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"On qualifie mon univers d’étrange, d'absurde. Pourtant c’est la réalité et son quotidien qui, depuis l’enfance, me semblent absurdes" : l’illustratrice Lorraine Suty présente ainsi son travail et son œuvre mêlant saynètes naïves sorties tout droit de l’imaginaire d’un enfant (la série Zébulon), mondes imaginaires et mythologiques (Jason et la page perdue) et tout un bestiaire dont les influences peuvent autant être trouvées dans la littérature manga (Senpaï crapaud, Rêve de bento) ou dans l’illustration jeunesse (Trolls). Mais l'artiste sait aussi adopter une facture plus réaliste (Gorille), voire sombre (Œufs surprises), prouvant toute sa palette technique.
Flamant rose, crocodile à la gueule fermée par une sorte de fermeture éclair, araignée hargneuse, baleines rieuses, singes engeôlés, élégantes grenouille bleutée, dinosaures ou dragons : le bestiaire de Lorraine Suty est non seulement vaste et hétéroclite, mais il se pare aussi de poésie et d’absurde, d’humour et de tendresse, à l’instar de ce couple de hippocampes amoureux.
Phénoménologue husserlienne de l’illustration
À l’instar de ces dragons ou ce poisson monstrueux à la tête anthropomorphe, les animaux prennent des atours fantastiques, comme s’ils étaient tout droit sortis d’un ouvrage de fantasy.
L’artiste propose également une série de paysages plus classiques : Amalfi, Marseille ou Jiufen. Mais elle pose sur ces vues un regard tendre, naïf et très neuf. Les professionnels ne s’y sont pas trompées: Lorraine Suty a été sélectionnée en 2018 au concours Jeunes Talents et exposée au Festival International de la Bande Dessinée d’Angoulême.
Se plonger dans l’univers de Lorraine Suty c’est laisser son regard sourire. Lorsque Lorraine Suty créé cette forêt aux arbres comme autant de pieds, elle se fait, d’une certaine manière, phénoménologue husserlienne de l’illustration : "Finalement l’absurdité n’est-elle pas qu’une question de point de vue ?"
Lou Tavano revient avec Uncertain Weather, un deuxième album qu’elle a écrit avec Alexey Asantcheeff. Un retour aux sources pour un opus revivifiant, mélancolique et interrogeant un temps incertain, comme son titre l’indique. "J’avais atteint le point de rupture, je devais partir de Paris. Alexey, écossais par sa mère, avait une maison là-bas, face à la mer, vide, avec un vieux piano à queue. C’était exactement ce qu’il me fallait. Là-bas je me suis retrouvée face à face avec une nature-miroir de mes propres émotions. Un équilibre parfait entre paix et fureur. Le fil conducteur m’était révélé. Avant même d’avoir les chansons, je savais que l’album s’appellerait Uncertain Weather", résume la chanteuse.
As One, le premier titre, commence par une note plaintive maintenue par des cordes avant que ne s'élève une voix veloutée et hyper tendue, celle de Lou Tavano. Le duo qu’elle forme avec Alexey Asantcheeff ose l’économie de moyens, à l’instar de Memories Of Tomorrow et surtout de Simples Way To Be : une boîte à rythmes minimales, un piano, un violoncelle et cette voix qui nous parle du désir d'être. Tout simplement.
Lou Tavano fait de sa voix magique un authentique instrument de recherche sophistiqué, lorsqu'elle se lance par exemple dans un concerto pour voix et piano dans The Dancer, où se mêlent construction harmonique et improvisation jazz. Avec As We part, Lou Tavano prouve son talent à se mettre au service de balades qui, par leur classicisme, restent d'une rare efficacité.
Digne de figurer dans une BO de James Bond
Artiste pop ou jazz? La chanteuse sait déjouer les frontières, à l'exemple de Memories Of Tomorrow, un titre digne de figurer dans une BO de James Bond, ou du délicat You See Me Now, dans lequel la palette vocale de la chanteuse s'étend avec bonheur.
J'attends est l'un des deux titre français, interprète dans un parler chanté bienvenu, afin de laisser la place à un texte existentiel sur l'attente et l'espoir : "Il y a des jours comme cela / Où seul le silence couvre ma voix." Seule Lou Tavano pouvait parler le temps d’une chanson de la solitude d'une chanteuse de jazz. "Je doute en permanence. Je suis à la fois ma meilleure amie et ma pire ennemie. Ce disque est l’histoire de ce combat intérieur", commente-t-elle.
Le fil de la vie empreinte un chemin poétique que Michel Legrand n'aurait pas renié. On imaginerait volontiers Lou Tavano chanter et danser dans un Paris féerique : et si l'on tenait là autant un miracle vivant du jazz, et pourquoi pas une future très grande interprète de comédie musicale ?
L'album se termine avec Uncertain Weather qui lui donne son titre. L'artiste propose une dernière ballade, brillante grâce à l’osmose d’un violoncelle métaphysique et d’une voix venue de nulle part.
L'Œil du frigo s'intéresse cette semaine à la célibataire la plus célèbre du monde : Bridget Jones. Oui, il y a moyen de disserter sur le réfrigérateur pour une femme autour de qui se joue des problématiques comme la solitude, la frustration et la recherche de l'amour. Sans oublier ce havre de paix et de réconfort qu'est son appartement... et sa cuisine. Et au centre de sa cuisine, il y a le sempiternel réfrigérateur.
Aujourd'hui, nous allons du côté de Bridget Jones. Je ne présente plus ce film sur la plus célèbre célibataire du grand écran. Le premier épisode est absolument divin. Certes, Bridget est miss naïve, miss oie blanche, mais sa vie est aussi vide que son frigo. Son frigo: parlons-en. Non pas que je sois absolument phénoménal pour parler du vide, quoique, avec quelques notions de physique, je devrais y parvenir, mais surtout parce que vide c'est vide !
Oui, je sais : on sait très bien que vide ce n'est pas tout à fait vide à partir du moment où il y un matériel qui entoure le vide. Mais quand même : là, on touche le vide sidéral. La représentation unique du vide lorsqu'on se fait larguer comme Bridget. Elle est au bord du gouffre et se demande s'il ne vaut pas mieux se faire dévorer par les chiens... Le grand vide lorsqu'on se prend ce genre de claque ressemble au frigo de Bridget, même si on a mis des photos moches dessus.
Ceux qui lisent depuis le début se disent : "Il n'a pas vu qu'il y avait un fromage dans le frigo, ce qui rend le vide plus sympathique (vous savez sans doute que les parois du frigo sont faites de vide pour conserver le froid à l'intérieur), bien qu'entouré de vide." Je m'y perd un peu, peut-on être entouré de vide ? Bon sujet de philosophie au bac. Je reprends : Bridget a un frigo vide avec un fromage moisi dedans. Vous voyez ? Je l'ai vu ! je n'ai pas le regard si vide...
Depuis que j'ai commencé ces rubriques sur le frigo dans le cinéma je n'ai jamais vu un frigo si vide, ou alors dans le futur. Car même si parfois il est vide, la porte est remplie, histoire de dire qu'on se nourrit derrière une porte... Ici le message est clair : c'est vide et le fromage est moisi. Ce qui veut dire qu'elle va en baver... Elle va devoir d'abord nettoyer le moisi qui a pris naissance dans le frigo et s'envoyer le fromage avec des céréales ou autre saloperies.
Bridget l'a bien cherché quand même! Car laisser son frigo vide à ce point, voire moisir à ce point c'est jouer avec le feu. Je dirai même que c'est prémonitoire. Si elle avait ouvert le frigo le matin même, elle aurait dû se douter qu'il allait lui arriver quelque chose de grave entraînant un grand vide (Pour paraphraser Lamartine : "Un seul être vous manque et votre frigo est dépeuplé"). Elle aurait dû réagir, se faire livrer des courses et tout serait rentré dans l'ordre. Bon je sais il n'y a pas grand monde qui connait le langage des frigos mais ces derniers gagnent à être connus.
Alors surveillez votre frigo, il vous donnera j'en suis sur plus d'indications sur votre vie que madame Irma.
ODF
Le Journal de Bridget Jones, comédie de Sharon Maguire avec Renée Zellweger, Hugh Grant et Colin Firth Grande-Bretagne, États-Unis et France, 2001, 97 mn
Pour qui n’est pas familier de Schopenhauer, l’essai synthétique d’Ugo Batini est parfait pour découvrir le philosophe le plus lu au XIXe siècle. L’auteur du Monde comme Volonté et comme Représentation (1819), ouvrage majeur s’il en est, s’est pourtant fait connaître sur le tard. Il a 60 ans lorsqu’une revue anglaise s’intéresse à cet "iconoclaste dans la philosophie allemande." C’est le point de départ d’une notoriété qui ne s’arrêtera plus, jusqu’à son décès sept ans plus tard en 1860. Arthur Schopenhauer, "philosophe autant qu’artiste", a laissé l’image tenace et largement galvaudée d’un intellectuel aigri, pessimiste et vouant un mépris pour les hommes (il leur préfère largement ses chiens, dit-on).
Cette légende, Ugo Batini entend la démystifier grâce à son essai, mêlant la biographie et et l’essai de philosophie. Et l’on découvre un homme prenant chair, dans une époque troublée. Né à Dantzig l’année précédant la Révolution française, Arthur Schopenhauer vit dans une Europe abîmée par les guerres napoléoniennes. Issu d’une famille de la petite bourgeoisie allemande, le jeune homme sera toute sa vie hantée par un père qu’il a toujours vénéré et une mère intellectuelle, tenant un salon réputé. Elle sera aussi la célébrité de la famille grâce à des succès éditoriaux.
En suivant ses parents en voyage à Toulon puis à travers l’Allemagne, et en touchant au commerce et à la médecine, Arthur Schopenhauer bâtit peu à peu un système philosophique, inédit par ses influences comme par ses concepts : "[Il] développe une véritable Natur-philosophie, qui cherche à expliciter la totalité des phénomènes de la nature sans les réduire à la simple opposition de la matière et de l’esprit."
Ugo Batini parle des influences de philosophes et de courants de pensée : Platon, le scepticisme (Gottlob Ernst Schulze) et Kant, qu’il étudie avec passion, avant d’en critiquer les idées. Schopenhauer met en jeu la question de l’intuition et de l’expérience, contre l’idéalisme sous toutes ses formes (critique, subjectif ou absolu).
Une influence inattendue : celle du bouddhisme
En pleine guerre napoléonienne, Arthur Schopenhauer rencontre Goethe, qui salue en lui "un homme remarque et plein d’intérêt." Ensemble, ils travaillent sur un Traité des Couleurs, en 1810, qui marque à la fois une rupture entre ces deux génies et qui constitue aussi le ferment du Monde comme Volonté et comme Représentation : "Schopenhauer a besoin pour établir son système de rapatrier les couleurs dans l’œil alors que le tempérament réaliste de Goethe ne pouvait l’empêcher de les laisser aux mains de la nature."
Le lecteur trouvera dans cet essai biographique un chapitre passionnant sur une influence inattendue : celle du bouddhisme. Au début du XIXe siècle, les sciences orientales sont en pleine renaissance, et le philosophe allemand y trouve une puissante inspiration : "[Il] n’en retient spécifiquement que trois éléments : sa conception non-individuelle des âmes ou métempsychose (…), l’appréhension purement négative de la délivrance… [et] l’idée un peu réductrice d’une religion athée." La référence au brahmanisme est au cœur du Monde comme Volonté et comme Représentation.
Son essai majeur est publié en 1819, ne suscitant que peu de réactions, jusqu’à la parution de cet article anglais élogieux, trente ans plus tard. Ugo Batini consacre les cent dernières pages de son essai à expliquer la portée de son système de pensée. Le lecteur est pris par la main pour découvrir les concepts développés par le philosophe : la conscience meilleure ("un négatif de la conscience empirique"), la contemplation esthétique (car Schopenhauer peut être vu autant comme un philosophe que comme un artiste), l’irréalité du monde (cette "fragilité de la représentation"), l’"intrication intime du sujet et de l’objet" et la place centrale de la volonté. Ugo Batini avance pas à pas pour nous faire saisir les concepts novateurs - et parfois complexes - de Schopenhauer. "Ainsi, le monde entier nous apparaît bien comme une représentation, mais il se trouve qu’au sein de toutes nos représentations il en existe une singulière dont nous saisissons la face cachée : le corps."
"Quelle est la clef de l’énigme de l’essence du monde" ? Quel est le lien entre corps et volonté ? Peut-il y avoir une métaphysique de la nature ? Quid de l’art et de l’expérience esthétique ? Ce sont autant de questions qu’aborde ce Schopenhauer.
Hugo Batini réussit à faire du philosophe non plus ce vieillard acariâtre mais un homme sachant parler de la nature, de la compassion, de l’amour et des arts. Un Schopenhauer enfin révélé.
C’est avec bonheur que je vous propose de découvrir le trio June and the Jones. On va enfin s'attarder sur ce groupe français et voir ce que cette fratrie inattendue a dans le ventre. Leur nouvel EP, Square The Circle, entend entend résoudre une quadrature du cercle, comme son titre : trouver sa place et l’amour, sans perdre des yeux la famille, dans un monde en perte de repères.
June and the Jones a fait le choix d'une pop à la fois joyeuse, dansante et psychédélique (Dancing On The Moon). La voix fluette de la chanteuse Alice est parfaite pour les six titres de ce mini album extrêmement sophistiqué : mélodies efficaces (Brother), son seventies et rythmiques irrésistibles (Square The Circle). Le tout avec le choix d'une production ambitieuse et jamais facile (le formidable titre eighties, In My Head).
June and the Jones ne s'interdit pas de mettre son EP sous acide, à l'instar du titre passionné You Got The Hold On Me. Cold Eyes atterrit pour une pop plus apaisée, pour ne pas dire plus sérieuse, mais toujours avec cette appétence pour une pop à forte densité, soutenue par des synthétiseurs planants.
Le dernier titre, Brother, clôt en beauté et en délicatesse cet EP qui est celui d'une jeunesse violemment heureuse.
Le café philosophique de Montargis proposera une séance exceptionnelle au Hanger de Châlette-sur-Loing le vendredi 6 mars à 19 heures, dans le cadre d'une représentation des Monologues du Vagin. Cette pièce de théâtre emblématique sera proposée par la Compagnie Je Est Un Autre.
Le café philosophique de Montargis proposera avant cette représentation une séance autour du droit des femmes. Le débat portera sur cette question : "La femme est-elle un homme comme les autres ?"
La question de la place de la femme dans la société et de l'égalité homme-femme sont des sujets toujours brûlant, spécialement depuis les mouvements #MeToo ou Balance Ton Porc. Le café philosophique de Montargis proposera de débattre autour de la question de l’égalité hommes-femmes et du sexe. Comment définir un homme et une femme ? Quels rôles leur attribue-t-on ? Ces rôles sont-ils interchangeables ? Une égalité du genre doit-elle conduire à une indifférenciation des rôles ? Quid du féminisme ?
Ce sont autant de points qui seront discutés et débattus le vendredi 6 mars, à partir de 19 heures au Hanger de Châlette-sur-Loing.
Il est enfin temps de parler de celui que la respectable académie des Victoires de la musique a décidé de récompenser comme artiste de l'année. Ni plus ni moins. Que de chemin parcouru depuis ses débuts dans les années 90 pour celui qui était ce musicien au style british et comme téléporté d'un épisode du Prisonnier. L'artiste vendéen proposait une pop déjà inventive mais lorgnant sutout du côté de l'easy listening sixties.
Une autre époque : car, depuis, le chanteur signe d'ébouriffants albums aussi inventifs que désarçonnant. Pour son dernier opus, Confessions – une référence à ses origines catholiques et bocagères –, Philippe Katerine s'est entouré d'amis et pointures artistiques : Camille, Gérard Depardieu, Angèle, Chilly Gonzales, Lomepal, Clair, Oxmo Puccino, Léa Seydoux et Dominique A.
Ces featurings ont choisi de s'engager dans cet album audacieux, dingue (Bof Génération), inventif (Point noir sur feuille blanche, Madame de), drôle (88%), tendre (Une journée sans), personnel (Bonhommes, Aimez-moi), osé (KesKesséKçetruc), intelligent (Duo) mais aussi poétique (La clef).
18 titres composent cet opus moins patchwork et plus cohérent qu'il n'y paraît. Car Philippe Katerine est un artisan doué autant qu'un compositeur inspiré et un grand enfant au plaisir communicatif, à l'instar du régressif BB Panda ("Vous êtes tous des C.O.N.S.")
Philippe Katerine n'est pas le dingue que l'on décrit. Il est aussi capable de proposer des moments tendres ou nostalgiques (La converse, Malaise, Bonhommes, Aimez-moi) ou d' inénarrables titres appelés à devenir des classiques (J'aime être stone avec toi, KesKesséKçetruc avec Camille ou Duo avec Angèle et Chilly Gonzales).
"On a le même tempo mais pas le même pattern"
L'éternel ado attardé ne s'embarrasse pas d'autocensures dans ses Confessions. Avec Camille, il s'interroge avec loufoquerie sur le sexe ("Le point commun, entre Sigmund Freud et Hugh Hefner / Ils étaient tous les deux obsédés sexuels, mais Freud a révolutionné la pensée occidentale, Hefner la presse américaine, voire mondiale", KesKesséKçetruc), avec Lomedal de l'homosexualité contrariée ("Quinze pour cent des mecs sont pédés (en vrai) / Mais soixante-treize pour cent veulent pas se l'avouer" 88%).
Dans le Duo avec Angèle (un trio en réalité puisque Chilly Gonzales est de la partie), Philipe Katerine propose une mise en abîme de la création musicale ("On a le même tempo mais pas le même pattern"). Quelques sujets sérieux sont abordés, mais toujours avec l'excentricité qu'on connaît de l’artiste vendéen : l'écologie (BB Panda), le racisme (Blond, avec Gérard Depardieu), les crises actuelles (Bof Génération, avec Dominique A). Sans oublier le sexe et l'humour quasi omniprésents dans ces Confessions pas très catholiques (KesKesséKçetruc, Rêve affreux ou 88 %).
La meilleure éloge que l’on peut faire de Philippe Katerine est sans doute celle de Léa Seydoux dans Rêves heureux : "Depuis mes 10 ans, je suis fana de toi / Tu as quelque chose que les autres n'ont pas / Enfin, je n'sais pas si c'est un truc en plus ou en moins / Mais c'est pas rien / Depuis mes 10 ans, j'ai pas aimé que toi / Mais je souris quand je t'entends et te vois / Quand je te vois quelque chose me dis / "Tiens, le monde va bien. Le monde va bien ?"
Il y a deux manières de lire l’adaptation en BD de Sacrées Sorcières par Pénélope Bagieu.
La première est ni plus ni moins que la découverte d’un classique du conte fantastique de Roald Dahl, qui deviendra également un film de Robert Zemeckis cette année.
À Londres, un jeune garçon de huit ans, orphelin, vit avec sa grand-mère, une vieille dame dynamique, extravagante mais à la santé fragile. Suite à une alerte, ils se rendent à une station balnéaire pour quelques jours. Or, durant leur séjour, un congrès de sorcières se réunit secrètement pour ourdir un complot international contre les enfants ("Les enfants sont répugnants ! Ils puent ! Ils empestent ! Ils sentent le caca de chien ! Rien que d’y penser j’ai envie de vomir ! Il faut les écrabouiller ! Les pulvériser ! Écoutez le plan que j’ai élaboré pour nettoyer l’Angleterre de cette vermine…") Voilà le jeune garçon et sa grand-mère – qui n’est pas ignorante de ce thème peu ordinaire – entraînés dans une aventure incroyable.
Voilà pour l’histoire de ce conte. Mais Pénélope Bagieu ne s’est pas emparée par hasard de cette histoire de sorcières. L’auteure, féministe revendiquée (on lui doit l’excellente série Culottées autour de personnalités féminines qui ont changé l’histoire, dont Joséphine Baker, Betty Davis, Phulan Devi ou Hedy Lamarr), fait de ces sorcières, à la fois redoutables, déterminées mais aussi ennemies des enfants, des représentations féminines modernes, invincibles et anti-maternelles au possible.
La grand-mère, le personnage sans doute le plus passionnant de Sacrées Sorcières, est elle aussi une figure de femme complètement libre et indépendante. Protectrice de son petit-fils, la voilà engagée dans une aventure audacieuse. Une guerre de femmes, en quelque sorte, mais dans laquelle les enfants restent des héros sans peur et (presque) sans reproche.