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bande dessinée

  • Sa vie de geisha

    On a peine à croire que le diptyque Geisha ou Le jeu du shamisen, publié chez Futuropolis en 2017 soit l’œuvre de deux auteurs bien de chez nous. Et pourtant, Christian Perrissin au scénario et Christian Durieux au dessin nous offrent une formidable plongée dans le Japon traditionnel. Ils s’intéressent aux geishas, des femmes suscitant encore fascination, fantasme et idées reçues. Il fallait bien deux tomes pour marcher sur les pas d’une de ces geishas, de la naissance dans un milieu pauvre jusqu’à ses derniers jours dans un Japon occidentalisé.

    Setsuko Tsuda naît pauvre dans un village "de la péninsule". Nous sommes dans les premières années du XXe siècle. Son père, un ancien samouraï désargenté, tente tant bien que mal de faire vivre sa famille, sa femme et ses deux filles grâce à la vente de modestes sculptures en bois. Setsuko et ses proches quittent la campagne pour rejoindre une grande ville de la Côte Est, sans doute Yokohama. Les espoirs d’une vie meilleure sont vites déçus. Lorsqu’elle a 10 ans, Stetsuko est vendue par son père à une maison qui forme des geishas pour vendre leurs services. Stetsuko est rebaptisée sous le nom de Kitsune.

    Désormais, son univers sera celui de ses "sœurs" et de ses supérieures. La tradition veut aussi que, "vendue" à l’okiya (la maison des geisha), la jeune geisha devra en réalité rembourser ce qui n’était qu’un "prêt". Les années passent et Kitsune parvient à se faire une place dans ce milieu singulier. Un shamishen, instrument de musique traditionnel, devient l’objet qu’elle ne quitte plus. 

    Le scénario se déploie sans à-coups, avec une fluidité enivrante

    Geisha ou Le jeu du shamisen, en  deux tomes, est une fiction tirée de plusieurs témoignages (Mémoires d’une Geisha d’Inoue Yuki, Ma vie de geisha d’Iwazaki Mineko, Du côté des saules et des fleurs de Kafu Nagai) mais aussi de documents, romans et chroniques. Par ailleurs, le personnage de Shuji Ariyoshi est inspiré de l’écrivain Osamu Dazaï. Voilà qui donne à cette histoire en deux volumes un parfum d’authenticité.

    Graphiquement, Christian Durieux orientalise son trait, donnant à cette bande dessinée française une facture proche du manga à la Jirō Taniguchi. Le scénario se déploie sans à-coups, avec une fluidité enivrante. Les auteurs évitent de tomber dans le piège du scabreux, sans pour autant cacher la réalité sordide de ces jeunes femmes utilisés comme objets sexuels, faire-valoir et dames de compagnie – pour ne pas dire prostituées.

    C’est la voix de Stetsuko/Kitsune qui se donne à entendre tout au long du récit. Elle ne cache ni la douleur de sa séparation – son insoutenable vente par son propre père – ni les liens forts qu’elle a pu avoir, y compris avec la responsable de l’okiya, Madame Tsushima. La musique devient un but dans sa vie et son shamisen un compagnon de vie. Dans le deuxième tome, la rencontre avec Shuji et l’amour deviennent centraux, alors que le Japon comme à se tourner vers la modernité et à se détourner de traditions ancestrales, à l’instar des geishas. Singulièrement, Kitsune y verra une évolution inéluctable mais non sans nostalgie.      

    Christian Durieux & Christian Perrissin, Geisha ou Le jeu du shamisen,
    éd. Futuropolis, 2 tomes, 88 p.  chacun, 2017

    https://www.futuropolis.fr/9782754812160/geisha-ou-le-jeu-du-shamisen-1.html
    https://www.instagram.com/christiandurieux33

    Voir aussi : "La femme qui aimait un homme qui aimait un homme qui était une femme"

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  • Petite bibliothèque et Grande Librairie

    Si vous avez déjà Le Mystère Henri Pick de David Foenkinos, ce n’est pas grave. Sinon, c’est encore mieux. L’adaptation en bande dessinée de l’un de ses livres les plus célèbres, Le Mystère Henri Pick (éd. La Boîte à Bulles) revient sur une de ses intrigues les plus singulières, naviguant entre un coin paumé de Bretagne et le Paris bobo et culturel. Pascal Bresson, au scénario, et Ilaria Tebaldini, au dessin, ont commis le tour de force d’adapter une histoire attachante à plus d’un titre, mêlant histoire d’amour, secret de famille et plongée dans la nomenklatura éditoriale parisienne.  

    L’une de ces intellectuelles, Delphine Despero, jeune éditrice chez Grasset, a le nez fin lors d’un week-end en Bretagne dans sa famille. Elle vient présenter à ses parents Frédéric Koskas, son ami et modeste écrivain. Au cours de son séjour, elle entend parler d’une bibliothèque municipale présentant un rayon de manuscrits refusés et déposés par des auteur⸱e⸱s. Elle s’y rend et tombe sur un roman dont le titre - Les dernières heures d’une histoire d’amour - l’indique. Lecture faite, Delphine sort convaincue qu’elle est tombée sur un best-seller. L’auteur, un certain Henri Pick, est connu dans la région comme un modeste pizzaiolo qui n'a jamais montré aucune âme d'artiste ou d'intellectuel. Il est décédé depuis. Alors que le roman fait le buzz, le mystère reste entier sur cet Henri Pick. Quel secret cachait-il ? Et surtout, est-il l’auteur du fameux roman ?

    Une belle histoire d’amour et d’artiste

    Évidemment, il est impossible d’en dire plus sur cette intrigue devenant vite une enquête menée par un journaliste du Figaro, aux faux-airs de Michel Houellebecq – Michel Houellebecq que l’on croise par ailleurs au début de la bande dessinée. Autre caméo, celui de David Foenkinos, l’auteur du roman, lui-même. Le lecteur attentif le trouvera au milieu du plateau de La Grande Librairie, alors que son animateur François Busnel prépare l’interview de la veuve d’Henri Pick.

    Cette histoire de manuscrit inédit devenu livre à succès s’intéresse aussi et surtout au choc des cultures entre le milieu feutré de l’édition et celui plus simple et sans prise de tête d’une petite ville à la campagne. Toutes ces personnes se croisent mais ont du mal à se comprendre, à l’image de l’interview pour La Grande Librairie.

    Pascal Bresson a réussi une belle adaptation du roman de David Foenkinos. Il a été aidé en cela par le pinceau d’Ilaria Tebaldini, croquant quelques figures réelles du monde des livres. Au réalisme, elle préfère appuyer sur les traits pour accentuer les expressions. Un soin particulier a été apporté aux paysages et décors – la Bretagne, Paris. Le lecteur se laissera prendre par ce qui est finalement une belle histoire d’amour et d’artiste.

    Pour celles et ceux qui avaient tout de même lu le roman de David Foenkinos, ne boudez pas votre plaisir et allez redécouvrir ce qui est sans doute l'uns des meilleures histoires de l'écrivain. 

    Pascal Bresson et Ilaria Tebaldini, Le Mystère Henri Pick, éd. La Boîte à Bulles, 2024, 176 p.
    D’après un roman de David Foenkinos
    https://www.la-boite-a-bulles.com/album/670/content/53
    https://www.facebook.com/people/Pascal-Bresson-BD/100012233622350
    https://www.instagram.com/ilaria.tebaldini.art 
    https://www.facebook.com/david.foenkinos 

    Voir aussi : "La bibliothèque des auteur·e·s inconnu·e·s"
    "David Foenkinos, son œuvre"

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  • La femme qui aimait un homme qui aimait un homme qui était une femme

    Allez, je me lance. Peau d’homme, du scénariste Hubert et du dessinateur Zanzim (éd. Glénat), mérite sans aucun doute de figurer parmi les 10 meilleures bandes dessinées de ces dix dernières années. Pour preuve, voici la liste des prix récoltés par cette formidable œuvre : Grand Prix RTL 2020, Prix Wolinski de la BD du Point 2020, Grand prix de la critique ACBD 2021, Prix Landerneau BD 2020, Prix Ti-Zef 2020, Fauve des Lycéens 2021 au Festival d’Angoulême, Prix des Libraires Canal BD 2021, Prix BDstagram 2020, Prix Imaginales de la bande dessinée des bibliothécaires 2021, Prix littéraire On' 2021. Si Bla Bla Blog avait un prix, il en décernerait sans doute un.

    Nous sommes dans l’Italie de la Renaissance. Bianca, jeune femme admirée pour sa beauté et la fortune de ses parents, doit se marier. Un mariage arrangé, bien sûr, mais qui ne lui déplaît pas. Elle souhaiterait juste connaître un peu mieux son futur époux. Il s’appelle Giovanni, semble charmant et ne laisse pas insensible Bianca. Or, c’est lors d’un séjour chez sa marraine que cette dernière lui confie un secret. Elle possède une peau d’homme chez elle, un déguisement plus vrai que nature des pieds à la tête, sans rien oublier de l’intimité - si vous voyez ce que je veux dire... La jeune femme décide de l’enfiler - je parle du déguisement. Elle devient, pour quelques heures, un homme, Lorenzo. Elle décide de s’en servir pour nouer amitié avec Giovanni et mieux le connaître. Or, contre toute attente, ce dernier s’éprend de Lorenzo.

    Une bande dessinée féministe – écrite par deux hommes

    C’est sous forme de conte que se présente Peau d’homme, avec bien évidemment une première référence directe à Peau d’âne. Zanzim a fait le choix d’un graphisme renvoyant à l’iconographie de la fin du Moyen Âge et de la Renaissance. Le lecteur admirera la sobriété très ligne claire de la BD tout comme la force des planches en pleine page.

    Pour autant, la naïveté des traits, y compris dans les visages, est contrebalancée par l’audace visuelle des corps nus, des tendres étreintes et de cette peau magique, objet de tous les fantasmes mais aussi de tous les ennuis.

    On a beaucoup parlé de l’engagement des auteurs dans cette histoire d’émancipation, de découvertes du corps et aussi d’identité. Bande dessinée féministe – écrite par deux hommes ! – Peau d’homme se veut aussi un plaidoyer comme l’homophobie et l’obscurantisme, qu’il soit religieux ou patriarcal, à telle enseigne que dans les dernières pages c’est la liberté qui l’emporte.

    Un authentique chef d’œuvre à lire absolument.      

    Précisions enfin que Hubert, auteur du formidable scénario, intelligent et très fin, s’est donné la mort peu de temps avant la sortie de cet ouvrage. 

    Hubert & Zanzim, Peau d’homme, éd. Glénat, 2020, 152 p.
    https://www.glenat.com/1000-feuilles/peau-dhomme-9782344010648
    https://www.facebook.com/fredzanzim/?locale=fr_FR

    Voir aussi : "Et pop !"

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  • Bordeaux en images

    Qui connaît Bordeaux ? Les Bordelais et Bordelaises peut-être ; et encore. Voilà qui explique pour commencer la très belle idée de retracer l’histoire de la 12e ville de France pour la superficie et la 9e en terme de population. Ajoutons, pour terminer sur l’aspect statistique que dans le classements mondial des 25 villes les plus belles villes du monde, Bordeaux arrive à la 9e place… devant Paris.

    Les éditions Petit à Petit proposent, dans leur collection Villes en Docu-BD, leur nouvelle publication, La Grande histoire de Bordeaux, une biographie originale de la Capitale de la Garonne. Sur un scénario de Didier Quella-Guyot et Frédéric Brémaud, le tout en 18 chapitres, 16 dessinateurs proposent une plongée dans la vie de la cité girondine de la Préhistoire jusqu’aux années 2020. Pour chaque chapitre, 6 planches relatent une époque pour la ville de Bordeaux, occasion de découvrir une ville qui ne se résume ni au vin, ni au passé négrier – qui a certes existé. On découvrira que la paisible ville des années 2020 – certes embourgeoisée depuis quelques années – n’a pas la moins souffert des conflits et des événements souvent dramatiques en raison de sa position géostratégique. 

    Les auteurs ne se sont pas gênés pour mettre en scène les personnages imaginaires et récurrents

    La bande dessinée a ceci comme avantage d’ouvrir l’Histoire a un plus large public, et même mieux : de la mettre en images. Parce que les sources manquent pour certaines périodes, les auteurs ne se sont pas gênés pour mettre en scène les personnages imaginaires et récurrents de Meliss et Ariin. Deux adolescentes – imaginaires elles aussi – viennent également clôturer l’album pour parler de notre époque et des aménagements urbains récents.

    Dans un désir de rendre l’histoire de Bordeaux attrayante et vivante, des personnages historiques – réels ceux-là – ponctuent le récit. C’est le Romain Ausone, pris à parti par Meliss et Ariin en raison d’un document disparu. C’est Aliénor d’Aquitaine, personnage capitale dans l’histoire de l’Aquitaine. Citons aussi Montaigne qui, beaucoup l’apprendront, a été Maire de Bordeaux durant les Guerres de Religion.

    Outre un chapitre éloquent sur le trafic d’esclaves qui a enrichi la ville – certes, moins que Nantes – La Grande histoire de Bordeaux est largement consacrée à l’urbanisme et aux transformations citadines profondes, depuis les enceintes médiévales jusqu’aux constructions modernes, en passant par le travail spectaculaire de Claude Boucher au milieu du XVIIIe siècle, le "Pont de Pierre" après l’époque napoléonienne, sans oublier l’arrivée du chemin de fer qui a eu des conséquences inattendues sur le paysage mais aussi la société aquitaine.

    Et puis, the last but not the least, il y a la viticulture bordelaise, un patrimoine culturel exceptionnel qui est surtout relaté à travers le drame naturel qu’ont été le phylloxera puis le mildiou. Une passionnante manière de découvrir ou redécouvrir une ville qui est parvenue à se faire aimer au fil des siècles. 

    La Grande histoire de Bordeaux, éd. Petit à Petit, collection Villes en Docu-BD, 2024, 160 p.
    Scénario de Didier Quella-Guyot et Frédéric Brémaud
    Documentaires de Béatrice Merdrignac, Dessins de Alessandro Poli, Fabrizio Russo, Francesco Bisaro, Luciano Bernasconi, Alain Paillou, Chico Pacheco, Emmanuel Despujol, Fabio D’Auria, Jean-Claude Bauer, Adrien Amilhat, Benjamin Basso, Benoit Lacou, Emeric Tain, Fabien Ronteix, Philippe Loirat, Samuel Mennetrier
    https://www.petitapetit.fr/produit/bordeaux-ledition-complete

    Voir aussi : "Tintin bordelais"

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  • Et pop !

    Saluons cette excellente bande dessinée de Michele Botton au scénario et Marco Maraggi au dessin qui se sont attaqués à celui qui reste l’un des artistes les plus incontournables et les plus populaires de la deuxième moitié du XXe siècle (éd. Larousse).

    L’américain Andy Warhol, pape du pop art, a vu ses œuvres archi diffusées, commercialisées, montrées et souvent copiées, faisant dire parfois qu’il est entièrement identifié au pop art.

    Ce n’est pas le moindre des mérites de l’auteur de faire connaître l’artiste et l’homme, ce dernier étant souvent effacé derrière ses boîtes de soupe Campbell ou ses sérigraphies iconique autour du visage de Marylin Monroe.

    Suivant la chronologie, les auteurs suivent la vie d’Andy Warhol de son enfance à Pittsburgh où le garçon timide se tenait à l’écart des autres enfants jusqu’à son décès en 1987, quelques temps après celui de son ami Jean-Michel Basquiat.

    Pape du pop art

    C’est avec la mention de biographie "non officiel et non autorisé" que se présente cette "bio graphie". Ce qui ne veut pas dire que Michele Botton et Marco Maraggi osent l’impertinence à tout crin et le fantasque. En réalité, voilà une sérieuse biographie qui se distingue autant par le soin de sa vulgarisation que par les dessins et les couleurs – très pop, justement.

    L’introduction de l’ouvrage insiste sur le terme de "pop", justement, renvoyant au mot "populaire", ce qui dit beaucoup sur les intentions des artistes de l’époque, à commencer par Warhol lui-même. L'artiste ne cachait d'ailleurs pas son ambitieux de faire une oeuvre à la fois originale, populaire et commercialement monnayable. Réussite totale !

    Le récit de son parcours, de l’école où il était sérieux, en passant par la publicité puis finalement la Factory, le lieu où il accueillait les artistes new-yorkais, dit beaucoup sur les intentions de Warhol : créer des œuvres et faire de l’argent.

    L’artiste archi célèbre de son vivant, le plus commenté et imité depuis les années 60, reste toutefois un inconnu, tant Warhol s’est dissimulé derrière un personnage. Voilà une belle occasion de le découvrir, en attendant de se précipiter pour découvrir d’un nouvel œil ses œuvres entrées dans le patrimoine de l’humanité.  

    Michele Botton et Marco Maraggi, Warhol, La bio graphique, éd. Larousse, 2024, 192 p.
    https://www.editions-larousse.fr/livre/warhol-la-bio-graphique-9782036065956

    Voir aussi : "Bordeaux en images"
    "Fantasy à lire et à rire"

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  • Voleurs de fétiches

    Le dernier livre que propose Patrice Guérin aux éditions 1000 Sabords – consacré, on le devine à Tintin – est constitué en réalité de deux courts essais. Le premier et principal, Hergé face à son Fétiche, propose une analyse de L’Oreille cassée, le sixième album des aventures du reporter belge. Le second, plus étonnant, revient sur un fait divers peu connu et toujours non élucidé : le vol du vrai fétiche fétiche d’Hergé en 1979 lors d’une exposition bruxelloise du Musée imaginaire d’Hergé.

    On peut remercier au préalable Patrice Guérin de de se pencher L’Oreille cassée, un titre d’Hergé souvent considéré avec, au mieux de l’indifférence. Il est vrai qu’il n’a pas la saveur et la puissance évocatrice de chefs d’œuvres tels que Les Bijoux de la Castafiore (dont nous avions parlé sur Bla Bla Blog), de Tintin au Tibet ou du Lotus Bleu. Le Lotus Bleu, justement. Celui qui reste l’un des tout meilleurs albums d’Hergé, pour ne pas dire un des livres majeurs du XXe siècle toute catégorie confondue, précède immédiatement L’Oreille cassée. Difficile ensuite de rivaliser après cette aventure en Extrême-Orient.

    En travailleur infatigable, le jeune dessinateur belge se lance donc dès 1935 dans cette nouvelle histoire qui entraîne Tintin et Milou jusqu’en Amérique du Sud, à la recherche d’un fétiche de la tribu – imaginaire – arumbaya, volée dans un musée. Au menu : un couple de bandits, un objet historique apparaissant et disparaissant, un coup d’état mené par le Général Tapioca, une tribu autochtone, un explorateur au look darwinien et un courageux reporter passant plusieurs fois à deux doigts de succomber.

    Alors, album secondaire, cette Oreille cassée ? C’est ce qui est souvent admis, y compris chez les amoureux du journaliste blond à la houppette. Il semble même que le seul apport dans l’œuvre d’Hergé est cette géniale invention du fétiche, un objet qui fait partie des reliques préférées des amoureux et amoureuses de Tintin, presque à l’égal de la fusée lunaire. Et ne parlons pas de l’utilisation de la fétiche arumbaya dans les produits dérivés, chère au cœur des ayant-droits d’Hergé… 

    L’Oreille cassée est également une réflexion sur l’œuvre d’art, le vrai, le faux et la copie

    La lecture de l’essai de Patrice Guérin sur le sixième opus de Tintin, outre qu’elle encourage à relire L’Oreille cassée, détaille planche après planche la singulière course pour retrouver un objet rare, invendable mais aussi esthétiquement discutable. Mais quel est l’intérêt de ce vol ? On le découvre dans les dernières pages du livre. Patrice Guérin souligne également avec justesse qu’à certains égards la recherche du fétiche sert de prétexte à une aventure rocambolesque hors de l’Europe.

    On reste impressionné par l’exégèse de l’auteur qui entend ne rien laisser dans l’ombre et expliquer la genèse de cette aventure : les origines de cette histoire plongeant dans l’Amérique du sud, les modèles qui ont inspiré Hergé – notamment un fétiche de la tribu chimù des XXe et XVe s. ap. JC, mais aussi Giorgio de Chirico ou… l’oreille de Van Gogh. La vie intime d’Hergé n’est pas passée sous silence, tant il est vrai que Hergé est Tintin et Tintin est Hergé ! Ses tourments intimes, sa vie privée, les secrets de son enfance, son hérédité et même sa santé – cette fameuse jaunisse évoquée par le Général Tapioca – sont également évoqués. Mais L’Oreille cassée est également une réflexion sur l’œuvre d’art, le vrai, le faux et la copie, sujet fondamental pour le dessinateur génial passionné par l’art moderne et contemporain.

    Voilà qui nous amène au deuxième essai du livre, 1979, le vol du vrai fétiche d’Hergé : quand la réalité rattrape Tintin. À l’occasion des 50 ans de la saga Tintin, un Musée imaginaire est exposé à Bruxelles – avant de devenir itinérant. Les spectateurs peuvent retrouver des objets figurant dans les albums, que ce soient des masques africains rappelant Tintin au Congo, une momie évoquant le terrifiant Rascar Capac, une pierre lunaire ou encore une chaise design aperçue dans Le Lotus Bleu. Et il y a, bien entendu, le fétiche arumbaya, du moins une création de l’artiste Maurice Lemmens.

    Or, le 1er août 1979, ce fameux fétiche est volé. Le fait divers entre dans la légende puisque c’est exactement ainsi que commence L’Oreille cassée. L’enquête commence. Patrice Guérin nous fait entrer dans les secrets de cette histoire étonnante, tout en proposant des suspects potentiels, dont un certain Juan d’Oultremont. Mais qui a volé – réellement – le fétiche arumbaya ?

    Voilà qui vient clore de manière inattendue ce passionnant essai sur L’Oreille cassée, un album revisité et réhabilité par Patrice Guérin.      

    Patrice Guérin, Hergé face à son Fétiche, Allers-retours entre réalité et fiction,
    éd. 1000 Sabords, 2024, 144 p.

    Hergé, L’Oreille cassée, éd. Casterman, 1937, 64 p.
    https://www.editions-1000-sabords.fr/index.asp?navig=catalogue&obj=livre&no=80696
    https://www.patriceguerin.fr
    https://www.tintin.com/fr/albums/l-oreille-cassee

    Voir aussi : "Casta Diva"

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  • Tour de contrôle à Major Tom, m’entendez-vous ?

    Voilà une bande dessinée étonnante, et par son titre et par son début mystérieux, faussement léger. L’album nous vient du Québec. Publié aux éditions La Pastèque, Le petit Astronaute  de Jean-Paul Eid est le récit vrai – quoique romancé – d’une histoire familiale et personnelle douloureuse qu’a connu l’auteur.  

    Après un prologue onirique, sous forme de voyage spatial, nous suivons les traces d’une adolescente, Juliette, de retour dans la rue de son enfance. La maison familiale est en vente. La jeune fille prend le culot d’y entrer, comme des dizaines de potentiels acheteurs, pour redécouvrir les lieux. Les souvenirs reviennent, plus tenaces que jamais. Elle revoie sa famille, revit des scènes de son passé et se remémore la naissance de son petit frère qu’elle va bientôt surnommer "le petit astronaute".

    "Tour de contrôle à Major Tom / Tes circuits sont morts, quelque chose ne va pas"

    Tom est le nom de cet enfant. Un bébé désiré, attendu et aimé par toute la famille, jusqu'à ce que ses parents découvrent que quelque chose cloche. Des détails, des retards de développement et des interrogations les conduisent vers les médecins puis les hôpitaux. La nouvelle est terrible : le petit Tom est victime d’une anomalie fonctionnelle, un DMC (Déficit Moteur Cérébral). Condamné à la paralysie cérébrale, sa vie ne sera jamais celle d’un garçon comme les autres.

    Après cette annonce, il y a un avant et un après dans la vie de Tourniquette – c’est le surnom de Juliette – et celle de ses parents. Toute leur existence est désormais rythmée par ce petit Tom que tout le monde décide de surnommer "le petit astronaute", un être bien vivant mais voyageant dans un autre monde. Et puis, il y a le regarde des autres, des proches, des voisins et de ces inconnus croisant le pauvre petit bonhomme.  

    On ne peut qu’être bouleversé par l’histoire du petit Tom et de la manière dont chacun va accompagner son existence pour la rendre la plus douce possible. En lisant cette BD bouleversante, parsemée ci et là  d’expressions québécoises délicieuses, ne peuvent que venir en tête les paroles de David Bowie, dans on chef d'œuvre Space Oddity : "Ground Control to Major Tom / Your circuit's dead, / There's something wrong / Can you hear me, Major Tom?" ("Tour de contrôle à Major Tom / Tes circuits sont morts, quelque chose ne va pas, / Peux-tu m'entendre, Major Tom ?"). 

    Jean-Paul Eid, Le petit Astronaute, éd. La Pastèque, 2021, 156 p. 
    https://www.lapasteque.com/le-petit-astronaute
    https://bd-eid.com

    Voir aussi : "Révoltées, exilées, elles ne plieront plus jamais"

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  • À nous deux Paris

    jean-paul nishi,jp nishi,manga,bd,bande dessinée,paris,témoignage,japonaisCe manga savoureux est un ensemble de tranches de vie.

    L'auteur, Jean-Paul Nishi, mangaka japonais, rejoint Paris afin de se perfectionner - c'est d'ailleurs l'occasion de découvrir la situation envieuse de la bande dessinée française par rapport à ce qui se passe au Japon.

    JP Nishi décrit avec humour, et sans nous égratigner, nos us et coutumes : le stress de la vie parisienne, la mauvaise humeur légendaire des Français, les contrôles de police, la drague ou... la curieuse coutume des bisous !

    Un manga qui se lit et se relit avec plaisir et qui est aussi le coup de cœur d'un Japonais pour la France. A l'image de la passion réciproque, nous dit-il, que les Français portent pour le Japon.

    Jean-Paul Nishi, À nous deux, Paris !, éd. Philippe Picquier, 191 p.
    http://confrerie2010.canalblog.com/archives/2013/01/13/26131268.html

    https://www.editions-picquier.com/produit/a-nous-deux-paris
    https://www.facebook.com/profile.php?id=100003881948183

    Voir aussi : "Ward Ier-IIe siècle"

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