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cirque

  • Sombres pensées

    L’étrange et le fantastique, le réalisateur mexicain Guillermo del Toro en a fait son univers. Que l’on pense aux chefs-d'œuvre que sont Le Labyrinthe de Pan ou La Forme de l'eau. Il sortait l’an dernier au cinéma Nightmare Alley, avant un Pinocchio attendu sur Netflix. Sans compter la série qu’il dirige, Le Cabinet de curiosité, dont je vous parlerai bientôt.  

    Guillermo del Toro s’attaque dans ce film, visible en ce moment sur Canal+ et sur Disney+, à une adaptation du roman Charlatan de William Lindsay Gresham, qui avait fait l’objet d’un film en 1947, avec Tyrone Power dans le rôle-titre.

    C’est cette fois Bradley Cooper qui endosse le rôle de Stanton Carlisle, marginal et paumé après un acte criminel que le spectateur découvrira à la fin. Le beau gosse tombe sur un cirque aux attractions spectaculaires en vogue dans les années 30. Stanton tombe dans les bras de la voyante Zenna Krumblein (Toni Collette) qui, avec son mari alcoolique Pete, propose un spectacle de médium. Le nouveau venu se rend indispensable au cirque et se lie avec la frêle et sensible Molly Cahill (Rooney Mara). Ils deviennent amants et décident de quitter le cirque pour monter leur propre spectacle grâce à des astuces dérobées à Pete, mort subitement. Stanton et Molly deviennent à New-York de véritables stars. Et c’est là que les ennuis commencent. 

    Un hommage au monde du cirque à Freaks et à La Caravane de l’étrange

    Nightmare Alley, tout en déclinant des thèmes chers au réalisateur (le bizarre, le fantastique, l’étrange), s’en détourne finalement. Il est plutôt question dans le film de tours de magie, de mentalisme et de trucs pour soutirer un peu – ou beaucoup d’argent – à des spectateurs en mal d’émotions fortes ou de consolations venues de l’au-delà (que l'on pense aux scènes du juge Kimball et de sa femme).

    Les pérégrinations de Stanton Carlisle peuvent aussi se lire comme un hommage au monde du cirque mais aussi à Freaks, le chef d’œuvre de Tod Browning ou encore, plus proche de nous, à la série HBO, La Caravane de l’étrange.

    Passé la première heure et demie, Guillermo del Toro fait le choix du thriller, dans un monde de plus en plus noir (nous sommes au début de la seconde guerre mondiale). Escrocs, truands et mafieux entrent en scène, sans oublier une psychanalyste inquiétante, le Dr Lilith Ritter, interprétée par la sulfureuse Cate Blanchett. Celui qui était au sommet de son art du mentalisme et de la manipulation va apprendre à ses dépends ce qu’il en coûte de se mesurer à plus fort que lui.

    Guillermo del Toro se sort parfaitement bien d’un film malgré tout un peu en dessous de ses œuvres précédentes. Bradley Cooper, lui, fait merveille dans un rôle tout en ombres et en fêlures. Sans compter des seconds rôles prestigieux, dont Willem Dafoe, Toni Collette, Richard Jenkins ou Ron Perlman. Rien que ça.

    Nightmare Alley, thriller américain de Guillermo del Toro, avec Bradley Cooper, Cate Blanchett, Toni Collette, Willem Dafoe, Rooney Mara, Richard Jenkins et Ron Perlman2021, 150 mn, Canal+, Disney+
    https://nightmarealleymovie.com
    https://www.canalplus.com/divertissement/nightmare-alley
    https://www.disneyplus.com/fr-fr/movies/nightmare-alley

    Voir aussi : "La vengeance aux deux visages"

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  • Les plus grands sous le plus petit chapiteau du monde

    Imaginez deux minutes un concert qui réunirait les Rolling Stones au complet, les Who, John Lennon et sa compagne Yoko Ono alors que les Beatles sont encore formés. Il y aurait aussi Marianne Faithfull, Eric Clapton, le guitariste Taj Mahal, le violoniste classique Ivry Gitlis, mais encore des trapézistes, des cracheurs de feu et des acrobates . Tout ce petit monde se réunirait sous la tente d’un chapiteau de cirque éphémère, avec Mick Jagger en Monsieur Loyal. Et puisqu’un show de ce genre n’existerait pas sans un public, des spectateurs serait également là, installés dans des gradins, des "spectateurs tirés sur le volet [qui] ignorent qu’ils seront très longtemps les seuls à pouvoir s’en repasser mentalement les images."

    Improbable, non ? Et pourtant, ce projet musical, The Rock and Roll Circus, a bien eu lieu en décembre 1968, a été enregistré par la télé anglaise – mais jamais diffusé à l’époque – et a constitué un virage dans la carrière des Rolling Stones. Le public n’a pu découvrir ce concert étonnant que 28 ans plus tard, en 1996 au cinéma puis en DVD et Blu-ray.

    C’est ce grand foutraque que nous raconte Édouard Graham dans son essai The Rolling Stones Rock And Roll Circus (éd. Le mot et le reste). L’auteur nous raconte, dans son ouvrage dense et précis, les origines, le déroulé et les aléas de ce projet musical resté à la fois unique et copié (le Rock’n’Roll Circus des Strawbs en 1970 ou le Johnny Hallyday Circus deux ans plus tard). Si les Rolling Stones ont l’idée de créer un concert unique autour du cirque (une thématique déjà utilisée parle chanteur Donovan, les Beatles et même les Stones pour Between The Buttons, un titre de 1966), c’est avant tout pour une raison commerciale : leur dernier album Beggars Banquet vient de sortir et il s’agit d’utiliser la télé à des fins promotionnelles.

    Mick Jagger porte ce projet : "Ce ne sont pas les spectateurs qui viendront aux Rolling Stones, ce sont les Stones qui s’inviteront chez eux par le biais de la télévision… L’idée [du cirque] sera (…) centrale". Le mercredi 11 décembre 1968, les studios d’Intertel Television, à Wembley accueillent dont les artistes transformés en forains d’un soir et un public de fans trié sur le volet pour le film The Rock and Roll Circus, réalisé par Michael Lindsay-Hogg.

    Édouard Graham consacre bien évidemment l’essentiel de son livre au show, au cours duquel se succèdent des figures majeures de la pop : le groupe britannique Jethro Tull, Marianne Faithfull, les Who, qui réalisèrent ce soir, d’après des témoins, la meilleure prestation ou encore le bluesman Taj Mahal, qui réalise lui aussi un show remarqué ("L’un des meilleurs moments de ma vie", reconnaît le musicien qui commence en 1968 sa longue carrière.

    Ivri Gitlis qui semble se demander ce qu’il est venu faire dans cette galère 

    De longues pages sont consacrées à la participation de John Lennon, de son groupe éphémère... et de sa nouvelle compagne Yoko Ono. On connaît la vraie fausse rivalité des Stones et des Beatles. Or, pour le Rolling Stones Rock And Roll Circus, le moins que l’on puisse dire est que le co-leader des Beatles joue complètement le jeu de son ami Mick Jagger : il se prête à une fausse interview potache, présentant le groupe Dirty Mac, créé de toute pièce avec les Stones, Lennon et aussi Eric Clapton, tout juste parti des Cream. Au cours de ce concert,  unique dans tous les sens du terme, Édouard Graham ne manque pas d’évoquer la prestation improbable de Yoko Ono dans une performance artistique et "politico-philosophique", parvenant à faire de l’ombre au violoniste Ivri Gitlis qui semble se demander ce qu’il est venu faire dans cette galère. 

    Puisque Mick Jagger et son groupe sont à l’origine du Rolling Stones Rock And Roll Circus, les Stones se taillent la part du lion avec une prestation qui entend être le clou du spectacle. Les interprétations de "Jumpin’ Jack Flash", "Parachute Woman", "No Expectations" ou "Sympathy For The Devil" sont l’occasion pour l’auteur de revenir sur les tensions au sein du groupe, avec un Brian Jones de plus en plus mis à l’écart, quelques mois avant son décès tragique. Édouard Grahams ausculte les relations devenues complexes entre le véritable créateur des Stones et ses comparses devenus des leaders charismatiques et qui finiront d’autant plus par faire plonger Brian Jones que des rivalités amoureuses – Anita Pallenberg, Marianne Faithfull – viennent s’immiscer entre les membres des Stones. "Vers la fin, c’était le genre de gars qu’on redoutait d’avoir au téléphone", a confié crûment John Lennon.

    Concert unique, faussement enfantin et coloré,  The Rolling Stones Rock And Roll Circus est un moment à part dans l’histoire du rock, avec sa part d’ombres, de légendes et de mystères. Peut-être existe-t-il aussi une malédiction dans ce spectacle charnière se déroulant en 1968, année révolutionnaire s’il en est : Brian Jones est retrouvé mort dans sa piscine quelques mois plus tard, les Beatles n’ont plus qu’un an d’existence, Eric Clapton commence une nouvelle carrière après celle au sein des Cream et cette année 68 marque l’arrivée fracassante de Taj Mahal sur la scène blues.

    Resté dans l’ombre, le concert forain des Stones va mettre 28 ans avant d’être diffusé, après des tractations juridiques et des coupes dans les montages. Maintenant qu’une nouvelle édition vient de sortir, l’histoire est-elle finie ? "D’autres fragments inédits émergeront-ils un jour, à la faveur d’une nouvelle action de marketing ? Ce n’est pas impossible", conclue l’auteur. 

    Édouard Graham, The Rolling Stones Rock And Roll Circus, éd. Le mot et le reste, 2021, 180 p.
    https://lemotetlereste.com/musiques/therollingstonesrockandrollcircus
    https://www.imdb.com/title/tt0122689/reference
    https://rollingstones.com

    Voir aussi : "Clatpton, toujours debout"
    "Faites que ça se termine vite"

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