Musique ••• Classique ••• Joseph Haydn, Symphonies 43 & 49, Mercure & La Passione
Bla Bla Blog - Page 182
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Visages de la peur
Transgressif, non seulement le magazine d’art contemporain White Rabbit l’est, mais il le revendique jusque sur sa page de couverture. Nicolas Le Bault, dont il a été question à plusieurs reprises sur Bla Bla Blog, est aux manettes d’un projet artistique et éditorial passionnant.
White Rabbit est non seulement le titre d’un magazine dont les signatures se sont enrichies depuis le premier numéro (nous en sommes au troisième), mais aussi une "créature" comme le déclare Nicolas Le Bault. Un personnage bien inquiétant en vérité, au sexe indéterminé, portant des oreilles de lapin et surtout des stigmates : rien de tel pour "angoisser l’univers"... Cette créature a pour caractéristique "[d'ignorer] la frontière entre le bien et le mal. Elle est le mal." Nous voilà prévenus que nous allons être secoués.
Revue underground, White Rabbit Dream ne se donne pas de limite pour traquer les cauchemars (Sandra Martagex), les traumatismes de l’enfance (Nicolas Le Bault), des scènes oniriques (Angela Dalinger) et les peurs de toute sorte : bandes dessinées (Marie-Pierre Brunel, Mike Diana), compositions graphiques (Sarah Barthe, Aline Zalko, Céline Guichard), peintures (les magnifiques planches d’Anne Van Der Linden) et trois textes proposent une lecture forcément subjective d’un des sentiments humains les plus universellement partagés.
Le lecteur passe d’histoires monstrueuses et cathartiques (L’Intruse ou Le Chien qui sourit de Nicolas Le Bault) à de véritables chocs visuels (Céline Guichard et ses compositions dessin-photo ou les personnages cauchemardesques de Cendres Lavy et Aleksandra Waliszewska), laissant à chacun le soin d’interpréter des histoires sans paroles : ce sont ces planches sombres et magnifiques de Daisuke Ichiba, peuplés d’êtres inquiétants, sur des planches où le deuil se mêle aux traumatismes de toute sorte et au sexe.
De véritables chocs visuels
Restons en Asie avec les magnifiques peintures oniriques de Kazuhiro Hori, dans lesquelles de jeunes écolières japonaises sont entre les griffes d’inquiétants monstres en peluche rose, représentations psychanalytiques de mondes fantastiques rêvés.
White Rabbit Dream regorge de créations graphiques frappantes, à l’instar de celles d’Helge Reumann, à la limite de l’abstraction, aux anges déchus LGBT de Twotm Land ou de ces effrayants astres aux visages de poupons terrifiants imaginés par Sara Birns.
Trois textes viennent ponctuer une revue essentiellement graphique. Le premier de ces textes est de Dany-Robert Dufour (Il était une fois le dernier homme). L’auteur parle de la peur – bien entendu – et des moyens de s’en protéger :"Creuser un vide sanitaire ou édifier une grande muraille entre le monde et moi." Au risque d’en finir asphyxié et de se perdre complètement.
Le deuxième texte, de Frederika Abbate, Terreur versus Peur, est, comme l’indique le sous-titre : une "réhabilitation de la peur." Ce comportement humain est plus que nécessaire : vitale, comme le martèle avec pertinence l’auteure. Oui, "nous vivons sur les ruines de la peur", mais "en vérité, les gens font semblant d’avoir peur. Mais ils n’ont pas peur… Cette peur ne détecte plus le danger un, indivisible, la menace véritable…" : Nous avons "peur de tout et de son contraire," jusqu’à nous entraîner dans "le vilain sommeil de la terreur." Un texte qui n’a de cesse de nous interroger sur nos postures d’hommes et de femmes en 2020.
Stéphane Rengeval, est au dessin dans de superbes planches au noir et blanc puissant mais aussi à la plume pour un troisième texte. Il y parle de l’autre, de la distance que l’on met face au monde et de la recherche d’une certaine pureté et "sagesse" dans le repli. Cet effacement volontaire ("Entre un être et un autre, il y a un abîme, une discontinuité") met à bas la confiance envers l’autre et a une autre conséquence : "la peur n’existait que dans la distance que j’entretenais avec la réalité ! Autrement dit, la peur occupe l’espace que je lui donne."
La peur c’est moi, et rien d’autre.
White Rabbit Dream, La Peur, vol. 3, mars 2020
https://whiterabbitprod.bigcartel.com
http://www.nicolaslebault.comVoir aussi : "White Rabbit Dream, transgressif et sensible"
© Nicolas Le Bault
© White Rabbit DreamTenez-vous informés de nos derniers blablas
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Photo : Bongkarn Thanyakij - Pexels
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Fatbabs et ses potes
Je vous parlais il y a quelques mois de Fatbabs et de sa bande de potes qui nous proposait son EP Holidays, réjouissant et, dirions-nous, estival. Le producteur et beatmaker enfonce le clou avec son album Music Is For Kids, tout aussi festif et créatif. Un opus rafraîchissant et ensoleillé pour nous, les gamins que nous sommes tous. Ça tombe bien : il fait beau et nous sommes enfermés chez nous. "Si j’avais le temps / Je ferais rien / Si j’avais le temps / Je le ferais bien / C’est jamais le moment" (A quoi tu penses ?). Cela ne vous parle pas ?
Pour son nouvel opus, Fatbabs a su s’entourer, et même de bien s’entourer. Il propose des featurings à la pelle pour un album souriant :Naâman, Sizzla, Demi Portion, Soom T, Jahneration, Marcus Gad, Volodia, Kenyon, Naë, Françis, Scars, Mardjenal, Cheeko, D’Clik, Mood Supachild, Joey Larsé, Rachel Lacroix, Jazz P, MC Kaur, Floretha, Madeline et Adil Smaali. Vingt invités pour un premier album réellement ambitieux.
Le résultat ? Une pop décomplexée matinée d’urbain (Life is Child, avec Madeline en featuring), d’électro (Inspiration, Celestial Dance avec Floretha et Joey Larsé), de rap (Like A Melody, avec Naâman et Mood Supachild ou Woman avec Jazz P., MC Kaur ou Demi Portion) et même de reggae (Close To Me avec Jahneration, Look Out avec Sizzla et Relate avec Marcus Gad.
"Si j’avais le temps / Je ferais rien / Si j’avais le temps / Je le ferais bien"
Oui, du reggae également. Il faut dire que depuis 2012, Fatbabs est le beatmaker fétiche de Naâman, figure emblématique du reggae français. Il produira d’ailleurs ses trois prochains albums, dont un en Jamaïque.
On en saura jamais trop remercier Fatbabs pour ses titres merveilleux de rythme, de soleil, à l’exemple de Music Is For Kid, qui donne son nom à l'album, ou encore et surtout du fantastique morceau Sad Owl, avec Rachel Lacroix dont on découvre l’immense talent.
On retrouve dans Music Is For Kids le titre Keep on Rollin avec Naâman et Demi Portion, qui était déjà présent dans le EP Holidays. Au sujet de ce mini-album, j’avais déjà souligné tout l’aspect festif du titre sautillant Lalala, présent également ici. Comme si Fatbabs avait rameuté pour l’occasion sa bande de potes, Naâman, Jahneration, Volodia, Kenyon, Mardjenal, Francis, Cheeko, D’click et Scars.
Vrai album de fusion, Music Is For Kids est une ouverture généreuse au monde, à l’instar de Look Out avec Sizzla et Relate avec Marcus Gad : énergie, plaisir et passion. Fatbabs dit à sa manière que la musique est pour les grands enfants que nous sommes.
Fatbabs, Music Is For Kids, Big Scoop Records, 2019
https://www.facebook.com/fatbabsbigscooprecord
https://www.instagram.com/fatbabs_beatzVoir aussi : "Fatbabs, Demi-Portion, Miscellaneous et compagnie"
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Un Boléro historique et confiné
Le concept musical de l'Orchestre national de France a été sans doute le premier et le plus gros coup de ces live streams de confinement. Imaginez : faire jouer ensemble tout un orchestre alors que les interprètes sont chez eux. Les arrangements sont de Didier Benetti, timbalier à l'Orchestre National de France et la réalisation de Dimitri Scapolan, opérateur vidéo à Radio France.
Ce projet demande de l’audace, de la passion mais aussi de la technique. Beaucoup de technique. Le résultat ? Un Boléro de Ravel d’anthologie.
Le Boléro de Ravel par l'Orchestre national de France
https://www.facebook.com/orchestrenationaldefranceVoir aussi : "Vanessa Benelli Mossel : #iorestoacasa, nella musica"
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Tous des monstres
On n’attendait sans doute pas Stella Tanagra dans ce registre. Celle qui s’est illustrée dans celui de l’érotisme – Sexe cité (IS Édition), Sexe primé (éd. Tabou), Les dessous de l'innocence (éd. Tabou) – publie en ce moment un recueil à la facture plus classique, La Peau du Monstre (IS Édition) sur le thème, justement, des monstres.
Voilà un sujet que l’auteure, qui assume être "étrangère aux convenances sociales [et] montrée du doigt comme un monstre sauvage", présente avec une belle pertinence : "Si l’on oublie le champ stricto sensu péjoratif, "étymologiquement, « monstre » provient du verbe latin « monstrare » signifiant (...) « montrer ». Si le monstre donne quelque chose à voir, c'est bien parce qu'il diffère des normes de telle sorte qu'il intrigue et surprend, suscitant des sentiments passant allègrement de la hantise au culte." Le monstre est donc notre semblable, pour ne pas dire nous-mêmes. Mais ce "nous-même" caché peut ressurgir à la lumière du jour, s’exhiber et éveiller des pulsions et des transgressions qui nous rendent finalement si humains, trop humains.
Les dix nouvelles de La Peau du Monstre – auxquels s’ajoutent deux récits en bonus – sont autant de plongées dans des vies à la fois ordinaires et monstrueuses, qui viennent aussi en "écho aux propres enjeux de nos vies." Car ces monstres, qu’ils soient hommes (Corps à corne), femmes (Ventrue, Sacré Fils), enfants (Un plat qui se mange froid ?) ou même bébé (Naïve Orgie), nous paraissent singulièrement proches.
Sous forme d’un fait divers, L'Âme de Rasoir conte l’histoire d’une série d’agressions au rasoir dans un village du Morvan. Dans cette bourgade tranquille, les méfaits d’un "serial tatoueur" qui taillade plusieurs de ses habitants va devenir un sujet de terreur autant que de fascination morbide.
Autre fait divers imaginaire et monstrueux : celui d’un encierro, un lâcher de taureaux lors d’une fête votive. Martial et Abel s’engagent dans un combat de coq mortel pour les beaux yeux d’Hermine, la femme qu’ils convoitent tous les deux (Corps à corne).
Des enfants, dont l’innocence présupposée est lardée de sérieux coups de canif
La Peau du Monstre regorge de personnages d’enfants, dont l’innocence présupposée est lardée de sérieux coups de canif. Il y a Valentin, neuf ans, capable d’un acte implacable contre sa mère tortionnaire (Un plat qui se mange froid ?). Le texte intitulé Barathre, terme désignant un gouffre dans l’Athènes antique où étaient jetés les condamnés à mort, est le récit d’une jeune cleptomane de 13 ans. Stella Tanagra sait se montrer particulièrement féroce dans Déboutonnez-moi ! Ce récit d’une fillette, Anna, est celui d’une obsession se cachant dans une autre, récit que l’auteure résume ainsi : "Treize monstres, trois années de supplices et une victime mystérieuse."
Stella Tanagra sait prendre son lecteur à rebrousse-poil avec des texte d’autant plus désarçonnants qu’ils sont parfaitement maîtrisés, et d’une écriture tout en arabesques : on pense à Ma Muse, qui est le récit d’une obsession que le lecteur découvrira dans les dernières lignes et à La Malvenue, la nouvelle la plus longue du recueil. Pour ce texte, qu’Edgar Allan Poe n’aurait pas renié, une jeune femme, "fustigée telle une sorcière" par les habitants de son village, se trouve happée par une demeure majestueuse mais abandonnée. Elle décide de la visiter, des catacombes au grenier. L’auteure prend son temps pour cette déambulation inquiétante, s’arrêtant sur chaque détail : un vitrail, une statue ou même une hache abandonnée. Le lecteur apprendra peu de chose de cette demeure aux "indicibles secrets." Mais c’est la visiteuse et narratrice qui intéresse Stella Tanagra, particulièrement douée dans cette digression très fin de siècle, avec un style classique et d’airain qui ne laissera pas indifférent : "J'étais oppressée par un sentiment d'incarcération tandis que les boiseries murales bandaient les parois basses du mur comme une sorte de squame brunâtre incrustée sur la peau de ce boyau."
La Peau du Monstre se clôt avec deux textes à part, deux hommages à la science-fiction. Le premier, Éloge à l’abominable Dagobah, donne vie à une créature secondaire de la saga Star Wars ("Dagobah est aussi lent que son nom est long à prononcer. Gigantesque mammifère mi-amphibie avec ses pattes palmées, mi-terrestre avec son squelette démesuré, sa lourde morphologie se déplace à la vitesse de la tortue"), une sorte de yak vivant sur la planète de Maître Yoda. Le second bonus est un hommage au space opera Battlestar Galactica, à travers un autre de ces monstres (Éloge au bionique Gallactica), bien loin de ces monstres ordinaires qui se nomment Valentin, Anna, Crème ou Martial.
Stella Tanagra, La Peau du Monstre, IS Édition, 2020, 120 p.
http://stellatanagra.comVoir aussi : "L’ennui avec les princesses"
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Dessine-moi un strip
En cette période très particulière, une initiative de la Cité Internationale de la bande dessinée et de l’image d’Angoulême s’avère particulièrement la bienvenue. Depuis le 6 avril, en partenariat avec le ministère de la Culture et le Centre national du livre (CNL), la CIBDI d’Angoulême propose aux Français de se mettre au dessin et à la BD grâce à l’opération "Toute la France Dessine !" Une opération qui s’inscrit dans le cadre de l’année de la bande dessinée.
Les ambitions de la vénérable institution ? Rien de moins que "développer une meilleure connaissance de la BD et de ses codes tout en valorisant les pratiques amateurs."
Chaque semaine, un strip de quatre cases sera mis en ligne sur les réseaux sociaux (Facebook, Instagram, Twitter et Youtube) avec le hashtag #ToutelaFranceDessine. Les deux premières cases seront dessinées par un auteur ou une autrice de BD. Elles constitueront le début d'une histoire qu'il s'agira de poursuivre en dessinant les cases vierges. Et ce sont les internautes qui s’en chargeront… Les participants auront juste à partager leurs créations sur les réseaux sociaux en mentionnant le hashtag #Toutelafrancedessine et en taggant le compte @2020annéeBD pour que l'on ne passe pas à côté de leur strip.
Les meilleures contributions seront publiée chaque semaine sur les sites et réseaux sociaux partenaires de l’opération et exposée lors du prochain festival d’Angoulême, en janvier 2021.
Les premiers auteur·e·s de l’opération "Toute la France Dessine !"sont sont Florence Cestac, marraine de l’Année de la Bande Dessinée, Jul, également parrain de l’Année de la bande dessinée et Giorgia Marras, autrice franco-italienne, ancienne résidente de la Maison des Auteurs à la Cité internationale de la bande dessinée et de l’image, Angoulême.
Alors, tous à vos crayons, vos plumes et vos encres de chine : cette période de confinement s'y prête bien. Cette semaine, c'est Jul qui s'y colle.
"Toute la France Dessine !"
BD 2020
https://www.bd2020.culture.gouv.fr/Actualites/toute-la-france-dessineVoir aussi : "Attache ta tuque ou le français dans tous ses États"
Jul ©Jul
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Le Théâtre Mikhailovsky se pointe sur Internet
Lorsque le confinement vire au grand art : parce que les artistes classiques sont concernés lui aussi par le Grand Confinement, les danseurs du Théâtre Mikhailovsky de Saint-Petersbourg ont décidé de continuer leurs pointes, portées, et autres pas de chat, cette fois sur Facebook.
L’internaute peut découvrir les prestations de ces artistes chez eux, en tutu, chaussons et collants… mais dans des activités les plus prosaïques : en pleine popote à la cuisine, chorégraphiant des pas sur le Don Quichotte tout en faisant la vaisselle, dans la salle de bain ou passant… le balai.
Une magnifique manière de sourire par une troupe qui n’attend qu’une chose : retrouver la scène et le public. Le vrai.https://www.facebook.com/mikhailovskytheatre
https://mikhailovsky.ru/enVoir aussi : "Vanessa Benelli Mossel : #iorestoacasa, nella musica"
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