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C’est en contrebandière que la violoniste Fiona Monbet entend faire sa place dans le domaine du jazz : par des voies détournées – la valse, le tango, le classique ou la musique celtique – et le moins que l’on puisse dire est que la musicienne a plus d’une corde à son arc pour y réussir.
Prenez l’entrée de ce formidable album qu’est Contrebande : Valse, à l’introduction faussement surannée, prend rapidement l’auditeur à contre-pied. Fiona Monbet, accompagnée des autres solistes qu’il faut absolument citer – Pierre Cussac à l’accordéon, Antoine Boyer à la guitare et Damien Varaillon à la contrebasse –, insuffle, dans ce premier titre, ce qu’elle connaît sans doute le mieux : du jazz manouche irrésistible. C’est là qu’il fait préciser que la violoniste a fait ses gammes auprès de Didier Lockwood, une filiation évidente dans son deuxième album mais sans doute aussi très douloureuse quelques mois après le décès de ce dernier.
La bande à Fiona Monbet s’empare de son deuxième opus comme on prendrait d’assaut des forteresses farouchement tenues. Celle du classique, à cet égard, est le plus éloquent. L’adaptation cool et langoureuse du Bess, You Is My Woman Now de George Gershwin marque une forme de renaissance de l’opéra Porgy and Bess. Le violon de Fiona Monbet se déploie avec virtuosité et passion, offrant à Gershwin, le plus jazzy des classiques, l’un des plus beaux hommages qui soit.
Autre hommage : celui d’Astor Piazzolla. Cette fois, la violoniste s’attaque au tango. Vaste entreprise. Après Astoria 16, une timide entrée en matière dans l’univers de l’Argentin, Fiona Monbet s’attaque à Tango, un titre qui mériterait de figurer dans les meilleures anthologies. La première écoute ferait penser à une revisite du répertoire d’Astor Piazzolla. Seulement, là comme souvent, il faut s’intéresser aux crédits : Tango est en réalité une création originale, écrite par Antoine Boyer. Surtout, retenez autant son nom que celui de Fiona Monbet ! Violoniste diabolique, technicienne hors-pair et artiste écorchée vive, la jazzwoman, mais aussi compositrice de plusieurs extraits, colore de rouge et de noir un titre au rythme de tango d’abord timide puis s’imposant dans un dernier mouvement sensuel et fatal. Forcément fatal.
Violoniste diabolique, technicienne hors-pair et artiste écorchée vive
Contrebande sait alterner morceaux de bravoure et titres moins enlevés, voire très intimistes (Luiza, Mélissande ou le sobre et délicat L’Aveu). Fiona Monbet sillonne sans peur sur des mers peu communes au jazz manouche. Luiza, la reprise du standard d’Antonio Carlos Jobim, nous amène du côté du Brésil. Dans Irlandalou, "A" Song et Smoly Market, cette fois c’est vers la culture celte, matinée de country ("A" Song) qu’il faut se tourner, une culture que la musicienne franco-irlandaise connaît bien et qu’elle dépoussière avec un enthousiasme communicatif. C’est une vraie danse que cette "chanson A" lorsque Tango l’était finalement si peu ! Smoly Market, est dopé par des influences flirtant avec les traditions yiddish et balkaniques, le répertoire classique (des oreilles attentives reconnaîtront quelques mesures du 3e mouvement du 2e concerto pour piano de Rachmaninov), mais aussi le contemporain.
À ce sujet, on félicitera Fiona Monbet et son équipée d’offrir l’expérience d’une grande modernité avec Mélissande, ballade à la fois gothique et lumineuse servie par un quatuor au diapason.
Maintenant, un dernier conseil puisque nous approchons des fêtes : si vous souhaitez offrir à la personne que vous aimez un album cool, original et classe, vous avez sans doute trouvé ici l’idée de l’année. Mais je ne vous ai rien dit.
Il y a quelques mois de cela, Bla Bla Blog avait consacré une chronique sur Odrylane, un groupe strasbourgeois parti s’aventurer sur les chemins d’une world music où se mêlent le rock, la pop, le hip hop mais aussi la musique traditionnelle celte.
Voilà qui ne pouvait qu’aiguiser notre curiosité. Bla Bla Blog a interrogé Quentin Bangert, Guillaume Levy et Valentin Descourvières, trois des quatre membres d’Odrylane (leur quatrième comparse est Piel Benoît). Nous les avons interrogés à l’occasion de la sortie de leur premier album.
Bla Bla Blog – Voulez-vous vous présenter et parler de votre rencontre ? De quand date-t-elle d’ailleurs ?
Odrylane (Quentin Bangert) – Je suis Quentin et je joue la guitare classique. Nous étions à la fac de musique avec Guillaume dans la même promo. Un jour je lui ai proposé de venir chez moi pour jammer ensemble car je savais qu'il faisait du bouzouki. On a composé et enregistré des morceaux pour s'amuser et dans le cadre des cours et comme ça marchait très bien on a décidé de créer un groupe. La création du groupe a eu lieu en 2015 et avec Guillaume nous nous sommes rencontrés en 2012.
(Guillaume Levy) – Comme l’a dit Quentin on s’est rencontré et on est devenu amis en 2012. Dans les projets musicaux de la fac on galérait un peu à jouer ensemble par moment (rire). Mais bizarrement quand on a jammé ensemble en 2015 ça a fait un déclic. C’était trop cool de jouer ensemble, jouer avec Quentin m’a beaucoup appris sur la musique.
(Valentin Descourvières) – Alors, moi, c’est Valentin, le violoniste du groupe. En fait, on vient tous de la faculté de musicologie à Strasbourg et c’est de là qu’on s’est connus. Je me rappelle avoir fait irruption dans le studio de répétition où se trouvaient Guillaume et Quentin, parce que le son du bouzouki m’intriguait. À l’époque, ils avaient déjà fait quelques concerts sous le nom d’"Odyssée", mais cherchaient encore des musiciens pour améliorer la qualité de leurs compositions. Je suis resté pour écouter, et, au fil de la discussion, on est partis sur une petite improvisation et j’ai été adopté. Quelques mois plus tard, on a changé de nom pour Odrylane, et on a dû trouver un nouveau percussionniste pour remplacer l’ancien. C’est comme ça que Piel a rejoint l’aventure.
BBB – Racontez-nous votre manière de travailler ? Qui compose ? Comment sont partagés les rôles ?
Odrylane (Quentin Bangert) – Nous composons tous les deux, Guillaume et moi. Lors de la création de composition on cherche toujours un équilibre entre mélodie et accompagnement et cet équilibre se fait naturellement. Parfois Guillaume ramène une idée ou alors c'est moi. Parfois, on cherche une atmosphère ou un caractère particulier. Ça dépend vraiment de notre humeur, du lieu et de ce que l'on écoute.
(Guillaume Levy) – Quand on joue ensemble on se complète et on arrive à embellir le jeu de l’autre. Nos visions sont a priori complémentaires. C’est toujours génial quand l’un de nous ramène une mélodie et que l’autre plaque les accords et que ça créer quelques chose ou on se dit : "Woow !" Après, on le joue un petit moment en boucle et c’est parti. On l’amène à Valentin et Piel afin qu’ils mettent en valeur les morceaux avec leurs idées.
BBB – On ne peut parler de votre travail sans évoquer vos influences.
Odrylane (Quentin Bangert) – Il n'y a aucune frontière dans ce que j'écoute et dans mes influences. J'essaye d'écouter et de découvrir la musique de tous les horizons. Mais à la base, j'écoutais du rock, du métal principalement.
(Guillaume Levy) – Comme Quentin mes goûts sont éclectiques on peut trouver de l’intérêt dans tous les genres. Ça dépend des moments et de ce que l’on recherche. Cependant mes préférences restent le pagan folk/celtique et le métal.
(Valentin Descourvières) – Piel, lui, vient du hard rock et touche beaucoup à la musique progressive. Quant à moi, je suis issu du conservatoire et ai donc à la base une formation classique de laquelle j’ai quelque peu… dévié.
BBB – Il y a aussi la Bretagne. Si je vous dis que le rock celtique est dans vos gènes, est-ce que j’exagère ?
Odrylane (Quentin Bangert) – Dans les gènes je ne sais pas, mais dans les musiques traditionnelles de cette région, les danses, les légendes, il y a quelque chose d'attirant.
(Guillaume Levy) – Grave ! Les sonorités et les légendes sont fascinantes… En live, quand on arrive à faire danser les gens c’est génial, un de ces jours faudra quand même qu’on apprenne la jig, l’Hanter dro …
(Valentin Descourvières) – Dès qu’on parle de rock celtique, on pense immédiatement à la Bretagne où cette part du folklore est vraiment marquée. Alors oui, évidement, c’est une musique qui nous parle et qui nous influence énormément, au même titre que la musique irlandaise par exemple. Maintenant, de là à dire que c’est dans nos gènes… J’imagine qu’on aimerait bien !
BBB – Et pourtant, vous venez d’Alsace...
Odrylane (Quentin Bangert) –Ja, Prima.
(Guillaume Levy) –Ah yo, mais il faut avouer que nos paysages sont inspirants (la vue du haut du Château du Hohenbourg est magnifique) et il y a des légendes sympa en Alsace.
(Valentin Descourvières) – Oui en effet ! On y est même un peu disséminer (50% Bas-Rhin, 50% Haut-Rhin…). Mais nous nous basons à Strasbourg pour répéter, pour des raisons pratiques.
BBB – Odrylane pourrait-il d’ailleurs un jour s’intéresser au répertoire alsacien traditionnel (Bloosmusik, Guggenmusik ou le Cabaret alsacien), pour le revisiter à la mode pop-rock ?
Odrylane (Quentin Bangert) – Pourquoi pas un jour.
(Guillaume Levy) – Qui sait, si quelque chose attire notre attention un de ces jours. Mon grand-père était accordéoniste dans un groupe de musique alsacienne. Il tournait bien, en plus.
(Valentin Descourvières) – Je ne pense pas que ce soit au programme. À vrai dire, on n’en est pas très friand, et personnellement, ce n’est vraiment pas ma tasse de thé…
BBB – Parlez-nous de ce nouvel album, mais aussi des instruments que vous utilisez.
Odrylane (Quentin Bangert) – Nous avons réalisé l'enregistrement avec nos propres moyens. Il y a juste le mix et le mastering qui ont été réalisés par Maxime Kolb du Krnoyz Studio. Dans cet album, j'ai joué de la guitare, du banjo et du piano. Valentin a joué du violon et Piel de la batterie.
(Guillaume Levy) – De mon côté j’ai joué du bouzouki, de la flûte irlandaise, de la basse… C’était vraiment chouette de tester nos morceaux avec les possibilités qu’offre le studio. Doubler les grattes à Quentin pour la puissance, faire des harmonies de violons, inverser des roulements de batterie ... Maxime à fait un super travail.
"On nous compare souvent à Manau, évidemment"
(Valentin Descourvières) – On a eu énormément de chance pour la réalisation de cet album. Ça faisait deux ans qu’on faisait des concerts dans tous les coins de l’Alsace et que tout l’argent qu’on gagnait partait dans une caisse commune. On hésitait à investir dans un disque. On a eu besoin de mettre notre musique sur un disque, donc on s’est lancés dans ce projet et on a commencé à enregistrer de notre côté en sachant que les fonds qu’on avait accumulés ne suffiraient pas à préparer une sortie d’album digne de ce nom. Un ami nous a alors suggéré de lancer un financement participatif pour monter le projet, conseil qu’on a très bien fait de suivre, puisque a obtenu la somme de 1000 € en un jour pour financer le pressage, les droits de diffusions et la promotion de l’album… On n’en revenait pas. Sans ce soutien on n’aurait jamais pu le sortir aussi vite…
BBB – J’aimerais que vous nous parliez d’une chanson étonnante de cet album : Le Diable. J’imagine que cette chanson a son histoire. D’abord, où l’avez-vous écrite ?
Odrylane (Quentin Bangert) – C'est Guillaume qui a écrit cette chanson lorsqu’il était en vacances dans le sud. D'autres chansons ont également leurs petites anecdotes très marrantes, mais qu'il nous faut garder secrètes…
BBB – Impossible aussi de ne pas faire référence à Manau et à la Tribu de Dana, avec cet autre titre, Sous les Étoiles.
Odrylane (Quentin Bangert) – Cette chanson a mis beaucoup de temps avant de prendre sa forme actuelle. Mais le fait que tu cites Manau ça nous fait bien plaisir car c'est une grande influence pour nous.
(Valentin Descourvières) – On nous compare souvent à Manau, évidemment. Particulièrement avec ce titre. C’est vrai que c’est un peu eux qui ont réussi à faire revivre cette musique en France, toute en la modernisant. Finalement, on a un peu la même démarche, même si seul ce titre est autant marqué par l’influence hip-hop.
BBB – Qu’écoutez-vous aujourd’hui ? Que trouve-t-on dans votre playlist à chacun ?
Odrylane (Quentin Bangert) – Irfan/ The Eternal Return et j'ai découvert un groupe de post rock coréen qui joue sur des instruments traditionnels asiatiques : c'est Jambinai.
(Guillaume Levy) – Saltatio Mortis, We Drink Your Blood (Powerwolf cover), Hedningarna, Räven ou Heilung, Krigsgaldr…
(Valentin Descourvières) – Globalement, je dirais qu’on y trouve beaucoup de style différents, allant du métal à la musique du Moyen-Âge, en passant par la musique du monde, le jazz, l’électro ou encore le rap !
BBB – Et y a-t-il un titre "honteux" que vous aimez écouter ?
Odrylane (Quentin Bangert) – Oui, j'aime bien Pakito c'est de la techno, A night to remember.
(Valentin Descourvières) – Récemment, pour une raison mystérieuse que je ne saurai expliquer, j’ai branché La danse des canards, mais ne le criez pas sur les toits par pitié !
BBB – Quel est le dernier livre et le dernier film que vous avez lu et vu ?
Odrylane (Quentin Bangert) – La nature dans ma vie de Sarah Marquis
(Guillaume Levy) –Home de Yann Arthus Bertrand
(Valentin Descourvières) – En ce moment, j’essaie d’avancer dans le Coran, parce que j’estime que ça fait partie de la culture générale, mais j’avoue avoir quelque peu abandonné … Quant au dernier film, c’est complètement hors contexte, mais il s’agit du Dîner de Con…
BBB – Quelle est votre prochaine actualité après la sortie de cet album ? Des concerts ? Des tournées?
Odrylane (Quentin Bangert) – Nous allons refaire des photos pour mieux représenter l'univers du groupe, et il se peut que nous puissions jouer à Tours dans un festival. Et surtout la création de nouveaux morceaux…
(Valentin Descourvières) – À l’heure actuelle, on est tous plus ou moins en vacances. On a quelques concerts de prévus, nous avons joué notamment au festival du Summerlied, le 19 août à Ohlungen. Mais même si on ne présente pas beaucoup d’actualité, je sens que le besoin de composer à nouveau va se faire sentir prochainement.