Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

astor piazzolla

  • Rui Lopes, le basson peut lui dire merci

    Le basson. Voilà un instrument rare, peu mis en valeur dans le répertoire classique, si ce n’est dans les grands orchestres, mais noyé dans la masse... Voilà qui rend la démarche du bassoniste Rui Lopes passionnante. Grâce à son album Close Encounters, il nous fait découvrir son instrument à travers un choix d’œuvres d’Édouard du Puy, Wynton Marsalis (et oui!), mais aussi Camille Saint-Saëns et Astor Piazzolla. À noter aussi la présence d'artistes moins connus, la compositrice Helena Winkelman et Marcelo Nisinman.

    Le son rond, grave, picaresque, pour ne pas dire pittoresque, du basson se déploie avec fraîcheur dans le "Quintette pour basson, violons, alto et violoncelle" d’Édouard Du Puy. L’auditeur découvrira sans doute ce compositeur suisse de la fin du XVIIIe siècle, à la facture très classique, pour ne pas dire mozartienne, mais qui nous ouvre une jolie œuvre mettant en relief et en valeur le basson.  

    L’auditeur sera certainement intrigué par l’apparition de Wynton Marsalis dans ce programme classique et contemporain. Le jazzman figure dans une pièce à la contemporanéité déconcertante, "Meeelaaan, pour basson et quartette à cordes". Une composition à la fois austère, rigoureuse et où le jazzman se joue paradoxalement du rythme. Les cordes se triturent ans tous les sens et tous les espaces pour ce morceau en trois mouvements à l’étonnante modernité mais où le jazz n’est pas absent, pas plus que ses revisites de styles et de danses populaires, "Blues", "Tango" et "Bebop". Marsalis propose ainsi une rencontre inédite entre des musiques et des rythmes que tout opposait a priori

    Après cette légende de la musique, place à des nouveautés, avec d’abord la compositrice Helena Winkelman et sa création pour Rui Lopes, "Gott-Fa", sous-titrée "Deux scènes pour basson et orchestre à cordes". Les deux mouvements, ou "scènes", "Gott – In nomine" et "Fan – Respect the machine", sont à découvrir avec attention. La première scène, "Gott – In nomine", est un lancinant chant de plus de 12 minutes, tour à tour méditatif, plaintif et inquiétant. Dans la deuxième scène, "Fan – Respect the machine", plus courte (moins de 6 minutes), c’est le rythme et le mouvement qui est au centre. Comme une machine infernale, le basson de Rui Lopes prend les choses en main, avec un appétit insatiable et une audace, à l’égal de celle de la compositrice. 

    Rui Lopes serait-il raide dingue du tango ?

    Autre création contemporaine et création, "Rui’s Tango" est, comme son nom l’indique, une autre création autour de la célèbre danse argentine, cette fois par Marcelo Nisinman, qui nous vient – est-ce un hasard ? – d’Argentine. En trois mouvements, son tango prend des allures de revisite audacieuse – moins sans doute que celle de Winton Marsalis toutefois – sans pour autant trahir l’essence du tango : rythme, passion, sensualité, mais avec cette folie amoureuse que l’on trouve dans le deuxième mouvement "Andante, Vielas de Alfama", sans oublier ce sens de l’expérimental ("Allegro"). 

    Il est heureux qu’après ces découvertes et ces créations, Rui Lopes revienne aux grands classiques, à commencer par la "Sonate pour basson et piano op. 168" de Camille Saint-Saëns. L’auditeur sera agréablement chatouillé par cette œuvre à la fois modeste (moins de 13 minutes pour les trois mouvements), délicate et d’une belle construction mélodique et harmonique, à l’instar du troisième mouvement "Adagio – Allegro moderato". 

    Rui Lopes serait-il raide dingue du tango ? Car ce genre fait de nouveau l’objet d’un titre, le dernier de l’album. Le bassoniste reprend la célèbre "Etude n°3" d’Astor Piazzolla. Superbe, passionnant et un très bon exemple d’adaptation réussite, pour un instrument que le musicien défend admirablement bien : "J’ai toujours été fasciné par la façon dont le son du basson se mêlait à celui du quatuor à cordes. Pour cet album, j’ai choisi des œuvres que j’aime jouer, certaines originales, d’autres « ré-arrangées ». J’ai ensuite demandé à des compositeurs que j’admire d’écrire pour cette formation. Deux des pièces ont été enrichies d’une contrebasse".

    Exemplaire et remarquable, à plus d'un titre.

    Rui Lopes, Close Encounters, Prospero, 2023
    https://www.facebook.com/ruilopesmusic/?locale=fr_FR
    https://www.rui-lopes.com

    Voir aussi "Majeur !"

    Tenez-vous informés de nos derniers blablas
    en vous abonnant gratuitement à notre newsletter.

    Likez, partagez et instagramez les blablas de Bla Bla Blog !

  • Histoires de tangos par Lucienne Renaudin Vary

    Dans la sphère classique, c’est la trompette qu’a choisie Lucienne Renaudin Vary. Un instrument moins courant que le piano, le violon ou le violoncelle dans le répertoire solo mais qui porte chance à la jeune musicienne. Ses tournées dans le monde entier lui permettent de faire découvrir un répertoire moins connu mais passionnant, grâce à un instrument au timbre coloré et éclatant.

    Pour Piazzolla Stories, son dernier album, Lucienne Renaudin Vary rend un hommage appuyé au compositeur argentin qui a su non seulement dépoussiéré le tango mais a surtout su lui donner ses lettres de noblesse. Cette année, le compositeur aurait eu 100 ans. La musicienne donne à ces morceaux choisis une lecture pleine de relief et de sensualité, à l’exemple de "Chin Chin" et d’"Oblivion", autant jazz que tango. Lucienne Renaudin Vary sait transporter l’auditeur dans des paysages lointains, évidemment d’abord du côté la pampa.

    À côté de morceaux de tango mélancoliques et nostalgiques ("Chau Paris", "Ave Maria"Tanti anni prima" ou encore "Chiquilín de Bachín", avec Thibaut Garcia à la guitare), Piazzolla apparaît comme un authentique compositeur classique : celui par exemple de María de Buenos Aires. La musicienne française propose un extrait éponyme de son opéra sur un livret d’Horacio Ferrer. Accompagnée par l’Orchestre Philharmonique de Monte-Carlo dirigé par Sascha Goetzel, la trompettiste déploie 12 minutes d’un air lyrique et enlevé comme une comédie musicale. 

    Éclectisme

    Il faut aussi absolument évoquer le superbe "Tango pour Claude", l’adaptation majestueuse et bouleversante par Richard Galliano de "Vie violence" qu’il avait composé pour le regretté Claude Nougaro.

    Il est également question de jazz avec les titres "Years of Solitude" et "Close Your Eyes and Listen". Ces fusions étonnantes et passionnantes de tango et de jazz cool sont adaptés de l’album Summit (1974) d’Astor Piazzolla et du jazzman et saxophoniste Gerry Mulligan.

    Lucienne Renaudin Vary fait également une incursion dans l’univers classique qu’elle connaît bien avec le célèbre Caprice n°24 de Nicccolo Paganini et la Sonate n° 1 en sol mineur BWV 1001 de Bach, adaptée pour l’occasion à la trompette. Toujours férue éclectisme, l'instrumentiste s’attaque également à Nadia Boulanger et à son "Lux aeterna", un cantique de 1909, dans une version solo.

    Les fans de tango ne seront pas surpris par le dernier morceau de l’album, qui est un standard incontournable du tango : le "Volver" de Carlos Gardel. Il ne pouvait en être autrement.

    Lucienne Renaudin Vary, Piazzolla Stories, Warner Classics, 2021
    https://www.facebook.com/luciennetrumpet
    https://www.warnerclassics.com/fr/artist/lucienne-renaudin-vary

    Voir aussi : "En suivant le fil de Khatia Buniatishvili"

    Tenez-vous informés de nos derniers blablas
    en vous abonnant gratuitement à notre newsletter.

    Likez, partagez, twittez et instagramez les blablas de Bla Bla Blog !

  • Fiona Monbet a plus d’une corde à son archet

    C’est en contrebandière que la violoniste Fiona Monbet entend faire sa place dans le domaine du jazz : par des voies détournées – la valse, le tango, le classique ou la musique celtique – et le moins que l’on puisse dire est que la musicienne a plus d’une corde à son arc pour y réussir.

    Prenez l’entrée de ce formidable album qu’est Contrebande : Valse, à l’introduction faussement surannée, prend rapidement l’auditeur à contre-pied. Fiona Monbet, accompagnée des autres solistes qu’il faut absolument citer – Pierre Cussac à l’accordéon, Antoine Boyer à la guitare et Damien Varaillon à la contrebasse –, insuffle, dans ce premier titre, ce qu’elle connaît sans doute le mieux : du jazz manouche irrésistible. C’est là qu’il fait préciser que la violoniste a fait ses gammes auprès de Didier Lockwood, une filiation évidente dans son deuxième album mais sans doute aussi très douloureuse quelques mois après le décès de ce dernier.

    La bande à Fiona Monbet s’empare de son deuxième opus comme on prendrait d’assaut des forteresses farouchement tenues. Celle du classique, à cet égard, est le plus éloquent. L’adaptation cool et langoureuse du Bess, You Is My Woman Now de George Gershwin marque une forme de renaissance de l’opéra Porgy and Bess. Le violon de Fiona Monbet se déploie avec virtuosité et passion, offrant à Gershwin, le plus jazzy des classiques, l’un des plus beaux hommages qui soit.

    Autre hommage : celui d’Astor Piazzolla. Cette fois, la violoniste s’attaque au tango. Vaste entreprise. Après Astoria 16, une timide entrée en matière dans l’univers de l’Argentin, Fiona Monbet s’attaque à Tango, un titre qui mériterait de figurer dans les meilleures anthologies. La première écoute ferait penser à une revisite du répertoire d’Astor Piazzolla. Seulement, là comme souvent, il faut s’intéresser aux crédits : Tango est en réalité une création originale, écrite par Antoine Boyer. Surtout, retenez autant son nom que celui de Fiona Monbet ! Violoniste diabolique, technicienne hors-pair et artiste écorchée vive, la jazzwoman, mais aussi compositrice de plusieurs extraits, colore de rouge et de noir un titre au rythme de tango d’abord timide puis s’imposant dans un dernier mouvement sensuel et fatal. Forcément fatal.

    Violoniste diabolique, technicienne hors-pair et artiste écorchée vive

    Contrebande sait alterner morceaux de bravoure et titres moins enlevés, voire très intimistes (Luiza, Mélissande ou le sobre et délicat L’Aveu). Fiona Monbet sillonne sans peur sur des mers peu communes au jazz manouche. Luiza, la reprise du standard d’Antonio Carlos Jobim, nous amène du côté du Brésil. Dans Irlandalou, "A" Song et Smoly Market, cette fois c’est vers la culture celte, matinée de country ("A" Song) qu’il faut se tourner, une culture que la musicienne franco-irlandaise connaît bien et qu’elle dépoussière avec un enthousiasme communicatif. C’est une vraie danse que cette "chanson A" lorsque Tango l’était finalement si peu ! Smoly Market, est dopé par des influences flirtant avec les traditions yiddish et balkaniques, le répertoire classique (des oreilles attentives reconnaîtront quelques mesures du 3e mouvement du 2e concerto pour piano de Rachmaninov), mais aussi le contemporain.

    À ce sujet, on félicitera Fiona Monbet et son équipée d’offrir l’expérience d’une grande modernité avec Mélissande, ballade à la fois gothique et lumineuse servie par un quatuor au diapason.

    Maintenant, un dernier conseil puisque nous approchons des fêtes : si vous souhaitez offrir à la personne que vous aimez un album cool, original et classe, vous avez sans doute trouvé ici l’idée de l’année. Mais je ne vous ai rien dit.

    Fiona Monbet, Contrebande, Crescendo / Caroline France, 2018
    En tournée à la Salle Des 4 Saisons, Le Touquet, le 27 décembre 
    Et au Sunside, Paris, les 28, 29 et 30 décembre 2018
    http://backstage-prod.com/fiona-monbet
    https://www.facebook.com/fiona.monbet

    Voir aussi : "Cinquante nuances de spleen"

    Tenez-vous informés de nos derniers blablas
    en vous abonnant gratuitement à notre newsletter.

    Likez, partageztwittez et instagramez les blablas de Bla Bla Blog !