tintin au pays des Soviets, Les coulisses d’une œuvre, éd. Moulinsart, 2024, 112 p.
    Philippe Goddin avec la participation de Dominique Maricq, Tintin au Congo,
    Les coulisses d’une œuvre
    , éd. Moulinsart, 2024, 104 p.

    https://boutique.tintin.com/fr/33973-accueil-les-coulisses-dune-oeuvre-tintin-au-pays-des-soviets-24601
    https://boutique.tintin.com/fr/32499-accueil-les-tribulations-de-tintin-au-congo-24406

    Voir aussi : "Adieu, Tintin ?"
    "Tintin, son œuvre"
    "Exégèse tintinesque"

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  • Tintin, son œuvre

    On l’oublie trop souvent : de la Russie soviétique de l’entre-guerre jusqu’à l’Amérique latine des années 70, Tintin a d’abord été un reporter belge – certes, les mauvaises langues diront qu'il était proche de la retraite lors de sa toute dernière aventure (Tintin et les Picaros). En tout cas, ses pérégrinations n'ont été rendues possibles que parce que le jeune journaliste devait sillonner le monde pour informer ses lecteurs.

    La bonne idée de Marc Ouahnon, pour son ouvrage De notre envoyé spécial (éd. 1000 Sabords), est d’avoir imaginé les articles que le reporter imaginaire aurait pu écrire suite à ses pérégrinations (Le Petit Vingtième pour ses premières "enquêtes").

    Sur 62 pages – la pagination canonique des albums d’Hergé – Marc Ouahnon a écrit les chroniques des 23 albums complets (Tintin et l'Alph-Art a été volontairement mis de côté). Écrits à la première personne, en se mettant dans la peau de Tintin, Marc Ouahnon imagine comment celui-ci aurait pu relater ses pérégrinations en URSS, au Congo, sur la lune ou bien lors du séjour de La Castafiore à Moulinsart lors du vol de ses bijoux.

    Ses articles ont sensé être parus dans trois magazines : Le Petit Vingtième de 1930 à 1939, La Nuit de 1941 à 1943 et Le Reporter de 1946 à 1976.  

    Un livre-hommage que les tintinophiles ne manqueront pas de se procurer

    De notre envoyé spécial est un livre-hommage que les tintinophiles ne manqueront pas de se procurer et de lire. L’ouvrage est une plongée dans les aventures du reporter belge. Marc Ouahnon prend évidemment soin de se baser fidèlement à chacun de ses ouvrages.

    Ainsi, pour Tintin au Pays des Soviets, la BD originelle aux imperfections réelles mais touchantes, il se base en partie sur des élections truquées, avant de relater son investigation dans une Russie de la duperie et du crime. Pour la chronique sur Tintin en Amérique, c'est le récit sur une expropriation de peaux-rouges de leurs terres qui sert à pourfendre le capitalisme cynique des États-Unis durant La Prohibition.

    L’actualité et l’histoire sont au cœur de l’ouvrage, même si des libertés peuvent être prises : le faux-attentat des Japonais en Chine (Tintin et le Lotus Bleu) ou la course à l’espace (le fameux diptyque lunaire).

    Des articles font honneur à la fantaisie et aux récits d’aventure (L’étoile mystérieuse, Le Crabe aux pinces d’or, Tintin au Tibet ou les Bijoux de la Castafiore, même si Marc Ouahnon en profite pour parler de racisme pour ce dernier album). Intelligemment, les personnages accompagnant Tintin ne sont pas nommés tels quels, l’auteur préférant leur donner une apparence bien réelle, à l’image de Tournesol nommé Pr Piccard, son investigateur.

    Marc Ouahnon, De notre envoyé spécial, éd. 1000 Sabords, 2024, 64 p.
    https://www.editions-1000-sabords.fr
    https://www.facebook.com/lesamisdeherge

    Voir aussi : "Casta Diva"
    "Adieu, Tintin ?"

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  • Sa vie de geisha

    On a peine à croire que le diptyque Geisha ou Le jeu du shamisen, publié chez Futuropolis en 2017 soit l’œuvre de deux auteurs bien de chez nous. Et pourtant, Christian Perrissin au scénario et Christian Durieux au dessin nous offrent une formidable plongée dans le Japon traditionnel. Ils s’intéressent aux geishas, des femmes suscitant encore fascination, fantasme et idées reçues. Il fallait bien deux tomes pour marcher sur les pas d’une de ces geishas, de la naissance dans un milieu pauvre jusqu’à ses derniers jours dans un Japon occidentalisé.

    Setsuko Tsuda naît pauvre dans un village "de la péninsule". Nous sommes dans les premières années du XXe siècle. Son père, un ancien samouraï désargenté, tente tant bien que mal de faire vivre sa famille, sa femme et ses deux filles grâce à la vente de modestes sculptures en bois. Setsuko et ses proches quittent la campagne pour rejoindre une grande ville de la Côte Est, sans doute Yokohama. Les espoirs d’une vie meilleure sont vites déçus. Lorsqu’elle a 10 ans, Stetsuko est vendue par son père à une maison qui forme des geishas pour vendre leurs services. Stetsuko est rebaptisée sous le nom de Kitsune.

    Désormais, son univers sera celui de ses "sœurs" et de ses supérieures. La tradition veut aussi que, "vendue" à l’okiya (la maison des geisha), la jeune geisha devra en réalité rembourser ce qui n’était qu’un "prêt". Les années passent et Kitsune parvient à se faire une place dans ce milieu singulier. Un shamishen, instrument de musique traditionnel, devient l’objet qu’elle ne quitte plus. 

    Le scénario se déploie sans à-coups, avec une fluidité enivrante

    Geisha ou Le jeu du shamisen, en  deux tomes, est une fiction tirée de plusieurs témoignages (Mémoires d’une Geisha d’Inoue Yuki, Ma vie de geisha d’Iwazaki Mineko, Du côté des saules et des fleurs de Kafu Nagai) mais aussi de documents, romans et chroniques. Par ailleurs, le personnage de Shuji Ariyoshi est inspiré de l’écrivain Osamu Dazaï. Voilà qui donne à cette histoire en deux volumes un parfum d’authenticité.

    Graphiquement, Christian Durieux orientalise son trait, donnant à cette bande dessinée française une facture proche du manga à la Jirō Taniguchi. Le scénario se déploie sans à-coups, avec une fluidité enivrante. Les auteurs évitent de tomber dans le piège du scabreux, sans pour autant cacher la réalité sordide de ces jeunes femmes utilisés comme objets sexuels, faire-valoir et dames de compagnie – pour ne pas dire prostituées.

    C’est la voix de Stetsuko/Kitsune qui se donne à entendre tout au long du récit. Elle ne cache ni la douleur de sa séparation – son insoutenable vente par son propre père – ni les liens forts qu’elle a pu avoir, y compris avec la responsable de l’okiya, Madame Tsushima. La musique devient un but dans sa vie et son shamisen un compagnon de vie. Dans le deuxième tome, la rencontre avec Shuji et l’amour deviennent centraux, alors que le Japon comme à se tourner vers la modernité et à se détourner de traditions ancestrales, à l’instar des geishas. Singulièrement, Kitsune y verra une évolution inéluctable mais non sans nostalgie.      

    Christian Durieux & Christian Perrissin, Geisha ou Le jeu du shamisen,
    éd. Futuropolis, 2 tomes, 88 p.  chacun, 2017

    https://www.futuropolis.fr/9782754812160/geisha-ou-le-jeu-du-shamisen-1.html
    https://www.instagram.com/christiandurieux33

    Voir aussi : "La femme qui aimait un homme qui aimait un homme qui était une femme"

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  • Petite bibliothèque et Grande Librairie

    Si vous avez déjà Le Mystère Henri Pick de David Foenkinos, ce n’est pas grave. Sinon, c’est encore mieux. L’adaptation en bande dessinée de l’un de ses livres les plus célèbres, Le Mystère Henri Pick (éd. La Boîte à Bulles) revient sur une de ses intrigues les plus singulières, naviguant entre un coin paumé de Bretagne et le Paris bobo et culturel. Pascal Bresson, au scénario, et Ilaria Tebaldini, au dessin, ont commis le tour de force d’adapter une histoire attachante à plus d’un titre, mêlant histoire d’amour, secret de famille et plongée dans la nomenklatura éditoriale parisienne.  

    L’une de ces intellectuelles, Delphine Despero, jeune éditrice chez Grasset, a le nez fin lors d’un week-end en Bretagne dans sa famille. Elle vient présenter à ses parents Frédéric Koskas, son ami et modeste écrivain. Au cours de son séjour, elle entend parler d’une bibliothèque municipale présentant un rayon de manuscrits refusés et déposés par des auteur⸱e⸱s. Elle s’y rend et tombe sur un roman dont le titre - Les dernières heures d’une histoire d’amour - l’indique. Lecture faite, Delphine sort convaincue qu’elle est tombée sur un best-seller. L’auteur, un certain Henri Pick, est connu dans la région comme un modeste pizzaiolo qui n'a jamais montré aucune âme d'artiste ou d'intellectuel. Il est décédé depuis. Alors que le roman fait le buzz, le mystère reste entier sur cet Henri Pick. Quel secret cachait-il ? Et surtout, est-il l’auteur du fameux roman ?

    Une belle histoire d’amour et d’artiste

    Évidemment, il est impossible d’en dire plus sur cette intrigue devenant vite une enquête menée par un journaliste du Figaro, aux faux-airs de Michel Houellebecq – Michel Houellebecq que l’on croise par ailleurs au début de la bande dessinée. Autre caméo, celui de David Foenkinos, l’auteur du roman, lui-même. Le lecteur attentif le trouvera au milieu du plateau de La Grande Librairie, alors que son animateur François Busnel prépare l’interview de la veuve d’Henri Pick.

    Cette histoire de manuscrit inédit devenu livre à succès s’intéresse aussi et surtout au choc des cultures entre le milieu feutré de l’édition et celui plus simple et sans prise de tête d’une petite ville à la campagne. Toutes ces personnes se croisent mais ont du mal à se comprendre, à l’image de l’interview pour La Grande Librairie.

    Pascal Bresson a réussi une belle adaptation du roman de David Foenkinos. Il a été aidé en cela par le pinceau d’Ilaria Tebaldini, croquant quelques figures réelles du monde des livres. Au réalisme, elle préfère appuyer sur les traits pour accentuer les expressions. Un soin particulier a été apporté aux paysages et décors – la Bretagne, Paris. Le lecteur se laissera prendre par ce qui est finalement une belle histoire d’amour et d’artiste.

    Pour celles et ceux qui avaient tout de même lu le roman de David Foenkinos, ne boudez pas votre plaisir et allez redécouvrir ce qui est sans doute l'uns des meilleures histoires de l'écrivain. 

    Pascal Bresson et Ilaria Tebaldini, Le Mystère Henri Pick, éd. La Boîte à Bulles, 2024, 176 p.
    D’après un roman de David Foenkinos
    https://www.la-boite-a-bulles.com/album/670/content/53
    https://www.facebook.com/people/Pascal-Bresson-BD/100012233622350
    https://www.instagram.com/ilaria.tebaldini.art 
    https://www.facebook.com/david.foenkinos 

    Voir aussi : "La bibliothèque des auteur·e·s inconnu·e·s"
    "David Foenkinos, son œuvre"

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  • Timbre Astérix

    Le 14 octobre 2024, La Poste a émis un collector de quatre timbres à l’occasion du 65e anniversaire de la création d’Astérix par le scénariste René Goscinny et le dessinateur Albert Uderzo.

    Rusé et facétieux, Astérix déploie d’album en album des trésors d’énergie face aux Romains installés non loin de ce petit village d’Armorique qui résiste encore et toujours à l’envahisseur (ils sont fous, ces Romains !).

    Depuis 1959, des millions de lecteurs se sont plongés dans les aventures d’Astérix et Obélix (sans oublier le chien Idéfix). Les très nombreux clins d’œil à l’histoire nous projettent en 50 avant J.-C. pour mieux nous faire comprendre le monde contemporain et ses petits travers… mais toujours avec esprit et bienveillance.

    Héros d’une œuvre majeure créée par les géniaux René Goscinny et Albert Uderzo, Astérix est intemporel, et la Potion magique (dont le druide Panoramix a le secret) opère encore et toujours.

    En vente depuis le 14 octobre. 

    Timbre Astérix – Édition anniversaire 65 ans
    Format du collector : 148 x 210 mm Format des timbres : 37 x 45 mm
    Présentation : collector de 4 timbres
    Tirage : 25 000 exemplaires
    Valeur faciale de chaque timbre : 1,29 € Lettre Verte
    Prix de vente : 6,50 €
    https://www.laposte.fr/boutique
    https://www.lecarredencre.fr 

    Voir aussi : "Miniature hommage à Agnès Varda"

    ASTÉRIX ® OBÉLIX ® IDÉFIX ® / © 2024 Les Éditions Albert René / Goscinny-Uderzo

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  • La femme qui aimait un homme qui aimait un homme qui était une femme

    Allez, je me lance. Peau d’homme, du scénariste Hubert et du dessinateur Zanzim (éd. Glénat), mérite sans aucun doute de figurer parmi les 10 meilleures bandes dessinées de ces dix dernières années. Pour preuve, voici la liste des prix récoltés par cette formidable œuvre : Grand Prix RTL 2020, Prix Wolinski de la BD du Point 2020, Grand prix de la critique ACBD 2021, Prix Landerneau BD 2020, Prix Ti-Zef 2020, Fauve des Lycéens 2021 au Festival d’Angoulême, Prix des Libraires Canal BD 2021, Prix BDstagram 2020, Prix Imaginales de la bande dessinée des bibliothécaires 2021, Prix littéraire On' 2021. Si Bla Bla Blog avait un prix, il en décernerait sans doute un.

    Nous sommes dans l’Italie de la Renaissance. Bianca, jeune femme admirée pour sa beauté et la fortune de ses parents, doit se marier. Un mariage arrangé, bien sûr, mais qui ne lui déplaît pas. Elle souhaiterait juste connaître un peu mieux son futur époux. Il s’appelle Giovanni, semble charmant et ne laisse pas insensible Bianca. Or, c’est lors d’un séjour chez sa marraine que cette dernière lui confie un secret. Elle possède une peau d’homme chez elle, un déguisement plus vrai que nature des pieds à la tête, sans rien oublier de l’intimité - si vous voyez ce que je veux dire... La jeune femme décide de l’enfiler - je parle du déguisement. Elle devient, pour quelques heures, un homme, Lorenzo. Elle décide de s’en servir pour nouer amitié avec Giovanni et mieux le connaître. Or, contre toute attente, ce dernier s’éprend de Lorenzo.

    Une bande dessinée féministe – écrite par deux hommes

    C’est sous forme de conte que se présente Peau d’homme, avec bien évidemment une première référence directe à Peau d’âne. Zanzim a fait le choix d’un graphisme renvoyant à l’iconographie de la fin du Moyen Âge et de la Renaissance. Le lecteur admirera la sobriété très ligne claire de la BD tout comme la force des planches en pleine page.

    Pour autant, la naïveté des traits, y compris dans les visages, est contrebalancée par l’audace visuelle des corps nus, des tendres étreintes et de cette peau magique, objet de tous les fantasmes mais aussi de tous les ennuis.

    On a beaucoup parlé de l’engagement des auteurs dans cette histoire d’émancipation, de découvertes du corps et aussi d’identité. Bande dessinée féministe – écrite par deux hommes ! – Peau d’homme se veut aussi un plaidoyer comme l’homophobie et l’obscurantisme, qu’il soit religieux ou patriarcal, à telle enseigne que dans les dernières pages c’est la liberté qui l’emporte.

    Un authentique chef d’œuvre à lire absolument.      

    Précisions enfin que Hubert, auteur du formidable scénario, intelligent et très fin, s’est donné la mort peu de temps avant la sortie de cet ouvrage. 

    Hubert & Zanzim, Peau d’homme, éd. Glénat, 2020, 152 p.
    https://www.glenat.com/1000-feuilles/peau-dhomme-9782344010648
    https://www.facebook.com/fredzanzim/?locale=fr_FR

    Voir aussi : "Et pop !"

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  • Bordeaux en images

    Qui connaît Bordeaux ? Les Bordelais et Bordelaises peut-être ; et encore. Voilà qui explique pour commencer la très belle idée de retracer l’histoire de la 12e ville de France pour la superficie et la 9e en terme de population. Ajoutons, pour terminer sur l’aspect statistique que dans le classements mondial des 25 villes les plus belles villes du monde, Bordeaux arrive à la 9e place… devant Paris.

    Les éditions Petit à Petit proposent, dans leur collection Villes en Docu-BD, leur nouvelle publication, La Grande histoire de Bordeaux, une biographie originale de la Capitale de la Garonne. Sur un scénario de Didier Quella-Guyot et Frédéric Brémaud, le tout en 18 chapitres, 16 dessinateurs proposent une plongée dans la vie de la cité girondine de la Préhistoire jusqu’aux années 2020. Pour chaque chapitre, 6 planches relatent une époque pour la ville de Bordeaux, occasion de découvrir une ville qui ne se résume ni au vin, ni au passé négrier – qui a certes existé. On découvrira que la paisible ville des années 2020 – certes embourgeoisée depuis quelques années – n’a pas la moins souffert des conflits et des événements souvent dramatiques en raison de sa position géostratégique. 

    Les auteurs ne se sont pas gênés pour mettre en scène les personnages imaginaires et récurrents

    La bande dessinée a ceci comme avantage d’ouvrir l’Histoire a un plus large public, et même mieux : de la mettre en images. Parce que les sources manquent pour certaines périodes, les auteurs ne se sont pas gênés pour mettre en scène les personnages imaginaires et récurrents de Meliss et Ariin. Deux adolescentes – imaginaires elles aussi – viennent également clôturer l’album pour parler de notre époque et des aménagements urbains récents.

    Dans un désir de rendre l’histoire de Bordeaux attrayante et vivante, des personnages historiques – réels ceux-là – ponctuent le récit. C’est le Romain Ausone, pris à parti par Meliss et Ariin en raison d’un document disparu. C’est Aliénor d’Aquitaine, personnage capitale dans l’histoire de l’Aquitaine. Citons aussi Montaigne qui, beaucoup l’apprendront, a été Maire de Bordeaux durant les Guerres de Religion.

    Outre un chapitre éloquent sur le trafic d’esclaves qui a enrichi la ville – certes, moins que Nantes – La Grande histoire de Bordeaux est largement consacrée à l’urbanisme et aux transformations citadines profondes, depuis les enceintes médiévales jusqu’aux constructions modernes, en passant par le travail spectaculaire de Claude Boucher au milieu du XVIIIe siècle, le "Pont de Pierre" après l’époque napoléonienne, sans oublier l’arrivée du chemin de fer qui a eu des conséquences inattendues sur le paysage mais aussi la société aquitaine.

    Et puis, the last but not the least, il y a la viticulture bordelaise, un patrimoine culturel exceptionnel qui est surtout relaté à travers le drame naturel qu’ont été le phylloxera puis le mildiou. Une passionnante manière de découvrir ou redécouvrir une ville qui est parvenue à se faire aimer au fil des siècles. 

    La Grande histoire de Bordeaux, éd. Petit à Petit, collection Villes en Docu-BD, 2024, 160 p.
    Scénario de Didier Quella-Guyot et Frédéric Brémaud
    Documentaires de Béatrice Merdrignac, Dessins de Alessandro Poli, Fabrizio Russo, Francesco Bisaro, Luciano Bernasconi, Alain Paillou, Chico Pacheco, Emmanuel Despujol, Fabio D’Auria, Jean-Claude Bauer, Adrien Amilhat, Benjamin Basso, Benoit Lacou, Emeric Tain, Fabien Ronteix, Philippe Loirat, Samuel Mennetrier
    https://www.petitapetit.fr/produit/bordeaux-ledition-complete

    Voir aussi : "Tintin bordelais"

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  • Et pop !

    Saluons cette excellente bande dessinée de Michele Botton au scénario et Marco Maraggi au dessin qui se sont attaqués à celui qui reste l’un des artistes les plus incontournables et les plus populaires de la deuxième moitié du XXe siècle (éd. Larousse).

    L’américain Andy Warhol, pape du pop art, a vu ses œuvres archi diffusées, commercialisées, montrées et souvent copiées, faisant dire parfois qu’il est entièrement identifié au pop art.

    Ce n’est pas le moindre des mérites de l’auteur de faire connaître l’artiste et l’homme, ce dernier étant souvent effacé derrière ses boîtes de soupe Campbell ou ses sérigraphies iconique autour du visage de Marylin Monroe.

    Suivant la chronologie, les auteurs suivent la vie d’Andy Warhol de son enfance à Pittsburgh où le garçon timide se tenait à l’écart des autres enfants jusqu’à son décès en 1987, quelques temps après celui de son ami Jean-Michel Basquiat.

    Pape du pop art

    C’est avec la mention de biographie "non officiel et non autorisé" que se présente cette "bio graphie". Ce qui ne veut pas dire que Michele Botton et Marco Maraggi osent l’impertinence à tout crin et le fantasque. En réalité, voilà une sérieuse biographie qui se distingue autant par le soin de sa vulgarisation que par les dessins et les couleurs – très pop, justement.

    L’introduction de l’ouvrage insiste sur le terme de "pop", justement, renvoyant au mot "populaire", ce qui dit beaucoup sur les intentions des artistes de l’époque, à commencer par Warhol lui-même. L'artiste ne cachait d'ailleurs pas son ambitieux de faire une oeuvre à la fois originale, populaire et commercialement monnayable. Réussite totale !

    Le récit de son parcours, de l’école où il était sérieux, en passant par la publicité puis finalement la Factory, le lieu où il accueillait les artistes new-yorkais, dit beaucoup sur les intentions de Warhol : créer des œuvres et faire de l’argent.

    L’artiste archi célèbre de son vivant, le plus commenté et imité depuis les années 60, reste toutefois un inconnu, tant Warhol s’est dissimulé derrière un personnage. Voilà une belle occasion de le découvrir, en attendant de se précipiter pour découvrir d’un nouvel œil ses œuvres entrées dans le patrimoine de l’humanité.  

    Michele Botton et Marco Maraggi, Warhol, La bio graphique, éd. Larousse, 2024, 192 p.
    https://www.editions-larousse.fr/livre/warhol-la-bio-graphique-9782036065956

    Voir aussi : "Bordeaux en images"
    "Fantasy à lire et à rire"

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