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Les Cramés de la Bobine présentent à l'Alticiné de Montargis le film The Outrun. Il sera visible du 13 au 19 novembre 2024. Soirée débat à l’Alticiné le mardi 19 novembre 2024 à 20H30.
Rona, bientôt la trentaine, brûle sa vie dans les excès et se perd dans les nuits londoniennes. Après l’échec de son couple et pour faire face à ses addictions, elle trouve refuge dans les Orcades, ces îles du nord de l’Écosse où elle a grandi. Au contact de sa famille et des habitants de l’archipel, les souvenirs d’enfance reviennent et se mêlent, jusqu’à s’y confondre, avec ceux de ses virées urbaines. C’est là, dans cette nature sauvage qui la traverse, qu’elle trouvera un nouveau souffle, fragile mais chaque jour plus puissant.
Il y a près de 15 ans, sortait l’incroyable, dense et terrible roman de Jonathan Littell, Les Bienveillantes. Multirécompensé, Prix Goncourt quasi indiscuté, ce récit implacable à la première personne d’un SS racontant ses années de guerre, et en particulier sa participation au génocide juif, à la Shoah par balles et aux chambres à gaz, sur fond de drame antique et de rappels mythologiques (les fameuses Bienveillantes, ces déesses de la justice et de la vengeance, mis en scène il y a plusieurs siècles par Eschyle dans Les Euménides), ce récit terrible donc fait aujourd’hui l’objet d’un opéra composé par Hèctor Parra, sur un livret en allemand de Händl Klaus.
Avec cette commande de l’Opéra Ballet Vlaanderen suggérée par le metteur en scène Calixto Bieito, nous voilà plongés dans une création ambitieuse, baroque et puissante, ne serait-ce que parce qu’elle nous rappelle le pouvoir hypnotique et expressif – pour ne pas dire expressionniste – de la musique contemporaine. La maison de disques b•records propose ici une captation datant de mai 2019 à l’Opéra de Gand. Pourquoi une œuvre lyrique sur Les Bienveillantes et pas une adaptation cinéma ou télé ? Le livret dévoile "le désir impérieux [de Jonathan Littell] de réserver la représentation visuelle des Bienveillantes aux seuls spectacles vivants".
Dès les premières mesures, l’auditeur se trouve entraîné dans les mots du narrateur et personnage principal, Maximilian Aue. La musique volontairement dissonante, les attaques des cordes et le récitatif musclé de Peter Trantsits lancent un opéra à la fois très actuel mais puisant dans des sources musicales classiques ou plus modernes – Bach (les mouvements Toccata, Courante, Sarabande, Gigue), Chostakovitch (la Symphonie "Babi Yar") ou Berg. La dernière partie de la Sarabande ("Ich tat es") est à cet égard éloquente. Dans le livret complet et passionnant, on pourra y trouver de la main du compositeur un plan musical de l’opéra montrant le substrat musical utilisé, de Bach à Zimmermann, en passant par Berg, Bruckner ou Chostakovitch, justement.
C’est du reste Alban Berg qui vient le premier en tête dès l’écoute des premières notes. Rugueux et saisissant comme le roman, l’opéra d’Hèctor Parra prend aux tripes par sa dimension universelle : "Frères humains, laissez-moi vous raconter comment c’était", débute ainsi l’œuvre en allemand (le roman a été écrit en français, la langue qu’utilise couramment le personnage après la guerre). Des ombres terrifiantes planent au-dessus de cette histoire, à l’exemple du chœur de l’Allemande I & II, "Ein Leichengebirge", puissante et quasi insoutenable évocation des exécutions par balles lors de la première phase de la Shoah dans l’Est de l’Europe.
Opéra exigeant, impitoyable mais aussi aux multiples influences intellectuelles et artistiques
Mais Les Bienveillantes c’est aussi le récit personnel de Maximilian Aue où l’inceste et le crime prennent une place importante (Courante). Nous entrons là au cœur des Bienveillantes, avec ces références à la tragédie grecque, à Oreste, à Électre, aux Érinyes et aux Bienveillantes (Euménides).
Les influences musicales et littéraires d’Hèctor Parra sont nombreuses, comme le souligne le riche livret. Il fallait un certain sang-froid pour mettre en musique et sur scène un récit aussi sombre s’étalant sur environ mille pages. Pour ce faire, le compositeur s’est nourri de sources parfois anciennes : la Passion selon s. Jean de Bach dans la structure – l’auditeur pourra penser au début de la Courante, avec le viol d’une femme pendue. On avait parlé de Berg (Wozzeck, Lulu). Le compositeur s’est aussi inspiré de chansons populaires allemandes, voire des comptines pour enfants. Le Crépuscule des Dieux de Wagner apparaît également au début de la Gigue.
L’opéra exigeant, impitoyable mais aussi aux multiples influences intellectuelles et artistiques est exactement à l’image du personnage principal, un nazi cultivé et féru de Rameau ou Bach. Voilà qui en fait un homme complexe, "polyvalent" pour reprendre un terme du livret. Il faut toute la souplesse en même temps que la puissance du ténor Peter Tantsits pour incarner ce "frère humain" aux tourments intérieurs bien présents en raison et surtout en dépit des atrocités indicibles qu’il commet au nom d’une idéologie absurde. Une interprétation incroyable et d’une exigence absolue.
En parcourant l’Europe en guerre, des fosses de Baby Yar à Berlin, en passant par Stalingrad et Auschwitz, Benjamin Littell, puis Hèctor Parra avec son adaptation lyrique, font des Bienveillantes une cruelle et tragique fable sur l’humanité et l’inhumanité. Les souvenirs d’enfance, les traumatismes, les frustrations et finalement la mort – celle de la mère et du beau-père de Maximilian – apparaissent comme de singuliers contrepoints tragiques mais qui viennent d’autant faire des Bienveillantes une authentique tragédie à la fois personnelle et universelle.
Arrivé dans le dernier quart de l’opus, le Menuet entraîne l’auditeur dans le lieu le plus emblématique et le plus terrible de la Shoah, à savoir Auschwitz. C’est singulièrement sous le titre Menuet que s’ouvre cette partie, avec des violons lugubres accompagnant les plaintes d’Una (l’impeccable Rachel Harnisch) et des percussions menaçantes.
La force de cette évocation des chambres à gaz est contrebalancée par sa brièveté, l’opéra suivant ensuite la fuite de Maximilian Aue au fur et à mesure que les troupes alliées s’avancent jusqu’en Allemagne. Hèctor Parra fait des derniers tableaux, audacieux et dans le texte et dans la musique, un voyage au bout de l’enfer où la cruauté de la guerre n’a d’égale que la perversité sexuelle de Maximilian Aue. L’opéra monstrueux ne se prive pas de bouffonnerie lorsque l’officier nazi réfugié à Berlin conte sous forme d’un long récitatif son attaque grotesque contre Hitler – il lui mord le nez !
Tout cela fait de l’opéra Les Bienveillantes une œuvre incroyable de puissance et d’audace, au point de heurter pas mal de sensibilités, mais toujours au service de l’humanité, de l’indicible mais aussi de la justice – s’il y en a une.
Quel est ce "rêve ridicule", au cœur de la pièce jouée à partir de cette semaine au Théâtre Dunois du 20 septembre au 1er octobre 2022 ? Le Rêve d’un Homme ridicule, adapté et mis en scène par Simon Pitaqaj, est librement inspirée du Rêve d’un homme ridicule, de L’Idiot, Des Frères Karamazov de Dostoïevski et du discours du Dictateur de Charlie Chaplin. La Compagnie Liria la propose en ce moment.
Un homme ridicule, petit et médiocre, veut se donner la mort mais il rate son suicide de finit par s’endormir. Il rêve et, dans ce rêve, il parvient à se suicider et est conduit après sa mort sur une planète paradisiaque. Mais qui finit par devenir un enfer.
Simon Pitaqaj a voulu saisir toute la dimension métaphysique de Dostoïevski qui s’est toujours intéressée à des questions essentielles : "Qu’est-ce que le libre-arbitre pour l'homme ? Quel choix est-il capable de faire pour sa propre vie ? Cet auteur métaphysique ne cesse d'en revenir à la condition humaine pour mieux la décrypter, la comprendre et l'écrire."
Le Rêve d’un Homme ridicule entend interroger le spectateur sur ces prophéties de mondes meilleurs. Simon Pitaqaj poursuit : "Pour nous consoler, nous dirions, comme une évidence, que l’homme est ainsi fait. Qu’il est à la fois le créateur et le destructeur de son propre univers qu’il ne cesse de traiter avec ingratitude. Incapable d’admirer sans posséder ! Incapable de regarder sans toucher ! Je ne cesse de m’interroger et me demande : Est-ce qu’un jour l’homme prendra conscience de sa folie et de son comportement destructeur ?"
L’homme est ainsi fait, à la fois le créateur et le destructeur de son propre univers
L’écrivain et dramaturge Jean-Baptiste Evette résume ainsi : "Trois lignes dramatiques se rencontrent et s’affrontent : au centre, l’homme ridicule que son inadéquation au monde fragilise et distingue à la fois, qui passe des ténèbres à la lumière du paradis, qui retombe dans les ténèbres, mais reste marqué par le souvenir de ce qu’il a vu, au point d’évoquer un instant la figure d’un messie. Il y a ensuite une deuxième ligne interprétée par des jeunes gens, garçons et filles, qui incarnent l’humanité d’avant la chute, en harmonie avec la nature, puis sa décomposition, sa corruption. Et enfin, un mystérieux homme noir, qui semble d’abord jouer le rôle du passeur, comme le batelier des enfers grecs, mais qui se révélera bientôt beaucoup plus inquisitorial et menaçant que ce dernier".
Sous la direction de Simon Pitaqaj, Denis Lavant interprète le rôle central du Rêve d’un Homme ridicule où le spectateur retiendra notamment cette phrase en forme, d’appel : "Si on retrouvait l’union ? Union, qui ferait que chacun d’entre nous, tout en continuant de s’aimer plus que les autres, puissent vivre sans gêner son prochain. Vivre ainsi, tous ensemble, pour ainsi dire, dans une société de concorde ?"
Cela se passera au Théâtre Dunois, jusqu’au 1er octobre.
Le Rêve d’un Homme ridicule Adaptation et mise en scène de Simon Pitaqaj Théâtre Dunois du 20 septembre au 1er octobre 2022 Compagnie Liria Scénographie : Simon Pitaqaj et Julie Bossard, avec : Denis Lavant, Arben Bajraktaraj, Santana Susnja, Valéria Dafarra, Jeanne Guillon Verne, Gaëtan Poubangui, Séraphin Rousseau et Henry Lemaigre Mardi 20 septembre au samedi 24 septembre 2022 à 19 heures Dimanche 25 septembre 2022 à 16 heures Mardi 27 septembre au samedi 1er octobre 2022 à 19 heures https://www.theatredunois.org/la-saison/saison-2022-2023/le-reve-dun-homme-ridicule-2 https://liriacompagnie.com
Duo Jatekok sort en ce moment un étonnant album de reprises pour deux pianos du groupe de metal Rammstein. Duo Jatekok plays Rammstein c’est un mariage inattendu entre le classique et le rock. Sur ce projet musical, nous avons interrogé Nairi Badal et Adélaïde Panaget, les deux membres de Duo Jatekok.
Bla Bla Blog – Bonjour Naïri et Adélaïde. Vous formez le Duo Jatekok. D’abord, comment est née votre collaboration et pourquoi ce nom « Duo Jatekok » ?
Duo Jatekok – Bonjour ! Nous avons commencé à jouer ensemble dès l'âge de 11 ans. Nous étions dans la même classe de piano et le piano à quatre mains et le deux pianos était une source de joie et de complicité musicale très ludique. Plus tard, lors de nos études supérieures, nous avons décidé de nous perfectionner dans cette discipline exigeante et originale et de préparer des concours internationaux. Le piano étant un instrument assez solitaire, nous avons d'emblée adhéré à cette carrière à deux. Le répertoire étant très différent du répertoire de piano solo, cela nous a ouvert de nouveaux horizons musicaux et nous a offert la possibilité de collaborations variées. Les Jatekok sont un recueil de pièces du compositeur hongrois Kurtág. Ce sont des miniatures inspirées de la manière dont les enfants approchent un clavier de piano. On y joue avec les coudes, la paume des mains, on glisse d'un bout à l'autre, on explore des registres. C'est un répertoire magnifique et le mot hongrois "Jatekok" signifie "les jeux". Nous avons aimé cette sonorité étrange et rythmique et la musique qu'elle représentait.
Bla Bla Blog – Vos deux premiers enregistrements laissaient déjà apercevoir votre appétence pour le répertoire contemporain et la musique du XXe siècle (Barber, Ravel, Trotignon), non sans passer par le jazz (Dave Brubeck). Maintenant c’est le groupe de métal Rammstein qui est au cœur de votre dernier album. N’avez-vous pas peur de déstabiliser le public avec ce mélange des genres – classique et rock métal ?
Duo Jatekok – Nous sommes nous-mêmes déstabilisées ! Mais la vie nous a offert des possibilités d'élargissement de répertoire et ça aurait été dommage de ne pas s'y engouffrer sous prétexte de rester dans des cases stylistiques. Au contraire, nous avons l'impression d'un enrichissement qui nous permet de construire des passerelles entre les genres. Nous avons beaucoup travaillé le répertoire du XXe siècle et le décloisonnement des genres nous a permis de rencontrer des musiciens fantastiques qui nous donnent des impulsions nouvelles dans notre art. Nous aimons sortir de notre zone de confort !
Bla Bla Blog – Comment s’est faite la rencontre avec Rammstein ? Est-ce que ce sont eux qui sont venus vers vous ou bien l’inverse ? Avant votre collaboration, connaissiez-vous le groupe ?
Duo Jatekok – C'est leur producteur français Olivier Darbois qui a eu l'idée de mettre une femme au piano en première partie pour créer un contraste. De plus, Rammstein a édité une partition piano-chant de certaines de leurs chansons. Il trouvait ce concept original et intéressant. C'était en 2017 pour leurs trois dates aux arènes de Nîmes. Lorsqu'il nous a proposé de le faire, nous avons trouvé l'idée intéressante et avons voulu relever ce challenge ! Nous ne connaissions pas du tout Rammstein et ça a été une sacrée aventure de s'imbiber de leur musique et de la retranscrire au mieux pour notre formation instrumentale.
Bla Bla Blog – Depuis 2017, vous faites les premières parties de Rammstein. Racontez-nous le souvenir de votre tout premier concert au milieu d’un public de fans, et dans une ambiance que j’imagine bien différente d’une salle de concert classique.
Duo Jatekok – C'était assez fou pour nous. Nous ne savions pas du tout comment le public allait réagir face à deux femmes sur un piano à queue. Une anecdote rigolote : on nous avait conseillé de faire le signe du diable en arrivant sur scène pour stimuler le public. C'était un code que nous ne connaissions pas du tout. On s'était dit qu'on garderait ça pour la fin de notre prestation. Or, en arrivant sur scène, le public nous a accueilli avec des cris et ce signe. Nous avons donc timidement répondu par le même signe et là, magie, les gens ont encore plus hurlé ! C'était incroyable. Je crois que nous avons par la suite utilisé un peu trop ce signe du diable tellement c'était une sensation incroyable ! Autre chose qui nous a surpris, c'est que les fans chantaient par-dessus nous pendant le set et c'était super de se connecter de cette manière.
Bla Bla Blog – Quel est le rapport de Rammstein avec le classique et le contemporain ? Si je les imagine mélomanes en dépit de leur style musical très rock de leurs légendaires guitares lance-flamme, suis-je dans le vrai ?
Duo Jatekok – Nous n'avons pas vraiment pu échanger avec eux à ce sujet malheureusement. Nous leur avons offert nos CD. On espère que cela leur a plu. Nous avons pu échanger avec Till [Till Lindemann, le chanteur de Rammstein] à propos de sa formation de chanteur. Il nous a donc confié que la professeure de chant qui l'avait formé était de formation classique. Cela lui a permis d'avoir une technique vocale plus large et une puissance qui est sa marque de fabrique.
"On nous avait conseillé de faire le signe du diable en arrivant sur scène pour stimuler le public"
Bla Bla Blog – Pour votre album Duo Jatekok plays Rammstein, qui sort en ce moment chez Vertigo, vous avez choisi de balayer toute la carrière de Rammstein, depuis ses débuts jusqu’à leur album éponyme sorti en 2019. Comment s’est fait le choix des titres ?
Duo Jatekok – Nous avons choisi avant tout des morceaux mélodiques qui nous plaisaient ! Les ballades comme Diamant, Fruhling in Paris ou encore Ohne Dich se prêtent particulièrement bien à la transcription. C'est moins le cas de morceaux plus rythmiques comme Du Hast ou Ich Will qui ne rendent pas très bien sur des pianos acoustiques. On a donc préféré les écarter.
Bla Bla Blog – L’auditeur de Rammstein pourra être frappé par l’écriture musicale des morceaux, une écriture très fine, parfois cachée par des interprétations rugueuses et des sons de guitare saturés. J’imagine que les adaptations au piano n’ont pas été simples.
Duo Jatekok – C'est vrai. Nous avons essayé d'être créatives et de retranscrire au mieux ces effets métal-rock. Pour cela, nous avons exploré les différentes manières de produire des sons sur nos pianos et avons utilisé la technique du piano "préparé". Cela consiste à rajouter des éléments dans les cordes du piano pour les faire sonner autrement : pâte à fixe, scotch, doigts, clusters…
Bla Bla Blog – En tant que musiciennes plus habituées au répertoire classique et contemporain, comment avez-vous procéder pour adapter aux pianos ces morceaux sans les dénaturer ?
Duo Jatekok – Nous avons gardé la spécificité de chaque morceau et avons apporté à partir de cette base notre touche classique. Par exemple, pour Seeman, nous sommes parties de l'accompagnement de Rammstein qui imite la mer et on s'est permises de s'inspirer de Debussy, maître de l'impressionnisme musical sur le plan aquatique ! De même pour Puppe, nous voulions retranscrire l'idée de la folie. Nous avons donc utilisé des clusters, de la pâte à fixe pour créer une ambiance malaisante. Et nous nous sommes inspirées de Prokoviev avec des célèbres toccatas : rythme rapide et répétitif en crescendo qui permet de créer un sentiment d'angoisse et de folie.
Bla Bla Blog – Une nouvelle tournée est-elle prévue avec les Rammstein ?
Duo Jatekok – Nous savons qu'une nouvelle tournée de prépare pour l'année prochaine mais pour le moment, nous nous préparons à la tournée 2022 qui a été reportée deux fois déjà : Europe et Amérique du Nord ! Un bel été à l'horizon.
Bla Bla Blog – J’ai envie de vous poser cette autre question : pouvons-nous rêver d’une première partie des Rammstein lors de vos prochains concerts ?
Duo Jatekok – On peut toujours se permettre de rêver ! Cependant, la technique nécessaire à Rammstein paraît compromettre cette idée !
Bla Bla Blog – Dernière question : d’autres enregistrements ou d’autres projets musicaux sont-ils prévus ?
Duo Jatekok – Nous avons un projet d'enregistrement à deux pianos autour du répertoire évoquant le diable, les sorcières. C'est un thème qui a inspiré un grand nombre de compositeurs. Nous avons également la volonté de passer des commandes auprès de compositeurs classiques et jazz.
Adapter en version acoustique et classique Rammstein, le groupe de rock metal allemand le plus emblématique de la scène mondiale : voilà un projet qui ne pouvait qu’interloquer Bla Bla Blog. C’est le Duo Jatekok, formé par les pianistes Nairi Badal et Adélaïde Panaget, qui s’est attelé à la tâche.
À bien y réfléchir, le projet a du sens si l’on pense à l’intrusion de sons symphoniques chez Rammstein ("Mein Herz Brennt" ou "Ohne Dich"). De plus, les fans du groupe allemand savent que les deux pianistes assurent depuis 2017 leur première partie. Ce pont entre deux courants musicaux, a priori aussi antinomiques que le metal et le classique, est à saluer. Le résultat est ce Duo Jatekok plays Rammstein, un passionnant album de reprises qui sort cette semaine. Un opus qui ravira autant les fans du groupe de rock que les familiers du classique – deux mondes qui peuvent d’ailleurs parfois se confondre.
Précisons aussi que le Duo Jatekok est l’auteur de trois enregistrements classiques et contemporains. Le premier, Danses, rassemble des œuvres de Grieg, Barber, Ravel et Borodine et le deuxième, Boys, propose des créations de trois hommes – comme son nom l’indique : Poulenc et sa sonate pour deux pianos, Points on Jazz de Dave Brubeck et trois pièces de Baptiste Trotignon.
Impertinentes, précises et virtuoses, Nairi Badal et Adélaïde Panaget adaptent donc cette fois Rammstein pour leur nouvel enregistrement, à travers des revisites balayant toute la carrière du groupe, depuis leur premier album Herzeleid ("Seemann") jusqu’au Rammstein 2019 ("Puppe", "Diamant"), en passant par le fameux Sehnsucht de 1997 ("Klavier", "Engel") ou Mutter ("Mutter", "Mein Herz Brennt") en 2001.
Les musiciennes du Duo Jatekok étincellent dans ce projet instrumental (il manque évidemment, dans ces reprises, le texte des morceaux, que l'auditeur pourra retrouver dans les albums originaux ou live), projet qui séduira autant les fans de du groupe aux guitares lance-flammes qu’il interpellera les habitués du classique – qui pourront y trouver une porte d’entrée vers un des groupes les plus célèbres de la scène metal internationale.
Ce projet séduira autant les fans de du groupe aux guitares lance-flammes qu’il interpellera les habitués du classique
La sonorité brute de Rammstein laisse place dans cet opus à une facture classique ou néoclassique, à l’image du fameux "Engel". Le duo met en valeur l’écriture harmonique et mélodique que l’interprétation originale très rock de Rammstein efface pour le moins.
Nairi Badal et Adélaïde Panaget entendent pour autant respecter l’esprit de Rammstein, que ce soit l’insouciance inquiétante de "Puppe" avec ces explosions de sons pianistiques, la puissance sombre de "Mein Herz Brennt" ou la ballade "Ohne Dich", une des chansons phares du répertoire de Rammstein sur le deuil, la mort et la solitude.
L’inquiétant "Klavier" est, quant à lui, peuplé de fantômes, de portes ouvertes sur le mystère et d’une étrange pianiste. Les musiciennes de Duo Jatekok en font une lecture très contemporaine, onirique, mais non sans ce rythme dingue, servi par leur virtuosité remarquable.
"Frühling in Paris" est à saluer comme une superbe composition sur le souvenir d’une histoire d’amour ("Oh non je ne regrette rien / Wenn ich ihre Haut verließ / Der Frühling blutet in Paris"), l’un des plus beaux morceaux de album, lumineux et au souffle romanesque incroyable. Le titre est habité d’éclairs mélancoliques, à la tristesse insondable. L’influence d’Edith Piaf est évidente dans ce qui sonne comme un hymne à la France.
"Mutter", lui, démarre doucement avant de trouver une puissance assez fidèle à Rammstein. Nairi Badal et Adélaïde Panaget font de ce morceau en hommage aux mères un bouleversant chant mêlant les regrets et la rancœur. Parlons aussi de "Diamant", sorti en 2019, qui a droit aussi à une revisite. Cette histoire d’amour toxique devient une ballade romantique très fidèle au titre original tout en retenue, mais son sans trouvailles sonores ni ce romantisme noir singulièrement plus présent dans cette version que dans l’original.
Le morceau "Ausländer", inspiré par Prokofiev, parle de la découverte de l’étranger et de l’étrangère ("Ich bin Ausländer / Mi amore, mon chéri"). Le Duo Jatekok en fait une fantaisie plus romantique, mais tout aussi légère. Romantisme aussi, mais cette fois sombre, avec l’étonnante et bouleversante adaptation de "Seemann", un chant funèbre que les fans de Rammstein connaissent bien.
L’album se termine avec "Sonne", tout aussi classique, adapté comme une marche lente et douloureuse, à l’image de l’œuvre originale, avec ces éclairs jazz qui en font un étourdissant voyage musical.
On connaissait le Tintin en BD, le Tintin en dessin animé ou encore Tintin au cinéma en motion capture (Le Secret de la Licorne de Steven Spielberg). Il y a aussi Tintin à la radio.
France Culture propose en podcast, pour les jeunes de 7 à 77 ans, une adaptation radio des aventures de Tintin. en particulier Tintin et le Lotus Bleu, l’un des chefs d’œuvre d’Hergé.
Fidèle au texte du créateur belge, la Comédie française fait revivre cette plongée dans la Chine des années 30 mêlant des intrigues rocambolesques, un poison fou, plusieurs génies du mal, des rebondissements, des amitiés (Tintin rencontre pour la première fois Tchang),des considérations géopolitiques mais aussi des dénonciations du racisme et du colonialisme.
Une belle manière de revenir du jeune reporter bruxellois et son fidèle compagnon à quatre pattes, Milou.
C'est à suivre en ce moment en podcast, en cette période de confinement.
Il y avait le roman Il s’appelait Sarah, puis la version ciné : voici maintenant, sorti depuis quelques mois, l’adaptation en bande dessinées du best-seller de Tatiana de Rosnay. Pascal Bresson au scénario et Horne au dessin proposent une nouvelle lecture de l’histoire de cette petite juive prise dans les tourments de l’Occupation allemande et de l’État autoritaire de Vichy.
Lorsque la police française vient arrêter sa famille, Sarah, 10 ans, choisit d’enfermer son petit frère Michel dans le placard de leur appartement. Elle lui fait la promesse qu’elle viendra le chercher plus tard. 60 ans plus tard, une journaliste américaine s’apprête à aménager dans l’appartement parisien qu’occupait sa belle-famille.
Il y avait un piège dans pour une telle adaptation : celle de trop s’inspirer du film de Gilles Paquet-Brenner, avec Kristin Scott Thomas dans le rôle principal. Contre cet écueil, Pascal Bresson et Horne ont choisi de proposer une œuvre graphique austère, portée le noir et blanc et des gris lavis omniprésents et oppressants – y compris pour les scènes se passant entre 2002 et 2005. Quelques touches de couleurs jaunes ou orangées viennent éclairer les quelque 200 planches de la BD, mettant en valeur la petite victime innocente. Et l’on en vient à penser à la fillette en robe rouge de La Liste de Schindler.
Des "Mangemorts" tout droit sortis de l’armée de Voldemort
Pascal Bresson et Horne choisissent d’allier des paysages et des descriptions réalistes – notamment le Paris de la journaliste américaine Julia Jarmond – à des scènes expressionnistes. Les policiers français, les soldats allemands ou les geôliers du camp de Beaune-la-Rolande ne sont que des masses sombres. Ces "Mangemorts", comme tout droit sortis de l’armée de Voldemort, ouvrent des bouches monstrueuses, prêtes à dévorer leur victime – le plus souvent des enfants. Lors d’une scène capitale dans un restaurant, Julia Jarmond elle-même se trouve face à une bouche semblable : et il s’agit singulièrement celle de son propre mari...
Plus sans doute que la version filmée, cette BD fusionne parfaitement bien l’époque des années 40 et la nôtre. Le passé vient surgir et se fracasser contre le présent. Tel un tsunami, il met à nu les liens familiaux, bouscule les certitudes et oblige les personnages à se révéler. Il est impossible de ne pas parler des lieux, que ce soit l’appartement de Sarah ou le camp de Beaune-la-Rolande agissant comme des marqueurs indélébiles, des dizaines d’années après un drame indicible. À la faveur d’un déménagement ordinaire, voilà une journaliste américaine et une petit fille juive indéfectiblement liées.