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amsterdam

  • El Ouafi Boughéra, un athlète oublié

    C’est une période olympique oubliée. Celle du début du XXe siècle, précisément à Amsterdam, lors des JO de 1928. Le sport n’avait pas encore ce caractère professionnel, mercantile et politique. Les sportifs étaient des passionnés, des gens ordinaires, parfois géniaux, et surtout pas médiatisés.

    À telle enseigne que l’on a oublié un de ces champions, El Ouafi Boughéra. Originaire d’Algérie, qui était à l’époque une colonie française, il travaille comme manœuvre chez Renault, à Boulogne-Billancourt. C’est cette histoire que nous raconte Nicolas Debon dans sa bande dessinée Marathon, (éd. Dargaud). Une histoire faite de sueur, de souffrances… et de vent. 

    Une histoire faite de sueur, de souffrances… et de vent

    Il y a peu de textes dans ce très bel album sorti en 2021 et que Bla Bla Blog choisit de chroniquer en ce moment, à quelques mois des JO de Paris.

    Près d’un siècle après l’événement olympique qui se déroulait en Europe, aux Pays-Bas, le lecteur sera fasciné par l’ambiance que transcrit Nicolas Debon. Il fait le choix de la couleur sépia et du quasi muet pour parler de ces jeux des Années Folles. Folle d’ailleurs comme cette journée maussade du 5 août 1928. Il ne faisait pas beau à Amsterdam et le vent se mêlait à la pluie, faisant de ce marathon un véritable enfer. Or, contre toute attente, c’est un sportif inconnu né dans un pays chaud qui va damner le pion aux grands favoris américains, anglais et finnois ("Les Finlandais Volants").

    Pour en savoir plus sur cette histoire incroyable et sur la suite de cette victoire franco-algérienne, il faut se reporter au bref cahier en fin de page. 30 ans plus tard, un autre athlète algérien entrait dans la légende, et cette fois dans la gloire. Il se nommait Alain Mimoun. 

    Nicolas Debon, Marathon, éd. Dargaud, 2021, 120 p.
    https://www.dargaud.com/bd/marathon/marathon

    Voir aussi : "Adieu, Tintin ?"
    "Cantique du quantique"

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  • Anne et Hannah

    On ne va pas se mentir : l’histoire d’Anne Franck n’a jamais été aussi bien traitée que par le film de George Stevens (The Diary of Anne Frank, 1959) et bien entendu par le Journal d’Anne Franck. Le manuscrit de l’adolescente néerlandaise, retrouvé par miracle par son père après la guerre, est par la suite devenue une œuvre majeure de la littérature mondiale, le journal le plus célèbre du monde et aussi une des pierres angulaires de la littérature concentrationnaire.

    Le film Anne Frank, ma meilleure amie, proposé par Netflix, est consacré à ce sujet sensible et difficile sous un biais inattendu. Il fallait être culotté pour revenir sur ce récit, ce que Ben Sombogaart et ses deux interprètes principales, Josephine Arendsen et Aiko Mila Beemsterboer, font avec conviction.

    Le film est tout d’abord inspiré d’une histoire vraie, celle d’Hannah Goslar, toujours vivante en 2022, qui a été la plus proche amie d’Anne Franck. Adolescentes lorsque les Pays-Bas sont envahis par l’occupant nazi, les deux jeunes juives vivent de plein fouet l’antisémitisme et les rafles qui font rage.

    Elles se vouent une amitié solide en dépit de leur caractère opposée : Hannah est réservée, presque effacée, alors qu’Anne, la future auteure du Journal, se montre drôle, prolixe, ambitieuse (elle rêve d’être écrivaine connue et de parcourir le monde), avec parfois des réactions qui laissent son amie désarçonnée.

    Ce sont des adolescentes comme il en existe des millions par le monde : l’école, les jeux, les premiers émois, les dragues avec les garçons et les amitiés, tantôt trahies tantôt respectées jusqu’à la mort. Et c’est justement la mort qui rôde autour de ces jeunes filles. 

    Une amitié exceptionnelle et bouleversante

    Anne Frank, ma meilleure amie n’est pas le récit des deux années de clandestinité dans l’Annexe d’Amsterdam où elle et sa famille se sont cachées pour échapper à leur arrestation. Cette arrestation aura finalement lieu en août 1944. Anne Franck meurt l’année suivante, en avril 1945, à  Bergen-Belsen.

    C’est du reste dans ce camp de concentration qu’ont lieu plusieurs scènes majeures du film. On y suit Hannah, déportée comme son amie. Elle est persuadée qu’Anne a émigré en Suisse, suite à une lettre laissée par son père Otto. Elle s’aperçoit de son erreur : non seulement son amie n’a jamais quitté Amsterdam, mais en plus elle a été arrêtée comme elle et est détenue dans le même camp. La retrouver et lui parler devient son obsession.

    Ben Sombogaart alterne les épisodes à Amsterdam, préludes au cauchemar qui s’annonce et la  reconstitution d’un camp de concentration avec une Hannah Goslar s’accrochant à la vie et prenant une fillette sous sa protection. Josephine Arendsen et Aiko Mila Beemsterboer dans le rôle d’Anne Franck sont formidables de justesse. Le refus d’édulcorer le personnage de la jeune auteure est louable. Par contre, le public sera sans doute déçu que sa période de clandestinité dans l’Annexe soit volontairement mise de côté.

    L’essentiel n’est pas là : le jeune public va pouvoir grâce à Netflix découvrir voire redécouvrir la figure majeure d’Anne Franck et pourquoi pas lire son indispensable Journal. Le film, lui entend surtout insister sur une amitié exceptionnelle et bouleversante.  

    Anne Frank, ma meilleure amie, drame historique de Ben Sombogaart,
    avec Josephine Arendsen, Aiko Mila Beemsterboer et Roeland Fernhout, 2021, 103 mn, Netflix

    https://www.netflix.com/fr/title/81248111
    https://www.annefrank.org

    Voir aussi : "Naissance de Marcel Marceau"
    "Cours, Etsy, cours"

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  • Ne m’oubliez pas

    Ces hommes et ces femmes sont devenus immortels : en proposant une exposition de 100 portraits de la Renaissance, le Rijksmuseum d’Amsterdam entend redonner vie à ces empereurs puissants, ces aristocrates flamboyants ou ces citoyens fortunés.

    Ces peintures sont l’œuvre d’artistes renommés et entrés dans la postérité : Holbein, Dürer, Memling et Véronèse pour ne citer qu’eux. Ils seront les héros de l’exposition intitulée "Ne m’oubliez pas", présentée cet automne au prestigieux musée néerlandais, du 1er octobre 2021 au 16 janvier 2022.

    L'une des pièces maîtresses de cet événement est le Portrait d'une jeune fille (vers 1470) de Petrus Christus, tableau prêté par la Gemäldegalerie à Berlin. L’exposition réunit du reste des œuvres issues de musées aussi prestigieux que le Kunstmuseum de Bâle, la National Gallery de Londres, le Musée du Prado à Madrid et la National Gallery of Art de Washington.

    Depuis l'Antiquité, le portrait a principalement pour fonction de rendre présents ceux qui sont absents ou de conserver leur mémoire à travers les années. La preuve : aujourd’hui ces hommes et ces femmes disparus depuis des siècles sont bien présents et semblent nous faire signe.  Lorsque le portrait a commencé à prendre son essor en Europe vers 1500, artistes et mécènes ont saisi l'opportunité qui se présentait à eux pour s’immortaliser. 

    Les portraiturés étaient désireux de se montrer sous le meilleur jour

    Comme aujourd'hui, les portraiturés étaient désireux de se montrer sous le meilleur jour. Chaque partie de la composition était mis en scène : expression du visage, symbolisme, posture, arrière-plan et vêtements. Certains mettaient l'accent sur la beauté, d'autres sur le crédit et l'autorité. C'est ainsi que Charles Quint a voulu souligner sa puissance en se faisant immortaliser vers 1553 sous les traits d'un empereur romain. Quant à Maarten van Heemskerck, il s’est donné l'image d'un peintre à succès, sûr de lui, dans un autoportrait en 1555. L'exposition "Ne m'oubliez pas" met en lumière l'image que les individus projettent d'eux-mêmes, autour de thèmes tels que la beauté, l'autorité, l'ambition, l'amour, famille, l'érudition et la foi.

    Alors que notre époque est plus que jamais celle de l’image et de la l'apparence, le Rijksmuseum rappelle que l’utilisation de l’iconographie a des fins de représentation est ancienne. C’est aussi l’occasion d’admirer des œuvres exceptionnelles dans un magnifique écrin.

    Le design de l'exposition est conçu par Jean-Michel Wilmotte et Irma Boom est responsable de la conception graphique.

    L’exposition se terminera le 16 janvier 2022.

    "Ne m'oubliez pas. Portraits de Dürer à Sofonisba", Rijksmuseum, Amsterdam
    1er octobre 2021 - 16 janvier 2022
    https://www.rijksmuseum.nl

    Voir aussi : "La Bretagne déconfinée de François Avril"

    Photo : Petrus Christus, Portrait of a Young Woman, ca. 1470
    Gemäldegalerie der Staatlichen Museen zu Berlin

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  • Folles époques

    Vite, il est temps de découvrir Ed van der Elsken, figure majeure de la photographie underground et qui est passé sous les radars de pas mal de monde.

    Le musée du Jeu de Paume propose, en collaboration avec le Stedelijk Museum Amsterdam et la Fundación MAPFRE, la première rétrospective en France de l’artiste, jusqu’au 24 septembre prochain.

    Ed van der Elsken (1925-1990) était l’ami des marginaux, des rebelles de tout poil mais aussi des gens ordinaires qu’il n’a cessé de suivre (de "chasser" diront certains) pour en faire les héros de reportages documentaires vivants : une réfugiée à Hong Kong (entre 1959 et 1960), des serveuses à Cebu dans les Philippines (1960) ou ce guérisseur africain exécutant une danse rituelle pour une bonne chasse (Oubangui-Chari, Central Africa, 1957). Plus de 150 tirages originaux sont exposés au Jeu de Paume, ainsi que des extraits de films, des diaporamas ou des maquettes de livres du plus européen, sans doute, des photographes modernes.

    Pendant quarante ans, Ed van der Elsken est parti à la recherche des "siens", ces inconnu(e)s d’Amsterdam, de Paris ou de Tokyo, captés avec humanité, humour et précision, jusque dans leur intimité. "Je fais des choses mortellement sérieuses et aussi des choses drôles. Je fais des reportages sur de jeunes voyous rebelles avec plaisir… Je me réjouis de la vie, je ne suis pas compliqué, je me réjouis de tout. L’amour, le courage, la beauté. Mais aussi le sang, la sueur et les larmes. Garde les yeux ouverts," affirme-t-il en 1971.

    Ed van der Elsken capte ses modèles avec un sens aigu du détail et de la pose, à l’exemple des Jumelles sur la place Nieuwmarkt à Amsterdam (1956). Les regards, la lumière auréolant les chevelures, les maquillages, les bijoux, la position des mains et des doigts, le rendu du tissu des jupes, le drapé des chemisiers : rien n’est anodin et rien n’est de trop dans ce cliché à la mise en scène soignée.

    Lorsqu’il pose ses bagages à Paris, Ed van der Elsken est le témoin et l’acteur de la vie culturelle foisonnante, quelques années après la fin de la seconde guerre mondiale, avec le livre "auto-fictionnel" Une histoire d’amour à Saint-Germain-des-Prés (1956). Il en tire ce cliché sombre, nerveux et spectaculaire (Vali Myers (Ann) danse à La Scala, Paris, 1950).

    À Amsterdam, Ed van der Elsken immortalise ces deux couples aux visages expressifs que l’on croirait sortis d’un film de Martin Scorcese (Quartier de Nieuwmarkt, Amsterdam, 1961). Toujours à Nieuwmarkt, "son" quartier, le photographe témoigne de la vie culturelle foisonnante à Amsterdam. Le jazz y prend une importance considérable. Il suit et photographie Chet Baker, qui se produit au Concertgebouw d’Amsterdam, à l’instar de Miles Davis, Lionel Hampton ou Ella Fitzgerald. Mais Ed van der Elsken s’intéresse aussi aux gens ordinaires au cœur de cette "dolce vita" néerlandaise : tenancières de bar, filles à la coiffure choucroutée ou jeunes loulous aux gueules d’acteurs.

    Aux États-Unis, loin du folklore et du dépaysement, Ed van der Elsken saisit ces deux amoureux californiens, semblant tout droit sortis d’une chanson des Beach Boys.

    EdVanDerElsken_17.jpgAu Japon ancestral, ce sont des marginaux qu’il croise quelques années plus tard (Rockers, Harajuku, Tokyo, 1984). Ed van der Elsken arpente pendant plusieurs années un pays multiple, passionnant et aux rencontres inattendues : rockers à la banane, lutteuses, yakusas (Territoires des yakusas, Kamagasaki, Osaka, 1960), amoureux étreints (Couple s’embrassant, vers 1974) ou citoyens ordinaires et photogéniques surpris dans des scènes de la vie ordinaire (Fille dans le métro, Tokyo, 1981).

    Ed van der Elsken s’intéresse aussi très tôt à la photographie couleur, médium utilisé jusqu’alors pour les magazines et pour la mode, alors que le noir et blanc est encore considéré comme la technique artistique par excellence. La couleur prend grâce à Ed van der Eksen le chemin des galeries et des catalogues d’exposition : il y a ces trois gracieuses néerlandaises comme saisies au vol dans une artère d’Amsterdam, dans une mise en scène que l’on imagine travaillée (Beethovenstraat, Amsterdam, 1967), cette devanture de bar à Amsterdam dont il est difficile de savoir quand elle a été immortalisée (Des adolescents au look des années 50 devant leur café favori, Amsterdam, 1983) ou ce couple japonais saisi en plein ébat (1974).

    Ed van der Elsken, photographe documentaire et humaniste se révèle aussi, au Jeu de Paume, comme un artiste révolutionnaire : "Même si j’éprouve toujours une certaine hésitation à utiliser ce mot, je pense avoir été un artiste toute ma vie, par mes réactions et par l’expression de mes émotions et par la mise en lumière du monde extérieur. Je suis, disons, un artiste caméra pur-sang, ce qui signifie que j’ai toujours développé autant que possible mon équipement, qui me permet de m’attaquer de toujours plus près à la vie."

    La Vie folle, Ed van der Elsken, Jeu de Paume, 13 juin – 24 septembre 2017

    Ed van der Elsken, Beethovenstraat, Amsterdam, 1967. Nederlands Fotomuseum Rotterdam
    © Ed van der Elsken / Ed van der Elsken Estate, courtesy Annet
    Gelink Gallery

    Ed van der Elsken, Rockers, Harajuku, Tokyo, 1984. Nederlands
    Fotomuseum Rotterdam © Ed van der Elsken / Ed van der Elsken Estate