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Bla Bla Blog - Page 305

  • Les Simonnet, en pleine(s) forme(s)

    simonnetLes Simonnet (Marthe et Jean-Marc de leurs prénoms) ont élu domicile dans le Gâtinais où ils poursuivent avec opiniâtreté une démarche artistique à la fois exigeante, originale et ouverte au public – ouverture qui n'est pas le fort, loin de là, de beaucoup d'artistes contemporains. 

    Le travail des Simonnet repose sur des créations autour de modules basiques aux formes douces, harmonieuses, mathématiquement et techniquement maîtrisées.

    Le cercle, le cylindre ou le tore constituent la base élémentaire de modules reproductibles et déclinables à l'infini, jusqu'à former des constructions parfois monumentales. Les jeux de combinaisons de ces modules – qui sont conçus en un moulage polyester travaillé par les artistes dans leur atelier – donne naissance à des constructions si naturelles et si évidentes, qu'elles en deviendraient presque vivantes : "Elles auront leur originalité propre tout en étant ontologiquement reliées entre elles par une structure, une ossature qui les innerve. Ce pourra être une surface courbe, une division, une ramification, un gonflement, un soulèvement... La multiplication des modules de base, si ceux-ci sont bien pensés, n’aboutit pas à une monotone répétition de type industrielle, mais au contraire, génère une grande variété de formes" expliquent les deux artistes.

    simonnetC'est en dehors de toutes les modes, et avec une liberté constante, que les Simonnet offrent au public la possibilité de "jouer" avec leurs créations. Il peut se les approprier sans parti pris. La manipulation, l'éphémère, la combinaison illimitée et l'imagination laissée aux spectateurs explique pourquoi leurs créations sont difficilement définissables : œuvres d'art, objets architecturaux, mobiliers urbains ou jeux pour enfants ? Sans doute tout cela à la fois, et sans doute plus encore. "Si longtemps présentée comme individuelle pour des raisons plus mercantiles que créatives, la création devient objectivée, raisonnée ludique et potentiellement collective", explique Jean-Marc Simonnet sur leur site Internet.

    Preuve que les Simonnet ont réussi à convaincre largement, leurs étranges et apaisantes formes modulaires que l'on croirait parfois sorties d'un voyage dans le temps, ont convaincu de nombreuses institutions et clients français ou étrangers : le Centre Pompidou-Metz, le Couvent des Minimes de Perpignan, la galerie Jérôme Sohier à Bruxelles, la galerie Twenty First à New York, le Pavilion of Art and Design de Londres ou le Pavillon des Arts et du Design au Jardin des Tuileries. En ce moment, et jusqu'au 31 octobre, les Simonnet exposent à Perpignan, à la galerie L'Extension

    Les Simonnet poursuivent indéfiniment leur travail et prouvent leur grande forme comme leur foi dans leur approche des formes modulaires : "Le monde qui nous entoure n’est-il pas le résultat d’une infinité de combinaisons ?"

    http://lessimonnet.fr
    lessim@club-internet.fr
    "Les Simonnet, exposition-vente",Galerie L’Extension, à Perpignan,
    du 17 septembre au 31 octobre 2015

     

  • Christine and The Queens, en anglais dans le texte

    Après l'album "Chaleur humaine" (voir cet article "La reine Christine"), Christine and the Queens, l'une des artistes de l'année 2014, traverse l'Atlantique.

    C'est aux Etats-Uni qu'Héloïse Letissier poursuit sa carrière avec le même premier album, qui a été réécrit en anglais pour le public américain. Dans cet album made in US, deux titres originaux ont été ajoutés, dont Jonathan et No Harl Is Done, avec le rappeur Tunji Ige.

    Les fans de Christine and the Queens ne seront pas dépaysés par le clip, épuré et basé sur une chorégraphie qui est la marque de fabrique de l'artiste nantaise.

    "La reine Christine"
    "Christine and The Queens : No Harm is Done"

     

  • Coupez le son

    L'affaire des prises de position pro-russe de la pianiste ukrainienne Valentina Lisitsa (voir l'article que je consacrais à ce sujet) a des conséquences inattendues. 

    Les compagnies aériennes KLM et Lufthansa ont retiré les enregistrements de l'artiste des playlists proposés dans leurs avions.

    Cette décision fait suite aux protestations de voyageurs (combien ? mystère...), ulcérés, semble-t-il, par les positions engagées (même si elles peuvent être critiquables) de Valentina Lisitsa. 

    Où il est encore question de liberté d'expression.

    "Lorsqu'une pianiste parle politique internationale"
    "Concerto pour piano seul"

     

  • Le Caravage primé

    J'avais parlé il y a quelques semaines du premier tome de Caravage, la bande dessinée de Milo Manara consacrée au génie de la Renaissance, et le maître du clair-obscur ("Le Caravage ressuscité en BD"). Milo Manara a su rester fidèle à la biographie (par moment lacunaire) de l'artiste italien tout en "dépeignant" l'environnement du Caravage, des palais de mécènes richissimes aux bas-fonds de la cité pontificale, en passant par les ateliers d'artistes. 

    Cette bande dessinée, élégante, passionnante et sexy, présente en plus l'avantage de faire découvrir ce peintre maudit, un "bad boy" considéré aujourd'hui comme un maître incontesté de la peinture occidentale. 

    C'est de manière tout à fait méritée que la revue Historia lui a décerné le Prix Historia de la bande dessinée 2015, pour sa "fiabilité historique, son scénario, son originalité et son graphisme". Et le magazine d'ajouter : "Ce que le jury récompense, c'est autant une excellente BD d'histoire qu'une extraordinaire œuvre d'art", dit la revue pour expliquer son choix.

    "Le Caravage ressuscité en BD" 

  • Eva, mon amour

    Il a déjà été beaucoup raconté de ce Liberati, d'Eva, le "roman vrai" de sa compagne Eva Ionesco, réalisatrice, actrice, égérie des nuits parisiennes, ex mannequin-enfant, symbole vivant des excès de l'underground parisien, lorsque la pédopornographie pouvait s'afficher en public sans susciter plus de remous que cela. C'est justement les pages consacrées à la carrière scabreuse d'Eva (surnommée par certains "Baby Porno"), entraînée par sa propre mère Irina Ionesco, qui ont valu à Eva, la réputation d’œuvre sulfureuse pour lecteurs avertis. 

    Mais l'ouvrage de Simon Liberati vaut bien plus que cela, car Eva est d'abord un grand livre d'amour, construit autour d'une femme flamboyante, libre et blessée, racontée par un Simon Liberati au bord de la rupture lorsqu'il entame sa relation avec elle. Entre ces deux personnes, qui se sont croisées à plusieurs reprises depuis 25 ans, l'auteur traduit moins l'ensorcellement d'Eva sur lui que l'évidence d'un lien indéfectible ("pour toujours, jusqu'à ce que la mort nous sépare"). La passion entre ces deux êtres intelligents et cabossés par la vie signent pour eux une résurrection et une revitalisation. En cela, Simon Liberati signe une œuvre poignante sur l'amour, un amour sincère, sans concession, sans artifice, rugueux, no limit. Tout au long des pages, l'auteur clame son admiration indéfectible pour Eva Ionesco, devenue ces dernières années une réalisatrice reconnue (My Litttle Princess).

    Mais ce roman sur une femme adorée est aussi un livre sur le livre. 

    Page 97, l'auteur entraîne le lecteur dans l'aventure de l'écriture d'Eva, qui s'achève d'ailleurs avec les dernières corrections du manuscrit. Simon Liberati avoue avoir voulu créer non pas une biographie "mais une vie, au sens où l'entendait l'Antiquité". Cette vita d'Eva, en réalité une autofiction – qui n'est pas sans rappeler par certains aspects Le Livre brisé de Marcel Doubrowski, en moins sombre, certes – suit le parcours à la fois monstrueux et fascinant d'Eva Ionesco au cœur des nuits parisiennes où l'on croise Christian Louboutin, Pierre et Gilles ou Roman Polanski. 

    Loin d'être un panégyrique (Liberati a d'ailleurs admis publiquement que la vraie Eva n'a pas apprécié certains passages du livre qui lui sont consacrés), le "roman" Eva dépeint avec cruauté le destin hors du commun d'une enfant transformée par sa propre mère en mannequin, objet commercial de photos et de films érotiques voire pornographiques. Vulgaire bête de foire, égérie d'un certain "art" pédopornographique, rebelle passionnée, victime instrumentalisée par des adultes sans vergogne (et d'abord par sa mère Irina Ionesco), actrice consentante d'excès en tout genre (relations sexuelles dès son plus jeune âge, alcools, drogues dures, tournages de films pornos), Eva Ionesco se révèle bien plus complexe qu'elle n'y paraît. Simon Liberati fait finalement d'Eva Ionesco la maîtresse de son propre destin, certes au prix de souffrances indélébiles et de dépressions chroniques. 

    Livre d'un amour d'airain, Eva parle aussi de rédemption (ou de double rédemption si on embrasse l'auteur) que Liberati déroule avec lyrisme, à coup de phrases amples et élégamment scandées. Le lecteur quitte Eva avec regret mais aussi une forme de soulagement : cette femme libre et apparemment apaisée est devenue l'actrice de sa propre existence jusqu'à faire elle-même de sa destinée une œuvre de fiction, pour le coup au cinéma (My Little Princess). Simon Liberati achève cette confession – sans doute l'un des plus beaux ouvrages de cette rentrée littéraire – par ce passage tout en délicatesse et en pudeur : "À cette distance tu mesures à peu près vingt-cinq centimètres... Tu descends, tes talons de Lilliputienne claquent sur le ciment mouillé et voilà que tu grandis une nouvelle fois jusqu'à prendre tout l'espace".

    Simon Liberati, Eva, éd. Stock, 278 p.
    "My Little Princess" Eva Ionesco filme son enfance outragée

  • De quoi sommes-nous responsables ?

    Le café philosophique de Montargis fait sa rentrée le vendredi 2 octobre 2015, à 19 heures, à la brasserie du centre commercial de La Chaussée. 

    Cette 7e saison marque un virage important pour l'animation philosophique de la Chaussée, avec la création d'une équipe élargie à la tête de ce café philo, maintenant bien connu des Montargois. Le café philo ne déroge cependant pas à son objectif et à ses habitudes : proposer chaque mois, à la Brasserie de la Chaussée, un débat philosophique ouvert à tous, dans la liberté et le respect de la parole de chacun. 

    Pour cette première séance, la 51e de l'animation de la Chaussée, le sujet discuté portera autour de cette question : "De quoi sommes-nous responsables ?"

    Poser cette question n'est-ce pas s'interroger sur ce dont je ne suis pas responsable ? De quoi je parle lorsqu'il est question de responsabilité ? De moi comme sujet ? De mon histoire ? De mes passions ? De mon environnement social ? Que recouvre le champ de la responsabilité ? Quelle est la place du devoir ? La notion de responsabilité est-elle liée à celle de la culpabilité ? Peut-on parler de responsabilité collective ?

    Ce sont autant de questions qui pourront être discutés le vendredi 2 octobre, à partir de 19 heures à la brasserie du Centre Commercial de La Chaussée de Montargis.

    La participation sera libre et gratuite.

    cafephilo.montargis@yahoo.fr
    http://cafephilosophique-montargis.hautetfort.com

     

  • Un livre comme une vie se brise

    Le Livre brisé fait partie de ces ouvrages que l'on n'oublie pas de sitôt. Une vraie claque !

    Ce roman, de fait une autofiction, commence en 1985. Parler d'autofiction est d'autant plus pertinent que le terme a été inventé par Serge Doubrovsky lui-même à la fin des années 1970 pour son roman Fils.

    Dans Le Livre brisé, l'auteur, professeur de philosophie, entame un récit romancé qui entend relater ses amours, "dans une version fin de siècle de La Nausée". Au fur et à mesure de l’écriture chaotique de cette œuvre, sa femme, Ilse, une jeune Autrichienne de vingt ans sa cadette, intervient en tant que lectrice attentive et sévère. Elle met au défi son mari d’écrire la vérité crue de leur couple qui, à l’époque, bat déjà de l’aile. Doubrovsky s’exécute, se refusant à cacher les secrets de ses relations avec Ilse : les femmes qu’il a connues avant elle, leur rencontre, les mésententes au sujet des enfants, les frustrations d’Ilse, la violence ou l’alcool.

    Alors que Doubrovsky entame le dernier chapitre de son livre, Ilse meurt subitement. "Un livre comme une vie se brise" écrit-il, en proie à une douleur qui frappe au cœur le lecteur. Comme en écho à cette vie déchirée, la dernière partie de son autofiction, poignante et inoubliable, se déroule pour parler d’un deuil insupportable, de la culpabilité et de son amour indéfectible pour sa femme. Un ouvrage magistral et superbe qui vous glace le sang. Ilse, comme rendue à la vie, nous devient proche et nous bouleverse. Il faut noter aussi le style inimitable de l’auteur : vivant, déstructuré, constitué de phrases courtes, de répétitions, de lapsus et de jeux de mots.

    Auteur trop rare, Serge Doubrovsky a frappé un grand coup lors de la sortie du Livre brisé en 1989. Un livre scandaleux qui est aussi le récit d'un auteur pris au piège de son propre livre, "un livre monstre". A l'époque, le très flegmatique Bernard Pivot s'en prend même à l'auteur, dans son émission Apostrophe : "Vous avez poussé votre femme au suicide... [Mais] je ne dis pas que vous l'avez tuée sciemment". Ce à quoi, Doubrovsky rétorque : "Il a fallu me traîner, me sortir de mon lit pour venir jusqu'ici." La réaction cinglante de Pivot ne se fait pas attendre : "Vous voulez que je me mette à pleurer?

    Serge Doubrovsky, Le Livre brisé, éd. Grasset, 542 p.

  • Kurosawa : morts-vivants et aliénés

    A l'occasion de la sortie de son tout nouveau long-métrage, Vers l'autre Rive (sortie, le 30 septembre 2015), Kyoshi Kurosawa fera l'objet ce mois-ci à Paris d'une rétrospective, du 16 au 22 septembre 2015 au cinéma Reflet Médicis.

    C'est l'occasion pour le bloggeur de revenir sur un film plus ancien du cinéaste japonais, Tokyo Sonata, à travers une critique écrite pour l'association des Cramés de la Bobine.

    Kiyoshi Kurosawa, réalisateur japonais (qui n’a aucun lien de parenté avec Akira Kurosawa), s’est d’abord fait illustré dans des films d’horreur et d’épouvante : des longs-métrages comme Cure, Kaïro ou Charisma (puis l'incontournable Shokuzai en 2012) l’ont fait connaître dans le monde entier après un début de carrière chaotique. Depuis plusieurs années, tout en ne reniant pas ce genre cinématographique, il a choisi de tourner des films plus réalistes, non sans succès puisque Jellyfish a par exemple fait partie de la sélection officielle à Cannes en 2003.

    En 2008, Cannes a honoré une nouvelle fois Kiyoshi Kurosawa en le sélectionnant dans la catégorie Un Certain Regard pour Tokyo Sonata, qui a reçu finalement le Prix du Jury.

    Ce drame suit une famille japonaise confrontée à la crise économique, au chômage mais aussi aux traditions patriarcales japonaises multiséculaires et en pleine déliquescence en ce XXIe siècle.

    Tokyo Sonata est le portrait à la fois cru et subtil de quatre personnages englués dans des contradictions, des voies sans issues, des révoltes ou des interrogations sur leur raison de vivre : le père, ancien cadre supérieur, subit de plein fouet la mondialisation économique et se retrouve subitement désœuvré et humilié par le chômage ; la mère, femme triste et soumise, voit sa vie complètement chamboulée du jour au lendemain suite à un événement autant inattendu que cocasse ; le fils aîné choisit de "déserter" le domicile pour une cause qu’il juge importante tandis que le cadet découvre un but dans sa vie – devenir pianiste classique professionnel. Pour ce but, il choisit de se battre malgré son jeune âge. Kiyoshi Kurosawa parvient au sublime dans l'ultime scène qui voit ce projet commencer à prendre forme.

    Loin d’être le simple portrait d’une famille japonaise, ce film brillant d’un réalisateur capital du cinéma japonais est aussi une œuvre universelle sur la lutte quotidienne et la révolte, comme sur la crise économique mondiale, source monstrueuse d'aliénation. Qu'un cinéaste longtemps cantonné aux films d'horreur et d'épouvante s'emploie à décrire une société japonaise paumée ne peut qu'interpeller chacun d'entre nous. 

    Rétrospective Kurozawa, du 16 au 22 septembre 2015 au cinéma Reflet Médicis
    Tokyo Sonata
    de Kiyoshi Kurosawa, avec Koji Yakusho, Teruyuki Kagawa, Kyôko Koizumi, Haruka Igawa, Yû Koyanagi et Kai Inowaki, Japon, 2008, 119 mn
    Les Cramés de la Bobine